Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 1er juillet 2020, n° 16/00452

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2e ch. soc., 1er juill. 2020, n° 16/00452
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 16/00452
Décision précédente : Cour d'appel de Montpellier, 20 novembre 2016, N° F15/00052
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

PC/VD

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 01 JUILLET 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/00452 – N° Portalis

DBVK-V-B7A-M5KS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 NOVEMBRE 2016

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER N° RG F15/00052

APPELANT :

Monsieur Z A

[…]

[…]

Représenté par Me Sarah MASOTTA de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Société CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES GROUPAMA MEDITERRANEE

Maison de l’Agriculture – Bât. […]

[…]

Représentée par Me Pascal ADDE de la SCP GRAPPIN – ADDE – SOUBRA, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 08/06/2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, l’affaire a été jugée sans audience, les parties ayant expressément accepté le recours à la procédure sans audience et déposé à la cour leur dossier contenant leurs écritures régulièrement déposées et notifiées ainsi que leurs pièces visées au bordereau. Elles ont été préalablement avisées, sans opposition de leur part, du prononcé de l’arrêt par mise à disposition au greffe de la juridiction dans le délai de deux mois ainsi que de la

date de clôture des débats par une note du premier président de la cour d’appel adressée aux bâtonniers du ressort le 09/04/2020. Le Président Masia a fait un rapport de l’affaire devant la cour composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors de la mise à disposition : M. Z B

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Z B, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Selon lettre du 19 décembre 1984, M. Z A a été engagé à durée indéterminée et à temps complet par le groupement d’intérêt économique Groupama Vaucluse constitué entre la Sanda et la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles de Vaucluse, avec reprise de son ancienneté au 1er septembre 1984 et affectation à compter du 1er janvier 1985 au service des sociétaires en tant que gestionnaire Ama hautement qualifié, statut salarié agricole.

Sa carrière a évolué :

—  2 janvier 1989 : secrétaire du bureau local supérieur de la caisse locale de Cavaillon,

—  1er octobre 1991 : secrétaire du bureau local hautement qualifié, statut agent de maîtrise supérieur c’est-à-dire responsable du point de service de Perthuis,

—  1er janvier 1994 : chef de section,

—  1994 : conseiller en gestion au sein du service technique externe,

—  1er avril 2000 : responsable de gestion du département de la Drôme, statut chef de service 2e classe

—  1er juillet 2002 : responsable d’unité de gestion départementale,

—  1 e r j a n v i e r 2 0 0 4 : r e s p o n s a b l e d ' u n i t é d e g e s t i o n r e c o u v r e m e n t contentieux/surveillance à Montélimar,

—  1er juillet 2006 (après modification de l’équipe de direction générale de Groupama Sud) : directeur technique d’assurance, statut cadre de direction responsable assurances,

—  2009 : directeur métiers assurance et informatique Groupama Sud,

—  2012 : directeur technique Groupama Méditerranée,

— juillet 2013 : directeur commercial marchés spécialisés (entreprises, collectivités, courtage, agricole, Corse).

Au dernier état des relations contractuelles, la rémunération mensuelle brute de M. Z A s’élevait à la somme de 7.320 €.

En juillet 2014, un nouveau directeur général a été nommé en la personne de M. D E.

Le 27 décembre 2014, M. Z A a été placé en arrêt de travail jusqu’au 27 janvier 2015 régulièremement prolongé jusqu’au 22 juin 2015 pour trouble dépressif.

Par lettre du 30 décembre 2014 au directeur général, il s’est plaint des méthodes de management de ce dernier, a évoqué la dégradation de ses conditions de travail, a déploré notamment depuis fin août 2015 la réduction de son périmètre d’intervention, son éviction des instances décisionnaires auxquelles il participait jusque-là en tant que cadre dirigeant et a listé les événements survenus depuis septembre 2015, considérant qu’ils démontraient une volonté de la part de la direction de l’écarter d’un fonctionnement collaboratif.

Par lettre du 7 janvier 2015, M. D E s’est dit surpris du contenu du courrier, évoquant notamment la concomitance des faits exposés avec la promotion professionnelle de l’épouse du salarié, Mme F G salariée de Groupama, celle-ci devant rejoindre le poste de secrétaire général du groupement au Antilles Guyane, et le refus opposé au souhait du salarié de bénéficier d’une rupture conventionnelle pour suivre son épouse aux Antilles et développer une activité externe à Groupama.

