Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre civile, 1er avril 2021, n° 20/00361

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 1re ch. civ., 1er avr. 2021, n° 20/00361
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 20/00361
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Montpellier, 23 octobre 2019, N° 18/31453
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre civile

ORDONNANCE DU 25 MARS 2021

N° RG 20/00361 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OPO4

RECOURS ORDONNANCE DE TAXE

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 OCTOBRE 2019 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER N° RG 18/31453

Nous, Leïla REMILI, Vice-présidente placée déléguée par ordonnance du premier président de la Cour d’appel de Montpellier, désignée par le premier président de la cour d’appel de Montpellier pour statuer sur les contestations d’honoraires des avocats, assistée de Mélanie VANNIER, greffière placée,

dans l’affaire entre :

D’UNE PART :

Madame F-G

[…]

[…]

assistée de Maître Thierry VERNHET de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

et

D’AUTRE PART :

Société PAS DE BEAULIEU représenté par son gérant M. Y Z

[…]

[…]

comparant en la personne de son gérant

Madame A B

[…]

[…]

représentée par Maître Sabine NGO, avocat au barreau de MONTPELLIER

L’affaire a été appelée à l’audience publique du 25 Février 2021 à 14 heures.

Après avoir mis l’affaire en délibéré au 01 Avril 2021 la présente ordonnance a été prononcée

par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signée par Leïla REMILI, Vice-présidente placée déléguée par ordonnance du premier président de la Cour d’appel de Montpellier et par Mélanie VANNIER, greffière placée,

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d’huissier du 14 septembre 2018, Madame F-G a assigné en référé la SARL PAS DE BEAULIEU afin d’ordonner à titre préventif une mesure d’expertise relative à la construction d’un immeuble à usage d’habitation dénommé « la villa cachée » situé à Montpellier, […], d’enjoindre à la SARL PAS DE BEAULIEU de suspendre ses travaux dans l’attente de la première réunion d’expertise et de lui allouer 1500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Madame F-G exposait que les travaux de construction que la société venait d’engager sur le fonds voisin du sien occasionnaient des dommages à sa propriété.

Par ordonnance du 24 septembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier a ordonné une expertise, commis Madame A B pour y procéder et fixé une consignation de 3000 € à la charge de Madame F-G .

L’expert a déposé son rapport le 24 septembre 2019.

Par ordonnance de taxe du 24 octobre 2019, le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal de grande instance de Montpellier a fixé la rémunération de l’expert à la somme de 11'512,78 € et autorisé ce dernier à se faire remettre le montant de la consignation de 8660 €. Il a ordonné à la charge de Madame F-G le versement d’une somme complémentaire de 2852,78 €.

Par courrier reçu le 17 janvier 2019, Madame F-G a formé un recours contre l’ordonnance de taxe devant le premier président de cette cour.

A l’audience du 25 février 2021, Madame E F-X, représentée par son conseil, sollicite la mise à néant de l’ordonnance de taxe, le renvoi de la taxe de cet expert au juge du fond ultérieurement saisi et qu’il soit ordonné le remboursement de la somme de 8660 € déjà déposée au greffe ainsi que la condamnation au paiement d’une somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. A titre infiniment subsidiaire, la taxation ne saurait dépasser la somme de 2000 €.

A l’appui de ses prétentions, Madame F-G faisait valoir que la notification de l’ordonnance de taxe est nulle puisque les dispositions de l’article 715 du Code de procédure civile n’ont pas été reprises dans leur totalité. Sur le fond, notamment, elle conteste les 56 vacations retenues ainsi que la partialité de l’expert et le non-respect du contradictoire. Elle fait également état de nombreux oublis de la part de l’expert judiciaire.

Madame A B, représentée par son conseil, demande au premier président de constater que l’appel formé par Madame E F-X le 15 janvier 2020 à l’encontre de l’ordonnance de taxe du 24 octobre 2019, notifiée le 7 novembre 2019, est tardif donc irrecevable. E l l e s o u l è v e é g a l e m e n t l ' i r r e c e v a b i l i t é d a n s l a m e s u r e o ù M a d a m e C a t h e r i n e F-X ne présente aucun motif portant sur une quelconque irrégularité du compte présenté par l’expert judiciaire mais sur le fond du rapport d’expertise.

