Cour d'appel de Montpellier, 1° chambre b, 14 novembre 2019, n° 19/03760

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 1° ch. b, 14 nov. 2019, n° 19/03760
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 19/03760
Sur renvoi de : Cour de cassation, 5 mars 2019, N° 13/00199
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE :

X

SCI ELOES

C/

SA SOCIETE GENERALE

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1° Chambre B

ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2019

N° RG 19/03760 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OFWN

Décisions déférées à la Cour :

Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 06 Mars 2019, enregistrée sous le n° 241-FS qui casse et annule l’arrêt de la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE, en date du 11 Mai 2017, statuant sur l’appel portant sur le jugement du Tribunal de Grande Instance d’AIX-EN-PROVENCE, en date du 16 Mars 2015, enregistrée sous le n° 13/00199

DEMANDEURS A LA SAISINE:

Monsieur Z X

né le […] à MARSEILLE

de nationalité Française

[…]

13110 PORT-DE-BOUC

Représenté par Me Amine FARAJ, avocat au barreau de MONTPELLIER

SCI ELOES, immatriculée au RCS d’AIX EN PROVENCE sous le n° 422 336 370, prise en la personne de son représentant légal en exercice

[…]

13110 PORT-DE-BOUC

Représentée par Me Amine FARAJ, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant

Représentée par Me FAYOLLE, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE, plaidant présent

DÉFENDERESSE A LA SAISINE

SA SOCIETE GENERALE, immatriculée au RCS de Paris sous le n° B 552 120 222, représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Représentée par Me Franck DENEL de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me BARTHELEMY, avocat audit barreau, postulant

Représentée par Me PAYEN, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE, plaidant présent

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 24 SEPTEMBRE 2019

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 OCTOBRE 2019,en audience publique, Monsieur A B ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur A B, Président de chambre

Madame Chantal RODIER, Conseiller

Monsieur Christian COMBES, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Madame Mélanie VANNIER, Greffière lors des débats et lors du prononcé

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition de l’arrêt le 14 Novembre 2019, signé par Monsieur A B, Président de chambre et par Madame Mélanie VANNIER, Greffière.

*

* *

LES FAITS, LA PROCÉDURE ET LES PRÉTENTIONS :

Vu le jugement rendu par le tribunal de Grande instance d’Aix-en-Provence en date du 16 mars 2015 ;

Vu l’appel de Monsieur Z X et de la société civile immobilière ELOES, et l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 11 mai 2017 ;

Vu le pourvoi de Monsieur Z X et de la société civile immobilière ELOES, et l’arrêt de la Cour de cassation en date du 6 mars 2019, saisissant la cour de Montpellier comme cour de renvoi ;

Vu la déclaration de saisine de la cour de renvoi en date du 31 mai 2019, à la requête des appelants ;

Vu les conclusions de la société ELOES et de Monsieur X, en date du 23 septembre 2019 ;

Vu les conclusions de la Société Générale en date du 2 septembre 2019 ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 24 septembre 2019 ;

SUR CE':

Attendu que les appelants n’ont pas formé deux déclarations de saisine de la cour de renvoi , mais une déclaration d’appel qui a été déclarée irrecevable, et une déclaration de saisine de la cour de renvoi en date du 31 mai 2019, dont la régularité n’est pas contestée ;

Attendu que la déclaration de saisine du 31 mai 2019 ne saurait donc être déclarée irrecevable au seul motif qu’elle a été précédée d’une déclaration d’appel qui a été déclarée irrecevable, ce qui n’a pas conféré force de chose jugée au jugement de première instance puisque ce dernier avait fait l’objet d’un appel qui a été vidé, et que l’arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation, prononçant un arrêt saisissant la cour de renvoi , la déclaration de saisine de cette cour de renvoi en date du 31 mai 2019 n’étant pas contestée dans sa régularité ;

Attendu que la cour de renvoi est saisie à l’issue d’une cassation partielle, seulement en ce que l’arrêt cassé a déclaré prescrite l’action responsabilité contractuelle engagée par la société civile immobilière et par Monsieur X contre la Société Générale ;

