Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 1er décembre 2021, n° 19/04621

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 4e ch. com., 1er déc. 2021, n° 19/04621
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 19/04621
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Aubenas, 18 novembre 2019, N° 201802222
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

N° RG 19/04621 – N° Portalis DBVH-V-B7D-HSNJ

CC

TRIBUNAL DE COMMERCE D’AUBENAS

19 novembre 2019

RG:2018 02222

S.A.S. URBATP CARRIERES ET MARBRES

C/

S.A.S. EUROPIERRE SUD

Grosse délivrée le 1er décembre 2021 à :

— Me VAJOU

— Me F

COUR D’APPEL DE NÎMES

4ème CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2021

APPELANTE :

SAS URBATP CARRIERES ET MARBRES, Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social,

[…]

[…]

Représentée par Me BOLLET de la SCP BOLLET ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Représentée par Me E VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A.S. EUROPIERRE SUD, Société par Actions Simplifiée au capital de 30.000€uros, immatriculée au RCS de Aubenas sous le numéro 838.975.373, agissant en la personne de son représentant légal, Monsieur G H I, en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Etienne PETRE de la SELARL CABINET PETRE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me E F, Postulant, avocat au barreau D’ARDECHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Mme Corinne STRUNK, Conseillère,

Madame Claire OUGIER, Conseillère.

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 08 Novembre 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 01 Décembre 2021

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 01 Décembre 2021, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSÉ

Vu l’appel interjeté le 10 décembre 2019 par la SAS Urba TP Carrières et Marbres à l’encontre du jugement prononcé le 19 novembre 2019 par le tribunal de commerce d’Aubenas dans l’instance n° 2018 002222 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 2 mars 2020 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 4 octobre 2021 par l’intimée et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l’ordonnance du 1er juillet 2021 de clôture de la procédure à effet différé au 4 novembre

2021.

* * *

La SAS Urba TP Carrières et Marbres, spécialisée dans les aménagements urbains et revêtements de pierres naturelles, entretenait des liens commerciaux avec la société Europierre, ayant établi en 2018 une société fille Europierre Sud dont l’activité est l’achat, la vente, la représentation en demi-gros et détail de tous matériaux de construction, de carrelages et de revêtements de sols.

Monsieur A X, responsable négoce et Madame B Y agent, technico commercial, étaient salariés de la société Sportiello Marbres, devenue SAS Urba TP Carrières et Marbres, puis étaient tous deux embauchés respectivement les 1er et 23 avril 2018 par la SAS Europierre Sud.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 juin 2018, la société Urba TP mettait en demeure la société Europierre Sud de lui indiquer l’exacte situation juridique de Monsieur X et Madame Y au sein de la société Europierre Sud et notamment quant aux fonctions exercées et à la date d’embauche, et de cesser tout acte de concurrence déloyale.

Par assignation en date du 31 août 2018, la société Urba TP Carrières et Marbres a fait citer la société Europierre Sud devant le tribunal de commerce d’Aubenas pour la voir condamner à lui payer des dommages et intérêts.

Par jugement en date du 19 novembre 2020, le tribunal de commerce d’Aubenas a

dit que la SAS Europierre Sud n’a commis aucun acte de concurrence déloyale vis-a-vis de la SAS URBA TP ;

débouté la SAS URBA TP de ses demandes, fins et moyens en condamnation de la SAS Europierre Sud ;

condamné la SAS URBA TP aux entiers dépens de l’instance, dont frais de greffes liquidés et taxés en en-tête ;

débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.

Le 10 décembre 2019, la SAS Urba TP Carrières et Marbres interjetait appel de ce jugement pour le voir réformer en ce qu’il a rejeté ses demandes.

Elle soutient que le comportement de la société Europierre Sud, de Monsieur X et de Madame Y sont constitutifs d’une concurrence déloyale visant à la désorganiser par un débauchage de salariés anciens, détenant la connaissance historique de la clientèle et de la gestion de l’entreprise, de détourner la clientèle et les fournisseurs de la société Urba TP Carrières et Marbres, étant précisé que dans ce secteur d’activité les relations avec les fournisseurs de pierres sont une composante vitale de l’entreprise. Elle fait valoir que les employés ont, manifestement, utilisé leur connaissance de la clientèle de la société Urba TP Carrières et Marbres pour agir au profit d’Europierre Sud. Puis, elle soulève que la société Europierre Sud utilisait commercialement une appellation « C D dite Bois Dore », en précisant sa provenance de Turquie (société Gokyar Mermer) alors que c’est le groupe Urba TP qui est titulaire de l’enregistrement de la marque française « D Beige

Montdore » n° 4107984 déposée le 25 juillet 2014. Elle considère donc que la forte similitude avec la marque précitée caractérise un acte de commerce déloyal voire de la contrefaçon au sens du code de la propriété intellectuelle.

