Cour d'appel de Montpellier, 2° chambre, 11 décembre 2018, n° 16/04635

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Gouache Avocats · 7 mars 2019

Les tribunaux ne sont pas liés par l'usage relatif au calcul de l'indemnité de fin de contrat de l'agent commercial, et peuvent tenir compte des circonstances d'espèce. L'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 11 décembre 2018 est une nouvelle occasion pour les juges du fond de rappeler qu'ils ne sont pas liés par l'usage existant pour déterminer le montant de l'indemnité de fin de contrat de l'agent commercial. Il est en effet d'usage d'accorder à l'agent commercial une indemnité correspondant à deux années de commissions. Toutefois, la Cour d'appel de Montpellier rappelle qu'il …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2° ch., 11 déc. 2018, n° 16/04635
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 16/04635
Décision précédente : Tribunal de commerce de Montpellier, 24 mai 2016, N° 2015015744
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2° chambre

ARRET DU 11 DECEMBRE 2018

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/04635 – N° Portalis

DBVK-V-B7A-MV5O

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 MAI 2016

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2015015744

APPELANTE :

SARL CAMACOR, agissant poursuites et diligences de sa gérante en exercice domiciliée en cette qualité au siège

1 domaine de la Figueraie

[…]

Représentée par Me Olivier MENUT, avocat au barreau de BEZIERS

INTIMEES :

SARL QUALIGRASS, prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit au dit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Alain COHEN BOULAKIA de la SELARL JURIPOLE SELARL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Me Adrien COHEN BOULAKIA de la SELARL JURIPOLE SELARL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

SARL Y Z, prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Alain COHEN BOULAKIA de la SELARL JURIPOLE SELARL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Me Adrien COHEN BOULAKIA de la SELARL JURIPOLE SELARL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 16 Octobre 2018

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 NOVEMBRE 2018, en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Madame Anne-Claire BOURDON, conseiller

Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, magistrat honoraire

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

— Contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte sous-seing privé du 1er décembre 2011, la société Qualigrass a conclu avec la société Symbiose un contrat d’agent commercial pour la commercialisation de gazon synthétique sur l’ensemble du territoire français, hormis les départements de l’Hérault et de la Haute-Garonne, ainsi que les pays européens, auprès d’une clientèle non définie au contrat, hormis les clients antérieurement référencés par le mandant, et auxquels celui-ci aura déjà vendu ses produits, et les clients professionnels de la Haute-Garonne (sic) ; l’article 5 du contrat fixe la rémunération hors-taxes due à l’agent commercial, pour la vente aux professionnels, à 2 € par mètre carré sur toutes les ventes réalisées par les distributeurs sur leur zone de chalandise et à 1,50 euro par mètre carré s’il s’agit de ventes auprès d’un franchisé officiel ou un Master franchisé (sic).

Le 1er décembre 2011, la société Y Z, ayant le même dirigeant et le même siège social que la société Qualigrass, a conclu avec la société Symbiose un contrat d’agent commercial, Y pour la commercialisation de gazon synthétique sur

l’ensemble du territoire français, hormis l’Hérault et la Haute-Garonne et plus généralement tous pays potentiellement intéressés par ses produits (sic), aucune clientèle n’y étant particulièrement définie ; la rémunération de l’agent commercial pour la vente directe aux particuliers, fixée à l’article 5 du contrat, étant calculée par rapport à la marge nette dégagée pour chaque opération commerciale.

Les contrats d’agence, dont la société Symbiose était titulaire, ont été cédés, avec l’accord du mandant, à la société Camacor à effet du 1er novembre 2012.

Un avenant au premier contrat d’agent commercial, modifiant l’article 5, a été signé le 24 février 2012 entre la société Qualigrass et la société Camacor prévoyant une rémunération de 1,75 euro par mètre carré vendu aux distributeurs et concessionnaires confondus, outre, d’une part, une prime de 2000 euros pour chaque nouvelle signature de contrat de concessionnaire si le droit d’entrée est de 12'000 euros ou 20 % des sommes perçues si le droit d’entrée est supérieur et, d’autre part, un pourcentage égal à 10 % du bonus de fin d’année rétrocédé par la société Sit-In à la société Qualigrass.

