Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale, 30 août 2017, n° 16/01372

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Chronologie de l’affaire

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Charlotte Moronval · Lexbase · 14 septembre 2017
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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, ch. soc., 30 août 2017, n° 16/01372
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 16/01372
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nancy, 21 avril 2016, N° 15/0510
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° PH

DU 30 AOUT 2017

R.G : 16/01372

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANCY

15/0510

22 avril 2016

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

APPELANTE :

A B épouse X

[…]

[…]

Représentée par M. Stéphane SIMON, délégué syndical, régulièrement muni d’un pouvoir

INTIMÉE :

Société ACORIS MUTUELLES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Eric FILLIATRE, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : ROBERT-WARNET Christine

Siégeant comme magistrat chargé d’instruire l’affaire

Greffier : C D (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 28 juin 2017 tenue par ROBERT-WARNET Christine, magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Christine ROBERT-WARNET, président, E F, et G H, conseillers, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 30 août 2017 ;

Le 30 août 2017, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme A B épouse X a été embauchée par la société Mucim-Stanislas, à compter du 17 janvier 2008, en qualité d’aide-comptable, sous contrat de travail intérimaire, puis sous contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2008.

Le 1er janvier 2011, le contrat de travail de Mme X a été transféré à la société Acoris Mutuelles.

Le 26 février 2015, Mme X a effectué un virement de 252 000 € sur un compte bancaire domicilié à l’étranger suivant les ordres d’un tiers s’étant présenté comme le président de la société.

La banque de la société, soupçonnant une escroquerie, a refusé le virement et alerté le responsable du service comptabilité.

La société Acoris Mutuelles, informée de la tentative d’escroquerie dont elle a fait l’objet, a demandé des explications à Mme X.

Par courrier remis en main propre contre décharge du 2 mars 2015, Mme X a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 10 mars 2015 et mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mars 2015, Mme X a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.

Contestant le bien-fondé du licenciement dont elle a fait l’objet, Mme X a saisi, par requête du 23 septembre 2015, le conseil de prud’hommes de Nancy, aux fins de voir dire dénué son licenciement de cause réelle et sérieuse, prétendant à la condamnation de son employeur aux sommes suivantes :

—  50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

—  252 000 € à titre de préjudice moral,

—  1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicitait en outre la remise de son attestation pôle emploi rectifiée, sous astreinte de 50 € par jour et la condamnation de la société Acoris Mutuelles au remboursement de 6 mois de salaire au bénéfice de Pôle emploi.

Par jugement du 22 avril 2016, le conseil de prud’hommes de Nancy a débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes, et l’a condamnée à verser la somme de 500 € à la société Acoris Mutuelles au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration d’appel, enregistrée le 17 mai 2016, Mme X a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions reçues au greffe le 12 janvier 2017, reprises oralement à l’audience du 28 juin 2017, Mme X, soutenant avoir été victime d’un escroc et induite en erreur par ce tiers, prétend à la nullité de son licenciement, à titre subsidiaire, à son absence de cause réelle et sérieuse. Elle renouvelle ses demandes en paiement pour les sommes initialement sollicitées, sa demande de remise de son attestation pôle emploi rectifiée, sous astreinte de 50 € par jour et la condamnation de la société Acoris Mutuelles au remboursement de 6 mois de salaire au bénéfice de Pôle emploi ainsi qu’aux dépens.

Par conclusions parvenues au greffe le 29 mai 2017, développées à la barre, la société Acoris Mutuelles, soutenant que Mme X a commis un manquement à ses obligations en engageant un ordre de virement alors qu’elle ne disposait d’aucune délégation de pouvoir à cet effet, demande la confirmation du jugement en ce qu’il a dit le licenciement de Mme X bien fondé. Elle demande l’infirmation pour le surplus et renouvelle sa demande tendant à voir condamner Mme X à lui verser la somme de 2 000 € pour procédure abusive sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile. Elle demande par ailleurs la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE :

Sur le licenciement :

' Sur la nullité du licenciement :

Mme X prétend à la nullité de son licenciement. Toutefois, aux termes de ses écritures, elle n’énonce aucun fondement au soutien de cette prétention.

