Cour d'appel de Nîmes, 10 janvier 2013, n° 12/00466

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 10 janv. 2013, n° 12/00466
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 12/00466
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Privas, 30 novembre 2011

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

R.G : 12/00466

XXX

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PRIVAS

01 décembre 2011

T

C/

B Z

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1re Chambre A

ARRÊT DU 10 JANVIER 2013

APPELANTE :

Madame Q T épouse D

née le XXX à XXX

XXX

07800 A

Rep/assistant : la SCP LEMOINE CLABEAUT, Plaidant/Postulant (avocats au barreau de NIMES)

INTIMÉE :

Madame K B Z

née le XXX à XXX

XXX

XXX

XXX

Rep/assistant : la SCP BALSAN & GOURRET, Plaidant/Postulant (avocats au barreau de VALENCE)

Rep/assistant : la SCP PERICCHI Philippe, Plaidant/Postulant (avocats au barreau de NIMES)

Statuant en application de l’article 905 du Code de procédure civile,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Dominique BRUZY, Président

M. I THOMAS, Conseiller

Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller

GREFFIER :

Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors des débats et Madame Véronique LAURENT-VICAL, Greffier, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 14 Juin 2012, où l’affaire a été mise en délibéré au 27 Septembre 2012, et prorogé à celle de ce jour

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Dominique BRUZY, Président, publiquement, le 10 janvier 2013, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 27 janvier 2012, Madame Q T épouse D a relevé appel d’une ordonnance rendue le 1er décembre 2011 par le juge des référés du tribunal de Grande instance de PRIVAS :

— ayant jugé que l’article intitulé « la vengeance par la sorcellerie peut-elle conduire jusqu’à la mort ' » paru sur son site Internet constituait bien un trouble manifestement illicite,

— ayant constaté néanmoins qu’elle a retiré cet article litigieux de son site Internet,

— ayant rejeté la demande visant à interdire la suppression de tout article ou parution faisant référence ou allusion à Me U H,

— l’ayant condamnée aux dépens de l’instance ainsi qu’à payer à madame K B Z la somme de 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 11 juin 2012 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, l’appelante sollicite la cour au visa des dispositions des articles 808 et 809 du code de procédure civile:

' in limine litis :

— de la déclarer recevable et bien fondée en son appel tenant la validité de son adresse,

— tenant le défaut de qualité pour agir de madame K B Z, de réformer l’ordonnance déférée et en conséquence de débouter madame B Z de ses demandes en ce qu’elles sont irrecevables et de la condamner aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’à lui payer la somme de 2000 € en application des dispositions de l’articles 700 du code de procédure civile;

' à titre subsidiaire, si la cour retenait la qualité pour agir de madame B Z,

— tenant l’absence de trouble manifestement illicite, d’urgence et l’existence d’une contestation sérieuse, de réformer la décision entreprise en ce qu’elle a considéré que l’article publié constituait un trouble manifestement illicite,

— de la réformer en ce qu’elle a constaté que le retrait de l’article litigieux n’aurait eu lieu que le 7 octobre 2011 après qu’elle ait eu connaissance de l’assignation à comparaître dont elle faisait l’objet à la demande de madame B Z et en ce qu’elle l’ a condamnée à payer à la dite madame B Z une somme de 1000 € titre des frais irrépétibles ;

— de confirmer cette décision en ce qu’elle a rejeté la demande de madame B Z visant à la contraindre à supprimer tout article parution faisant référence ou simplement allusion à la personne de Me U H ,

— de débouter madame B Z de toutes ses demandes et de la condamner aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’à lui payer la somme de 2000 € en application des dispositions de l’articles 700 du code de procédure civile .

Dans ses écritures en réplique du 29 mai 2012 auxquelles il est également explicitement renvoyé, madame K B Z, au visa des dispositions des articles 46, 491, 808, 809, 901 et 961 du code de procédure civile, requiert de la cour de déclarer nul l’appel interjeté par madame D faute de communiquer une adresse valable au visa de l’article 901 du code de procédure civile, de déclarer en ce cas les conclusions d’appelant irrecevables en application de l’article 961 du même code ainsi que toutes les autres conclusions successives pour le même motif.