Sur le fond, elle sollicite le rejet des demandes et la confirmation de l’ordonnance de taxe, faisant valoir que le nombre de vacations est parfaitement justifié au regard des diligences, effectuées en toute impartialité et dans le respect du principe du contradictoire. Elle sollicite, en tout état de cause, la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La SARL PAS DE BEAULIEU, représentée par son gérant Monsieur Z Y, sollicite le rejet des demandes et la condamnation de Madame E F-X à payer la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il fait valoir que son recours est tardif, qu’elle ne saurait contesté le travail de l’expert et que les frais ont été payés par sa protection juridique.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de la notification de l’ordonnance de taxe

En application de l’article 724 du Code de procédure civile, les décisions mentionnées aux articles 255, 262 et 284, émanant d’un magistrat d’une juridiction de première instance ou de la cour d’appel, peuvent être frappées de recours devant le premier président de la cour d’appel dans les conditions prévues par les articles 714 alinéa 1 et 715 à 718. Le délai court, à l’égard de chacune des parties, du jour de la notification qui lui est faite par le technicien.

L’article 725 du même code prévoit que la notification doit mentionner, à peine de nullité, la teneur de l’article précédent ainsi que celle des articles 714 (alinéa 2) et 715.

Madame E F-X fait valoir que la notification de l’ordonnance de taxe est nulle et de nul effet puisque les dispositions de l’article 715 n’ont pas été reprises en totalité.

Madame A B invoque une notification par le greffe le 7 novembre 2019. Or, la seule notification au dossier est celle faite par elle-même le 17 décembre 2019, étant rappelé qu’en application de l’article 724 du Code de procédure civile, c’est bien l’expert qui doit effectuer la notification.

En l’espèce, la lettre de notification adressée par Madame A B reproduit de manière incomplète le texte de l’article 715 du Code de procédure civile, qui se trouve amputé d’une partie de son alinéa 2, à savoir la mention 'est simultanément envoyée à toutes les parties au litige principal'.

La notification est donc nulle et sans effet.

Il ne peut donc être opposé aucun délai au recours de Madame E F-X, lequel est recevable.

Sur la rémunération de l’expert judiciaire

Aux termes de l’article 284 du Code de procédure civile, le juge fixe la rémunération de l’expert en fonction notamment des diligences accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni.

Il convient de rappeler que, saisi dans le cadre d’une contestation d’honoraires, le premier président n’a pas compétence pour apprécier et sanctionner des comportements fautifs de l’expert susceptibles d’engager sa responsabilité, laquelle obéit aux règles de droit commun. De même, il n’a pas plus compétence pour se prononcer sur le bien fondé ou non de ses conclusions, laquelle compétence revient à la seule juridiction saisie du fond de l’affaire.

Le recours formé par Madame E F-X n’est cependant pas irrecevable du seul fait qu’il porte pour l’essentiel sur la validité des opérations d’expertise ou sur le fond du rapport, d’autant qu’à l’audience, celle-ci fait valoir subsidiairement que le travail effectué ne saurait être rémunéré au-delà de 2000 €.

Ceci étant, sur les critiques formulées, il sera précisé que la seule indication par l’expert de ce que Madame C D est 'enseignante à l’Ecole d’Architecture', le fait que l’expert judiciaire ait pu formuler le souhait légitime d’une numérotation des pièces ou encore une position prétendument erronée concernant la propriété des murs litigieux, ne témoignent en rien d’un comportement partial de sa part.

S’agissant de la violation du principe du contradictoire, il ressort du dossier que Madame E F-X a toujours été assistée d’un conseil, que l’expert a répondu aux dires des parties et force est de constater que celle-ci n’a formulé aucune observation à la suite des notes et des pré-rapports communiqués aux parties.

