Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale 2e section, 14 décembre 2023, n° 22/02717

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, ch. soc. 2e sect., 14 déc. 2023, n° 22/02717
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 22/02717
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nancy, 2 novembre 2022, N° 21/00594
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 20 décembre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° /2023

PH

DU 14 DECEMBRE 2023

N° RG 22/02717 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FCXV

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANCY

21/00594

03 novembre 2022

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2

APPELANTE :

S.A.R.L. M. C.P.A. (BOULANGERIE [X]) prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Eric SEGAUD substitué par Me FOLTZ de la SELARL FILOR AVOCATS, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Madame [Z] [J]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : WEISSMANN Raphaël

Conseiller : STANEK Stéphane

Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 28 Septembre 2023 tenue par WEISSMANN Raphaël, Président, et STANEK Stéphane, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 14 Décembre 2023;

Le 14 Décembre 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [Z] [J] a été engagée sous contrat de travail à durée déterminée, par la société SARL M. C.P.A, exploitant la boulangerie-pâtisserie [X] (ci-après SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X]), à compter du 14 octobre 2020, en qualité de vendeuse.

A compter du 30 novembre 2020, la relation contractuelle s’est poursuivie sous contrat de travail à durée indéterminée.

La convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie artisanale s’applique au contrat de travail.

En date du 18 décembre 2020, Madame [Z] [J] a été placée en arrêt de travail pour maladie.

Par courrier du 22 décembre 2020, la salariée a démissionné de son poste, courrier qu’elle déclare avoir recopié à la demande de la gérante de la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X].

Par courrier du 06 janvier 2021, elle a notifié sa rétractation de sa démission à l’employeur.

Par requête du 12 février 2021, Madame [Z] [J] a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Nancy, aux fins :

— de condamnation de la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] à lui verser les sommes suivantes :

—  888,94 euros de rappel de salaire du mois de décembre 2020,

—  500,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,

—  1 000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

— d’ordonner la remise du bulletin de paie du mois de décembre 2020,

— d’ordonner l’exécution provisoire.

Par ordonnance de référé du conseil de prud’hommes de Nancy rendue le 12 avril 2021, le conseil de prud’hommes de Nancy a :

— donné acte à Madame [Z] [J] de la remise de ses documents de fin de contrat et du règlement de son salaire de décembre 2020 par la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X],

— dit qu’en présence de contestations sérieuses il n’y avait pas lieu à référé,

— renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Par requête du 17 décembre 2021, Madame [Z] [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Nancy, aux fins :

— à titre principal, de dire et juger sa démission nulle,

— à titre subsidiaire, de requalifier sa démission en prise d’acte de la rupture de son contrat de travail et de dire qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— de condamner la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] à lui verser les sommes suivantes :

— à titre principal, 9 573,42 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

— à titre subsidiaire, 1 595,57 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 797,78 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 79,77 euros au titre des congés payés afférents,

—  57,86 euros de rappel de salaire pour la journée du 14 octobre 2020, outre 5,78 euros de congés payés afférents,

—  178,84 euros de rappel de salaire pour le mois de décembre 2020, outre 17,88 euros de congés payés afférents,

—  9573,42 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

—  3 000,00 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

—  1 500,00 euros de dommages et intérêts au titre de la mise en danger du salarié,

—  1 500,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,

—  1 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy rendu le 03 novembre 2022, lequel a :

— dit et jugé que la démission s’analyse en une prise d’acte,

— en conséquence, condamné la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] à payer à Madame [Z] [J] les sommes suivantes :

—  797,78 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  79,77 euros au titre des congés payés afférents,

—  420,80 euros au titre de rappel de salaires sur la période de novembre à décembre 2020, déduite à tort,

—  42,80 euros au titre des congés payés afférents,

—  1 000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

— condamné la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] à payer à Madame [Z] [J] la somme de 300,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire de droit sur le fondement de l’article R.1454-28 du code du travail le conseil fixant la moyenne des salaires versées à Madame [Z] [J] à la somme de 1 595,57 euros bruts,

— ordonné à la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] la remise de l’ensemble des documents sociaux rectifiés ainsi que les fiches de paie rectifiées,

— débouté Madame [Z] [J] de ses autres demandes,

— débouté la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

— condamné la société S.A.R.L MCPA BOULANGERIE [X] aux entiers dépens.