Attendu que l’action n’est pas prescrite, dans la mesure où le dommage invoqué par Monsieur X, souscripteur des contrats d’assurance-vie nantis, consiste en la perte de la chance d’éviter la réalisation du risque que, du fait d’une contre-performance de ces contrats, leur rachat ne permette pas de rembourser le prêt in fine consenti à la société civile immobilière, puisque ce risque n’a pu se réaliser qu’au terme convenu de ce prêt, en 2011, de sorte que ce dommage, comme celui, par ricochet, invoqué par la SCI, n’avait pu survenir qu’au terme du prêt ;

Attendu que la conviction qu’a pu avoir le souscripteur, avant le terme du prêt, de ce que ce rachat ne serait pas possible ne permet pas de lui opposer une date certaine à partir de laquelle il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action, au sens de l’article 2224 du Code civil, dans la mesure où seule la survenue du terme permettait de connaître avec certitude la réalité et l’ampleur du dommage allégué, à savoir le différentiel entre les valeurs de rachat des contrats d’assurance-vie et l’échéance in fine du prêt ;

Attendu que l’action de Monsieur X et celle de la société civile immobilière ne sont donc pas prescrites ;

Attendu que l’opération finalisée par l’appelant, sur proposition non contestée de la Société Générale, agissant non pas comme prestataire de services d’investissement

(article L533-1 du code monétaire et financier) mais comme prêteur et intermédiaire en assurances, a consisté d’une part pour la société civile immobilière ELOES à se voir consentir un prêt immobilier in fine d’un montant de 1'090'000 Fr., remboursable en une seule fois l’issue d’une période de 144 mois, pour acheter un appartement à Marseille, avec souscription parallèle par Monsieur X de deux contrats d’assurance-vie HEVEA et YUCCA, avec versement initial de 100'000 Frs sur le premier, et versements mensuels de 300 Frs sur le second qui étaient prévus ;

Attendu que la concomitance des dates, 7 mai 1999 pour le prêt et 22 mars 1999 pour les contrats d’assurance-vie ne permet pas de contester sérieusement le caractère global de l’opération, d’autant que les contrats d’assurance-vie étaient nantis en garantie du remboursement du prêt, outre une affectation hypothécaire du bien acheté et deux engagements de caution personnelle des époux X, et la caution du crédit logement ;

Attendu que Monsieur X se plaint en réalité de ce qu’au moment du remboursement in fine, les sommes investies sur les contrats d’assurance-vie n’avaient pas engendré les bénéfices escomptés, et n’ont pas permis de payer cette échéance finale, puisque HEVEA n’a présenté au 9 mars 2012 qu’un montant de 11'337,83 euros, inférieur au versement initial de 100'000 Frs, et que YUCCA n’a été valorisé à la même date que d’un montant de 7680,16 euros ;

Attendu qu’il affirme d’une part que la banque a méconnu son devoir d’information et de conseil, car il n’était pas au courant des risques encourus, ayant la certitude que les contrats d’assurance-vie lui permettraient d’acquitter l’échéance finale du prêt ;

Attendu qu’il soutient par sa pièce numéro 29 que l’avenant de transfert en garantie permettait, en cas d’exigibilité normale ou anticipée de l’obligation garantie, d’affecter au remboursement l’épargne constituée au titre de l’adhésion, à due concurrence, le surplus étant laissé à la libre disposition des bénéficiaires désignés';

Attendu que cela impliquait pour lui la certitude d’un reliquat bénéficiaire, ce qui explique qu’il a investi la totalité de ses liquidités, avec une option HEVEA équilibre qui lui permettait d’éviter tout risque ;

Attendu qu’il ne pouvait imaginer un seul instant que le placement qui lui a été recommandé n’était absolument pas sécurisé, étant profane en la matière ;

Attendu qu’à l’issue de la période de 144 mois, la valeur de rachat des assurances-vie n’atteignait même pas le capital investi ;