Il n’y a donc en l’espèce démonstration d’aucune partialité ou violation du principe du contradictoire au sens des articles 276 et 160 du Code de procédure civile de la part de l’expert susceptible d’amener la présente juridiction à surseoir à statuer ou renvoyer au juge du fond.

Par ailleurs, les 'oublis' listés et imputés à l’expert devront être appréciés par le juge du fond et ne relèvent pas de la compétence du juge de l’honoraire. Il lui appartient en revanche de vérifier si Madame A B a rempli sa mission en répondant aux questions posées.

Il convient de rappeler que Madame E F-X a sollicité du juge des référés une expertise invoquant les conditions préjudiciables dans lesquelles se déroulaient les travaux de construction d’une opération immobilière réalisée par la SARL PAS DE BEAULIEU. Elle invoquait des troubles de voisinage et notamment la destruction d’un mur séparatif avec fissurations diverses.

Par ordonnance du 24 septembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier a ordonné une expertise et commis pour y procéder Madame A B avec la mission suivante :

• entendre les parties, recueillir leurs dires et explications, entendre tout sachant ;

• se faire remettre toutes les pièces et documents nécessaires à la bonne exécution de sa mission;

- recueillir les déclarations de toute personne informée et se faire assister, en cas de nécessité, de toute personne de son choix;

• dresser un bordereau des documents communiqués à l’expert, étudier et analyser ceux en rapport avec le litige, entendre tout sachant ;

• prendre connaissance du projet envisagé par la SARL PAS DE BEAULIEU;

• se rendre sur les lieux du chantier, situé à Montpellier, […] et la propriété voisine appartenant à Madame E F-X;

• visiter l’immeuble appartenant à Madame E F-X et en dresser l’état descriptif afin que les conséquences éventuelles des travaux sur l’état de l’immeuble puissent être connues avec précision ;

• dire si l’immeuble présente ou non des dégradations ou désordres inhérents à sa structure, son mode de construction ou son état de vétusté ; dans l’affirmative, constater et décrire son état et ce, avant travaux dans le but établir, en cas de doléances, un état comparatif avec l’état ultérieur à la réalisation des travaux ;

fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction saisie de

déterminer le caractère privatif ou mitoyen du mur sur lequel est installé le brise-vue; s’expliquer techniquement dans le cadre de ces chefs de mission sur les dires et observations des parties qu’il aura recueillies après leur avoir fait part de sa note de synthèse qui devra comporter son avis sur le chiffrage des travaux ;

• Disons que l’expert restera saisi jusqu’à l’achèvement des travaux de hors d’eau et de hors d’air, y compris l’enlèvement de la grue, et examinera les désordres qui seraient invoqués comme étant causés par ses travaux ;

• disons qu’en cas de désordres invoqués, l’expert aura alors pour mission de:

.examiner et décrire lesdits désordres ;

.préciser leur nature, date d’apparition, importance et gravité ;

.en rechercher les causes en donnant son avis sur la relation de cause à effet pouvant exister entre les travaux réalisés par La SARL PAS DE BEAULIEU et les dommages observés ;

.fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant, à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités encourues ;

.décrire le principe des travaux nécessaires à la reprise des désordres et en .évaluer le coût, si possible à l’aide de devis présentés par les parties, ainsi que leur durée prévisible ;

.analyser les préjudices invoqués et rassembler les éléments propres à en établir le montant;

.s’expliquer techniquement dans le cadre de ces chefs de mission sur leurs dires et observations des parties qu’il aura recueillies après leur avoir fait part de sa note de synthèse qui devra comporter son chiffrage des travaux de reprise et de réfection ; (…)

• Disons que l’expert établira un pré-rapport concernant son premier chef de mission relatif aux constats avant-travaux et, si besoin est, des rapports d’étape selon les nécessités de sa mission et enfin son rapport définitif après achèvement de la construction.

