Cour d'appel de Nîmes, Expropriation, 6 février 2017, n° 15/00012

  • Parcelle·
  • Agriculture biologique·
  • Expropriation·
  • Exploitation·
  • Urbanisme·
  • Commissaire du gouvernement·
  • Indemnité d'éviction·
  • Éviction·
  • Plan·
  • Préjudice

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, expropriation, 6 févr. 2017, n° 15/00012
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 15/00012
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral


16 Janvier 2017


15/00012


DIRECTION REGIONALE DE L’AMENAGEMENT DE L’ENVIRONNEMENT DU LOGEMENT LANG. ROUSSILLON

C/

Z Y


JUGE DE L’EXPROPRIATION DE MENDE

18 septembre 2015

RG:15/00004

COUR D’APPEL DE NÎMES

2e CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU SIX FEVRIER DEUX MILLE DIX SEPT

APPELANT :

DIRECTION REGIONALE DE L’AMENAGEMENT DE L’ENVIRONNEMENT DU LOGEMENT LANG. ROUSSILLON

XXX

XXX

Représentant : Me Fabienne BEUGNOT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME :

Madame Z Y

XXX

XXX

Représentant : Me Claudine COUTADEUR, avocat au barreau de PARIS

En présence de :

Monsieur X, Commissaire du Gouvernement;

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

—  Monsieur Christian COUCHET, Président,

—  Madame ROCCI, Conseiller

—  Madame LEGER, Conseiller

ont entendu les plaidoiries et ont ensuite délibéré conformément à la loi.

GREFFIER :

Madame PUEL, Adjoint administratif principal faisant fonction de Greffier

COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT : Monsieur X

DÉBATS

à l’audience publique du 17 Octobre 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 16 Janvier 2017, prorogée à celle de ce jour,

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d’Appel, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Entendus à ladite audience

—  Monsieur COUCHET, Président en son rapport

—  Maître BEUGNOT, avocat

—  Maître COUTADEUR, avocat

—  Monsieur X , commissaire du gouvernement

ARRÊT

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Monsieur COUCHET, Conseiller, Président, publiquement, le 6 février 2017, date indiquée à l’issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.

Exposé du litige :

La réalisation de la rocade Ouest de Mende a été déclarée d’utilité publique par arrêté préfectoral n° 2011340-0002 du 6 décembre 2011.

Une enquête parcellaire relative au projet d’aménagement de la rocade a été organisée en application d’un arrêté préfectoral du 14 octobre 2013 qui s’est conclue le 6 janvier 2014 par la remise du rapport du commissaire enquêteur avec avis favorable.

L’arrêté d’ouverture d’enquête a été notifié à Mme Z Y, par courrier du 17 octobre 2013 avec accusé de réception du 18 octobre 2013.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 février 2015, l’indivision Y s’est vue notifier par la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et du Logement de Languedoc Roussillon, une copie du mémoire valant offres de l’administration expropriante qui a proposé une indemnité globale de 62 316 euros.

Les parcelles concernées sont situées sur la commune de Mende, lieu-dits, « Vachery », Valcouze et « Le Colombier » . Elle font l’objet de deux baux à long terme de 18 ans signés en novembre 2004 avec Mme Z Y et cadastrées comme suit :

— Parcelle section BI n° 330 ( ancien n° : BI 6) en nature de pâture

— Parcelle section BI n° 332 ( ancien n° : BI 18) en nature de pâture

— Parcelle section BI n° 334 ( ancien n° : BI 20) en nature de pâture

— Parcelle section BI n° 336 ( ancien n° : BI 262) en nature de terre

— Parcelle section BI n° 345 (ancien n° : BI 78) en nature de terre.