À compter du mois de janvier 2015, des dissensions sont apparues entre les sociétés Qualigrass et Y Z, d’une part, et la société Camacor, d’autre part, à propos du recrutement d’un franchisé (Mme X), désireux de s’implanter en Charente-Maritime, et des conditions de paiement de la rémunération convenue aux termes de l’avenant du 24 février 2012, dissensions qui ont donné lieu à un échange de courriers entre les parties et leurs avocats respectifs.

Par deux lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 8 juin 2015, les sociétés Qualigrass et Y Z ont pris l’initiative de rompre les contrats d’agence pour divers motifs qualifiés de graves, ainsi énoncés :

(')

1-Contrat concession X :

Ce contact a été initié par vos soins. Cependant le candidat concessionnaire X a été «'traité'» avec une rare désinvolture. Il convient de se reporter à notre courrier du 4 février 2015. Nous avons dû, pendant votre absence du 3 février 2015 au 20 février 2015, gérer ce contact, recevoir Mme X, engager une discussion avec elle pour pallier à votre carence. Seule notre intervention a permis de parvenir à la signature du contrat de concession. Par voie de conséquence, et au regard de notre courrier du 4 février 2015, et notre courrier du 18 mars 2015, nous pensions vous ramener à la raison, et que dans le cadre de

« relations d’affaires » basées sur la confiance, vous renonceriez à une commission « moralement » totalement indue. Nous constatons que vous entendez rester sur la position que vous avez adoptée. Nous procéderons donc avec regret au paiement des sommes vous revenant sur la signature de ce contrat de concession qui ne vous incombe en aucune manière. Bien au contraire, votre attitude aurait pu conduire Mme X à ne pas contracter.

2-Omission sur le concessionnaire A B :

Sauf à faire preuve d’une totale mauvaise foi, vous ne pouvez ignorer que le concessionnaire A B n’exerce plus son activité sur les départements 82 et 46. En effet, il exerce à présent son activité sur le département de la Haute-Garonne (31). Cette localisation interdit le commissionnement, en vertu du contrat d’agent

commercial qui nous lie.

3-Votre absence de participation à des foires, salons, et plus généralement votre absence de prospection :

Votre position d’agent commercial est très largement

« sécurisée » par la signature de contrats de concession. Or, nous constatons l’absence de participation à des foires, salons’ Nous ne vous avons pas vu au salon de la franchise ; alors que nous vous avions précisé que le stand était totalement disponible pour tous vos rendez-vous d’affaires. Vous vous êtes aperçus en avril 2015 de la suppression, par vos soins, d’un contrat souscrit auprès de l’observatoire de la franchise, résiliation datant de décembre

2014 ! Vous ne suivez aucun contact. Vous n’effectuez aucune prospection. Vous vous contentez de contacter les concessionnaires par téléphone, étant précisé, par ailleurs, comme il sera explicité ci-après que ces appels ont essentiellement pour objet de déstabiliser le réseau.

4-Déstabilisation du réseau :

Le réseau Y Z est nouveau, et il est obligatoirement

« fragile ». Or, vous n’avez de cesse de semer la confusion, de

« jeter des anathèmes », de vouloir « préserver d’influences peu positives », (votre mail du 3 mars 2015, sic !) d’éventuels futurs concessionnaires’ Le réseau est totalement déstabilisé par vos agissements. Les concessionnaires m’ont fait part de ces tentatives de déstabilisation, et de votre comportement qui ont un effet dévastateur sur ce réseau. Votre désintérêt, manifeste, dans l’exécution de votre mandat, vient heurter le bon sens. Votre inertie, votre incapacité de prendre en compte l’évolution du marché, votre comportement nous obligeant à pallier votre carence, nous amène à être dans l’obligation de prendre une décision visant à mettre un terme à votre contrat d’agent commercial. Il est entendu que le contrat d’agent commercial vous liant à Y Z et le contrat d’agent commercial vous liant à Qualigrass forment un tout indivisible.

(')

Par exploit du 18 septembre 2015, la société Camacor a fait assigner les sociétés Qualigrass et Y Z devant le tribunal de commerce de Montpellier en vue d’obtenir le paiement d’indemnités de rupture et d’indemnités compensatrices de préavis, outre la délivrance sous astreinte par la société Qualigrass des chiffres d’affaires réalisées sur l’ensemble du secteur, y compris ceux de la société A B.