Or, il ne ressort pas des éléments produits aux débats qu’elle ressortirait de la catégorie des salariés protégés pour lesquels une autorisation administrative préalable au licenciement est requise.

Aucun élément ne permet davantage d’établir que son licenciement serait en lien avec son état de santé, avec un état de grossesse ou de congé de maternité, résulterait d’une discrimination, d’un harcèlement. Elle ne soutient pas davantage qu’elle devrait bénéficier de la protection accordée aux lanceurs d’alerte.

Elle ne justifie pas davantage relever de la catégorie des salariés pouvant, aux termes de la jurisprudence, voir déclarer illicite leur licenciement, notamment au motif qu’elle n’aurait pas bénéficié d’une formation suffisante, au titre de laquelle elle sollicite le paiement de dommages-intérêts.

Elle sera donc déboutée en sa demande tendant à voir prononcer la nullité du licenciement dont elle a fait l’objet.

' Sur le bien-fondé du licenciement :

Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement doit reposer sur une cause réelle et sérieuse. L’employeur doit donc alléguer des faits précis, objectifs et vérifiables qu’il impute au salarié.

Il convient de rappeler que les termes de la lettre de licenciement fixent les limites du litige.

En l’espèce, Mme X a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mars 2015, au motif suivant :

'Les faits constituant le dossier vous mettant en cause professionnellement se sont produits du mercredi 25 février 2015 vers 10h au jeudi 26 février 2015 à 17h. […] Compte-tenu du volume de ces documents, je n’en retiendrai que les éléments essentiels qui transparaissaient dans votre comportement et porterai également mon attention sur les éléments majeurs qui auraient dû vous alerter car ils dérogeaient aux principes de vigilance nécessaire et de prudence […]. Les faits qui vous sont reprochés mettent en cause le bon fonctionnement du service […] C’est pourquoi j’ai décidé de vous licencier pour les motifs suivants :

- prise d’initiative personnelle en secret délibéré de votre hiérarchie;

- crédulité incompréhensible au mépris de toutes les instructions de service;

- aveuglement permanent durant plus de 30 heures devant des éléments concrets démontrant une tentative d’escroquerie;

- engagement financier inconséquent de la mutuelle pour plus de 250 000 €

- contournement sciemment organisé des règles de procédure et de contrôle internes;

- complicité implicite du délit d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent ;

- tous ces reproches contribuent à ce que nous ne puissions plus avoir confiance en vous.

L’ensemble de ces motifs constituent un motif réel et sérieux de licenciement'.

Il ressort des pièces versées aux débats que Mme X a été contactée par une personne s’étant présentée comme le président de la société, afin qu’elle effectue un virement de 250 000 € sur un compte bancaire basé à Riga, en Lituanie, après avoir insisté sur 'l’impérieuse nécessité de retenir l’information'.

Les faits ne sont pas contestés par la salariée qui se défend en exposant avoir été la victime d’une escroquerie mise en jeu dans d’autres grandes entreprises françaises, connue sous le nom 'arnaque au président'.

Il ressort des renseignements donnés par le service régional de police judiciaire de Clermont-Ferrand, versés aux débats, que la technique de 'l’arnaque au président’ est à l’origine de virements frauduleux parfois supérieurs au million d’euros. L’auteur de l’escroquerie s’adresse par téléphone à un employé du service comptabilité ou trésorerie en se faisant passer pour le président directeur général, précise à son interlocuteur qu’il a besoin de lui pour une opération exceptionnelle, confidentielle et extrêmement urgente.

En l’espèce, c’est bien cette technique qui a été utilisée par une personne tiers inconnue afin d’inciter Mme X a ordonné un virement de 250 000 €.

Mme X est donc la victime d’une technique qui a déjà touché plusieurs autres entreprises françaises.

Les services de police conseillent quelques comportements préventifs à adopter, le premier consistant à sensibiliser les dirigeants des entreprises et les employés du service comptable.

En l’espèce, la société Acoris Mutuelles soutient avoir sensibilisé Mme X sur les arnaques de ce genre mais n’en justifie pas.

