Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 15 juin 2020, n° 19/01368

  • Consolidation·
  • Offre·
  • Préjudice esthétique·
  • Aide·
  • Déficit fonctionnel permanent·
  • Expert judiciaire·
  • Assurances·
  • Sociétés·
  • Titre·
  • Réparation

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 1re ch., 15 juin 2020, n° 19/01368
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 19/01368
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Épinal, 12 juillet 2018, N° 17/00986
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2020 DU 15 JUIN 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/01368 – N° Portalis DBVR-V-B7D-ELW6

Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance d’EPINAL,

R.G.n° 17/00986, en date du 13 juillet 2018,

APPELANTE :

Madame C A

née le […] à […]

domiciliée […]

Représentée par Me Frédérique MOREL, substituée par Me Clarisse MOUTON, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉES :

S.A. ALLIANZ IARD, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis […]

Représentée par Me Violaine GUIDOT de la SCP BEGEL GUIDOT BERNARD JUREK, substituée par Me Aurélie HARBIL-BONNE, avocats au barreau d’EPINAL

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES VOSGES, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié 14, […]

Non représentée, bien que la déclaration d’appel lui ai été régulièrement signifiée par acte de Me Claire MOULIN, huissier de justice à NANCY, en date du 26 juin 2019 par remise à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 09 Mars 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame CUNIN-WEBER et Monsieur FERRON, Conseiller, chargé du rapport,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie CUNIN -WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Yannick FERRON, Conseiller,

Monsieur Dominique BRUNEAU, Conseiller,

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2020, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Puis, à cette date, le délibéré a été prorogé au 15 Juin 2020.


Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à


ARRÊT : réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 15 Juin 2020 , par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 5 mai 1990, Mme C A a été victime d’un accident de la circulation alors qu’elle était âgée de onze ans et demi pour être née le […], et a subi à cette occasion un traumatisme crânien sans perte de connaissance, une fracture du fémur droit, une entorse grave du genou droit, un traumatisme facial avec une plaie au front et au cuir chevelu.

Elle a été examinée une première fois par le docteur X qui, désigné en qualité d’expert amiable, a fixé la date de consolidation au 26 novembre 1991. Un nouveau rapport d’expertise amiable a été établi, le 11 septembre 2012, par le docteur Y qui a conclu à une aggravation des séquelles de l’accident à compter du 7 mars 1993, à une nouvelle aggravation à compter du 2 avril 2003, et à une troisième aggravation en cours ayant justifié une intervention chirurgicale, le 10 août 2012.

Désigné en qualité d’expert judiciaire par ordonnance de référé du 18 juin 2014, le docteur Z a procédé à un nouvel examen clinique de Mme A, et fixé, dans son rapport déposé le 10 mars 2015, la date de consolidation au 31 janvier 2013. Sur la base de ce rapport, et contestant l’offre d’indemnisation qui lui avait été faite, le 3 août 2015, par la société d’assurances Allianz, Mme A, par actes des 10 et 12 mai 2017, a fait assigner celle-ci et la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges devant le tribunal de grande instance d’Epinal, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, pour obtenir la réparation de son préjudice.

Par jugement contradictoire du 13 juillet 2018, le tribunal ainsi saisi a fixé de la manière suivante le préjudice de Mme B :

—  3 360,20 € au titre des frais divers ;

—  1 404 € au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

—  3 790 € au titre des souffrances endurées ;

—  2 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire ;

—  1 000 € au titre du préjudice esthétique permanent.