Par lettre du 8 janvier 2015, M. Z A a contesté les termes de ce courrier, écartant tout calcul dans sa démarche.

Par courriers séparés du 13 janvier 2015, il a informé le médecin du travail et l’inspecteur du travail de la dégradation de son état de santé psychique en lien avec sa situation professionnelle.

Selon requête du 14 janvier 2015 reçue le lendemain, faisant valoir qu’il était victime de harcèlement moral de la part de Groupama Méditerranée, M. Z A a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier aux fins de résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur et d’indemnisation de son préjudice.

Selon avis du 23 novembre 2015, date de la deuxième visite médicale de reprise, le médecin du travail l’a déclaré inapte au poste de travail de directeur des entreprises collectivité et courtage ainsi qu’à tout autre poste dans l’entreprise Groupama

Méditerranée, sans proposition de reclassement, précisant que son état de santé ne lui permettait pas d’assurer une activité salariée quelconque à cette date, même dans une autre entreprise du groupe.

Par lettre du 22 janvier 2016, le poste d’inspecteur corporel de la région Alpes-Côte d’Azur lui a été proposé ; il a refusé cette possibilité de reclassement, estimant qu’elle ne respectait pas les préconisations du médecin du travail et que le poste proposé s’analysait en une rétrogradation puisque sa classification était inférieure de trois niveaux à celle dont il bénéficiait auparavant.

Par lettre du 18 février 2016, M. Z A a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement, fixé le 2 mars 2016, auquel il ne s’est pas présenté après avoir prévenu de son absence.

Par lettre du 10 mars 2016, l’employeur lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 21 novembre 2016, le conseil de prud’hommes a débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes, a débouté la caisse régionale d’assurances mutuelle agricole Groupama Méditerranée de ses demandes reconventionnelles et a mis les dépens à la charge du salarié.

Par déclaration du 29 novembre 2016, M. Z A a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 13 janvier 2017, M. Z A demande à la Cour de

— réformer en toutes ses dispositions le jugement ;

— constater qu’il a été victime d’agissements répétés de harcèlement moral de la part de la société Groupama ayant des répercussions graves sur son état de santé et empêchant toute poursuite de la relation salariale ;

— prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Groupam ;

A titre infiniment subsidiaire, de dire le licenciement pour inaptitude notifié en cours de procédure sans cause réelle et sérieuse ;

Dans les deux cas, de

— condamner la société Groupama à lui payer les sommes suivantes, étant précisé que les montants indemnitaires seront fixés nets de Csg et de Crds :

* 60.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 48.879 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 4.888 € à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

* 200.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— la condamner aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Au soutien de ses demandes, M. Z A expose pour l’essentiel que l’employeur n’apporte aucune réponse aux griefs objectifs développés dans ses écritures démontrant le non-respect de l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail, qu’il s’est livré à une analyse isolée, parcellaire et de mauvaise foi grossière des pièces versées à l’appui de sa demande et qu’il l’accuse opportunément, à tort, d’avoir monter une mise en scène d’un mal-être inexistant pour obtenir une rupture conventionnelle et rejoindre son épouse mutée en Antilles-Guyane.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 21 février 2017, la Caissse régionale d’assurances mutuelles agricoles méditerranée, Groupama Méditerranée demande à la Cour de

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. Z A de toutes ses demandes ;

— à titre reconventionnel, de le condamner au paiement de la somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Au soutien de ses demandes, Groupama Méditerranée expose pour l’essentiel que M. Z A a mis en scène son prétendu mal-être pour pouvoir négocier son départ afin de rejoindre son épouse mutée aux Antilles-Guyane et qu’il ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence de faits ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la Cour se réfère aux conclusions écrites auxquelles les parties ont expressément déclaré se rapporter lors des débats.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral.