Le tribunal, par jugement du 22 mai 2016, a notamment :

— reconnu la rupture pour faute grave des contrats d’agent commercial entre la société Camacor et les sociétés Qualigrass et Y Z,

— débouté la société Camacor de ses demandes d’indemnités de rupture et de préavis au titre de ses deux contrats d’agent commercial,

— ordonné à la société Qualigrass de communiquer sous un mois, dès la notification du jugement, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la société Camacor le montant du chiffre d’affaires réalisé par la société « A B » jusqu’à la date de rupture des contrats,

— condamné les sociétés Qualigrass et Y Z à payer à la société Camacor les commissions afférentes au chiffre d’affaires ainsi communiqué,

— condamné la société Camacor et les sociétés Qualigrass et Y Z prises in solidum à payer chacune la moitié des dépens de l’instance.

La société Camacor a régulièrement relevé appel, le 14 juin 2016, de ce jugement.

En l’état des conclusions, qu’elle a déposées le 21 mars 2018 via le RPVA, elle demande à la cour, au visa des articles L. 134-1

à L. 134-17 et de l’article R. 134-3 du code de commerce, de':

— confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné à la société Qualigrass de lui communiquer sous un mois de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard le montant du chiffre d’affaires réalisé par la société « A B » jusqu’à la rupture des contrats et condamner les sociétés Qualigrass et Y Z à lui payer les commissions afférentes au chiffre d’affaires ainsi communiquées,

— l’infirmer pour le surplus,

— dire et juger qu’aucune faute grave n’a été commise par elle,

— dire et juger, par conséquent, que les sociétés Qualigrass et Y Z sont redevables des indemnités de rupture,

— condamner la société Qualigrass au paiement de la somme de 115'631,74 euros et la société Y Z au paiement de la somme de 16'512,79 euros,

— dire et juger qu’en l’absence de faute grave de sa part, les sociétés Qualigrass et Y Z restent redevables d’un préavis de trois mois, que les contrats ayant été rompu, avec effet immédiat, elles sont redevables d’une indemnité compensatrice de préavis d’un montant égal aux chiffres d’affaires réalisées le trimestre précédent la rupture et, à défaut, au quart du chiffre d’affaires de l’année précédant la rupture, que la société Qualigrass sera condamnée à ce titre au paiement de la somme de 19'377,44 euros et la société Y Z au paiement de la somme de 844,45 euros,

— dire et juger que la société A B appartient à son secteur et que les opérations par elle réalisées produisent donc des commissions à son profit,

— condamner la société Qualigrass au paiement des commissions dues au titre de la totalité du chiffre d’affaires réalisé par A B (sic),

— condamner d’ores et déjà la société Qualigrass au paiement des commissions dues au titre du chiffre d’affaires réalisé par A B (sic) et qu’elle reconnaît devoir soit la somme de 2986,90 euros hors-taxes,

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné les sociétés Qualigrass et Y Z à lui communiquer sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à venir, les chiffres d’affaires de l’année en cours sur l’ensemble du secteur, y compris ceux réalisés par la société A B (sic),

— condamner solidairement les requises au paiement de la somme de 7000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Qualigrass et Y Z sollicitent, aux termes de leurs conclusions déposées le 30 mai 2018, de voir :

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Montpellier le 25 mai 2016 en ce qu’il a retenu la rupture pour faute grave des contrats d’agent commercial entre la société Camacor et elles,

— débouter la société Camacor de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— débouter celle-ci de ses demandes, fins et conclusions tendant à ce que la société Qualigrass et/ou la société Y Z soient condamnées à régler les commissions relatives au chiffre d’affaires réalisé par la société A B,

— débouter la société Camacor de ses demandes tendant à la production du chiffre d’affaires réalisé par la société Qualigrass auprès de la société A B, sans distinguer le département de Haute-Garonne (département 31) et le département Tarn-et-Garonne (département 82),

— donner acte à la société Qualigrass de ce qu’elle ne s’oppose pas à la communication du chiffre d’affaires réalisé auprès de la société A B, sur le département du Tarn-et-Garonne, jusqu’à la date de rupture des contrats d’agent commercial,

— condamner la société Camacor à leur payer la somme de 4000 euros, chacune, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 16 octobre 2018.

MOTIFS de la DECISION :

Sur la rupture du contrat d’agent commercial

L’article L.134-12 du code de commerce, dont les dispositions sont d’ordre public, prévoit qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu’il perd toutefois le droit à réparation s’il n’a pas notifié au mandant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l’agent.