En conséquence, il a condamné la société Allianz à payer à payer à Mme B la somme de 11 554,20 €, somme productive d’intérêts au taux légal à compter de sa décision, et dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiraient eux-mêmes intérêts au taux légal. Il a encore condamné la société Allianz à payer à Mme B la somme de 3 697,40 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ordonné l’exécution provisoire de sa décision à hauteur de la somme de 8 000 €, et condamné la société Allianz aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour, le 3 mai 2019, Mme B a relevé appel de ce jugement ; dans ses dernières écritures, elle demande à la cour de le confirmer en ce qui concerne les souffrances endurées, le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice esthétique temporaire, le préjudice esthétique permanent, l’aide humaine temporaire et les frais de déplacement, mais de l’infirmer pour le surplus, et de condamner la société Allianz à lui payer les sommes suivantes :

—  3 000 € au titre du déficit fonctionnel permanent ;

—  125 736,76 € au titre de l’aide humaine permanente ;

—  1 515,19 € au titre de la perte de gains professionnels actuels, outre les intérêts moratoires, avec anatocisme, à compter du 8 août 2012 ;

—  3 105,25 €, montant des intérêts calculés au double du taux légal sur la somme de 11 554,20 € + 4 337,52 € (créance de la caisse) du 10 août 2015 au 27 novembre 2017 ;

—  52 777,82 €, montant des intérêts calculés au double du taux légal sur la somme de 11 554, 20 € + 4 337,52 € + 138 889,19 € (montant des demandes formées devant la cour) du 10 août 2015 au 31 décembre 2019 ;

—  1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Allianz réplique que l’expert judiciaire n’a retenu aucune aggravation de l’état séquellaire de la victime depuis son précédent examen clinique de sorte qu’il n’y a pas lieu d’indemniser le déficit fonctionnel permanent ; qu’il n’a pas davantage retenu la nécessité d’une aide humaine permanente après consolidation, les attestations de proches versées en ce sens étant insuffisantes pour établir le besoin de cette assistance ; qu’il n’est pas établi que Mme A ait perdu une éventualité favorable d’exercer une activité professionnelle se traduisant par une perte de chance de percevoir un revenu ; enfin qu’elle a présenté dans le délai prévu à l’article L.211-9 du code des assurances une offre d’indemnisation cohérente par rapport aux conclusions du rapport d’expertise. Elle rappelle que le caractère insuffisant de l’offre s’apprécie par rapport à la liquidation du préjudice par le juge, et que sa sanction est prévue par l’article L.211-14 du code des assurances.

Dès lors, elle conclut à la confirmation de la décision entreprise et à la condamnation de l’appelante, outre aux entiers dépens, à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La caisse primaire d’assurance maladie n’a pas constitué avocat bien que l’appelante lui eût fait signifier sa déclaration d’appel, le 26 juin 2019, et ses conclusions le 16 août suivant.

L’affaire a été clôturée par ordonnance de mise en état du 17 décembre 2019, fixée au 7 janvier 2020, puis renvoyée successivement, pour cause de grève des avocats, au 21 janvier et au 9 mars suivants.

MOTIFS DE LA DECISION

Dans son rapport d’expertise du 10 mars 2015, le docteur Z a indiqué que Mme A avait connu, à compter du 18 janvier 2012, une aggravation de son état de santé imputable à l’accident dont elle avait été victime, le 5 mai 1990. L’objet du présent litige est relatif à la réparation du préjudice que constitue cette aggravation.

I) Les préjudices patrimoniaux

1) Les préjudices à caractère temporaire

A) Les dépenses de santé actuelles

Il résulte du décompte établi par la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges, le 28 février 2017, que celle-ci a exposé pour le compte de Mme A, entre le 18 janvier 2012 et le 28 janvier 2013, des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d’appareillage et de transport, pour une somme totale de 4 337,52 €. La caisse n’ayant pas constitué avocat, il y a lieu de constater que le montant de sa créance s’éleve à cette somme.

Il sera par ailleurs relevé que Mme A ne sollicite pas le remboursement de frais de santé qui n’auraient pas été pris en charge par la caisse, ou par un autre prestataire de services.