En toute hypothèse, la cour confirmera l’ordonnance de référé du 1er décembre 2011 et vu la représentation obligatoire des parties en appel et l’absence de répétibilité des honoraires d’avocats, condamnera Madame Q D aux entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à lui payer la somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Madame B Z soutient que le domicile porté dans sa déclaration d’appel par madame D à l’adresse ' Résidence le Serre , XXX à 07800 A, inhabité, ne servant que de boîte aux lettres à dire d’huissier, n’est pas son domicile réel et que dès lors sa déclaration d’appel est nulle comme ne satisfaisant pas aux dispositions combinées des articles 901 et 58 du code de procédure civile.

Madame D a relevé appel le 27 janvier2012 et les nombreuses pièces produites aux débats, quittances de loyer, avis d’impôt sur le revenu, carte grise et permis de conduire, attestation d’assurance locative, attestations de droits et paiement de Pôle Emploi et de la Caisse d’Allocations Familiales de l’Ardèche, attestation CMU, enquête préliminaire de gendarmerie, actes de procédure et courriers d’avocats et d’huissier, établissent sa domiciliation sans discontinuité Route du Serre à A depuis le XXX, date de la signature par les époux D du contrat de location du logement appartenant à madame AB AC qu’ils occupent au sein d’une maison jumelée en copropriété, jusqu’à tout le moins au 10 mai 2012, date de l’ avis de réception de la dernière lettre recommandée adressée par les époux D à la SCP CURAT-X en réponse à un courrier par lettre simple de l’étude d’avocats du 3 mai 2012.

S’il a été effectivement notifié aux époux D le 5 novembre 2011 un arrêté de péril non imminent avec interdiction d’habiter et d’utiliser les lieux, frappant leur habitation menacée par un glissement de terrain survenu dans la nuit du 4 au 5 novembre 2011, cet arrêté pris par le maire de A et l’arrêté rectificatif de péril pris le 7 novembre 2011, ont été retirés dès le 19 janvier 2012 et ce retrait notifié aux époux D à l’adresse déclarée en mairie de la 'Route de Serre à A'.

Le domicile déclaré dans son acte d’appel par madame D est donc bien son domicile réel et aucune nullité ne peut en résulter.

L’appel formé par madame D et les conclusions qui ont suivi sont parfaitement recevables.

Aux termes des dispositions de l’article 9 du code civil , ' chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent , sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de sa vie privée; ces mesures peuvent s’il y a urgence, être ordonnées en référé '.

Madame D excipe du défaut de qualité pour agir de madame B Z lui contestant au-delà de tout concubinage avec maître H non rapporté en preuve, la qualité pour solliciter la cessation d’un trouble né de la diffusion ou la parution d’articles faisant référence à la personne de maître H.

Madame B Z qui soutient avoir partagé la vie de monsieur H, père de sa fille Y, estime que l’article litigieux commande de s’opposer à un usage attentatoire fait selon elle de la mémoire de monsieur H, la publication par madame D d’un tel article constituant pour ses proches une profonde atteinte à leurs sentiments d’affliction et à l’intimité de leur vie privée.

Il est constant que le droit d’agir pour le respect de la vie privée s’éteint au décès de la personne concernée , seule titulaire de ce droit qui n’est pas transmis aux héritiers et encore moins aux proches qui n’ont pas la qualité d’ayant-droit du défunt.

Cependant, les héritiers ou les proches qui ont un intérêt légitime à agir s’ils ne peuvent agir en réparation du préjudice causé par l’atteinte à la vie privée du défunt, peuvent en revanche demander réparation du

préjudice personnel que les mêmes faits ont causé à leur propre vie privée, en raison même d’une atteinte à la mémoire ou au respect dû au mort.

Le concubinage se définit comme l’union de fait caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité entre deux personnes de sexe différent ou de même sexe qui vivent en couple.

Les relations de monsieur U H et de madame K B – Z telles qu’elles ressortent des attestations de monsieur I J et AF AG, amis intimes de longues date de monsieur U H qui évoquent la nouvelle vie de ce dernier avec ' K ' avec l’attente d’un enfant et le dépôt de sa requête en divorce, de mesdames AD AE épouse E qui confirme la vie commune de monsieur H, madame B-Z et son fils AP à C dès le mois de janvier 2010, M N et W AA qui relatent toutes deux la présence de monsieur H auprès de madame B-Z lors des sorties d’école ou des manifestations scolaires de l’enfant AP B-Z et même de l’attestation de U H en date du 16 août 2011, aux termes de laquelle s’il parle effectivement de cohabitation avec madame B-Z, il souligne très clairement participer aux ' frais du ménage ', répondent à ces conditions.

