Cour d'appel de Nîmes, 24 septembre 2015, n° 14/01893

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 24 sept. 2015, n° 14/01893
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 14/01893
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nîmes, 24 mars 2014, N° 2013F981

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

R.G : 14/01893

XXX

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

25 mars 2014

RG:2013F981

XXX

C/

X

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE COMMERCIALE

Chambre 2 B

ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2015

APPELANTE :

XXX

prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège,

XXX

XXX

Représentée par Me Jean-philippe DANIEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

INTIMÉ :

Maître Y X

pris en sa qualité de Mandataire Liquidateur de la SARL ELECTRO CONFORT, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de NIMES du 5 Septembre 2012.

né le XXX à NIMES

XXX

89068

XXX

Représenté par Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER MIMRAN GOUIN LEZER JONZO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Juin 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Viviane HAIRON, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président

M. Jean-Noël GAGNAUX, Conseiller

Mme Viviane HAIRON, Conseiller

GREFFIER :

Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS :

à l’audience publique du 22 Juin 2015, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 Septembre 2015

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 24 Septembre 2015, par mise à disposition au greffe de la Cour

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte reçu par Maître Daire, notaire à Sommières (30), le 27 juin 2005, la Sci Pico a donné à bail commercial à la Sarl Électro Confort un local destiné à la vente de petit et gros électroménager, A-B, media, pour une durée de neuf années, moyennant le versement d’un loyer mensuel de 31'945 €, outre les charges.

Par acte sous-seing privé du 3 février 2012, les parties ont convenu de la résiliation du bail à effet du 29 février 2012, la Sci Pico versant après compensation, avec les loyers et charges restés dus, une indemnité de résiliation de 132 897,05 euros.

Par jugement du 5 septembre 2012, le tribunal de commerce de Nîmes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la Sarl Électro Confort, en fixant provisoirement la date de cessation des paiements au 1er janvier 2012, Maître Y X étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Saisi par Maître X, ès qualités, au visa des articles L. 632-1 et L. 632-2 du code du commerce, le tribunal de commerce de Nîmes, par jugement du 25 mars 2014 a :

— prononcé la nullité de plein droit du paiement effectué le 3 février 2012 par la Sarl Électro Confort pour 67'102,95 euros par voie de compensation conventionnelle au profit de la Sci Pico

— condamné la Sci Pico à payer à Maître Y X, ès qualités, la somme de 67'102,95 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2013

— condamné la Sci Pico à payer à Maître X, ès qualités une somme de 1500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

— rejeté toutes les autres demandes, fins et conclusions contraires.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 10 avril 2014, la Sci Pico a relevé appel de la décision dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas critiquées.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 septembre 2014, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la Sci Pico demande à la cour de :

— dire et juger que le jugement querellé est affecté d’un défaut manifeste de motivation faute d’avoir répondu aux moyens de défense de la Sci Pico

— dire et juger qu’il repose au surplus sur une violation de la règle de droit applicable en l’espèce

en conséquence,

— infirmer le jugement dans l’ensemble de ces dispositions

et statuant à nouveau,

— dire et juger que le paiement effectué par la Sci Pico à hauteur de 132 897,05 euros après déduction de la dette de loyer résulte d’une compensation légale de plein droit indépendamment de sa contractualisation

— dire et juger que Maître Y X, ès qualités, ne rapporte pas la preuve qu’un tel paiement est intervenu alors que la Sarl Électro Confort était en état de cessation des paiements

— dire et juger que la compensation opérée par les parties en exécution de la convention de résiliation amiable constitue un mode normal de paiement en matière de baux commerciaux

— dire et juger inapplicable la nullité facultative tirée de l’article L. 632-2 du code du commerce en l’absence de tous paiements effectués par la Sarl Électro Confort

— dire et juger au surplus que les circonstances ne justifient pas le prononcé de cette nullité facultative

— débouter en conséquence Maître X de l’ensemble de ses prétentions, fins et demandes

— condamner reconventionnellement Maître X à verser à la Sci Pico une somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 juillet 2014, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Maître Y X, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Sarl Électro Confort demande à la cour de :

— débouter la Sci Pico de son appel, de toutes ses demandes, fins et conclusions

— confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 25 mars 2014 en toutes ses dispositions,

— condamner la Sci Pico à payer une somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, en accordant à son conseil le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le ministère public, auquel la procédure a été régulièrement communiquée, a précisé par conclusions notifiées aux parties par voie électronique le 20 mai 2015, qu’il s’en rapportait à l’appréciation de la cour.

Par ordonnance du 18 mai 2015, la clôture de la procédure a été prononcée à effet différé au 11 juin 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il ne ressort pas des pièces de la procédure de moyens d’irrecevabilité de l’appel que la cour devrait relever d’office, et les parties n’élèvent aucune discussion sur ce point.