Malgré ce manque d’information imputable à l’employeur, et bien qu’il soit acquis que Mme X n’a pas volontairement participé à l’escroquerie subie par son entreprise, il n’en demeure pas moins qu’elle en a permis la réalisation et y a même participé activement en enfreignant consciemment les procédures en vigueur au sein de l’entreprise.

En effet, bien que n’ayant jamais eu le moindre contact direct avec M. Z, PDG de la société, elle a pourtant accepté sur un simple contact par mail avec une personne se faisant passer pour lui, de mener à bien les opérations nécessaires à la réalisation d’un virement de 250 000 €.

Ainsi, bien qu’il ressorte de sa fiche de poste 'aide comptable’ que l’une de ses missions consiste à effectuer le règlement des factures, Mme X a autorisé un virement de 250 000 € en règlement d’une facture que son interlocuteur n’a jamais envoyé en pièce jointe.

S’agissant de la procédure du virement, Mme X ne dispose d’aucune délégation de pouvoir lui permettant d’engager des dépenses, elle a d’ailleurs précisé à son interlocuteur 'le problème qui se pose est que la validation des virements auprès de la banque se fait par mes responsables [..], et le montant étant assez élevé on me posera forcément des questions'. Elle a ensuite expliqué 'je prépare le fichier de virement et c’est eux effectivement qui le transmettent à la banque par signature électronique'. Elle a malgré tout accepté d’établir un ordre de virement et de le transférer par fax à la banque, une procédure totalement différente de celle habituellement pratiquée, en violation de ses obligations contractuelles, mentionnées à l’article 8.2 de son contrat de travail, selon lesquelles elle 's’engage à respecter l’ensemble des procédures, instructions de travail, documents associés et objectifs fixés par le plan d’actions commerciales et dans le cadre de la certification ISO 9001 version 2000 '.

Face à cette demande de virement d’un montant de 250 000 €, à effectuer sur un compte à l’étranger, en Litunaie, Mme X n’a, à aucun moment, alerté sa hiérarchie de ces anomalies, ou même pris la peine de chercher à vérifier l’authenticité des ordres parfaitement anormaux qui lui étaient transmis.

Ni la bonne foi dont elle se prévaut, qui n’est pas remise en cause par son employeur, ni l’issue positive de l’événement, grâce à la vigilance de la banque, ne peuvent avoir pour effet de retirer tout caractère fautif à son comportement excessivement imprudent et à l’exempter de toute responsabilité.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a dit le licenciement de Mme X reposait sur une cause réelle et sérieuse et rejeté les demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande relative au préjudice moral distinct :

La bonne foi de la salariée n’est pas contestée par l’employeur, et il ne ressort pas des pièces versées aux débats que Mme X ait été alertée et mise en mesure de répondre au risque d’escroquerie sur internet.

L’absence de mesures de prévention pour lutter contre ce genre d’escroquerie constitue un manquement de la part de l’employeur. Toutefois, hors les conséquences de sa crédulité, indépendante de ce manquement, Mme X ne justifie d’aucun préjudice lui permettant de prétendre utilement au paiement de dommages-interets.

La décision déférée sera donc confirmée, qui l’a déboutée en ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

A défaut pour l’employeur de caractériser un quelconque abus, par sa salariée, du droit d’ester en justice, sa demande fondée sur les dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile sera rejetée.

Succombant en son appel, Mme X sera déboutée en sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche, sur le même fondement, elle sera condamnée à payer à la société Acoris Mutuelle la somme de 300 €, s’ajoutant à celle retenue par les juges de première instance, qui sera confirmée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement,

CONFIRME le jugement rendu le 22 avril 2016 par le conseil de prud’hommes de Nancy en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

CONDAMNE Mme A B épouse X à verser à la société Acoris Mutuelles la somme de TROIS CENTS EUROS (300 €) au titre des frais irrépétibles d’appel ;

DEBOUTE les parties en leurs autres demandes ;

CONDAMNE Mme A B épouse X aux dépens.

Ainsi prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Et signé par Christine ROBERT-WARNET, président, et par Clara TRICHOT-BURTE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

Minute en six pages

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale, 30 août 2017, n° 16/01372