Par jugement du 18 septembre 2015, le juge de l’expropriation du tribunal de grande instance de Mende a fixé les indemnités dues à Z Y, en sa qualité d’exploitante des parcelles expropriées comme suit :

— Indemnité d’éviction : 30 501, 32 euros

— Indemnité pour perte de revenus : 15 442, 00 euros

— Indemnité pour perte de fumure et arrière fumure : 308, 01euros

— Majoration résultant du pourcentage de l’emprise : 4 725, 00 euros

— Indemnité pour préjudices exceptionnels d’exploitation : 4 124, 98 euros

— Indemnité résultant de la diminution de production de fourrage : 14 191, 00 euros

— Frais de mise à jour du bail : 500, 00 euros

— Indemnité pour trouble d’exploitation : 1 045, 00 euros

L’Etat a par ailleurs été condamné à verser à Mme Y la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Direction Régionale de l’Aménagement, de l’Environnement et du Logement (DREAL) de Languedoc Roussillon a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 20 novembre 2015.

Prétentions et moyens des parties :

Par mémoire du 29 juillet 2016, la DREAL propose de payer à Mme Y la somme de

2 181 euros arrondie à 2 200 euros se décomposant comme suit :

— Indemnité pour perte de revenus : 2 167, 02 euros

— Indemnité pour perte de fumure et arrière fumure : 14, 00 euros

Elle demande à la cour de retenir comme date de référence, le 22 juin 2010, et non la date d’approbation du Plan Local d’Urbanisme de la commune de Mende du 28 mars 2012.

Elle s’oppose au versement d’une indemnité d’éviction considérant qu’il s’agit d’une indemnité qui compense la perte d’exploitation, qu’elle correspond à la marge brute pendant une durée de trois années, et que le montant total dû par l’expropriant étant calculé sur cette base, il englobe nécessairement cette indemnité.

En tout état de cause, elle soutient que cette indemnité ne saurait être calculée par référence à la convention du 8 janvier 2003 car :

1°) il s’agit d’une convention applicable dans les procédures d’acquisition amiable

2°) le protocole est trop ancien

3°) cette convention n’a pas d’effet normatif.

En ce qui concerne l’indemnité pour perte de revenus, elle fait observer que Mme Y n’a pas produit sa comptabilité analytique qui seule permettrait de vérifier les chiffres annoncés, mais uniquement une fiche de calcul émanant de la chambre d’agriculture.

Elle s’oppose également au paiement d’une majoration du pourcentage d’emprise par rapport à l’exploitation initiale, considérant que la superficie exploitée correspond à 121 383 m2 tandis que l’emprise est de 16 052 m2, soit 13%, ce qui n’entraine aucune déstructuration de l’exploitation.

Elle s’oppose également à toute indemnité pour préjudices exceptionnels d’exploitation, que ce soit au titre de l’impact sur la production de fourrage et sur le cheptel qui n’est pas établi, ainsi qu’au titre de la remise en cause des aides économiques et compensatoires, les droits à paiement unique constituant des droits personnels, et non des droits réels, de sorte qu’ils ne sont pas attachés à une parcelle précise, et peuvent être activés sur d’autres parcelles, et la conversion à l’agriculture biologique étant tardive (elle s’est faite alors même que la procédure d’expropriation était en cours).

Elle demande qu’il lui soit donné acte qu’elle s’engage à rétablir les clôtures à ses frais exclusifs.

Elle conclut au rejet de l’indemnité pour trouble d’exploitation :

1°) pour configuration gênante, Mme Y exploitant les parcelles BI n°337 et BI n°333 pour une surface totale de 25 600m2 d’un seul tenant ;

2°) pour allongement de parcours, dès lors que le projet prévoit la création d’accès par boviduc et par une voie parallèle à la rocade.

Par mémoire en réponse du 22 avril 2016, Mme Y Z demande à la cour qu’il lui soit allouée une somme totale de : 78 698, 00 euros se décomposant comme suit :

— Indemnité pour perte de revenus : 15 442, 00 euros

— Indemnité pour perte de fumure : 308, 00 euros

— Majoration au titre du déséquilibre : 3 150, 00 euros

— Majoration au titre de la déstructuration : 1 575, 00 euros

— Indemnité pour préjudices exceptionnels :

* Droit à paiement unique : 1 283, 00 euros

* Indemnités compensatoires de handicap naturel : 2 478, 00 euros

* Conversion à l’agriculture biologique : 1 188, 00 euros

— Impact baisse de la production de fourrage : 14 191,00 euros

— Rétablissement des clôtures : 5 568, 00 euros

— Frais de mise à jour du bail : 800, 00 euros

— Indemnité pour trouble d’exploitation :