Elle indique avoir subi un préjudice financier en raison des gains manqués par la baisse du chiffre d’affaires qui correspond à la marge bénéficiaire manquée, un préjudice commercial lié au trouble commercial et à la désorganisation de l’agence ainsi qu’un préjudice moral, rappelant que le fait pour une société de se rendre complice de la violation par le salarié d’une entreprise concurrente de son obligation de loyauté et de fidélité à l’égard de cette dernière, en particulier en profitant d’actes de prospection ou de démarchage de clients et fournisseurs effectués par ce dernier avant l’expiration de son contrat de travail ou du délai de préavis. constitue un acte de concurrence déloyale.

Au terme de ses dernières conclusions, la SAS Urba TP Carrières et Marbres demande donc à la cour, au visa de l’article 1240 du code civil de :

Statuant sur l’appel formé par la SAS Urba TP Carrières et Marbres, à l’encontre du jugement rendu le 19 novembre 2019 par le Tribunal de Commerce d’Aubenas,

Le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

infirmer la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

dire et juger que la société Europierre Sud s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale à l’égard de la société Urba TP Carrières et Marbres,

condamner la société Europierre Sud à verser à la société Urba TP Carrières et Marbres les sommes de :

' 40.000 € au titre du préjudice financier (gains manqués)

' 50.000 € au titre du préjudice commercial

' 25.000 € au titre du préjudice moral ;

débouter la SAS Europierre Sud, de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident,

condamner la SAS Europierre Sud, à payer à la SAS Urba TP Carrières et Marbres, la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel.

* * *

La société Europierre Sud conteste formellement s’être rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme commercial à l’égard de la société Urba TP Carrières et Marbres. Elle indique que Monsieur A X et Madame B Y ont décidé de démissionner de la société Urba TP Carrières et Marbres en raison de conditions de travail insatisfaisantes pour eux depuis le changement de direction intervenu à la suite du rachat de la société Sportiello Marbres. De plus, elle fait valoir que les nouvelles attestations

produites par la société Urba TP Carrières et Marbres n’apportent au final aucun élément concret dans l’affaire présente et ne permettent en aucune manière de caractériser un acte de concurrence déloyale qui aurait été commis par la société Europierre Sud. Par ailleurs, elle ajoute que les contrats de travail de Monsieur A X et de Madame B Y ne contenaient aucune clause de non-concurrence en cas de démission de ses derniers de la société Urba TP Carrières et Marbres.

Concernant la prétendue confusion entretenue sur une marque du Groupe Urba TD, la société Europierre Sud explique que « Bois doré » est une appellation extrêmement répandue pour désigner un type de C D et que ladite C est commercialisée par de nombreuses sociétés en France notamment en Bourgogne. En conséquence, la société appelante ne peut invoquer un quelconque risque de confusion avec la marque enregistrée par elle.

Enfin, elle conclut à l’absence de préjudice subi par la société Urba TP Carrières et Marbres, cette dernière n’apportant aucun élément justificatif sur les préjudices commerciaux, moraux et de gain manqué prétendument subis.

Au terme de ses dernières conclusions, la société Europierre Sud demande à la cour, au visa des articles de l’article 1240 du Code Civil, de l’article 9 du Code de Procédure Civile, et du jugement rendu le 19 novembre 2019 par le Tribunal de Commerce d’Aubenas, de :

débouter la société « Urba TP Carrières et Marbres » de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

confirmer le Jugement rendu le 19 novembre 2019 par le Tribunal de Commerce d’Aubenas en toutes ses dispositions,

condamner la société Urba TP Carrières et Marbres au paiement d’une somme de 6.000 Euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

condamner la société Urba TP Carrières et Marbres aux entiers dépens et autoriser Maître E F à procéder à leur recouvrement direct dans les conditions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Le principe du liberté de la concurrence est issu du principe de la liberté du commerce et de l’industrie.

Mais cette liberté ne doit pas conduire à user de procédés contraires aux usages loyaux du commerce pour nuire à un concurrent afin de détourner sa clientèle.