B) La perte de gains professionnels actuels

Tout en indiquant qu’il est dans l’ignorance de la situation professionnelle de Mme A au moment de l’aggravation de son état de santé, en 2012, le docteur Z retient, dans son rapport d’expertise, une période d’incapacité totale de travail du 8 août au 30 octobre 2012, et ce en se fondant sur les certificats médicaux d’arrêt de travail du chirugien qui l’a opérée le 10 août 2012.

Mme A fait valoir qu’elle avait travaillé avant cette aggravation, ce qui signifie que lorsque son état de santé le lui permet, elle a une éventualité favorable d’accéder au monde de l’emploi, et donc de percevoir des revenus. En conséquence, elle estime qu’elle a perdu, du fait de l’aggravation de son état de santé, une chance, qu’elle évalue à 50 %, de trouver un emploi, et calcule ce chef de préjudice de la manière suivante :

—  50 % du SMIC (1 118,36 € net pour le mois de juillet 2012).

— (23/31mois + 2 mois) x 559,18 € = 1 515,19 €.

Pour établir la réalité de ce chef de préjudice, elle produit un certificat de travail du 11 mai 2012 dont il résulte qu’elle a été employée, en qualité d’agent de service, du 10 au 21 avril 2012, par la société S.N.I.M. I. Le motif de la rupture de la relation de travail n’est pas indiqué dans ce document. Elle fournit aussi les courriers de cinq établissements qui, les 19 mai et 24 novembre 2011, puis les 29 octobre, 8 novembre et 12 décembre 2012, lui ont fait savoir que, pour des raisons qui n’étaient pas précisées, ils ne pouvaient pas donner suite à sa demande d’emploi.

La preuve n’est ainsi pas rapportée que l’état de santé de Mme A ait été, fût-ce pour partie, la cause d’une part de la rupture de son contrat de travail au mois de mai 2012, d’autre part des réponses négatives qui ont été opposées à ses demandes d’emploi formées par elle avant ou pendant la période considérée. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande en réparation de ce chef de préjudice.

C) Les frais divers

a) Les frais de déplacement

Le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a alloué à Mme A, au titre des frais de déplacements qu’elle a exposés à la suite de l’aggravation de son état de santé, et sur la base du barème fiscal, la somme de 1 569 km x 0,561 = 880,20 € qui avait été proposée par la société Allianz. Il sera confirmé sur ce point.

b) Les frais de tierce personne

L’expert judiciaire a indiqué dans son rapport que Mme A, après avoir été opérée le 10 août 2012, avait dû faire appel à sa mère pour l’accomplissement des tâches domestiques, et pour s’occuper de sa fille, alors âgée de quatre ans, durant un mois. Le tribunal lui a alloué, en réparation de ce préjudice, la somme de : 16 € x 5 heures x 31 jours = 2 480 €.

Le jugement n’étant pas davantage critiqué sur ce point par les parties, il sera également confirmé en ce qu’il a alloué cette somme à Mme A.

2) Les préjudices à caractère définitif

D) Les frais de tierce personne

L’appelante réclame une somme de 125 736,76 € au titre de l’aide humaine permanente alors que la société Allianz s’oppose à cette demande au motif que l’expert judiciaire n’a pas retenu la nécessité d’une telle aide, et que les attestations produites ne suffisent pas à la démontrer.

Dans son rapport, dans un paragraphe consacré aux doléances de Mme A, l’expert judiciaire a indiqué que celle-ci aurait, tous les trois mois, une crise d’arthrose avec gonflement du genou qui doublerait de volume, ce qui l’obligerait à appliquer une poche de glace sur cette articulation durant deux à trois jours. S’agissant de sa situation familiale, il relève qu’elle vit maritalement, et a trois enfants, une fille née en 1999, un garçon né en 2002, et enfin une fille née en 2008.

Mme A produit plusieurs attestations de personnes de sa famille ou de son entourage qui confirment la réalité des crises douloureuses et chroniques qu’elle connaît, et qui l’empêchent de satisfaire à ses tâches domestiques, et de s’occuper de ses enfants.

