Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 21 juin 2018, n° 17/02740

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 4e ch. com., 21 juin 2018, n° 17/02740
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 17/02740
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Avignon, 12 juin 2017, N° 2017002718
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

R.G : 17/02740

JNG/PS

TRIBUNAL DE COMMERCE D’AVIGNON

13 juin 2017

RG:2017002718

SAS OMAG – SUD AGRO PERRET

C/

SAS ETABLISSEMENTS X Y

COUR D’APPEL DE NÎMES

4e CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 21 JUIN 2018

APPELANTE :

SAS OMAG – SUD AGRO PERRET

[…]

[…]

Représentée par Me Yann LE TARGAT de la SCP ARMANDET LE TARGAT GELER AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Jean pascal PELLEGRIN de la SCP SOULIER/PELLEGRIN, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

SAS ETABLISSEMENTS X Y

au capital de 465 300 €,

immatriculée RCS Avignon sous le […],

prise en la personne de son Président domicilié ès qualités audit siège,

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-philippe DANIEL de la SCP FORTUNET ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

Statuant sur appel d’une ordonnance de référé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Jean-Noël GAGNAUX, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Président de Chambre

Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller

Monsieur Jean-Noël GAGNAUX, Conseiller

GREFFIER :

Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 07 Mai 2018, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Juin 2018

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Mme Christine CODOL, Président de Chambre, publiquement, le 21 Juin 2018, par mise à disposition au greffe de la Cour

RAPPEL DES FAITS ESSENTIELS ET DE LA PROCÉDURE

Vu l’appel interjeté le 7 juillet 2017 par la S.a.s OMAG-SUD AGRO-PERRET à l’encontre de l’ordonnance prononcée le 13 juin 2017 par le tribunal de commerce d’Avignon dans l’instance n° 20170027128

Vu les dernières conclusions déposées le 11 avril 2018 par l’appelante S.a.s OMAG-SUD AGRO-PERRET et le bordereau de pièces qui y est annexé

Vu les dernières conclusions déposées le 5 avril 2018 par l’ intimée la S.a.s Etablissements X Y et le bordereau de pièces qui y est annexé.

* * *

La société S.A.S OMAG SUD AGRO PERRET avait pour client l’EARL 3G2M à laquelle elle a livré des produits phytosanitaires, paillage, substrat et divers matériels.

Selon acte sous seing privé du 2 septembre 2015, l’EARL 3G2M a consenti une ' délégation de paiement’ avec la société S.A.S X SYLVESTRE au bénéfice de la société OMAG SUD AGRO PERRET pour un montant de 42.045,66 €.

Le 12 décembre 2016, l’EARL 3G2M a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de

grande instance d’Aix -en Provence, Maitre Z A étant nommé liquidateur .

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 16 décembre 2016, une mise en demeure de paiement à été adressée par la société OMAG SUD AGRO PERRET à la société X SYLVESTRE .

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 24 février 2015 , la société OMAG SUD AGRO PERRET a procédé à déclaration de sa créance pour 51.371,94 €, avant de saisir le 13 mars 2017 le président du Tribunal de commerce d’ Avignon en référé en paiement de sa créance par la S.A.S X SYLVESTRE .

Estimant qu’il pouvait accorder une provision sans constater l’urgence mais que cette provision ne saurait être accordée que si la créance invoquée ne fait pas l’objet d’une contestation sérieuse, que les parties demandaient au juge des référés 'de qualifier cette délégation de paiement, soit de parfaite, ce qui emporterait la novation, soit d’imparfaite’ le président du Tribunal de commerce d’ Avignon a par ordonnance de référé du 13 juin 2017 jugé :

'Disons n’y avoir lieu a référé,

Renvoyons les parties à mieux se pourvoir,

Disons n’y avoir lieu a application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Laissons à la société OMAG SUD AGRO PERRET la charge des dépens, ( …) '

* * *

La S.a.s OMAG-SUD AGRO-PERRET – appelante- demande au dispositif de ses dernières conclusions

' RECEVOIR l’appel comme régulier, en la forme.

Au fond, y faire droit.

INFIRMER la décision entreprise en ce que le 1 er juge a retenu que « les parties demandent au juge des référés de qualifier cette délégation de paiement soit de parfaite, ce qui emporterait la novation, soit d’imparfaite » ce qui serait exclu de sa compétence.

QUOI FAISANT ET STATUANT A NOUVEAU,

Vu l’art 873 du CPC,

Vu l’art 1275 (anc.) du code civil et 1339 nouveau du même code,

DIRE ET JUGER QUE le délégué ne peut opposer au délégataire les exceptions nées de ses rapports avec le délégant.

DIRE ET JUGER QUE l’obligation du délégué est une obligation personnelle, indépendante de l’obligation du délégant, de sorte que l’extinction de la créance du délégataire contre le délégant pour défaut de déclaration au passif de sa liquidation judiciaire laisse subsister l’obligation distincte du délégué.

En conséquence,

DIRE ET JUGER QU’il ne saurait y avoir de contestation sérieuse sur l’obligation au paiement pesant sur la Société Ets X ET SYLVESTRE en l’état de la délégation de paiement résultant de l’acte du 2 septembre 2015.