L’article L.134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l’article L. 134-12 n’est pas due notamment si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial.

Il est constant que la faute grave, privative d’indemnité de rupture, se définit comme étant celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel. Elle se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat.

Il incombe au mandant qui invoque la faute grave de la prouver. Il est constant que le désintérêt manifeste du mandataire peut constituer une faute grave justifiant la privation pour ce dernier des indemnités de rupture.

La société Camacor soutient que les lettres de rupture ne sauraient constituer un tout indivisible, comme l’ont retenu les premiers juges, s’agissant de deux contrats conclus avec deux sociétés différentes ce qui implique que les motifs reprochés soient en lien avec chacun des contractants. Les sociétés intimées soutiennent le contraire au motif qu’elles ont pour objet la commercialisation de gazon synthétique, qu’elles ont le même dirigeant et le même siège social, que les contrats ont été conclus dans les mêmes termes, qu’ils ont été cédés ensemble par la société Symbiose et que la société Camacor les a assignées sans distinction.

S’il ne peut qu’être relevé une certaine connexité entre les deux contrats, il ne saurait toutefois être admis que ces deux contrats constituent une seule relation contractuelle ne serait-ce que parce que chacun des contrats ne lie pas les mêmes parties.

Dès lors, l’exécution et la rupture des contrats d’agent commercial doivent être examinées séparément au regard des motifs invoqués dans les lettres de rupture.

Les contrats d’agent commercail conclus entre la société Camacor et les sociétés Qualigrass et Y Z ont été rompus aux termes de deux courriers strictement identiques en date du 8 juin 2015 décrits dans le rappel des faits.

Le premier motif invoqué est intitulé par les mandants ' Contrat concession X’ pour lequel il est invoqué le motif suivant : 'Ce contact a été initié par vos soins. Cependant le candidat concessionnaire X a été «'traité'» avec une rare désinvolture. Il convient de se reporter à notre courrier du 4 février 2015. Nous avons dû, pendant votre absence du 3 février 2015 au 20 février 2015, gérer ce contact, recevoir Mme X, engager une discussion avec elle pour pallier à votre carence. Seule notre intervention a permis de parvenir à la signature du contrat de concession. Par voie de conséquence, et au regard de notre courrier du 4 février 2015, et notre courrier du 18 mars 2015, nous pensions vous ramener à la raison, et que dans le cadre de

« relations d’affaires » basées sur la confiance, vous renonceriez à une commission « moralement » totalement indue. Nous constatons que vous entendez rester sur la position que vous avez adoptée. Nous procéderons donc avec regret au paiement des sommes vous revenant sur la signature de ce contrat de concession qui ne vous incombe en aucune manière. Bien au contraire, votre attitude aurait pu conduire Mme X à ne pas contracter'.

La société Camacor expose que le dossier X ne concerne que la société Qualigrass. Il ressort cependant du courrier de la société Qualigrass du 18 mars 2015 que le recrutement de Madame X en qualité de concessionnaire concernait les deux sociétés mandantes, celle-ci indiquant que : ' Grâce à notre seule intervention, à l’heure actuelle Qualigrass et Y Z sont arrivées à contracter avec Madame X'. Il doit être observé par ailleurs que le courrier de reproche du 5 février 2015 sur la prise de rendez-vous émane de la société Y Z. Ainsi, le grief peut être

invoqué par les deux sociétés.

Hormis l’affirmation des mandantes sur la difficulté de contracter avec Madame X, il n’est nullement justifié par elles que l’attitude de l’appelante aurait pu nuire à la signature des contrats lesquels ont pu être finalisés.

À l’examen de la lettre de rupture, il apparaît que ce qui est reproché à la société Camacor est en fait d’avoir sollicité le versement de ses commissions que les mandantes estimaient 'moralement indues’ en raison de l’absence d’implication du mandataire. Or, les sommes revenant à la mandataire lui ont été réglées tel que cela est rappelé dans les lettres de rupture.

Eu égard à ce qui précède, ce seul motif ne saurait justifier la rupture pour faute grave du contrat d’agent commercial de la société Camacor.