Estimant que le volume horaire journalier de l’aide que doit lui apporter son entourage familial est de douze heures par jour, soit cent quarante-quatre heures par an, elle évalue ce chef de préjudice aux sommes suivantes :

— période échue, du 31 janvier 2013, date de sa consolidation, au 31 décembre 2019, soit six ans et onze mois, ou 2 252 jours : 144 heures x 6,91 ans x 18 € = 17 910,72 €.

— période à échoir, du 1er janvier 2020 au terme de l’espérance de vie statistique d’une femme : 144 heures x 22 € x 34,036 = 107 826,04 €.

Alors que le tarif horaire de l’indemnisation se situe entre 16 et 25 € de l’heure en fonction du besoin, de la gravité du handicap et de la spécialisation de la tierce personne, il convient de relever qu’en l’espèce, l’aide que requiert ponctuellement l’état de Mme A lorsqu’elle est en proie à une crise qui l’oblige à rester allongée avec de la glace sur le genou, ne nécessite aucune compétence particulière de la part des personnes qui la lui prodiguent, et qui peuvent appartenir à son entourage familial. Il s’agit de l’aide apportée dans l’accomplissement des tâches domestiques, cuisine, ménage et éducation des enfants. Le coût de l’heure sera en conséquence fixé à la somme de 16 €.

S’agissant de l’éducation des enfants, il y a lieu de tenir compte de leur âge, et de rappeler qu’ils sont nés respectivement en 1999, 2002 et 2008. En conséquence, eu égard à l’ampleur des tâches que doit accomplir Mme A, et qui sont, en temps normal, exécutées pour partie par son compagnon,

l’aide humaine que nécessite son état lors des crises qui l’affectent périodiquement sera fixée à trois heures par jour durant la période échue, puis à deux heures par jour durant la période à échoir, et il lui sera alloué les sommes suivantes :

— période échue : 3 heures par jour x 2,5 jours = 7, 5 heures x 4 trimestres = 30 heures par an ; 30 heures x 6,91 ans x 16 € = 3 316,80 €.

— période à échoir : 2 heures par jour x 2,5 jours = 5 heures x 4 trimestres = 20 heures par an ; 20 heures x 16 € x 34,036 (euro de rente viagère pour une femme de 34 ans à la date de sa consolidation) = 10 891,52 €.

Total des sommes dues en réparation de ce chef de préjudice : 14 208,32 €.

II Les préjudices extra-patrimoniaux

1) Les préjudices à caractère temporaire

A) Le déficit fonctionnel temporaire

Le jugement n’est pas critiqué par les parties en ce qu’il a alloué à Mme A, en réparation de ce chef de préjudice, une somme de 1 404 € ; il sera confirmé sur ce point.

[…]

Le jugement n’est pas davantage remis en question en ce qu’il a alloué à Mme A, en réparation de ce chef de préjudice, une somme de 3 790 € ; il sera aussi confirmé sur ce point.

C) Le préjudice esthétique temporaire

Le jugement n’est pas non plus critiqué en ce qu’il a attribué à Mme A, en réparation de ce chef de préjudice, une somme de 2 000 € ; il sera encore confirmé sur ce point.

2) Les préjudices à caractère permanent

A) Le déficit fonctionnel permament

Ce chef de préjudice tend à indemniser la réduction définitive, après consolidation, du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence.

A l’issue de son examen clinique du 26 novembre 1991, le docteur X, désigné en qualité d’expert médical par l’assureur de responsabilité, avait retenu un taux d’incapacité permanente partielle de 6 % fixé en fonction des éléments suivants : céphalées frontales épisodiques, légère laxité externe du genou gauche sans instabilité, douleurs intermittentes d’ordre mécanique au niveau de la fracture fémorale droite avec raccourcissement d’un centimètre du membre inférieur droit.