* pour configuration gênante : 1 045, 00 euros

* pour allongement du temps de parcours : 1 169, 00 euros

Elle demande en outre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 29 mars 2016, le commissaire du gouvernement propose une indemnité totale de 34 838, 57 euros se décomposant comme suit :

— Indemnité d’éviction : 24 450, 95 euros

— Indemnité pour perte de revenus : 5 271, 16 euros

— Indemnité pour perte de fumure et arrière fumure : 308, 01 euros

— Majoration du pourcentage d’emprise par rapport à l’exploitation initiale : 1 673, 75 euros

— Indemnités pour préjudice exceptionnel d’exploitation : 3 134, 70 euros.

Il réserve les indemnités dues au titre de la conversion à l’agriculture biologique, de l’impact sur la production fourragère, du rétablissement des clôtures, et frais de mise à jour du bail à la production de justificatifs.

Le commissaire du gouvernement propose de se fonder sur la convention départementale du 8 janvier 2003 sur les modalités d’indemnisation dans le cadre d’accords amiables d’acquisition après procédure de déclaration d’utilité publique du préjudice patrimonial, car ce protocole constitue un référentiel de données négocié entre les administrations et les représentants des organisations professionnelles ainsi que les techniciens des chambres d’agriculture.

L’indemnité d’éviction représente 10% de la valeur vénale du bien, valeur vénale calculée en appliquant une décote de 10% pour bien occupé.

L’indemnité pour perte de revenus, destinée à compenser le préjudice d’exploitation, est calculée à partir de la marge brute, majorée de 30% pour cause d’agriculture biologique

La majoration du pourcentage d’emprise par rapport à l’exploitation initiale est calculée de la façon suivante :

— au titre du déséquilibre : le pourcentage d’emprise est compris entre 10 et 15% de l’exploitation, ce qui engendre une majoration de 20% des indemnités pour perte de revenus et perte de fumure, soit : 20% de 5 271, 16 euros + 20% de 308, 01 euros.

— au titre de la déstructuration : la perte pour Mme Y, de sa demi-surface minimum d’installation, engendre une majoration de 10% des indemnités pour perte de revenus et perte de fumure, soit : 10% de 5 271, 16 euros + 10% de 308, 01 euros.

Motifs :

— sur la date de référence et la situation des parcelles:

L’article L 322-6 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2015-1174 du 23 septembre 2015, dispose que lorsqu’il s’agit de l’expropriation d’un terrain compris dans un emplacement réservé par un plan local d’urbanisme, par un document d’urbanisme ou par un plan d’occupation, le terrain est considéré, pour son évaluation, comme ayant cessé d’être compris dans un emplacement réservé; la date de référence prévue à l’article L 322-3 est alors celle de l’acte le plus récent rendant le plan local d’urbanisme, ou le document d’urbanisme ou le plan d’occupation des sols, opposable aux tiers. .

En l’espèce, il s’agit donc de rechercher la date de mise en place de l’emplacement réservé dédié à la rocade.

Le préfet, après mise en oeuvre de la procédure prévue par l’article L 123-14 du code de l’urbanisme aux fins de mise en compatibilité du Plan Local d’Urbanisme avec le projet de création de la rocade, a pris, le 6 décembre 2011, un arrêté n° 2011340-0002, portant Déclaration d’Utilité Publique des travaux d’aménagement de la Rocade Ouest-Contournement de Mende, et emportant approbation des nouvelles dispositions du Plan d’Occupation au Sol de Mende.

Cet arrêté fixe les conditions de mise en conformité du POS dans les termes suivants:

article5: « le présent arrêté emporte approbation des nouvelles dispositions du plan d’occupation au sol de la commune de Mende conformément au document sus-visé du 25 octobre 2011. Ces nouvelles dispositions seront intégrées dans le plan d’occupation au sol par simple édition. La modification sera effective dès l’exécution de l’ensemble des formalités de publicité du présent arrêté. Le maire procédera aux mesures de publicité prévues au premier alinéa de l’article R 123-25 du code de l’urbanisme.« 

Il en résulte que le plus récent des actes rendant public, approuvant le plan d’occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle se situe l’emplacement réservé est bien l’arrêté préfectoral du 6 décembre 2011.

