Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 2 novembre 2022, n° 19/04395

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2e ch. soc., 2 nov. 2022, n° 19/04395
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 19/04395
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Sète, 16 juin 2019, N° 17/00142
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 7 novembre 2022
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Texte intégral

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délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/04395 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OG5H

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 17 JUIN 2019

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SETE N° RG 17/00142

APPELANT :

Monsieur [M] [E] [P]

né le 15 Juin 1973 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Ratiba OGBI, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SARL LM TELECOM SARL LM TELECOM

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric RICHERT de la SELARL RICHERT FREDERIC, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 22 Août 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 SEPTEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

— CONTRADICTOIRE.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [M] [E] [P] a été engagé à compter du 8 juin 2015 par la SARL LM Telecom en qualité de technicien Telecom, niveau 1, position 2, coefficient 110 de la convention collective des ouvriers des travaux publics moyennant une rémunération mensuelle brute de 1600 € pour 151,67 heures de travail par mois.

Le bulletin de salaire émis pour la période du 1er au 31 août 2017 mentionnait une retenue sur salaire pour amendes d’un montant de 441 € et un net à payer de 909,88 euros.

Le 6 septembre 2017 le salarié adressait à l’employeur une demande de congés payés pour la période du 23 au 27 octobre 2017 que l’employeur refusait au motif qu’il s’agissait d’une période d’intense activité.

Le 25 septembre 2017 le salarié adressait à l’employeur un courrier aux termes duquel il présentait sa démission en précisant qu’il effectuerait la totalité de son préavis d’une durée de quinze jours et en sollicitant la remise des documents sociaux de fin de contrat au 8 octobre 2017.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 26 septembre 2017, l’employeur indiquait au salarié que les dispositions conventionnelles prévoyaient que la durée du préavis était d’une durée de deux mois pour les salariés des groupes B ayant une ancienneté supérieure à deux ans au jour de la notification de la démission.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 2 octobre 2017 le salarié faisait grief à à l’employeur d’avoir retenu une somme de 441 € sur son salaire d’août 2017 et réclamait de l’employeur la restitution d’une somme de 441 € au titre de cette retenue, outre 300 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et indiquait qu’à défaut il saisirait le conseil de prud’hommes de Béziers.

Le même jour il était placé en arrêt de travail jusqu’au 8 octobre 2017, cet arrêt de travail étant par la suite prolongé jusqu’au 29 octobre 2017.

Tandis que l’employeur lui adressait le 10 octobre 2017 un courrier lui indiquant que cette retenue était justifiée par des amendes de la trésorerie de l’Hérault faisant état de procès-verbaux en date des 24 août 2016,10 septembre 2016 et 1er octobre 2016, le salarié lui faisait parvenir un courrier en réponse daté du 11 octobre 2017 aux termes duquel il expliquait avoir en réalité démissionné en raison de cette retenue qui lui avait laissé seulement 909 € pour vivre.

Tout en contestant le motif invoqué, l’employeur lui adressait un chèque de remboursement de 441 € le 19 octobre 2017.

Aux termes de plusieurs échanges épistolaires avec l’employeur, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Sète par requête du 30 novembre 2017 aux fins de voir produire à sa démission les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamnation de l’employeur à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que les indemnités de rupture, outre des dommages-intérêts pour préjudice moral ainsi qu’un rappel de salaire sur heures supplémentaires.

Par jugement du 17 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Sète déboutait le salarié de l’ensemble de ses demandes, le condamnait à payer à la SARL LM Telecom une somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ainsi qu’une somme de 150 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le salarié a relevé appel de la décision du conseil de prud’hommes le 25 juin 2019.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 14 août 2019, Monsieur [M] [E] [P] conclut à l’infirmation du jugement entrepris et sollicite la condamnation de la SARL LM Telecom à lui payer les sommes suivantes :

'12 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'5330,43 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 533 euros au titre des congés payés afférents,

'1073,48 euros à titre d’indemnité de licenciement,

'3000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

'238,78 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 23,87 euros au titre des congés payés afférents,

'2400 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le salarié réclame également la condamnation de l’employeur à lui remettre une attestation à destination de pôle-emploi et un bulletin de paie rectifiés conformément à l’arrêt à intervenir sous astreinte de 150 € par jour de retard.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 13 septembre 2019, la SARL LM Telecom conclut à titre principal à la confirmation du entrepris, et, en toute hypothèse au débouté du salarié de l’ensemble de ses demandes ainsi qu’à sa condamnation à lui rembourser les sommes respectives de 441 euros et de 66 euros au titre des amendes réglées par la société ainsi qu’à lui payer une somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, outre une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture était rendue le 22 août 2022.

SUR QUOI

> Sur la demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l’espèce, le salarié prétend avoir accompli douze heures supplémentaires de nuit sur un chantier de [Localité 4] qui ne lui auraient pas été payés et produit une attestation de son chef d’équipe lequel indique avoir été convoqué en compagnie de Monsieur [P] dans le bureau du gérant à propos de ce chantier pour lequel l’employeur était en désaccord avec les horaires déclarés par Monsieur [P] auxquels il avait rétorqué : « Tes heures sup tu peux t’asseoir dessus ».

L’employeur conteste l’imprécision de la demande. Or, il ne peut utilement se prévaloir de l’imprécision de la demande compte tenu de la durée réduite de la relation contractuelle alors qu’il avait l’obligation d’assurer le contrôle de la durée du travail, ce qui le mettait en mesure de produire les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié et dont il s’est abstenu.

C’est pourquoi, après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, la cour dispose d’éléments suffisants pour fixer à la somme de 40,22 euros le montant du rappel de salaire sur heures supplémentaires que l’employeur devra verser au salarié, outre 4,02 euros au titre des congés payés afférents.