Madame B-Z est donc recevable en son action. Il lui reste à démontrer que le préjudice allégué est certain, direct et personnel.

Suivant le directeur du site hébergeur JFG NETWORK SAS, l’article intitulé ' la vengeance par la sorcellerie peut-elle conduire à la mort ' ' paru le 22 août 2011 dans le blog voyance-magiedesiles.over-blog.com a été supprimé par son éditeur le 6 octobre 2011 à 14 H 09 mn 20 s ( + ou – 2 s).Le procès-verbal d’huissier dressé le 7 octobre 2011 confirme cette suppression.

Cet article dont madame D ne dénie pas être l’auteur a donc été supprimé de la toile, et ce quelles que soient les attestations contraires non probantes, le 6 octobre 2011, soit le lendemain de l’assignation en référé délivrée par madame B-Z à madame D, 5 octobre 2011 et non le 7 octobre 2011 comme prétendu. Il est donc demeuré visible par tous pendant 1 mois et quatorze jours .

Dans cet article Madame D y insinue que maître H ' a accepté de porter pour monsieur F et madame G en justice ces accusations formelles de pédophilie et d’exhibition sexuelle que comme ses clients il savait infondées et dont il ne pouvait ignorer la gravité susceptible de la conduire jusqu’en prison … ' et qu’elle a tant souhaité se venger de maître H 'ceci en espérant très fermement que mon désir de vengeance s’accomplisse …' que son voeu se serait réalisé ce 18 août 2011 ' le conducteur et les passagers de la dépanneuse [ heurtée par le véhicule H ] s’en sont heureusement sortis , mais pas Maître H qui n’aura plus jamais l’occasion de m’accuser sciemment, à tort et sans preuve , de délits sexuels! XXX ' .

Madame D attribue la survenance de l’accident de monsieur U H à la force du sort funeste qu’elle lui a lancé, se servant de ce terrible accident pour renseigner les lecteurs de son blog sur la redoutable efficacité de la magie qu’elle pratique.

Cet article qui dénigre maître H, avocat reconnu par ses pairs, ancien bâtonnier, membre du Conseil de l’Ordre des avocats de l’Ardèche, porte incontestablement atteinte à son honneur, à sa dignité et à sa probité. Sa publication tout juste quatre jours après sa mort brutale n’a fait qu’amplifier la douleur de madame K B-Z en portant atteinte à la mémoire du disparu aimé mais également en la contraignant, en tant que proche de monsieur H, à faire face personnellement tant à la campagne de calomnie induite par la lecture d’un tel article au contenu médisant qu’aux questions qu’il peut susciter.

L’inévitable retentissement de cet article sur un blog ouvert au public, est constitutif d’un préjudice certain pour les proches de monsieur H et tout particulièrement pour sa dernière compagne, madame K B-Z.

Le juge des référés compétent en la matière en application des dispositions combinées des articles 9 du code civil et 809 du code de procédure civile et en l’absence de contestation sérieuse, les protestations appuyées de madame D de n’avoir voulu attenter à la dignité de maître H ne pouvant constituer une véritable difficulté, a donc à bon droit retenu que l’article litigieux constituait un trouble manifestement illicite, plus exactement une atteinte à la vie privée de Madame K B-Z dès lors fondée à en demander sa suppression et ensuite constater que ce trouble avait cessé à la date où il statue.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, en matière civile, contradictoirement et en dernier ressort,

Déboute madame Q T épouse D de sa demande en nullité de l’acte d’appel ;

Déclare l’action de madame K B Z recevable;

Confirme l’ordonnance déférée;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires;

Condamne madame Q T épouse D aux dépens d’appel;

Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne madame Q D à payer à madame K B-Z la somme complémentaire de 1200 € au titre de ses frais irrépétibles .

Arrêt signé par M. BRUZY, Président et par Madame LAURENT-VICAL, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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