Les documents ultérieurs à l’arrêté du 6 décembre 2011et notamment la modification du plan local d’urbanisme du 28 mars 2012 étant sans incidence sur la délimitation de l’emplacement réservé tel qu’il a été porté à la connaissance du public par l’arrêté du 6 décembre 2011, la date du 28 mars 2012 doit être écartée et la décision sera en conséquence infirmée sur ce point.

La consistance et la destination des biens sera donc évaluée, à la date du 6 décembre 2011.

— Sur la nature des parcelles :

Mme Z Y exploite 5 parcelles situées lieu-dit « la Vachery » et « Le Colombier » et cadastrées comme suit:

— BI 330 : d’une surface de 38 190 m2 pour une emprise de 7 098 m2

— BI 332 : d’une surface de 22 605 m2 pour une emprise de 6 454 m2

— BI 334 : d’une surface de 9 650 m2 pour une emprise de 1 540 m2

— BI 336 : d’une surface de 9 751 m2 pour une emprise de 136 m2

— BI 345 : d’une surface de 6 560 m2 pour une emprise de 824 m2

Les parcelles concernées par l’expropriation sont classées en plusieurs catégories sur le plan d’occupation des sols:

— les parcelles BI 330, 332, 334 sont situées en zone II NA, soit une zone destinée à l’urbanisation ultérieure de la commune de Mende. Il s’agit d’une zone inconstructible.

— la parcelle BI 345 est située en zone I NC, c’est à dire une zone naturelle dédiée à l’espace agricole qu’il convient de protéger. Il s’agit d’une zone inconstructible.

— la parcelle BI 336 est située en zone II ND, cette zone étant une zone naturelle à protéger soit en raison de la qualité de son site, soit en raison des risques qu’elle présente comme l’instabilité du sol, ou des risques d’inondation péri-urbaines. Il s’agit d’une zone inconstructible.

Situation des parcelles BI 330, 332, 334:

Le commissaire du gouvernement retient ces parcelles comme bénéficiant d’une situation privilégiée car situées dans une zone mitoyenne de la zone urbanisée de Valcroze.

Il s’agit, ainsi que l’a souligné le premier juge, d’une zone ayant vocation à s’ouvrir à l’urbanisation à moyen ou long terme.

Les arguments opposés par le ministère de l’environnement selon lesquels ces parcelles ne seraient pas bordées d’une voie publique asphaltée, ne seraient pas à proximité d’ un centre commercial pour reprendre les exemples jurisprudentiels, ou ne disposeraient pas des réseaux d’eau ou d’électricité prévus par l’article L 13-15-II-1°, sont inopérants dès lors que ces terrains sont mitoyens d’une zone urbanisée, ainsi que le juge de l’expropriation a pu le constater lors de son transport sur les lieux .

situation de la parcelle BI 336:

La parcelle BI 336 est à cheval sur les zones II ND (zone naturelle) et III NAI ( zone d’implantation privilégiée sportive et de loisirs).

Le premier juge a considéré que sa configuration dans un ensemble se situant à proximité d’une station d’épuration, et de parcelles situées dans la zone III NAI pouvait lui conférer un caractère privilégié.

Il s’agit cependant d’une parcelle dont la déclivité est marquée, et dont une faible portion est située en zone de plan de prévention des risques d’inondation.

Elle ne pourra donc être retenue comme bénéficiant d’une situation privilégiée.

Situation de la parcelle BI 345 :

Il s’agit d’une parcelle à vocation agricole, pour laquelle les parties s’accordent sur une indemnisation sur la base de 0,55 euros le m2, ce qui correspond à l’offre faite par l’Etat et à la position du commissaire du gouvernement.

— Sur les principes d’indemnisation:

La base de l’indemnité principale d’expropriation est constituée par la valeur vénale du bien exproprié au jour de la décision de première instance.

La valeur vénale de terres agricoles s’apprécie soit par comparaison directe, soit par les prix moyens, soit par le revenu, soit en actualisant des valeurs antérieures.