Vu l’appel formé par la société SARL M. C.P.A le 01 décembre 2022,

Vu l’appel incident formé par Madame [Z] [J] le 26 mai 2023,

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société SARL M. C.P.A déposées sur le RPVA le 20 juillet 2023, et celles de Madame [Z] [J] déposées sur le RPVA le 08 août 2023,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 06 septembre 2023,

La société SARL M. C.P.A demande :

— d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy rendu le 03 novembre 2022 en ce qu’il a :

— dit et jugé que la démission s’analyse en une prise d’acte,

— en conséquence, condamné la société à payer à Madame [Z] [J] les sommes suivantes :

—  797,78 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  79,77 euros au titre des congés payés afférents,

—  420,80 euros au titre de rappel de salaires sur la période de novembre à décembre 2020, déduite à tort,

—  42,80 euros au titre des congés payés afférents,

—  1 000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

— condamné la société à payer à Madame [Z] [J] la somme de 300,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné à la société la remise de l’ensemble des documents sociaux rectifiés ainsi que les fiches de paie rectifiées,

— débouté la société de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

— condamné la société aux entiers dépens,

*

Statuant à nouveau :

**Sur la demande à titre principal :

— de débouter Madame [Z] [J] de ses demandes formées au titre de la nullité de la démission,

**Sur la demande à titre subsidiaire :

— à titre principal, de dire la demande de requalification en prise d’acte avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse irrecevable,

— à titre subsidiaire, de dire que la prise d’acte doit d’analyser en démission,

— de débouter Madame [Z] [J] de sa demande tendant à obtenir la requalification de sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— en conséquence, de débouter Madame [Z] [J] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

— de condamner Madame [Z] [J] à lui verser les sommes suivantes :

—  3 000,00 euros de dommages et intérêts au titre de la procédure prud’homale abusive,

—  2 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— de condamner Madame [Z] [J] aux entiers dépens de la présente instance.

Madame [Z] [J] demande :

— de juger ses demandes recevables et bien fondées,

— de confirmer le jugement intervenu en ce qu’il a :

— constaté la nullité de la démission,

— dit et jugé que la démission s’analyse en une prise d’acte,

— condamné la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] à lui payer les sommes suivantes :

—  797,78 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  79,77 euros au titre des congés payés afférents,

—  420,80 euros au titre de rappel de salaires pour le mois de décembre 2020,

—  42,80 euros au titre des congés payés afférents,

— dit que le préjudice au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail est caractérisé,

— condamné la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] à lui payer à la somme de 300,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

— condamné la société S.A.R.L MCPA BOULANGERIE [X] aux entiers dépens,

— d’infirmer le jugement intervenu pour le surplus,

*

Statuant à nouveau :

— de juger que la prise d’acte doit s’analyser en un licenciement nul à titre principal et sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,

— de juger que le contrat de travail a débuté le 14 octobre 2020 et qu’elle n’a pas été rémunérée de cette première journée,

— de juger que le délit de travail dissimulé est caractérisé,

— de condamner la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] à lui verser les sommes suivantes :

— à titre principal, 9 573,42 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

— à titre subsidiaire, 1 595,57 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— en tout état de cause, de condamner la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] à lui verser:

—  57,86 euros de rappel de salaire pour le mois d’octobre 2020,

—  5,79 euros de congés payés afférents,

—  9 573,42 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

—  3 000,00 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Y ajoutant :

— de condamner la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] à lui verser la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

— de condamner la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] aux entiers frais et dépens de la présente instance et d’une éventuelle exécution forcée,

— de juger que l’ensemble des condamnations à intervenir portera intérêt au taux légal en vigueur,

— de débouter la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] de l’intégralité de ses demandes.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu’elles ont déposées sur le RPVA, s’agissant de l’employeur le 20 juillet 2023, et en ce qui concerne le salarié le 08 août 2023.

Sur la démission et la prise d’acte :

Mme [Z] [J] fait valoir qu’elle a signé la lettre de démission à la demande et sous la contrainte de son employeur : son employeur l’a fait venir sur son lieu de travail alors qu’elle était en arrêt maladie et sous l’emprise de Tramadol pouvant altérer sa réflexion, pour lui faire recopier une lettre de démission qu’il avait préparée.

Elle poursuit en expliquant qu’ignorant le contenu du document qu’elle avait signé, elle a adressé à l’employeur une lettre datée du 23 décembre 2020 (pièce 10) pour en solliciter une copie.

L’intimée conteste les attestations produites par l’employeur de salariés de l’entreprise, Mme [N] [Y] et de M. [C] [F], comme étant de complaisance.

Elle souligne avoir adressé un courrier de rétractation par lettre recommandée le 06 janvier 2021.