CONDAMNER Société Ets X ET SYLVESTRE au paiement par provision de la somme de 42.045,66€ en application de l’acte de délégation de paiement en date du 2 septembre 2015.

CONDAMNER Société Ets X ET SYLVESTRE au paiement de la somme de 3.000€ au titre de l’art 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens. '

La société appelante fait essentiellement valoir :

— que la délégation de paiement est un moyen contractuel – pour un vendeur de se faire payer directement par le client de son client ' qui est fondé sur les dispositions de l’art 1339 (anc. 1275) du code civil.

— qu’en l’occurrence c’est une opération à trois (3) personnes, par laquelle le délégant (EARL 3G2M) demande au délégué (Ets X ET SYLVESTRE) de s’engager à payer le délégataire (S.A.S OMAG-SUD AGRO-PERRET).

— que cette opération présente l’intérêt de faire souscrire un engagement à un tiers au profit d’un créancier qui se trouve ainsi doté :

(i) Soit d’un second débiteur venant s’ajouter à son débiteur initial, en cas de délégation imparfaite,

(ii) Soit d’un nouveau débiteur venant se substituer à son débiteur initial, en cas de délégation parfaite.

— que contrairement au débiteur cédé actionné en paiement sur le fondement d’une cession de créance, le délégué n’est en droit d’opposer aucune exception au délégataire: il a souscrit un engagement nouveau et autonome qui l’empêche de se prévaloir des relations qui l’unissaient au délégant ou des relations que ce dernier entretient avec le délégataire.

— que dans les 2 cas (délégation parfaite ou imparfaite), le délégué devient débiteur de la créance et n’est en droit d’opposer aucune exception au délégataire

— qu’il ne peut y avoir de contestation sérieuse sur l’obligation au paiement que la délégation soit parfaite ou imparfaite, c’est tout l’intérêt du mécanisme.

— qu’en l’espèce, l’acte sous seing privé du 2 septembre 2015 constitue une délégation parfaite de paiement.

— que quand bien même, la délégation de paiement serait qualifiée d’imparfaite, elle n’en serait pas moins valable , et il ne saurait y avoir la moindre contestation sérieuse sur ce fondement.

— qu’il n’existe aucune contestation sérieuse sur l’obligation au paiement de la Société Ets X ET SYLVESTRE

* * *

La S.A.S X SYLVESTRE – intimée- demande au dispositif de ses dernières conclusions :

' Vu l’article 873 du code de procédure civile,

vu les articles 1273 à 1277 et 1326 du Code civil applicable en l’espèce

Dire et juger que l’action de la SAS OMAG-SUD se heurte à la nullité formelle de la délégation de paiement servant de base aux poursuites

Dire et juger que l’action de la SAS OMAG-SUD se heurte à l’absence de novation de débiteur

Dire et juger que l’action de la SAS OMAG-SUD se heurte à la nullité la délégation de paiement pour défaut de cause

En conséquence

Dire et juger que l’action se heurte à plusieurs contestations sérieuses qui entraînent l’incompétence du juge des référés,

Confirmer l’ordonnance de référé querellée

Débouter la SAS OMAG-SUD de l’ensemble de ses prétentions, fins et demandes d’appel,

Condamner reconventionnellement la SAS OMAG-SUD à verser à la S.A.S X SYLVESTRE une indemnité de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d’appel.'

La société intimée fait essentiellement valoir :

— ' la nullité de fond de l’acte’ au regard de l’article 1275 ancien du Code civil car les conditions d’une délégation parfaite avec novation ne sont pas réunies

— qu’il s’agit donc d’une délégation de paiement imparfaite qui n’a pas de cause juridique puisse que elle est elle-même créancière de la société délégante pour la somme de 415'091,37 euros pour lequel elle a procédé à une déclaration de créance le 23 février 2017, une telle discussion relevant en tout état de cause du juge du fond.

DISCUSSION

Sur la régularité de l’acte invoqué

Si ce n’est la référence à l’article 1326 du Code civil (ancien) le moyen de nullité formelle n’est pas explicité.

Le texte en question ne concerne que les engagements unilatéraux et ne s’applique pas à la délégation de paiement.

Le document en question se présente comme suit :

Sous l’intitulé « DÉLÉGATION DE PAIEMENT'

' Nous soussignés, EARL 3G2M ,( ..)