Aux termes de l’article L 322-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, la qualification de terrain à bâtir est réservée aux terrains qui, un an avant l’ouverture de l’enquête prévue à l’article L1, ou dans le cas visé à l’article L 11-3, un an avant la déclaration d’utilité publique, sont, quelle que soit leur utilisation, tout à la fois:

a) effectivement desservis par une voie d’accès, un réseau électrique, un réseau d’eau potable, éventuellement un réseau d’assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimension adaptées à la capacité de construction de ces terrains;

b)situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d’occupation des sols rendu public ou approuvé par un document d’urbanisme en tenant lieu, ou bien, en l’absence d’un tel document, situés soit dans une partie de commune désignée conjointement comme constructible par le conseil municipal et le représentant de l’Etat dans le département en application de l’article L 111-1-3 du code de l’urbanisme.

La jurisprudence apprécie à une valeur supérieure à celle de terres purement agricoles, des parcelles qui bien que n’ayant pas la qualification de terrains à bâtir, bénéficient d’une situation privilégiée, en raison notamment de la proximité de zones pavillonnaires, d’un lotissement, d’une zone fortement urbanisée etc. Dans ce cas, la valeur du terrain en situation privilégiée peut être fixée selon différentes méthodes, dont celle de l’évaluation à partir du prix d’un terrain contigu en zone constructible, affecté d’un abattement de 60% si la zone est délimitée par des zones UA et UH

Le commissaire du gouvernement a pris pour référence:

— une vente du 7 décembre 2012 d’un terrain de 4 876 m2 pour un prix de 287 684 Euros, soit 59 euros le m2

— une vente du 19 février 2013 d’un terrain à bâtir de 398 m2 pour un prix de 23 482 Euros, soit 59 euros le m2.

— une vente du 21 mars 2013 d’un terrain en nature de lande, d’une superficie de 1 554 m2 cadastrée n°751 section BP, pour un prix de 31 080 euros, soit 20 euros le m2.

Il s’agit de termes de comparaison particulièrement pertinents au regard de leur date, et l’application d’un abattement de 60% sur ces ventes, n’est pas, contrairement à l’affirmation de la DREAL, subjectif, mais constitue au contraire un taux d’abattement consacré par la jurisprudence pour tenir compte de la position intermédiaire des terrains privilégiés.

C’est par ailleurs à bon droit, que le premier juge a écarté des exemples de ventes anciennes, ou le prix de terrains à bâtir.

Dès lors, le commissaire du gouvernement a procédé à une juste évaluation du prix des parcelles privilégiées à hauteur de 20 euros le m2, pour les parcelles en situation privilégiée, et 12 euros pour la parcelle à forte déclivité.

Enfin, les parties s’accordent sur la valeur de 0, 55 euros/m2 pour les parcelles agricoles.

Ainsi, les indemnités principales s’établissent comme suit:

parcelle BI 330: 7098 x 20E = 141 960,00 E

parcelle BI 332: 6454 x 20E = 129 080,00 E

parcelle BI 334: 1540 x 20E = 30 800,00 E

parcelle BI 336 : 136 x 12E= 1 632,00 E

parcelle BI 345 : 824 x 0,55E = 453,20 E

TOTAL = 303 925, 20 E

— Sur l’indemnité d’éviction:

L’indemnité principale d’éviction étant destinée à couvrir le préjudice résultant de la rupture anticipée du bail et de la perte du droit au renouvellement est due à Mme Z Y en sa qualité de propriétaire exploitante.

Il est constant que les parcelles expropriées sont occupées, de sorte qu’il convient, ce qui n’est pas discuté, d’appliquer un abattement de 10% sur la somme totale.

Ainsi, la valeur vénale des parcelles de Mme Y s’élève à la somme totale de 303 925, 20 Euros à laquelle il convient d’appliquer une décote de 10% pour biens occupés, soit : 273 532, 68 euros.

L’indemnité d’éviction représentant 10% de cette somme est donc égale à : 27 353, 268 Euros.