Mme [Z] [J] demande qu’en tout état de cause sa démission soit requalifiée en prise d’acte pour les manquements suivants :

— non-respect de sa classification contractuelle : elle a été engagée comme vendeuse, mais travaillait au laboratoire de pâtisserie,

— absence d’inscription à l’ALSMT,

— absence d’équipement de protection : elle explique qu’elle devait travailler sans gants au laboratoire ; de ce fait elle a fait l’objet d’un arrêt de travail pour des brûlures allergiques sur les mains,

— elle n’a pas été payée pour la journée du 14 octobre 2020, et a fait l’objet de retenues sur salaire en novembre et décembre alors qu’elle était en repos ou en poste

— son embauche a été déclarée le 23 octobre 2020 alors qu’elle a commencé à travailler le 14 octobre 2020,

— l’attitude délétère et harcelante de Mme [X].

L’intimée sollicite que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement nul en raison de son état de santé, et à titre subsidiaire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société MCPA conteste les arguments développés par la salariée, et estime que Mme [Z] [J] ne prouve ni son incapacité à démissionner, ni que son consentement aurait été vicié.

Elle indique que Mme [N] [Y] et M. [C] [F] précisent que l’intimée s’est rendue à la boulangerie pour présenter sa lettre de démission à son employeur.

En ce qui concerne la demande subsidiaire de requalification en prise d’acte, la société MCPA souligne que la salariée ne fait valoir aucun grief dans sa lettre de démission, et fait valoir que le courrier du 06 janvier 2021 n’est pas une prise d’acte, mais une rétractation de la démission.

Elle estime par ailleurs que Mme [Z] [J] ne peut demander à la fois, à titre principal la nullité de la démission en invoquant un vice du consentement, et à titre subsidiaire la requalification du courrier en prise d’acte.

Sur les griefs présentés au soutien de la demande de prise d’acte, la société MCPA conteste que Mme [Z] [J] ait travaillé dans le laboratoire de pâtisserie ; elle fait valoir que la visite d’information et de prévention qui remplace désormais la visite médicale d’embauche, doit avoir lieu dans les trois mois suivant l’embauche, et que Mme [Z] [J] s’est trouvée en arrêt de travail deux mois après son embauche. La société MCPA affirme que le premier jour de travail de Mme [Z] [J] était le 15 octobre 2020, et que la salariée n’établit pas qu’elle aurait travaillé dès le 14 octobre.

Motivation

Sur la demande de nullité de la démission :

La lettre litigieuse (pièce 12 de la salariée) indique : « Madame, je vous remets ma démission à partir de ce jour le mardi 22 décembre 2020 boulangerie [Adresse 4] [Localité 2] ».

Mme [Z] [J] renvoie à ses pièces :

—  24, certificat du Docteur [V]

—  10, son courrier en date du 23 décembre 2020

—  13, lettre recommandée avec accusé de réception du 06 janvier 2021

—  28, un échange de sms.

Le certificat médical, en pièce 24 précitée, en date du 03 mai 2021, indique : « (') Mademoiselle [Z] [J] née le 22/03/1997 à (54) présente un état de santé nécessitant une protection administrative. »

Ce document, qui n’est pas contemporain de la lettre de rupture, ne dit rien de la situation de Mme [Z] [J] à la date de sa démission.

La pièce 10 est la copie d’un courrier adressé à l’employeur en recommandé avec accusé de réception le 23 décembre 2020, dans lequel elle indique travailler dans l’entreprise depuis le 14 octobre 2020 ; elle explique que son médecin l’a arrêtée le 18 décembre 2020 en raison de brûlures allergiques aux mains, liées au gel hydroalcoolique et au bicarbonate de soude pour la fabrication des bretzels ; elle demande que l’employeur l’inscrive à l’ALSMT pour passer une visite de pré-reprise ; elle demande enfin « la copie du document que vous m’avez fait signer le mardi 22 décembre 2020, document dont vous avez alors refusé de me donner copie et dont je me souviens seulement qu’il parle de mon départ du travail ». (la fin de cette lettre se trouve en pièce 10/2 au dos de sa pièce 9/1)

La pièce 13 est une lettre à l’employeur, adressée par recommandé avec accusé de réception le 06 janvier 2021. Il s’agit de sa lettre de rétractation de démission ; elle indique qu’elle est en arrêt de travail depuis le 18 décembre 2020 « pour des brûlures allergiques liées à mon travail au laboratoire de pâtisserie », que le 22 décembre l’employeur l’a fait venir au magasin et lui a fait recopier une lettre de démission qu’il lui a demandé de signer ; elle ajoute que « vous m’aviez fait démissionner alors que j’étais en arrêt de maladie, sous Tramadol et autres médicaments, et n’avais aucune intention de quitter mon emploi ».