* * * * *

Au soutien de son appel, la Sci Pico invoque les moyens suivants :

— le tribunal n’a pas répondu à l’ensemble de ses moyens et ce défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs

— la liste des actes susceptibles d’encourir la nullité édictée par l’article L. 632-1 du code du commerce présente un caractère limitatif

— la nullité encourue étant une nullité relative, le juge conserve un pouvoir d’appréciation

— Maître X n’établit pas qu’à la date du versement de l’indemnité de résiliation intervenue en exécution de la convention de résiliation amiable du bail commercial signé entre les parties, le locataire était effectivement en état de cessation des paiements, le fait que le jugement ouvrant la procédure de liquidation judiciaire ait fixé provisoirement au 1er janvier 2012 la date de cessation de paiement, n’est pas suffisant

— la décision du tribunal n’a pas à cet égard autorité de chose jugée

— la compensation entre dettes réciproques par ailleurs certaines, liquide et exigible n’est pas un mode anormal de paiement encourant la nullité visée à l’article L. 632-1-4° du code du commerce

— l’indemnité de résiliation s’apparente à l’indemnité d’éviction prévue par la loi dès lors qu’elle a vocation à indemniser le locataire évincé de la perte du bail commercial

— en matière de bail commercial la compensation est un mode normal de paiement et ce même après l’ouverture de la procédure collective

— la preuve n’est pas rapportée que la Sci Pico aurait eu connaissance de l’état de cessation des paiements de la Sarl Électro Confort à la date de l’accord litigieux

— le paiement a été réalisé par la Sci Pico de sorte que le patrimoine de la Sarl Électro Confort loin de s’appauvrir s’est enrichi d’une somme supérieure à 132'000 €.

Maître X réfute cette argumentation et fait valoir :

— la date de cessation des paiements fixée par le jugement d’ouverture de la procédure collective ne peut plus être contestée, à défaut d’avoir fait l’objet d’un recours et s’impose

— la compensation conventionnelle est un mode de paiement non communément admis dans les relations d’affaires

— la compensation conventionnelle litigieuse organisée, dans un acte de résiliation amiable anticipée est intervenue pendant la période suspecte et encourt la nullité de plein droit

— le bailleur confond délibérément indemnité d’éviction et indemnité de résiliation ; or, en l’espèce, l’indemnité provient de la seule négociation des parties

— dès le 30 septembre 2011, la Sci Pico avait connaissance des difficultés importantes de la Sarl Électro Confort qui ne payait pas son loyer depuis plusieurs mois

— la Sci Pico avait donc connaissance de l’état de cessation des paiements.

À titre liminaire, il sera observé que bien que succincts, les motifs du jugement déféré statuent sur l’ensemble des moyens qui avaient été développés par les parties, même si le tribunal n’est pas effectivement entré dans le détail de l’argumentation de la Sci Pico , et répondent aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

Sur le fond, il convient de rappeler que l’article L. 632-1- I 4° du code du commerce dispose que sont nuls lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les paiements pour dettes échues faits autrement qu’en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d’affaires. L’article L. 632-2 du même code dispose que les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements, et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements.

Le tribunal a fixé la date de cessation des paiements, lors du jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la Sarl Électro Confort au 1er janvier 2012, et a, en l’absence de décision ultérieure de report, ainsi déterminé la période pendant laquelle les actes énumérés par les articles L. 632-1 et L632-2 du code du commerce, étaient nuls ou pouvait être annulés

Contrairement à ce que soutient l’appelante, le créancier défendeur à l’action en nullité de paiement effectué à son profit pendant la période suspecte dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire ne peut demander au juge saisi, de se prononcer sur la date de cessation des paiements du débiteur en liquidation judiciaire, point de départ de la période suspecte, dès lors que celle-ci a été fixée par une décision définitive, ayant acquis autorité de chose jugée, du tribunal de commerce ayant prononcé la liquidation judiciaire.

En effet, le créancier, défendeur à l’action nullité d’un paiement effectué durant la période suspecte, qui n’a pas exercé le recours qui lui est ouvert par l’article L. 661-2 du code du commerce contre la décision fixant ou reportant la date de cessation des paiements du débiteur, publiée au BODACC, avec mention de cette date, ne peut plus la contester.

En l’espèce, le jugement a fixé la date de cessation des paiements au 1er janvier 2012, certes à titre provisoire, mais en l’absence de toute contestation de cette date par un quelconque recours, et de toute action en report, cette date est devenue définitive. Il s’ensuit, qu’à défaut pour la Sci Pico d’avoir formé tierce opposition au jugement d’ouverture dans les 10 jours de sa publication au BODACC, elle ne peut plus remettre en cause cette date qui s’impose à tous.