Le deuxième motif invoqué, intitulé: 'Omission sur le concessionnaire A B', précise : 'Sauf à faire preuve d’une totale mauvaise foi, vous ne pouvez ignorer que le concessionnaire A B n’exerce plus son activité sur les départements 82 et 46. En effet, il exerce à présent son activité sur le département de la Haute-Garonne (31). Cette localisation interdit le commissionnement, en vertu du contrat d’agent commercial qui nous lie'.

Il s’évince de ce motif que ce qui est reproché à la société Camacor est d’avoir sollicité le versement de commissions. Contrairement à ce que soutient l’appelante, ce motif concerne également la société Y Z dans la mesure où la société A B est liée avec cette dernière par un contrat de franchise tel que cela ressort de son papier à en-tête.

Cependant, la demande de commissionnement présentée par la société mandataire ne saurait constituer en soi une faute grave alors qu’il n’est pas discuté qu’une partie du chiffre d’affaires de ce concessionnaire est réalisée dans le Tarn et Garonne, département qui n’est pas exclu par le contrat.

Dès lors, ce motif ne saurait justifier la rupture du contrat d’agent commercial pour faute grave.

Le troisième motif intitulé : 'Votre absence de participation à des foires, salons, et plus généralement votre absence de prospection’ précise : ' Votre position d’agent commercial est très largement « sécurisée » par la signature de contrats de concession. Or, nous constatons l’absence de participation à des foires, salons’ Nous ne vous avons pas vu au salon de la franchise ; alors que nous vous avions précisé que le stand était totalement disponible pour tous vos rendez-vous d’affaires. Vous vous êtes aperçus en avril 2015 de la suppression, par vos soins, d’un contrat souscrit auprès de l’observatoire de la franchise, résiliation datant de décembre

2014 ! Vous ne suivez aucun contact. Vous n’effectuez aucune prospection. Vous vous contentez de contacter les concessionnaires par téléphone, étant précisé, par ailleurs, comme il sera explicité ci-après que ces appels ont essentiellement pour objet de déstabiliser le réseau'.

Il n’est pas discuté que ce reproche ne concerne que la société Qualigrass de sorte que ce motif ne peut être invoqué par la société Y Z.

Il résulte du courrier du 22 juin 2015 de la société Camacor qu’elle a participé à diverses foires à Nantes, Clermont-Ferrand, Dijon et à Paris en mai 2014, ce que ne conteste pas la société Qualigrass dans son courrier en réponse du 26 juin 2015. Le reproche formulé consiste en fait dans l’absence de mise en oeuvre de moyens par la société mandataire elle-même des outils nécessaires en vue de recruter de nouveaux concessionnaires.

Il s’évince de ce qui précède que la société Camacor a donc participé à des foires ou salons mêmes si ceux-ci étaient destinés au grand public.

S’agissant du Salon de la Franchise, la société Camacor fait état de courriers électroniques en date des 5 et 21 mars 2015 par lequels elle a proposé son aide. Il n’est nullement produit aux débats les deux courriers électroniques invoqués qui ne figurent pas sur le bordereau de pièces.

Cependant, la société Qualigrass indique dans son courrier du 26 juin 2015 : ' Vous n’avez jamais voulu vous associer à ce projet, et ce n’est que quelques jours avant l’ouverture du salon que vous vous êtes manifesté pour ' proposer votre aide'. Et encore une fois, même si ce soudain intérêt pour le Salon de la Franchise, quelques jours avant son ouverture, constituait la preuve de votre désinvolture, nous aurions bien évidemment accédé à toute demande tendant à vous obtenir un laisser-passer'.

Il résulte des termes de la réponse qu’en fait la société Camacor a bien proposé son aide pour le Salon de la Franchise et que même si cette proposition a pu intervenir tardivement, un laisser-passer aurait pu être donné. Cependant, outre le fait qu’il n’est nullement démontré le caractère tardif de la proposition d’aide, il ressort de ce qui précède que la société Camacor a exprimé sa volonté de participer au Salon, ce qu’elle n’a pu faire.

Dès lors, il n’est nullement justifié au travers de ce motif une faute grave constituée par un désintérêt manifeste à l’exécution du mandat imputable à la société mandataire.