La pièce 28 est constituée d’échanges sms entre le 15 octobre et le 07 janvier, entre Mme [Z] [J] et la société MCPA, relatifs à ses horaires de travail, aux plannings et à son arrêt de travail, outre d’autres échanges sur des sujets non professionnels.

Ces éléments ne justifient pas du vice du consentement allégué.

En conséquence, Mme [Z] [J] sera déboutée de sa demande d’annulation de sa démission.

Sur la demande de prise d’acte :

Mme [Z] [J] ne peut à la fois prétendre qu’elle n’a pas démissionné de son emploi et demander la requalification de cette démission en prise d’acte.

Dès lors, ne pouvant à la fois demander la nullité de sa démission, et demander la rupture du contrat de travail pour prise d’acte aux torts de l’employeur, elle sera déboutée de sa demande, et de ses demandes financières consécutives ; le jugement sera réformé sur ces points.

Sur la demande de rappel de salaire pour la journée du 14 octobre 2020

Mme [Z] [J] fait valoir avoir travaillé dès le 14 octobre 2020, journée qui ne lui a pas été payée.

Elle renvoie à ses pièces 5 et 28, soulignant que le planning lui a été adressé par sms par Mme [X], gérante de la boulangerie.

La société MCPA renvoie à ses arguments développés contre la demande de nullité de la démission, et affirme que Mme [Z] [J] n’apporte pas la preuve d’avoir travaillé à compter du 14 octobre 2020.

Motivation

Ainsi que le fait valoir la société MCPA, le planning produit en pièce 5 par Mme [Z] [J] est un document dactylographié ; son origine n’est pas établie.

Comme le fait valoir la société MCPA, les échanges de sms entre les parties débutent le 15 octobre ; le premier message est celui de Mme [Z] [J] qui demande quels sont ses horaires pour samedi, dimanche et la semaine suivante.

Mme [Z] [J] ne produit aucun autre élément, permettant d’établir qu’elle a travaillé le 14 octobre 2020 pour la société MCPA, alors que le formulaire de déclaration d’embauche (pièce 8 de la société MCPA) indique le 15 octobre 2020 comme date de début d’emploi.

Dans ces conditions, Mme [Z] [J] sera déboutée de sa demande.

Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé :

Mme [Z] [J] sera déboutée de cette demande, fondée sur sa prétention au titre de la journée du 14 octobre 2020.

Sur la demande de rappels de salaire pour les mois de novembre et décembre 2020:

Mme [Z] [J] explique avoir été placée sans explication en absence non rémunérée du 06 au 08 novembre 2020, ainsi que du 13 au 17 décembre 2020, entraînant des retenues de salaire. Elle indique que les plannings qu’elle produit en pièce 5 indiquent qu’elle travaillait ou était en repos les jours où l’employeur l’a placée en absence rémunérée.

La société MCPA fait valoir que les plannings dont Mme [Z] [J] se prévaut sont des plannings préparés à l’avance qui ne permettent pas de prouver ses affirmations.

Motivation

Il ressort des dispositions de l’article L 3171-4 en sa rédaction applicable qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l’espèce, Mme [Z] [J] produit en pièces 5 des photographies de plannings de novembre et décembre 2020, comportant notamment le prénom « [Z] » ; il est indiqué des horaires de travail du 06 au 08 décembre pour l’intimée, ainsi que pour les journées du 13 au 17 décembre, sauf pour la journée du 15 où il est indiqué « R ».

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à la société MCPA d’y répondre.

La société MCPA, à qui incombe le contrôle des heures de travail de ses salariés, ne verse aucune pièce permettant de contredire les éléments produits par la salariée.

Il sera dès lors fait droit aux demandes de rappels, la société MCPA ne critiquant pas à titre subsidiaire le quantum des demandes.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat

Mme [Z] [J] fait valoir :

— avoir subi des brûlures aux mains du fait de ses conditions de travail

— avoir travaillé au laboratoire de pâtisserie

— ne pas avoir été inscrite auprès de l’ALSMT

— que son employeur a profité de son état de faiblesse pour lui faire signer une lettre de démission

— il a refusé de lui verser son salaire, la contraignant à saisir le conseil des prud’hommes en référé.