— Sur les autres indemnités:

Aux termes des dispositions de l’article L.13-16 du code de l’expropriation, le juge de l’expropriation doit tenir compte des accords réalisés à l’amiable entre l’expropriant et les divers titulaires de droits à l’intérieur du périmètre faisant l’objet de la déclaration d’utilité publique et les prendre pour base dans certaines hypothèses.

Cela suppose que ces accords soient intervenus avec plus de la moitié des propriétaires, et que ces accords soient intervenus après la déclaration d’utilité publique.

En l’espèce, la convention sur les modalités d’indemnisation dans le cadre d’accords amiables d’acquisition après procédure de déclaration d’utilité publique du préjudice patrimonial et aux exploitants agricoles, en date du 8 janvier 2003 est largement antérieure à la procédure de déclaration d’utilité publique et ne constitue pas, par conséquent, un terme de référence acceptable.

— Sur l’indemnité pour perte de revenus :

Elle correspond à la réparation du préjudice lié à la perte de revenus locatifs pendant la durée nécessaire pour procéder au rachat.

Elle peut être calculée selon plusieurs méthodes : celle à partir de la marge brute, c’est-à-dire de la différence entre le produit brut par hectare et les charges proportionnelles qui disparaissent avec l’expropriation.

Une autre méthode consiste à appliquer les « usages de la région » en se basant sur les indemnités payées à la suite d’accords intervenus entre particuliers.

Une troisième méthode consiste à fixer l’indemnité à un certain pourcentage de la valeur retenue pour l’estimation des terres ou de l’exploitation (5 à 10% en général).

En l’espèce, Mme Y invoque l’application du barême d’indemnisation des dommages aux cultures adopté en 2012 par les régions PACA et Languedoc Roussillon.

Il est constant que ce barème est le support utilisé par la chambre d’agriculture de Lozère au mois de mai 2014, pour le calcul des indemnités dues dans le cadre des expropriations nécessitées par la création de la rocade ouest de Mende.

Il s’agit donc d’un document de référence particulièrement pertinent établi pour les besoins de l’expropriation en cause.

Dans ces conditions, Mme Y est fondée à solliciter l’application de ce barème qui lui est plus favorable que l’application de la méthode de la marge brute.

Elle est également fondée à solliciter l’application d’une majoration de 30% liée à l’agriculture biologique, majoration qui n’est pas contestée par l’autorité expropriante dans le cadre d’autres postes de préjudices comme la perte de la fumure et de l’arrière fumure.

Enfin la prise en compte d’une durée de 6 années est légitime, s’agissant d’un bail à long terme .

L’indemnité due à Mme Y s’élève donc à la somme de 15 442 euros se décomposant comme suit :

— ( 7 098 x 0, 15 x 6) + 30%

— ( 6 454 x 0, 09 x 6) + 30%

— ( 1 540 x 0, 12 x 6) + 30%

— ( 136 x 0, 19 x 6) + 30%

— ( 824 x 0, 15 x 6) + 30%

— Sur l’indemnité pour perte de fumure et d’arrière fumure :

Les parties s’accordent sur la somme de 308, 01 euros, soit : (16 052 euros x 18, 45E/ha) x 8 + 30% de majoration liée à l’agriculture biologique.

— Sur les majorations pour déséquilibre et déstructuration des parcelles :

Il s’agit de l’indemnisation des difficultés d’exploitation dues à l’emprise. Cette indemnité répare le préjudice causé par l’amputation brutale d’une partie des terres. Les éléments de ce préjudice sont nombreux.

En l’espèce, sont invoqués par Mme Y, les conditions d’exploitation rendues plus difficiles en raison des modifications dans la configuration des parcelles, le morcellement de l’exploitation, l’allongement des parcours imposés.

L’Etat qui refuse d’indemniser ces préjudices au motif que l’expropriée n’a pas produit son relevé d’exploitation ou sa comptabilité, avait cependant fait une offre à ce titre dans son mémoire valant offre. L’Etat ne peut donc valablement contester aujourd’hui l’existence d’un préjudice en réparation duquel il avait proposé :

— une somme de 1 115, 83 euros au titre du déséquilibre, soit : 20% de l’indemnité pour perte de revenus et 20% de l’indemnité pour perte de fumure,

— une somme de 557, 92 euros au titre de la déstructuration, soit 10% de l’indemnité pour perte de revenus + 10% de l’indemnité pour perte de fumure.