Le quatrième motif intitulé 'Déstabilisation du réseau’ précise :

' Le réseau Y Z est nouveau, et il est obligatoirement

« fragile ». Or, vous n’avez de cesse de semer la confusion, de

« jeter des anathèmes », de vouloir « préserver d’influences peu positives », (votre mail du 3 mars 2015, sic !) d’éventuels futurs concessionnaires’ Le réseau est totalement déstabilisé par vos agissements. Les concessionnaires m’ont fait part de ces tentatives de déstabilisation, et de votre comportement qui ont un effet dévastateur sur ce réseau. Votre désintérêt, manifeste, dans l’exécution de votre mandat, vient heurter le bon sens. Votre inertie, votre incapacité de prendre en compte l’évolution du marché, votre comportement nous obligeant à pallier votre carence, nous amène à être dans l’obligation de prendre une décision visant à mettre un terme à votre contrat d’agent commercial. Il est entendu que le contrat d’agent commercial vous liant à Y Z et le contrat d’agent commercial vous liant à Qualigrass forment un tout indivisible.

Ce motif ne concerne en fait que la société Y Z de sorte que la société Qualigrass ne peut s’en prévaloir.

Ce motif n’est corroboré par aucune pièce de nature à démontrer les tentatives de déstabilisation et du comportement dévastateur sur le réseau à l’exception d’un courrier du 27 mai 2015 émanant de Y Z Gironde, sans indication du nom du signataire ni d’indication sur la forme sociale de cette entreprise dans la mesure où il n’est pas établi sur un papier à en-tête, et un courrier de la société Béguy en date du 23 décembre 2016, donc postérieur à la rupture, qui ne fait état que de la politique commerciale agressive des gérants de la société Camacor.

À défaut de démontrer ce grief, la faute grave ne saurait être retenue.

En outre, il est démontré par la société Camacor qu’elle a apporté des partenaires tels que la société Daniel Moquet pour lesquels elle a perçu un commissionnement et qu’elle a participé à des manifestations. Dès lors, il ne saurait lui être reproché un désintérêt dans l’exécution des mandats qui lui avaient été confiés.

En conséquence, le jugement dont appel sera infirmé en ce qu’il a reconnu la rupture pour faute grave des contrats d’agent commercial entre la société Camacor et les sociétés Qualigrass et Y Z.

Sur les demandes indemnitaires de la société Camacor

- Sur l’indemnité de préavis

L’article L134-11 du code de commerce dispose:

'Un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée.

Lorsque le contrat d’agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède.

La durée du préavis est d’un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l’absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d’un mois civil.

Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l’agent.

Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d’une faute grave de l’une des parties ou de la survenance d’un cas de force majeure'.

Les deux contrats ayant une durée supérieure à trois ans au moment de la rupture des relations contractuelles, il est dû à la société Camacor une indemnité compensatrice de préavis de 3 mois pour chaque contrat.

Les sociétés mandantes s’opposent au versement des sommes sollicitées par la société Camacor sans pour autant donner d’élément chiffré ni de calcul de l’indemnité qu’elle pourrait devoir dans son argumentation subsidiaire.

Au titre de l’indemnité de préavis due par la société Qualigrass, au regard des récapitulatifs de versements intervenus en 2013, 2014, la moyenne des commissions s’établit à hauteur de 4 817 euros par mois pouvant être arrondie à hauteur de 5 000 euros.

En conséquence, il convient de condamner la société Qualigrass à payer à la société Camacor la somme de 15 000 euros au titre de l’indemnité de préavis.

Au titre de l’indemnité de préavis due par la société Y Z, il convient d’allouer à la société Camacor la somme de 844,45 euros.

- Sur l’indemnité de rupture

Le préjudice indemnisable prévu par les dispositions de l’article

L 131-12 du code de commerce précité résulte, pour le mandataire, de la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune qui reste acquise au mandant.

Il incombe au mandataire de justifier du préjudice résultant de la rupture du contrat.

S’il est d’usage d’accorder à l’agent commercial une indemnité correspondant à deux années de commissions, il n’est nullement obligatoire de déterminer le montant de l’indemnité compensatrice de cette manière dans la mesure où il peut être tenu compte notamment de la durée du mandat, des circonstances de la rupture ou de la possibilité pour l’agent commercial de se rétablir ainsi que des investissements qu’il a pu réaliser.

En l’espèce, la relation contractuelle a duré du 1er décembre 2011 au 8 septembre 2015, date de fin du préavis, soit un peu moins de quatre ans.