La convention litigieuse et partant le paiement contesté, sont donc incontestablement intervenus en période suspecte.

Les parties étaient liées par un contrat de bail, et ont convenu d’un commun accord d’y mettre un terme à effet du 29 février 2012. À cette date, il a été constaté par les parties, que la Sarl Électro Confort était redevable au titre des loyers et charges échues et non réglées d’une somme de 67'102,95 euros TTC. Le paiement intervenu au profit de la Sci Pico concerne donc une dette échue et entre dans les prévisions de l’article L. 632-1- I 4° du code du commerce.

Contrairement à ce que soutient Maître X, le paiement d’une dette échue fait par compensation ne peut être considéré comme inhabituel et ne saurait constituer en lui-même une fraude, alors qu’il est expressément prévu par la loi. En effet, aux termes des dispositions des articles 1289 et 1290 du Code civil, lorsque deux personnes se trouvent débitrices, l’une envers l’autre, il s’opère une compensation qui éteint les deux dettes, cette compensation s’opérant de plein droit. D’autre part, la Sci Pico fait justement valoir que les règles de la procédure collective ne font pas obstacle à la compensation des créances réciproques unies par un lien de connexité comme étant nées d’un même contrat, dès lors qu’elles sont certaines, liquides et exigibles et que la compensation est la seule forme de paiement reconnue par la loi qui soit admise en toutes circonstances, y compris après le jugement ouvrant une procédure collective (L622-7 code de commerce ).

L’indemnité conventionnelle fixée dans l’accord de résiliation amiable par les parties, ne doit certes pas être confondue avec l’indemnité d’éviction prévue par la loi, en l’absence de refus de renouvellement. Toutefois, les parties ont expressément convenu que cette indemnité était destinée à réparer de façon forfaitaire, globale et définitive, le préjudice subi par le preneur du fait de la résiliation du bail. Maître X qui ne remet pas en cause la résiliation intervenue et la fixation d’une indemnité au profit de la Sarl Électro Confort, mais seulement son mode de paiement, ne peut contester que cette indemnité a été consentie dans l’intérêt de la Sarl Électro Confort et que par suite de l’exécution de la convention, il n’est résulté aucun appauvrissement des créanciers, la Sci Pico ayant versé, après compensation une somme de 132 897.05€. La réalité et le bien fondé de cette indemnité ne sont donc pas contestables. Il s’ensuit que la Sarl Électro Confort détenait une créance certaine, liquide et exigible à l’égard de la Sci Pico.

Dès lors, le paiement de l’indemnité conventionnelle est partiellement intervenu par voie de compensation légale avec les loyers et charges dues et ne constituait donc pas un mode anormal de paiement, chaque partie se trouvant débitrice d’une créance certaine, liquide et exigible née dans le cadre de l’exécution d’un même contrat.

Le tribunal a donc à tort prononcé la nullité du paiement litigieux.

Maître X n’est pas davantage fondé à se prévaloir de la nullité édictée par l’article L. 632-2 du code du commerce. En effet, s’il résulte des échanges entre les parties, que la Sarl Électro Confort connaissait des difficultés dès l’automne 2011, et avait un arriéré de loyers conséquent, ces éléments ne peuvent suffire à établir que la Sci Pico connaissait l’état de cessation des paiements. En effet, l’état de cessation des paiements est caractérisé par l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, et ne se confond pas avec de simples difficultés passagères ou l’impossibilité de régler une dette.

La Sci Pico fait justement valoir qu’en sa qualité de bailleur, elle ne disposait pas de moyens d’information lui permettant d’appréhender l’état exact des finances et de la trésorerie de son locataire et que le simple défaut de paiement des loyers n’était pas en soi révélateur d’un état de cessation des paiements au sens de la jurisprudence.

Il convient en conséquence de rejeter les demandes de Maître X, ès qualités.

Maître X, ès qualités, succombe pour l’essentiel, et devra assumer les frais irrépétibles exposés par l’appelante que la cour arbitre, eu égard à la situation respective des parties, à la somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REÇOIT l’appel en la forme

INFIRME la décision en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

REJETTE les demandes de Maître Y X tendant à voir prononcer la nullité du paiement effectué le 3 février 2012 par la Sarl Électro Confort pour 67'102,95 euros par voie de compensation conventionnelle au profit de la Sci Pico

DÉBOUTE Maître X, ès qualités de l’ensemble de ses demandes

CONDAMNE Maître X, ès qualités, à payer à la Sci Pico une somme de 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

DIT que les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Arrêt signé par M. FILHOUSE, Président et par Madame SIOURILAS, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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