Selon l’article L.1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, l’article L.1154-1 du même Code prévoit que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, M. Z A fait valoir les éléments suivants:

— deux jours après un séminaire du comité exécutif du 27 août 2014 auquel il avait participé, le nouveau directeur général l’a convoqué en entretien informel et a remis en cause ses qualités professionnelles et personnelles (attitude prétendument non-conforme pour un cadre de direction, compétences techniques insuffisantes), dans des termes virulents, pour lui nuire et l’inciter à quitter la société,

— réduction considérable de son périmètre d’intervention et de ses responsabilités : retrait de la gestion du marché ACPS pour lequel il avait oeuvré en qualité de pilote du déploiement de l’outil « smart pro » et retrait de l’important marché agricole sur lequel il travaillait depuis plus d’un an, pour lequel il était référent du domaine climatique sur récoltes,

— mise à l’écart progressive du fonctionnement collaboratif : exclusion du comité de direction générale (anciennement dénommé comité exécutif) alors qu’il en était membre permanent en qualité de cadre dirigeant, exclusion du comité métier en qualité de membre permanent, sa participation devenant seulement ponctuelle,

— absence d’entretien individuel à compter de septembre 2014 alors que ce type d’entretiens se tenait auparavant tous les 15 jours, absence de réponses à ses sollicitations par mail portant sur des sujets directement en rapport avec l’exercice de ses responsabilités contractuelles, report de présentation de dossiers importants aux instances du groupe dans l’attente de l’arrivée de sa future responsable, traitement de dossiers par la direction générale directement avec ses collaborateurs,

— exclusion de l’animation du projet d’entreprise en tant que pilote de chantier alors que tous ses collègues se sont vu confier un ou plusieurs chantiers en pilotage,

— comportements humiliants, attaques personnelles et accusations non fondées.

Pour établir ces faits, M. Z A verse aux débats les pièces suivantes :

— son courrier du 30 décembre 2014 adressé au directeur général relatif à l’entretien informel du 29 août 2014 aux termes duquel il indique que ce dernier l’a dénigré de façon très violente, tant sur son attitude personnelle que sur ses compétences techniques, ses capacités de fonctionnement et de prise de responsabilité ; ce qui l’a profondément marqué compte tenu de la volonté de lui nuire ressenti au cours de l’entretien (pièce n°31), ainsi que la réponse de son supérieur évoquant la concomitance des faits entre le litige d’une part, et la promotion professionnelle de son épouse avec un départ en Antilles-Guyane et sa demande verbale de rupture conventionnelle d’autre part(pièce n° 33),

— les compte-rendus d’entretien d’évaluation annuels de 2010, 2012 et 2013 (n°21 à 23) ainsi qu’une note rédigée par ses soins datée du 24 avril 2014 dont il résulte qu’il était auparavant en charge non seulement des secteurs entreprises, collectivités, courtage et Corse mais également du secteur du marché agricole,

— l’organigramme d’avril 2014 de la direction commerciale des marchés spécialisées dont il ressort qu’il en était le directeur et que l’équipe qu’il dirigeait était composée de six responsables des secteurs suivants : marché agricole (confié à M. H I), marché collectivités, marché des entreprises, pôle souscription entreprises et professionnels, marché courtage et flottes et marché Corse (pièce n°53 bis),

— les organigrammes du Comex (comité exécutif) de décembre 2012 et du 10 mars 2014 dont il résulte qu’il en était membre,

— un document de Groupama Méditerranée du 25 septembre 2014 élaboré à l’occasion de la conférence du management, intitulé « Bagage des managers » (pièce n°19), présentant une nouvelle organisation de la société, dont il résulte notamment

*qu’au vu de l’organigramme, M. Z A continue à être en charge de la direction entreprises, collectivités, courtage et Corse mais perd le marché agricole dévolu à M. H I, secteur désormais supervisé non plus par l’appelant mais par la direction développement,

*qu’à compter de janvier 2015, les instances de gouvernance seront ressérées pour gagner en réativité, soit un comité de direction générale ' Cdg- : instance de pilotage fixant le cadre et arbitrant les actions à conduire ; un comité métiers : instance transverse réunissant toutes les grandes fonctions de l’entreprise, en charge de la mise en oeuvre opérationnelle des projets et actions validées par le Cdg) ; une conférence de l’encadrement supérieur et une conférence managers),

*qu’au vu de l’organigramme du comité de direction générale (ancien Comex), il ne fait plus partie de l’instance dirigeante, désormais composée d’un nombre moins important de directeurs,

*le compte-rendu du comité métiers du 9 décembre 2014 piloté par la nouvelle directrice assurances – auquel il a participé ' lequel précise que


cette instance est destinée à piloter la mise en oeuvre opérationnelle des actions Métiers Assurances décidées par le comité de direction générale ainsi que le déploiement des offres, produits et outils de gestion d’assurance hors chantiers spécifiques pilotés par le comité Souscription,


elle se réunira toutes les trois semaines,


un ajustement de la liste des participants est proposé : le secteur entreprises collectivités courtage Corse sera désormais un participant ponctuel, et non plus permanent, au même titre que le pôle sinistres, le contrôle de gestion et les ressources humaines,