Il doit être pris en considération la durée relativement courte des liens contractuels, étant rappelé que la société Camacor a repris les contrats d’agent commercial le 1er novembre 2012 auprès de la société Symbiose. Il n’est pas non plus justifié d’investissements spécifiques.

Ainsi, eu égard au fait que la rupture des contrats a causé nécessairement un préjudice à la société Camacor, il convient de limiter son indemnisation à hauteur de 60 000 euros au titre de la perte de revenus engendrée par la rupture du contrat la liant à la société Qualigrass et à hauteur de 8 000 euros pour le contrat la liant à la société Y Z.

Sur les commissions

Le litige porte sur les commissions générées par la société A B. Il résulte des explications des parties et de leurs pièces que cette société est implantée dans le département du Tarn et Garonne ( 82 ) et dans le département de la Haute Garonne

( 31 ) qui est exclu du champ des commissions.

Eu égard aux termes du contrat, la société Camacor ne peut réclamer de commissions que sur les ventes réalisées par la société A B sur le département du Tarn et Garonne (82).

Par courrier officiel en date du 24 novembre 2016, le conseil de la société Qualigrass a transmis au conseil de la société Camacor cinq factures adressées à la société A B de février à mai 2015.

La société Camacor ne saurait réclamer la totalité des commissions sur ces factures, pour un montant total de 2 986,80 euros HT dans la mesure où des ventes sont intervenues dans le département de la Haute Garonne.

La société Qualigrass demande à la cour de lui donner acte de ce qu’elle ne s’oppose pas à la communication à la société Camacor du chiffre d’affaires réalisé par la société A B sur le département du Tarn et Garonne jusqu’à la date de rupture des contrats d’agent commercial.

Il est regrettable que la société Qualigrass n’ait pas transmis ces pièces spontanément afin qu’il puisse être statué définitivement sur ce chef de demande.

Les premiers juges ont condamné la société Qualigrass à communiquer sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement le chiffre d’affaires réalisé par la société A B jusqu’à la rupture des contrats. Cependant, en raison du fait que la société Qualigrass est en mesure de communiquer le chiffre d’affaires réalisé par la société A B sur le département du Tarn et Garonne, il convient de modifier l’astreinte prononcée dans les termes figurant au dispositif du présent arrêt, laquelle sera appliquable également à la société Y Z.

La décision dont appel sera confirmée en ce qu’elle a condamné les sociétés intimées à payer les commissions sur la base du chiffre d’affaire ainsi communiqué.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Succombant en appel, les sociétés Qualigrass et Y Z doivent être condamnées in solidum aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à la société Camacor la somme de 3 000 euros au titre des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Réforme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 25 mai 2016, en ce qu’il a :

— reconnu la rupture pour faute grave des contrats d’agent commercial entre la société Camacor et les sociétés Qualigrass et Y Z,

— débouté la société Camacor de ses demandes d’indemnités de rupture et de préavis au titre de ses deux contrats d’agent commercial,

— ordonné à la société Qualigrass de communiquer sous un mois, dès la notification du jugement, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la société Camacor le montant du chiffre d’affaires réalisé par la société « A B » jusqu’à la date de rupture des contrats,

— condamné la société Camacor et les sociétés Qualigrass et Y Z prises in solidum à payer chacune la moitié des dépens de l’instance.

Statuant à nouveau de ces chefs,

— dit les ruptures des contrats d’agent commercial dépouvues de faute grave,

— condamne la société Qualigrass à payer à la société Camacor la somme de 15 000 euros au titre de l’indemnité de préavis,

— condamne la société Y Z à payer à la société Camacor la somme de 844,45 euros au titre de l’indemnité de préavis,

— condamne la société Qualigrass à payer à la société Camacor la somme de 60 000 euros au titre de l’indemnité de rupture,

— condamne la société Y Z à payer à la société Camacor la somme de 8 000 euros au titre de l’indemnité de rupture,

— condamne les sociétés Qualigrass et Y Z à communiquer à la société Camacor le chiffre d’affaires qu’elles ont réalisé avec la société A B sur le département du Tarn et Garonne jusqu’à la date de rupture des contrats d’agent commercial, soit le 8 septembre 2015, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt,

Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne in solidum les sociétés Qualigrass et Y Z aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à la société Camacor la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Le greffier, Le président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Montpellier, 2° chambre, 11 décembre 2018, n° 16/04635