Ce taux n’a été remis en cause ni par le docteur X qui a de nouveau examiné Mme B en 1997 et en 2006, ni par le docteur Y qui a établi son rapport, le 15 décembre 2014. Dans son rapport du 10 mars 2015, le docteur Z a considéré qu’il n’y avait pas lieu de modifier le taux précédemment indemnisé. C’est pourquoi, la société Allianz s’oppose à la demande d’indemnisation formée par l’appelante qui sollicite à ce titre une somme de 3 000 €.

Au soutien de sa demande, Mme A rappelle que la notion de déficit fonctionnel permanent

intègre, outre l’atteinte fonctionnelle qui a seule été prise en compte par les experts pour fixer le taux de 6 %, les souffrances endurées après consolidation et l’atteinte à la qualité de vie.

L’examen comparatif des rapports d’expertise révèle que l’aggravation de l’état de santé de l’intéressée est en relation avec les douleurs qui ont affecté son genou droit à compter de l’année 2010, et qui ont justifié l’intervention chirurgicale pratiquée le 10 août 2012, intervention après laquelle sont apparues périodiquement, à l’occasion de changements de temps, des crises d’arthrose douloureuses avec gonflement du genou. Ces crises qui constituent un élément nouveau, si elles n’ont pas modifié, selon le docteur Z, le potentiel physique de Mme A, ont cependant été la cause de nouvelles douleurs et d’une dégradation de ses conditions d’existence. L’appelante est ainsi fondée à réclamer, au titre de l’aggravation de son déficit fonctionnel permanent une somme de 3 000 € qui lui sera attribuée. Le jugement sera infirmé en ce sens.

B) Le préjudice esthétique permanent

Le jugement n’étant pas critiqué en ce qu’il a alloué à Mme A la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de ce chef de préjudice, il sera confirmé sur ce point.

III) L’application des articles L.211-9 et L.211-13 du code des assurances

Il n’est pas contesté que la demande fondée sur ces textes, bien que formée pour la première fois en cause d’appel, est recevable parce qu’elle constitue, au sens de l’article 566 du code de procédure civile, le complément de la demande d’indemnisation formée en première instance.

L’article L.211-9 du code des assurances prévoit, en son troisième alinéa, que l’offre faite par l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur peut avoir un caractère provisionnel lorsque cet assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de l’état de consolidation de la victime ; que l’offre définitive d’indemnisation doit alors être faite par lui dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle il a été informé de cette consolidation.

Les dispositions de ce texte, qui ne fait à cet égard aucune distinction, sont applicables au dommage aggravé de sorte que l’assureur est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnisation dans un délai de cinq mois à compter de la date à laquelle il a été informé de la consolidation de l’état aggravé de la victime.

En l’espèce, l’appelante reconnaît avoir reçu, de la société Allianz, une offre d’indemnisation, le 3 août 2015, c’est-à-dire dans le délai de cinq mois à compter du 10 mars 2015, date du rapport dans lequel le docteur Z fixait la date de consolidation de son état aggravé au 31 janvier 2013. Elle considère toutefois que cette offre, d’un montant de 3 507 €, était manifestement insuffisante, et donc assimilable à une absence d’offre au sens de l’article L.211-13 du code des assurances selon lequel, lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L.211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.

L’examen de cette offre révèle qu’elle portait sur le préjudice fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et le préjudice esthétique temporaire. Cette offre ne peut être considérée comme complète dans la mesure où elle ne portait ni sur l’aide par une tierce personne avant consolidation, ni sur le préjudice esthétique permanent. En effet, sur ces deux points, l’expert judiciaire avait d’une part retenu l’obligation pour Mme A de faire appel à sa mère, pendant un mois, pour l’accomplissement des tâches domestiques, et pour s’occuper de sa fille alors âgée de quatre ans, d’autre part constaté un discret allongement de la cicatrice opératoire pré-rotulienne de l’ordre de deux centimètres.