— le programme d’actions transverses au 16 décembre 2014 indiquant les noms des directeurs de projets ainsi que le contenu des dits projets, dont il résulte que le nom de M. Z A n’apparaît pas (pièce n°27) et les rapports d’entretien d’évaluation pré-cités de 2012 et 2013 mentionnant respectivement la poursuite du pilotage transversal avec la mise en place de Smart puis sa bonne conduite du projet Smart,

— des échanges de courriels entre le 8 octobre 2014 et le 20 décembre 2014 qui ne montrent pas qu’il aurait été tenu à l’écart puisqu’il est répondu à ses demandes et que lorsque la direction s’adresse directement à l’un des subordonnés du salarié, celui-ci est destinataire du message en copie,

— des certificats médicaux, prescriptions médicales de janvier 2015 et le bulletin de situation de la clinique psychiatrique Stella à Verargues dont il ressort qu’il a été hospitalisé en service de psychiatrie générale du 16 janvier au 9 février 2015 du fait d’un « décrochage émotionel et professionnel (') avant tout passage à l’acte », qu’il a présenté un épisode anxio-dépressif majeur ou sévère et qu’il lui a été prescrit notamment des anti-psychotiques et des anxiolitiques.

Aucun élément objectif ne permet de corroborer et d’établir les griefs de M. Z A en ce qui concerne l’entretien du 29 août 2014, l’absence de réponse à ses courriels professionnels, le traitement de dossiers par la direction générale directement avec ses collaborateurs et l’absence d’entretien individuel à compter de septembre 2014, élément non documenté.

En revanche, pris dans leur ensemble, les autres faits établis – retrait de sa sphère d’activité de deux marchés importants (agricole et souscription), éviction du comité de direction générale, participation ponctuelle au comité métiers, instance essentielle à la mise en oeuvre des décisions du secteur métiers assurances, absence de tout projet à piloter après 2013 alors même que les compte-rendus d’évaluation lui étaient favorables jusqu’en 2013 et dégradation de son état de santé psychique – sont autant d’agissements répétés laissant présumer un harcèlement moral de la part de l’employeur.

En réponse à l’argument relatif à la réduction des responsabilités de l’appelant, Groupama Méditerranée indique en premier lieu que M. Z A était en novembre 2015 toujours responsable du marché agricole, confié à M. H I sous sa direction et ne commente pas l’argument relatif au retrait du secteur Souscription.

Or, l’analyse de l’organigramme de novembre 2015 produit par l’employeur (n°21) et par le salarié (n°53 bis) et de l’organigramme du 25 septembre 2015 (pièce 19 du salarié) montre que la réorganisation de la société a entraîné le recrutement de deux cadres, Mme X et M. Y, lesquels se sont vus confier pour la première, la direction Assurances et pour le second, la direction Développement. La direction Assurances comprenait notamment la direction Entreprises, collectivités, courtage et Corse confiée à M. Z A tandis que la direction Développement comprenait notamment le secteur Marché agricole, confié à M. H I, lequel n’était par conséquent plus le subordonné de M. Z A.

Dès lors, la responsabilité du secteur Marché agricole a bien été retirée à M. Z A sans qu’aucun autre secteur ne lui ait été confié en échange.

De même, l’employeur ne conteste pas que le Pôle des souscriptions professionnelles a été retiré au salarié sans compensation ; ce qui résulte de l’organigramme contenu par la pièce n°19 de l’appelant.

En second lieu, Groupama Méditerranée rétorque que le salarié n’a pas été exclu de l’animation du projet d’entreprise sans pour autant apporter une contradiction objective sur le fait que plus aucune direction de projet ne lui était confiée.

Enfin, l’employeur, qui soutient que l’appelant profère des mensonges et fait état de situations imaginaires, indique que les relevés des décisions du comité de direction générale (CDG ou Comex) étaient régulièrement communiqués et que le salarié était présent à la réunion du comité des métiers mise en place à compter de décembre 2014.

Il verse aux débats les relevés de décisions du Comex ou CDG des 7 juillet 2014, 9, 15 et 22 septembre 2014, 6 et 16 octobre 2014, 3 novembre 2014 (n°7), 1er et 15 décembre 2014 (n°1 à n° 9) ainsi que le compte-rendu du comité Métiers du 9 décembre 2014 mentionnant effectivement la présence de M. Z A.