> Sur la rupture du contrat de travail

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Toutefois, lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et lorsqu’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l’analyser en une prise d’acte qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d’une démission.

En l’espèce, l’employeur a opéré une retenue sur salaire pour amendes d’un montant de 441 euros sur le bulletin de salaire du mois d’août 2017 à valoir sur le solde de 909,88 euros restant dû.

Si le salarié n’a fait état du litige que le 2 octobre 2017 avant d’invoquer dans un courrier du 11 octobre 2017 le motif tiré de la retenue sur salaire, il est constant qu’à réception du bulletin de salaire du mois d’août 2017 il a constaté que sa paie était amputée d’une part importante de ses ressources ne lui laissant que de faibles revenus pour subvenir à ses besoins. Il justifie par conséquent d’un différend contemporain voire antérieur à sa démission intervenue le 25 septembre 2017 et rendant celle-ci équivoque.

Or, la retenue sur salaire pour le remboursement des contraventions afférentes à un véhicule professionnel mis au service du salarié est illégale, fût-elle prévue par un contrat de travail.

De plus, alors que l’employeur ne justifie par aucun élément de la date d’édition et d’envoi du bulletin de salaire d’août 2017, la démission au 25 septembre 2017 ne peut être qualifiée de tardive.

À la date de la rupture du contrat de travail, aucun remboursement n’avait été opéré par l’employeur. Le manquement de celui-ci à ses obligations était par conséquent suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

C’est pourquoi, infirmant en cela le jugement entrepris, il y a lieu de requalifier la démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit pour le salarié aux indemnités de rupture ainsi qu’à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

À la date de la rupture du contrat de travail, le salarié avait une ancienneté de deux ans et trois mois révolus dans une entreprise ne justifiant par aucun élément qu’elle ait pu employer moins de onze salariés.

La rupture du contrat de travail étant postérieure à la publication de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, il y a lieu de fixer à la somme de 4939,26 euros correspondant à trois mois de salaire brut, le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que la SARL LM Telecom devra payer à Monsieur [P].

Il convient par ailleurs de faire droit à la demande d’indemnité compensatrice de préavis à concurrence d’une somme de 3292,84 euros correspondant à deux mois de salaire, outre 329,28 euros au titre des congés payés afférents ainsi qu’à la demande d’indemnité de licenciement pour un montant de 740,88 euros.

En revanche, monsieur [P] ne justifie d’aucune circonstance particulière entourant la rupture du contrat de travail autres que celles qui ont été réparées et pouvant fonder sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral. Aussi, convient-il, confirmant en cela le jugement entrepris, de débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

> Sur les demandes accessoires et reconventionnelles

Il n’est pas discuté que si les procès-verbaux sont établis à l’encontre du propriétaire du véhicule au moyen duquel les infractions ont été commises, c’est à charge pour ce dernier de désigner le véritable auteur de l’infraction. Pour autant les pièces produites par l’employeur ne permettent pas d’établir que le salarié ait été informé de l’existence des amendes qui lui ont été imputées sur le bulletin de paie d’août 2017 et que leur non-paiement en temps utile lui soit imputable, dans la mesure où les documents produits à ce titre concernent des infractions soit antérieures, soit postérieures à celles faisant l’objet de la demande reconventionnelle de remboursement. Aussi convient-il de débouter la SARL LM Telecom de sa demande de remboursement de la somme de 441 €. En revanche, l’employeur justifie de la mise à sa charge du paiement indû d’une contravention ultérieure pour un montant de 66 euros dont le salarié était l’auteur. D’où il suit qu’il convient de faire partiellement droit à la demande reconventionnelle de la société et de condamner le salarié à lui rembourser la somme de 66 euros.

Le fait que le salarié ait été rapidement embauché par une autre entreprise après la rupture du contrat de travail pas davantage que l’interprétation de l’employeur sur la demande de congés formée par le salarié le 6 septembre 2017 ou sur le délai de préavis qu’il lui a imposé, ne sont de nature, compte tenu de ce qui précède, à caractériser une déloyauté de la part de Monsieur [P]. Il convient en conséquence de débouter la SARL LM Telecom de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

La remise des documents sociaux de fin de contrat et bulletins de paie rectifiés étant de droit, il convient de faire droit à la demande du salarié aux fins de condamnation de l’employeur à lui remettre une attestation à destination de pôle-emploi et un bulletin de paie rectifiés conformément à l’arrêt à intervenir sans pour autant qu’il y ait lieu au prononcé d’une astreinte.

Compte tenu de la solution apportée au litige la SARL LM Telecom supportera la charge des dépens. En considération de l’équité, il convient de dire n’y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Sète le 17 juin 2019 sauf en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral;

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la SARL LM Telecom à payer à Monsieur [M] [E] [P] une somme de 40,22 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 4,02 euros au titre des congés payés afférents;

Requalifie la démission le 25 septembre 2017 de Monsieur [M] [E] [P] de la SARL LM Telecom en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Condamne la SARL LM Telecom à payer à Monsieur [M] [E] [P] les sommes suivantes :

'4939,26 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'3292,84 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 329,28 euros au titre des congés payés afférents,

'740,88 euros à titre d’indemnité licenciement,

Ordonne la remise par la SARL LM Telecom à Monsieur [M] [E] [P] d’une attestation à destination de pôle-emploi et un bulletin de paie rectifiés conformément au présent arrêt;

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [M] [E] [P] à payer à la SARL LM Telecom une somme de 66 euros en remboursement d’une amende indûment mise à sa charge;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne la SARL LM Telecom aux dépens;

Le greffier, Le président,

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