Attendu que pour sa part, la Société Générale indique qu’à la date de la demande d’adhésion assurance-vie, il n’existait pas d’obligation de mentionner le risque pour les supports en unités de compte, cette obligation n’ayant été imposée que pour les contrats souscrits après le 1er mars 2000 par l’article A 132'cinq du code des assurances ;

Attendu que par ailleurs, toujours pour la banque, l’obligation de conseil ne peut être retenue en l’absence de tout mandat de gestion ;

Mais attendu que pour autant, les pièces régulièrement communiquées par la Société Générale, pour démontrer le respect de l’obligation d’information ne sont pas suffisamment probantes ;

Attendu que tenant la globalité de l’opération, qui impliquait à tout le moins un allégement de l’échéance finale par la valeur de rachat des assurances-vie nanties, la Société Générale se devait d’informer le souscripteur de l’adéquation des souscriptions avec le but recherché, que ce soit en cas de valorisation laissant subsister un reliquat, ou en cas de perte toujours possible après valorisation des unités de compte ;

Attendu qu’aucune information n’a été véritablement donnée sur ce qui s’est révélé possible, à savoir que le capital initialement investi dans les assurances-vie s’est traduit par une perte, et qu’en réalité l’échéance finale a dû être supportée dans des proportions qui n’ont même pas été allégées par un maintien du capital investi ;

Attendu qu’à cet égard, le dossier de la Société Générale et singulièrement léger, puisqu’il comporte tout d’abord une note d’information sur le support YUCCA, avec un support sécurité, ou un support équilibre, dont il est simplement précisé pour le premier qu’il s’agit d’obligations à taux fixe, sélectionnées en fonction des meilleures signatures et de la qualité des émetteurs, et pour le second qu’il pourra, en fonction de l’évolution des marchés, être investi en OPCVM d’actions françaises et étrangères, à concurrence de 40 % minimums et jusqu’à 60 % de l’actif ;

Attendu qu’il est précisé que pour le support Yucca équilibre, la valeur de rachat est égale à la contre-valeur en francs français des unités de compte inscrites, pour ce support, avec une valeur pour ce support qui ne pourra être inférieur au nombre d’unités de compte indiqué ci-après, contenu des frais de gestion annuelle ;

Attendu que pour la note d’information HEVEA (pièce numéro trois), il est indiqué pour le support HEVEA équilibre choisi que l’objectif de ce fonds commun de placement de capitalisation est la valorisation du capital sur la durée de placement recommandé, avec la même stipulation en page quatre concernant le seuil du nombre d’unités de compte représentatif de la valeur de rachat, en fonction des anniversaires du placement ;

Attendu qu’en matière de valorisation du capital, l’ espèce n’appelle pas de grand commentaire ;

Attendu que l’on cherchera vainement dans ces deux notes d’information un avertissement clair et dénué de toute ambiguïté selon lequel, sur la durée et en fonction de l’évolution des marchés et donc de la valeur de rachat, il était possible que le capital initialement investi ne soit pas intégralement récupéré, et donc que l’objectif recherché , à savoir une optimisation du placement pour alléger l’échéance finale du prêt, soit atteint, fût ce en partie, et non pas totalement raté comme en l’espèce, par un renversement complet des rendements pouvant être escomptés à partir de celui qui existait au moment de la souscription, et qui était de 22 % (pièce numéro 12 et 13) ;

Attendu qu’ainsi, il n’est pas contesté qu’en 2000, le rendement pour Yucca est devenu négatif (-1,11 %), et presque nul pour HEVEA (1,02 %), tandis qu’en 2001 et 2002 les rendements ont été négatifs (-7,89 % et -16,28 % et -17,14 % selon les supports) pour redevenir positifs mais de 6,89 % 2003 ;

Attendu que le choix d’un support équilibre ne change rien à ces constatations objectives sur l’absence d’information claire et dénuée d’ambiguïté quant à la possibilité d’une perte sur le capital investi, au-delà même d’un rendement escompté sans commune mesure avec l’échéance finale, puisque la Société Générale ne donne aucune information sur les rendements des autres supports qui n’ont pas été choisis, ce qui laisse à penser que sur la période ils ont été tout aussi peu profitables ;