Toutefois, l’employeur n’explique pas les raisons objectives pour lesquelles M. Z A n’était plus membre permanent du nouveau comité de direction générale au vu

de l’organigramme produit (pièce n°54 du dossier du salarié).

Au surplus, la dégradation de l’état de santé de l’appelant, concommitante aux difficultés signalées dans ses courriers adressés à sa hiérarchie, à l’inspection du travail et à la médecine du travail, est démontrée par les pièces médicales.

L’employeur ne prouvant pas que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le harcèlement moral sera retenu.

Au vu du préjudice subi par M. Z A documenté par les éléments médicaux, il y a lieu de fixer à 10.000 € les dommages et intérêts dus à ce titre.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail est justifiée par des manquements de l’employeur d’une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et, dans le cas contraire, doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

En l’espèce, M. Z A a introduit l’instance prud’homale le 14 janvier 2015, plus d’un an avant son licenciement intervenu le 10 mars 2016.

Pour obtenir la résiliation judiciaire d’un contrat de travail, le salarié doit faire état de manquements de l’employeur, d’une gravité suffisante, et de l’impossibilité de poursuivre la relation de travail.

En l’espèce, le harcèlement moral par l’employeur à l’égard du salarié constitue un manquement grave rendant impossible la poursuite de la relation de travail, de sorte que la résiliation judiciaire du contrat sera prononcée aux torts de Groupama Méditerranée à la date de la rupture intervenue le 10 mars 2016.

Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail.

La résiliation judiciaire du fait du harcèlement moral du salarié produit les effets d’un licenciement sans cause réel et sérieuse, étant précisé qu’il n’est pas demandé à la Cour de statuer sur la nullité du licenciement.

Compte tenu de l’âge du salarié (né le14/04/1961), de son ancienneté à la date du licenciement (31 ans et plus de 6 mois), du nombre de salariés habituellement employés (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brute (7.320 €), de l’absence de tout justificatifs relatifs à sa situation actuelle et des dispositions de l’accord national du 10 septembre 1999 relatif au statut conventionnel des cadres de direction Groupama, il convient de fixer les sommes suivantes à son profit :

—  43.379,46 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (6 mois),

—  4.337,94 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents,

—  100.000 € à titre de dommages et intérêts, pour licenciement abusif.

Sur les demandes accessoires.

L’employeur sera tenu de délivrer à M. Z A une attestation destinée à Pôle Emploi et un bulletin de salaire rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt.

Il devra rembourser à Pôle Emploi les éventuelles indemnités de chômage payées à M. Z A dans la limite de six mois.

Il sera tenu aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Il est équitable de le condamner à payer au salarié la somme de 2.400 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement du 21 novembre 2016 du conseil de prud’hommes de Montpellier en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles de la caisse régionale d’assurances mutuelle agricole Groupama Méditerranée;

Statuant à nouveau,

DIT que M. Z A a été victime de la part de la Caisse régionale d’assurances mutuelle agricole Méditerranée,Groupama Méditerranée de harcèlement moral ;

PRONONCE la résiliation de son contrat de travail à la date du 10 mars 2016 aux torts exclusifs de la Caisse régionale d’assurances mutuelle agricole Méditerranée, Groupama Méditerranée ;

CONDAMNE la Caisse régionale d’assurances mutuelle agricole Méditerranée, Groupama Méditerranée à payer à M. Z A les sommes suivantes :

—  43.379,46 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  4.337,94 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents,

—  100.000 € à titre de dommages et intérêts, pour licenciement abusif ;

CONDAMNE la Caisse régionale d’assurances mutuelle agricole Méditerranée, Groupama Méditerranée à délivrer à M. Z A un bulletin de salaire et une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt;

CONDAMNE la Caisse régionale d’assurances mutuelle agricole Méditerranée, Groupama Méditerranée à payer à M. Z A la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la Caisse régionale d’assurances mutuelle agricole Méditerranée, Groupama Méditerranée aux entiers dépens de l’instance ;

ORDONNE le remboursement par la Caisse régionale d’assurances mutuelle agricole Méditerranée, Groupama Méditerranée à Pôle Emploi des indemnités de chômage

payées à M. Z A dans la limite de six mois ;

DIT que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du Code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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