Dans ses conclusions devant le tribunal, datées du 27 novembre 2017, la société Allianz a fait une nouvelle offre, d’un montant de 8 525,70 €, incluant au titre de l’aide humaine avant consolidation la somme de 1 800 €, et expliquant qu’elle n’offrait aucune indemnité au titre du préjudice esthétique permanent, l’expert ayant conclu que ce dommage esthétique définitif était négligeable. Par ailleurs, s’agissant des souffrances endurées, elle portait son offre de la somme de 1 800 € à celle de 3 000 €. Elle proposait aussi, au titre des frais de déplacement non pris en compte par l’expert judiciaire, une somme de 880,20 €. Elle augmentait aussi la somme offerte au titre du déficit fonctionnel temporaire qui passait de 447 € à 1 345 €.

La nouvelle offre ainsi faite doit être considérée comme complète puisqu’elle prenait en compte tous les chefs de préjudice énumérés par l’expert judiciaire. Contrairement à ce que soutient l’appelante, le caractère suffisant ou manifestement insuffisant de l’offre faite par l’assureur doit s’apprécier au regard des conclusions de l’expert, et non au regard des demandes qui, faites par la victime, devant le tribunal, puis devant la cour, intégraient des chefs de préjudice non envisagés par l’expert. Ainsi, le docteur Z ayant retenu un nombre limité de chefs de préjudice n’incluant ni perte de gains professionnels, ni déficit fonctionnel permanent, ni nécessité d’une aide humaine permanente après consolidation, l’offre d’une somme de 8 525,70 € ne peut être considérée comme manifestement insuffisante, étant précisé que sur la base du rapport d’expertise, le tribunal a alloué à Mme A une somme totale de 11 554,20 €.

En conséquence, la société Allianz sera condamnée à payer à Mme A les intérêts calculés au double du taux de l’intérêt légal sur la somme de 8 525,70 € du 10 août 2015, date à laquelle une offre incomplète aurait dû être formulée, au 27 novembre 2017, date de l’offre définitive.

IV) L’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Mme A obtenant la satisfaction partielle de ses prétentions, le jugement sera confirmé en ce qu’il lui a alloué la somme de 3 697,40 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et une somme de 1 500 € lui sera attribuée sur le même fondement en cause d’appel.

Pour le même motif, la société Allianz sera déboutée de sa propre demande d’indemnité de procédure, et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant dans la limite de l’appel interjeté, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Constate que la créance de la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges s’élève à la somme de quatre mille trois cent trente-sept euros et cinquante-deux centimes

(4 337,52 €) ;

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme C A des demandes par elle formées au titre du déficit fonctionnel permanent et de l’aide humaine permanente, et condamné la société Allianz à lui payer la somme de onze mille cinq cent cinquante-quatre euros et vingt centimes (11 554,20 €), somme productive d’intérêts au taux légal à compter de sa décision ;

Statuant à nouveau ;

Fixe à la somme de trois mille euros (3 000 €) le montant de la réparation due au titre du déficit fonctionnel permanent ;

Fixe à la somme de quatorze mille deux cent huit euros et trente deux centimes

(14 208,32 €) le montant de la réparation due au titre de l’aide humaine permanente ;

Condamne la société Allianz à payer à Mme C A la somme totale de vingt-huit mille sept cent soixante-deux euros et cinquante-deux centimes (28 762,52 €), somme qui produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Confirme pour le surplus la décision entreprise ;

Y ajoutant ;

Condamne la société Allianz à payer à Mme C A les intérêts calculés au double du taux de l’intérêt légal sur la somme de 8 525,70 € du 10 août 2015 au 27 novembre 2017 ;

Condamne la société Allianz à payer à Mme C A la somme de mille cinq cents euros (1 500 €) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne la société Allianz aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en onze pages.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 15 juin 2020, n° 19/01368