Compte tenu du pourcentage d’emprise, compris entre 10 et 15% de l’exploitation, les sommes proposées initialement par l’Etat sont parfaitement adaptées aux difficultés d’exploitation invoquées.

— Sur l’indemnité pour préjudices exceptionnels d’exploitation:

Cette indemnité vient compenser la remise en cause d’aides économiques. En l’espèce, il s’agit du Droit à Paiement Unique ( DPU), des indemnités compensatoires de handicap naturel, et au titre de la conversion à l’agriculture biologique.

Une fois encore, l’Etat ne peut valablement contester l’existence de préjudices pour lesquels il a fait des offres à Mme Y dans son mémoire valant offre. Il ne pourra davantage objecter à Mme Y de ne pas rapporter la preuve de sa conversion à l’agriculture biologique alors même que sa proposition au titre de l’indemnité pour perte de revenus applique (voir ci-dessus) une majoration de 30% liée à l’agriculture biologique.

Ainsi, il convient d’entériner les sommes offertes dans ce cadre, soit un total de: 4 124, 98 euros se décomposant comme suit :

—  1 069, 32 euros au titre du droit à paiement unique

—  2 065, 38 euros au titre de l’indemnité compensatoire de handicap naturel

—  990, 28 euros au titre de la conversion à l’agriculture biologique.

— Sur l’indemnisation au titre de l’impact sur la production de fourrage et sur le cheptel :

Ce poste de préjudice est compris dans le préjudice d’exploitation, et est donc indemnisé au titre de la perte de revenus. La demande d’une indemnité supplémentaire de 14 191 euros à ce titre n’est donc pas justifiée, et sera rejetée.

— Sur les frais de mise à jour du bail et sur l’indemnité de clôture:

Aux termes de l’article L 321-1 du code de l’expropriation, l’administration expropriante est tenue de réparer l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Les dépenses engendrées par la mise à jour et l’enregistrement d’un nouveau bail ainsi que par la mise en place de nouvelles clôtures sont des dépenses réelles dont le caractère certain dépend de leur justification par le paiement de factures.

Faute de justificatifs, les demandes d’indemnisation faites à ce titre, seront écartées.

En revanche, il convient de donner acte à l’Etat de son engagement à rétablir les clôtures à ses frais.

— Sur l’indemnité pour trouble d’exploitation :

Mme Y invoque un trouble d’exploitation résultant de la configuration gênante des parcelles et de l’allongement du temps de parcours lié à l’éloignement de son tas de compost des bâtiments d’exploitation, soit 300 mètres supplémentaires à parcourir.

Ces demandes étant indemnisées au titre de la majoration pour déséquilibre et déstructuration des parcelles, Mme Y sera déboutée de toute demande d’indemnité complémentaire à ce titre.

— Sur l’article 700 du code de procédure civile :

L’équité commande de laisser les dépens à la charge de l’Etat et de le condamner à payer à Mme Y la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

— Infirme le jugement déféré

Statuant et à nouveau et y ajoutant:

— Fixe ainsi qu’il suit l’indemnité due à Mme Z Y :

— Indemnité d’éviction : 27 353, 27 euros

— Indemnité pour perte de revenus 15 442, 00 euros

— Indemnité pour perte de fumure et arrière fumure : 308, 01 euros

— Indemnité pour difficultés d’exploitation :

* Au titre du déséquilibre : 1 115, 83 euros

* Au titre de la déstructuration : 557, 92 euros

— Indemnité pour préjudices exceptionnels : 4 124, 98 euros

TOTAL : 48 902, 01 euros

— Donne acte à l’Etat de son engagement de rétablir les clôtures à ses frais.

— Condamne l’Etat à payer à Mme Z Y la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— Rejette le surplus des demandes.

— Condamne l’Etat aux dépens

Arrêt signé par M. COUCHET, Président, et par Mme PUEL, adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Nîmes, Expropriation, 6 février 2017, n° 15/00012