Attendu qu’en cours d’exécution du contrat, force est de constater qu’au vu des pièces régulièrement communiquées, aucune information ou suivi n’a été prodigué, alors même que le renversement des taux de rendement rendait plausible pour un professionnel comme la banque l’échec futur de l’opération globale consistant à tout le moins alléger l’échéance finale par le produit du rendement des assurances-vie proposées à la souscription initiale ;

Attendu qu’en conclusion sur ce volet précis, la cour estime que le banquier s’est abstenu de porter à la connaissance de son client les données, claires et dénuées d’ambiguïté pour un profane, lui permettant de prendre la mesure complète du risque auquel son choix exposait ses placement, et l’information dont il se prévaut ne résulte ni des notices d’information produites, ni du choix possible des supports proposés, puisqu’il n’est pas démontré que l’un quelconque de ces supports mettait le souscripteur à l’abri du risque qui s’est réalisé ;

Attendu que la principe de la responsabilité de l’intermédiaire d’assurance au titre de son obligation d’information complète entre les caractéristiques des placements proposés et le but recherché est donc acquis';

Attendu qu’en revanche, et s’agissant de l’obligation de mise en garde, elle concerne la SCI ELOES emprunteuse, dont rien ne démontre pour autant qu’en empruntant dans les conditions précitées, elle ait été privée d’une mise en garde sur le risque d’endettement excessif stricto sensu, puisque la cour ignore tout de la surface de cette société civile immobilière, ou du rendement locatif escompté , à partir de l’achat de l’appartement marseillais ;

Attendu qu’en d’autres termes, il n’existe pas de lien direct démontré entre le rendement reproché des contrats d’assurance-vie, qui ne concerne que Monsieur X souscripteur, d’une part, et le montant des intérêts échus courus depuis le 16 août 2012 et supportés par la société civile immobilière, d’autre part, outre ce dont elle est débitrice envers le crédit logement , référence faite à la demande précise à laquelle se limite cette société civile immobilière (5726,33 euros) ;

Et attendu que s’agissant du seul préjudice résultant pour Monsieur X d’un manquement à l’obligation d’information de la banque, il ne peut être que la traduction d’une perte de chance de ne pas investir dans les supports proposés, au moment de la souscription ;

Et attendu que cette perte de chance ne saurait être évaluée à l’aune du montant du différentiel entre la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie et le rendement attendu, différentiel estimé par l’intéressé à 147'150,44 euros ;

Attendu qu’au vu du rendement attractif qui existait lors de la souscription (22 %), il est certain que Monsieur X a été séduit par le placement proposé, et rien ne démontre avec certitude qu’il n’aurait pas souscrit, la cour estimant la perte de chance à 33 %, ce qui justifie l’allocation de dommages-intérêts à hauteur de 50 000€ ;

Attendu qu’une somme de 3000 € est justifiée au titre des frais inéquitablement exposés en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant contradictoirement,

Tenant l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 16 mars 2015, qui n’a pas été cassé s’agissant de la condamnation de la société civile immobilière ELOES à payer au crédit logement la somme de 152'876,77 euros en principal outre intérêts au taux légal, avec capitalisation ;

Déclare l’appel partiellement fondé ;

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Déclare non prescrite l’action en responsabilité contractuelle engagée par la société ELOES et par Monsieur X ;

Et statuant à nouveau, condamne la Société Générale à payer à Monsieur X la somme de 50'000 € à titre de dommages-intérêts ;

Dit n’y avoir lieu à condamnation de Monsieur X au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en premier ressort ;

Déboute les appelants de toutes autres prétentions au principal';

confirme pour le surplus le jugement de premier ressort ;

Condamne la Société Générale aux dépens exposée dans la cour de renvoi, à recouvrer au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile, outre à payer une somme de 3000 € à Monsieur X au titre des frais inéquitablement exposés devant la cour de renvoi.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

MV/GT

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