Cour d'appel de Nancy, 5ème chambre, 16 mai 2018, n° 16/02139

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 5e ch., 16 mai 2018, n° 16/02139
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 16/02139
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nancy, 26 juin 2016, N° 2015-009230
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D’APPEL DE NANCY

CINQUIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT N° /18 DU 16 MAI 2018

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/02139

Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Commerce de Nancy, R.G. n° 2015-009230, en date du 27 juin 2016,

APPELANTE :

La SAS CJ TEX SARL venant aux droits de la société HORS ZONE, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social […] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Bobigny sous le numéro B434 543 709 088

Représentée par Me Didier LANOTTE, avocat au barreau de NANCY

Plaidant par Me Bruno SAFAR, avocat au barreau de Paris

Maître Z Y, administrateur judiciaire, […]

agissant en qualité d’administrateur judiciaire au redressement judiciaire ouvert à l’égard de la SAS CJ TEX SARL par jugement du 19 décembre 2017 du tribunal de commerce de Bobigny

Représentée par Me Didier LANOTTE, avocat au barreau de NANCY

Plaidant par Me Bruno SAFAR, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE :

SA MADOLEN, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social […] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Nancy sous le numéro B 400 942 058

Représentée par Me Ermelle VALENCE, avocat au barreau de NANCY,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 28 Février 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de Chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de Chambre,

Monsieur Claude SOIN, Conseiller,

Monsieur Yannick BRISQUET Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude OLMEDO ;

A l’issue des débats, la Présidente a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2018, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

signé par Mme Isabelle DIEPENBROEK Présidente et par M. Ali ADJAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à


FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES :

La société Madolen exploite un supermarché à l’enseigne Intermarché à Ludres(54).

Le 9 avril 2014, à la suite de la visite d’un commercial de la société Hors Zone, qui exerce une activité de négoce de produits textiles sous différentes enseignes, le chef du rayon textile de ce magasin a signé un bon de commande de marchandises pour un montant total de 21 478,37 euros, la livraison étant prévue le 12 mai 2014.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 avril 2014, la société Madolen a annulé cette commande. La société Hors Zone a refusé cette annulation considérant la commande comme ferme et définitive et a assigné la société Madolen devant le tribunal de commerce de Nancy en paiement du prix de la marchandise.

Par jugement en date du 27 juin 2016, le tribunal a débouté la société Hors Zone de ses demandes et l’a condamnée au paiement d’une indemnité de procédure de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a relevé que le bon de commande établi à l’en-tête 'Elysée Textile’ comportait différentes irrégularités au regard des dispositions de l’article R.123-237 du code de commerce et a considéré que la société Hors Zone avait usé de manoeuvres dolosives pour surprendre le consentement d’un jeune chef de rayon inexpérimenté, observant en outre que l’annulation de la commande était intervenue avant toute livraison et toute émission de facture.

*

La société Hors Zone a interjeté appel de ce jugement le 22 juillet 2016.

Par conclusions du 9 novembre 2016, elle en a demandé l’infirmation et a réitéré sa demande en paiement de la somme de 21 478,37 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2014 ainsi que d’une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et d’une indemnité de procédure de même montant en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

— le document signé est bien un bon de commande,

— il y avait un accord sur la chose et sur le prix,

— elle n’a pas accepté d’annuler la commande,

— le défaut de livraison de la marchandise est imputable à l’intimée qui a refusé la première livraison et ne lui a pas communiqué de nouvelle date de livraison,

— il importe peu que l’annulation de commande soit intervenue avant livraison en l’absence de toute faculté de rétractation.

Elle réfute toute volonté de dissimulation de sa part, la dénomination 'Elysée Textile’ étant son nom commercial et son numéro Siret figurant sur le bon de commande. Elle estime que ce document ne serait pas soumis aux dispositions de l’article R.123-238 du code de commerce et qu’en tout état de cause, ce texte ne sanctionne pas les irrégularités par la nullité. Elle estime par ailleurs que les mentions omises n’étaient pas déterminantes du consentement de l’intimée, et que le prix était parfaitement déterminable, l’usage entre commerçants étant d’indiquer les prix unitaires hors taxes. Elle affirme qu’un double du bon de commande a bien été remis, cette formalité n’étant au demeurant pas exigée en matière commerciale et réfute tout dol de sa part.

*

Par conclusions du 21 octobre 2016, la société Madolen a conclu à la confirmation du jugement et a sollicité une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et une indemnité de procédure de même montant en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que le 'bon de commande’ signé par son chef de rayon lui a été présenté, en dépit de son intitulé, comme un prospect sans engagement et qu’il serait entaché de nullité pour dol, la vigilance de ce chef de rayon nouvellement en poste ayant été trompée par le commercial de la société Hors Zone, qui s’est faussement présenté comme intervenant pour un fournisseur référencé par Intermarché.

Elle relève que la société Hors Zone n’a pas protesté à la réception du courrier d’annulation de la commande et ne s’est manifestée que deux mois plus tard, et soutient que celle-ci a sciemment dissimulé son nom pour susciter la confusion avec un autre acteur du marché, l’appelante étant quant à elle connue pour de nombreux contentieux liés à ses pratiques déloyales.

Elle considère que les dispositions de l’article R.123-238 du code de commerce sont applicables et n’ont pas été respectées ni dans le bon de commande ni dans la facture. Elle invoque également l’article L. 121-1 du code de la consommation et considère que le bon de commande est nul et qu’il est constitutif d’une pratique trompeuse de nature à engager la responsabilité de son auteur dès lors qu’en l’absence de récapitulatif et de mention du prix global, il ne permettait pas au cocontractant de connaître la portée de ses engagements.