La société MCPA considère qu’aucune exécution déloyale du contrat de travail n’est établie ; que Mme [Z] [J] n’apporte pas la preuve d’avoir travaillé dans le laboratoire de pâtisserie, de surcroît sans protection ; que Mme [Z] [J] ne démontre aucun préjudice.

Motivation

Mme [Z] [J] renvoie à ses pièces 24, 10, 13, 11, 8, 9, 26 et 27.

Le certificat médical du Docteur [V], en pièce 24, en date du 03 mai 2021, indique : « (') Mademoiselle [Z] [J] née le 22/03/1997 à (54) présente un état de santé nécessitant une protection administrative. »

La pièce 10 est la copie d’un courrier adressé à l’employeur en recommandé avec accusé de réception le 23 décembre 2020, dans lequel : elle indique travailler dans l’entreprise depuis le 14 octobre 2020 ; elle explique que son médecin l’a arrêtée le 18 décembre 2020 en raison de brûlures allergiques aux mains, liées au gel hydroalcoolique et au bicarbonate de soude pour la fabrication des bretzels ; elle demande que l’employeur l’inscrive à l’ALSMT pour passer une visite de pré-reprise.

La pièce 13 est sa lettre à l’employeur, adressée par recommandé avec accusé de réception le 06 janvier 2021. Il s’agit de sa lettre de rétractation de démission ; elle indique notamment qu’elle est en arrêt de travail depuis le 18 décembre 2020 « pour des brûlures allergiques liées à mon travail au laboratoire de pâtisserie ».

La pièce 11 est le courrier que Mme [Z] [J] a reçu de la DIRECCTE, daté du 08 janvier 2021, en réponse à sa lettre du 23 décembre 2020, se plaignant d’une absence d’adhésion de l’employeur au service de santé au travail et d’absence de visite d’information et de prévention.

La pièce 8 est constituée de ses arrêts de travail.

La pièce 9 est constituée d’une ordonnance du 18 décembre 2020 et de la copie de sa lettre à l’employeur du 23 décembre 2020.

La pièce 26 est un certificat médical du Docteur [L], médecin du travail, du 11 mars 2021, indiquant que l’état de l’intimée ne permet pas une reprise immédiate dans un poste avec contact de denrées alimentaires.

La pièce 27 est un certificat médical du même médecin, du 11 mars 2021 également, adressé à l’employeur, indiquant que son état de santé n’est pas compatible avec la reprise de son poste.

Ces éléments ne justifient ni que Mme [Z] [J] travaillait dans le laboratoire de pâtisserie, ni que ses brûlures auraient pour origine le travail dans ce laboratoire, ni dans quelles circonstances son salaire n’aurait pas été versé.

Par ses pièces 10 et 11, la société MCPA justifie de son inscription auprès de l’ALSMT (association lorraine de santé en milieu de travail), ce qui implique qu’elle n’était pas inscrite pour 2020 auprès d’un service de médecine du travail.

Comme le fait valoir la société MCPA dans ses écritures, Mme [Z] [J] ne justifie pas de préjudice à ce titre, ce d’autant que, comme l’indique l’employeur, ce dernier était encore dans le délai légal de trois mois pour la visite de sa salariée par la médecine du travail, la DIRECCTE indiquant à Mme [Z] [J] dans la pièce 11 précitée les dispositions de l’article R4624-10 du code du travail, imposant la visite d’information et de prévention dans un délai de 3 mois à compter de la prise de poste.

Il résulte enfin des développements qui précèdent que Mme [Z] [J] n’a pas démontré le vice du consentement qu’elle alléguait.

Aucun des griefs n’étant établi, Mme [Z] [J] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

La société MCPA fait valoir que Mme [Z] [J] a agi de façon abusive.

Il résulte des développements qui précèdent que les demandes de Mme [Z] [J] sont au moins partiellement accueillies, de telle sorte que l’action de Mme [Z] [J] ne peut être considérée comme abusive.

La société MCPA sera donc déboutée de sa demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens, et sera déboutée de ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infime le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nancy le 03 novembre 2022, en ce qu’il a :

— dit et jugé que la démission s’analyse en une prise d’acte,

— en conséquence, condamné la société SARL M. C.P.A BOULANGERIE [X] à payer à Madame [Z] [J] les sommes suivantes :

—  797,78 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  79,77 euros au titre des congés payés afférents,

—  1 000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans ces limites,

Dit que la rupture s’analyse en une démission ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

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Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale 2e section, 14 décembre 2023, n° 22/02717