Donnons par la présente un ordre irrévocable de paiement à :

Ets X & Y Société à laquelle nous nous engageons à livrer notre récolte de tomates , Campagne 2016 pour une surface de 2.4 HA Pour efffectuer les règlements en faveur de :

SAS OMAG SAP Négociant en Produits agricole […] pour un montant de ( EURO) 42 045.66 € (quarante deux mille quarante cinq euros et 66 centimes ) Payable de la façon suivante :

33 % fin juin 2016

33 % fin juillet 2016

30 % fins août 2016

Par traite , dans la limite du montant maximum désigné ci-dessus

La présente délégation de paiement demeurera valable jusqu’à l’extinction de la dette ci-dessus désignée »

Le document indique in fine

« fait en triple exemplaire MOLLEGES le 2 septembre 2015 »

Avec l’indication , de droite à gauche , in fine du document

' 1 / Le Donneur d’ordre

La mention manuscrite « lu et approuvé , bon pour accord, bon pour hors d’irrévocable de paiement » avec la signature et le cachet commercial de l’entreprise EARL 3 G2M FRUITS

[…]

— La mention manuscrite « lu et approuvé ' avec la signature et le cachet commercial de l’entreprise OMAG

2 / le Réceptionnaire

— La mention manuscrite « lu et approuvé ' avec la signature et le cachet commercial de l’entreprise Ets X SIVESTRE '

* * *

Il est de principe – en droit- que la délégation est une opération par laquelle le délégant donne instruction à un délégué de s’obliger envers un délégataire qui accepte cet engagement.

Il y a d’une part accord de volonté entre le délégant et le délégué, puis, d’autre part, entre le délégué et le délégataire.

Cette opération juridique a lieu le plus souvent lorsque le délégant est à la fois créancier du délégué et débiteur du délégataire, mais ce n’est pas une condition nécessaire.

Il y a ensuite deux possibilités :

— Si le délégataire décharge le délégant, son débiteur, dès l’instant où le délégué s’est engagé, la nouvelle créance se substitue à l’ancienne, qui est éteinte. La délégation se conjugue avec une novation par changement de débiteur. Elle est appelée parfaite : c’est l’exception , ou 'délégation novatoire'

— Si l’obligation du délégué s’ajoute à celle du délégant à laquelle le délégataire ne renonce pas, les rapports juridiques préexistants subsistent jusqu’à ce que le délégué exécute son nouvel engagement. Elle est alors appelée délégation imparfaite : c’est la plus fréquente, ' délégation simple’ .

Il faut qu’expressément le délégant décharge le délégué de son obligation par une novation par changement de créancier: la novation ne se présume pas et il faut une manifestation de volonté claire et certaine d’éteindre l’obligation préexistante.

L’article 1275 du Code civil ancien dispose que ' la délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s’oblige envers le créancier, n’opère point de novation, si le créancier n’a pas expressément déclaré qu’il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation.'

Les articles 1336 et 1338 du code civil disposent:

Article 1336 du code civil

'La délégation est une opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur.

Le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire.'

Article 1338 du code civil

'Lorsque le délégant est débiteur du délégataire mais que celui-ci ne l’a pas déchargé de sa dette, la délégation donne au délégataire un second débiteur.

Le paiement fait par l’un des deux débiteurs libère l’autre, à due concurrence. '

Il résulte de la délégation de paiement du 2 septembre 2015 qu’elle ne vaut pas novation.

Il est de principe en droit que l’obligation du délégué est une obligation personnelle indépendante de l’obligation du délégant et donc en l’espèce indifférente à l’obligation de la société en procédure collective vis à vis du délégué.

La société déléguée s’est engagée à payer à la société délégataire la somme en cause , non contestée d’ailleurs en son principe et quantum, directement non au délégant mais au délégataire.

Il ne peut être opposé par le délégué ayant accepté la délégation ses comptes et compensation avec le délégant.

La seule question à se poser est : a- t- il, oui ou non , payé le délégataire comme il s’y était engagé .

Dans la mesure où la réponse est incontestablement négative , et peu important la

qualification de la délégation de parfaite ou imparfaite , et les caractéristiques inhabituels du mécanisme sur les règles de droit commun , la créance du délégataire contre le délégué n’est pas sérieusement contestable.

Il faut ajouter que la cause d’une délégation de paiement est comme pour tous les actes juridiques pas l’objet ou le motif de l’opération mais l’obligation créée.

Il faut in fine souligner à toutes fins :

— que la société déléguée ne prétend pas avoir payé à qui que ce soit obligation personnelle et autonome

— qu’elle ne pourrait opposer un paiement par compensation , mais de toute façon elle ne l’invoque même pas

— qu’elle ne peut avoir payé la société délégante par compensation

+ ni avant l’ouverture de la procédure collective, car le paiement ne serait pas libératoire faute d’intervenir entre les mains du délégataire, seul désigné contractuellement pour le recevoir

+ ni après la procédure collective , car le paiement romprait l’égalité des créanciers et le principe de non paiement après l’ouverture de la procédure collective .

Il y a donc bien une créance incontestable et non sérieusement contestée permettant au créancier d’en demander le paiement à titre provisionnel et en référé .

La société intimée succombant dans ses demandes supportera les dépens de première instance et d’appel. L’équité impose en outre qu’elle indemnise les frais irrépétibles de l’appelante à hauteur de 1500 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Statuant publiquement, contradictoirement , en référé

Réformant l’ordonnance entreprise , et statuant à nouveau

Condamne la Société Ets X ET SYLVESTRE au paiement par provision de la somme de 42.045,66€ à la société OMAG SUD AGRO PERRET

Condamne la Société Ets X ET SYLVESTRE à payer à la société OMAG SUD AGRO PERRET la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile , ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La minute du présent arrêt a été signée par Madame Christine CODOL, Présidente, et par Madame Patricia SIOURILAS, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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