La société Madolen relève en outre que le montant de la commande est disproportionné en ce qu’il représente trois fois le chiffre d’affaires annuel du magasin sur le rayon confection homme et ajoute que l’appelante aurait par ailleurs tenté de lui faire signer deux autres bons de commande d’un montant équivalent par l’intermédiaire d’une société CJ TEX appartenant au même groupe.

La procédure serait enfin manifestement abusive ce qui justifierait l’octroi de dommages et intérêts.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 3 mai 2017.

*

Par arrêt avant dire droit du 20 décembre 2017, la cour a déclaré l’appel de la société Hors Zone recevable, a constaté l’interruption de l’instance par suite de la dissolution de la société Hors Zone avec transmission universelle de son patrimoine à la société CJ Tex, impartissant un délai aux parties pour régulariser la procédure et a renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoirie du 28 février 2018.

Par jugement en date du 19 décembre 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société CJ Tex et a désigné Me Z Y en qualité d’administrateur judiciaire avec mission d’assistance.

L’instance a été reprise le 28 décembre 2017 par la société CJ Tex, assistée de Me Y, administrateur judiciaire, qui, reprenant les conclusions antérieurement déposées pour le compte de la société Hors Zone, a demandé l’infirmation du jugement et sollicité la condamnation de la société Madolen à lui payer la somme de 21 478,37 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2014 ainsi qu’une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et une indemnité de procédure de même montant en application de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Il sera donné acte à la société CJ Tex, venant aux droits de la société Hors Zone, assistée de Me Y, administrateur judiciaire, de son intervention volontaire conformément à l’article 783 du code de procédure civile.

Il n’est pas contesté que M. X, responsable du rayon textile du magasin Intermarché de Ludres, avait le pouvoir de signer un bon de commande.

Il n’est pas non plus contesté que le document intitulé 'bon de commande', établi le 9 avril 2014 a été signé par lui et qu’il y a apposé le cachet de la société Madolen.

Ce document qui mentionne un délai de livraison, les références des articles commandés, leur description, et pour chaque article, leur prix unitaire hors taxes ainsi que

les quantités commandées, constitue bien un bon de commande et non pas un prospect contrairement à ce que soutient l’intimée.

Néanmoins, il convient de constater, à l’instar des premiers juges, que le bon de commande litigieux établi à l’en-tête 'Elysée Textile’ n’est pas conforme aux dispositions de l’article R.123-237 du code de commerce en ce qu’il ne comporte pas la dénomination exacte de la société Hors Zone, la dénomination 'Elysée Textile’ n’étant pas, contrairement à ce que soutient l’appelante, l’un des cinq noms commerciaux qu’elle utilise, le plus proche étant en effet 'Elysée Textile-Maille France', ni l’adresse exacte de son siège, le bon de commande indiquant une adresse à Bondy (93) alors que le siège de la société Hors zone était établi à Bagnolet (93), ni enfin la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée, de sorte que cette société, dont il n’est pas contesté qu’elle n’avait jamais entretenu auparavant de relations avec la société Madolen, ne pouvait être clairement et immédiatement identifiée par cette dernière.

Si les mentions prévues par l’article R.123-237 du code de commerce ne sont pas prescrites à peine de nullité, leur omission est toutefois sanctionnée pénalement. En outre, l’omission de certaines de ces mentions conjuguée à l’inexactitude d’autres témoigne d’une volonté manifeste de dissimuler l’identité du fournisseur, qui constitue un élément déterminant du consentement du cocontractant qui doit notamment pouvoir vérifier un éventuel référencement du fournisseur par Intermarché.

En outre, ce bon de commande qui vise seulement des prix unitaires et ne comporte pas de récapitulatif du montant de la commande par catégorie d’articles, ni l’indication du montant total de la commande, était délibérément trompeur en ce qu’il ne permettait pas au cocontractant, fût-il commerçant, de connaître précisément et immédiatement la portée de son engagement, alors que l’indication du montant total de la commande aurait permis d’attirer l’attention du signataire sur l’importance de la commande au regard du faible chiffre d’affaires réalisé annuellement par le magasin dans le domaine de la confection homme (5 394 euros en 2013) lequel ne représente pas son coeur d’activité.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que l’ensemble de ces éléments caractérisaient des manoeuvres dolosives de la société Hors Zone en vue de tromper délibérément son cocontractant sur l’identité du fournisseur et sur la portée de son engagement entraînant la nullité de la commande litigieuse.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société Hors Zone, aux droits de laquelle vient la société CJ Tex, de ses demandes, ainsi qu’en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

L’appel, quoique mal fondé, ne présentant pas un caractère abusif, la demande de dommages et intérêts de la société Madolen qui justifie avoir régulièrement déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire de la société CJ Tex, sera rejetée.

La société CJ Tex, qui succombe, supportera la charge des dépens d’appel ainsi que d’une indemnité de procédure de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, sa propre

demande de ce chef étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant, par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

DONNE acte à la société CJ Tex, venant aux droits de la société Hors Zone, assistée de Me Y administrateur judiciaire, de son intervention volontaire ;

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Nancy en date du 27 juin 2016 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la société Madolen de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;

CONDAMNE la SAS CJ Tex, venant aux droits de la société Hors Zone, assistée de Me Y administrateur judiciaire, aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ainsi qu’à payer à la SA Madolen une indemnité de procédure d’un montant de 1 500 € (mille cinq cents euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

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