Au cas présent, la société Urba TP Carrières et Marbres fait état de fautes commises par la société Europierre Sud consistant en un débauchage massif de personnel, soit deux salariés non tenus par une clause de non-concurrence, en des tentatives de débauchage de deux autres salariés, en un détournement et un démarchage de la clientèle et des fournisseurs et en une confusion entretenue sur une de ses marques.

La société Urba TP Carrières et Marbres doit rapporter la preuve d’une ou plusieurs fautes

commises par la société Europierre Sud – étant précisé que l’action en concurrence déloyale ne peut être établie par un faisceau de présomptions – et d’un préjudice causé par cette ou ces fautes.

La société Urba TP Carrières et Marbres expose que le départ de Monsieur X et de Madame Y l’amputait de la quasi-totalité de ses effectifs, dont elle omet cependant de justifier le nombre.

L’embauche de salariés, pour être fautive, doit s’accompagner de manoeuvres déloyales et entraîner la désorganisation de l’entreprise, à apprécier concrètement.

Or, la société Urba TP Carrières et Marbres ne caractérise aucune manoeuvre déloyale de la part de la société Europierre Sud. Le simple fait consistant en une embauche rapide de deux salariés démissionnaires par une autre entreprise ayant le même secteur d’activité démontre seulement qu’elle entend disposer d’un personnel ayant acquis un savoir-faire et une expérience.

Il n’est produit par l’appelante aucune pièce justifiant de la désorganisation alléguée, alors que celle-ci doit être concrètement établie.

C’est donc à bon droit que le jugement déféré retient l’absence de preuve d’un débauchage de personnel.

En ce qui concerne la tentative de débauchage de deux salariés, les attestations produites font état de sollicitations de la part de Monsieur X. L’une d’entre elles ne précise même pas la date à laquelle il aurait été demandé à Madame Z « de faire du commercial ». L’autre attestation précise que la demande de Monsieur X a été faite en juillet 2017.

Aucune de ces attestations ne fait état d’une demande de Monsieur X faite pour le compte de la société Europierre Sud. Cette société n’est pas citée et la société Urba TP Carrières et Marbres échoue là encore à démontrer une faute imputable à la société Europierre Sud.

La société Urba TP Carrières fait encore grief à la société Europierre Sud de démarcher ses clients et fournisseurs, lesquels sont connus de ses anciens salariés.

Cependant, une entreprise commerciale ne peut se prévaloir d’aucun droit privatif sur sa clientèle. Le démarchage d’un concurrent est donc licite tant qu’il n’est pas accompagné de procédés déloyaux.

Les deux pièces 8 et 9 produites par la société Urba TP Carrières consistent en une présentation de la nouvelle agence Europierre Sud. SI Monsieur X fait état de son expérience acquise chez son précédent employeur dans le courriel du 27 avril 2018, le courriel du 13 juin 2018 se limite à présenter la nouvelle agence.

Il n’existe aucun risque de confusion de la part de la clientèle ou des fournisseurs et la société Urba TP Carrières et Marbres ne fait que démontrer l’existence d’un démarchage licite car elle n’établit aucun procédé déloyal.

Enfin, la société Urba TP Carrières et Marbres reproche à la société Europierre Sud des faits de parasitisme au moyen de la commercialisation d’une « C D dite Bois Doré » alors qu’elle est titulaire de la marque « D beige montdoré », et qu’elle bénéficie d’une importante réputation pour ce genre de pierres.

Le parasitisme est l’ensemble des comportements sur lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

Le parasitisme ne peut se déduire du seul fait qu’une entreprise vend un produit imité ou identique à celui commercialisé avec succès par d’autres entreprises. Il doit être rapporté la preuve de l’intention par la société Europierre Sud de tirer profit de la notoriété qu’aurait acquise la société Urba TP Carrières et Marbres.

Cette dernière ne justifie cependant pas de cette notoriété qui lui aurait permise de signer des accords d’exclusivité. Et elle ne démontre pas l’intention de la société Europierre Sud de la parasiter alors même que l’appellation « bois doré » est répandue et concerne des pierres provenant de diverses carrières.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

La société Urba TP Carrières et Marbres qui succombe en son appel, devra supporter les dépens de l’instance. L’équité commande de lui allouer une somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Urba TP Carrières et Marbres à payer à la société Europierre Sud la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Urba TP Carrières et Marbres aux dépens.

La minute du présent arrêt a été signée par Madame Christine CODOL, Présidente, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

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Textes cités dans la décision

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