Il convient de relever que l’expert judiciaire a effectué les diligences suivantes :

— tenu trois réunions contradictoires sur les lieux, les 4 octobre 2018, 12 février 2019 et 17 juillet 2019, entendu les parties et recueilli leurs dires;

— avec l’accord des parties et de leurs conseils, missionné un sapiteur géomètre expert afin de déterminer à qui appartiennent les murs litigieux A, B, C et D (la somme de 1800 € HT pour les frais de sapiteur ne sont pas contestables même si Madame E F-X n’est pas d’accord avec les conclusions de celui-ci);

— dressé un bordereau des documents communiqués en étudiant et analysant ceux en rapport avec le litige (ainsi notamment le rapport du cabinet Polyexpert missionné par la compagnie d’assurances de Madame E F-X, les constats d’huissier, les courriers et courriels, les plans et projets transmis, les photographies);

— pris connaissance du projet envisagé par la SARL PAS DE BEAULIEU;

-visité l’immeuble appartenant à Madame E F-X en dressant un état descriptif des lieux et de leur état avec des photographies;

-répondu aux dires des parties;

-examiné et décrit les désordres invoqués;

— donné son avis sur la relation de cause à effet pouvant exister entre les travaux réalisés par la SARL PAS DE BEAULIEU et les dommages observés;

— décrit les travaux nécessaires à la reprise des désordres et évalué leur coût (pose correcte de l’ouvrage brise-vue, enduits, bouchement des fissures);

— analysé les préjudices en les évaluant.

Si Madame E F-X conteste la position de l’expert s’agissant de la reconstruction du mur soutenant le brise-vue, Madame A B répond sur son choix des travaux de reprise qu’elle estime suffisants, en page 46.

L’expert judiciaire n’a cependant pas répondu à la question 11 'fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant, à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités'. Or, dans la mesure où Madame A B constate des désordres et évalue des préjudices, elle ne pouvait considérer que cette question était 'sans objet', y compris au regard des explications qu’elle fournit à la question 10.

Par ailleurs, il convient de relever que le rapport d’expertise comporte 49 pages mais certaines pages sont inutiles dans le corps même du rapport (comme l’insertion des trois compte-rendus d’accedit ainsi que des notes aux parties ou de leurs dires) d’autant qu’elles en rendent la lecture moins aisée, la réponse à certaines questions peu claire (question 9 en page 27 par exemple sur le caractère privatif ou mitoyen pour laquelle, il faudra attendre la page 35 pour la 'conclusion’ finale) ou encore fastidieux d’isoler in fine l’analyse personnelle de l’expert judiciaire.

En outre, les différences entre les trois pré-rapports entre eux et avec le rapport final ne justifient pas la perception de 24 vacations pour l’ensemble.

Au vu de ces éléments, il convient de ramener le nombre de vacations pour les honoraires à 40.

Le taux horaire de 120 € de vacations retenu se trouve dans la norme, au regard des qualifications professionnelles de l’expert.

Les frais n’appellent pas d’observations particulières en dehors du nombre excessif de photocopies (2640). Ce poste sera ramené de 396 € HT à 198 € HT, soit un total de frais de 875,98 €.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, et après rectification du nombre de vacations et des frais, la rémunération de Madame A B sera donc fixée à la somme de : 875,98 € + 4800 € + 1800 € soit 7475,98 € HT, soit 8971,17 €.

Madame E F-X qui succombe pour la plus grande part sera condamnée aux dépens mais l’équité ne justifie pas de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile au bénéfice des autres parties.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclarons le recours recevable et partiellement bien-fondé,

Au fond, réformons l’ordonnance de taxe rendue le 24 octobre 2019 par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Montpellier et fixons la rémunération de Madame A B, expert, à la somme

de 8971,17 € TTC.

Autorisons l’expert à se faire remettre par le régisseur du tribunal judiciaire de Montpellier la consignation de 8660 € déposée au greffe, déduction faite des acomptes éventuels.

Ordonnons à la charge de Madame E F-X le versement directement dans les mains de l’expert de la somme complémentaire de 311,17 € représentant la différence entre le montant de la présente taxe et celui de la consignation.

Rejetons le surplus des demandes.

Condamnons Madame E F-X aux dépens.

Le greffier Le président

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