Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 8 décembre 2016, n° 16/00254

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nouméa, ch. civ., 8 déc. 2016, n° 16/00254
Juridiction : Cour d'appel de Nouméa
Numéro(s) : 16/00254
Décision précédente : Tribunal de première instance de Nouméa, 21 juin 2016, N° 16/00314
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° de minute : 358 COUR D’APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 08 Décembre 2016 Chambre Civile Numéro R.G. : 16/00254

Décision déférée à la cour : Ordonnance de référé rendue le 22 Juin 2016 par le Président du Tribunal de première instance de NOUMÉA (RG n° :16/314)

Saisine de la cour : 01 Juillet 2016

APPELANTE

LA SARL SODEPAC, prise en la personne de son représentant légal

XXX – XXX

Représentée par la SELARL LOMBARDO, avocat au barreau de NOUMÉA

INTIMÉE

Mme B Z A

XXX XXX

Représentée par la SELARL AGUILA-MORESCO, avocat au barreau de NOUMÉA

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Novembre 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

M. X Y, Conseiller,

M. François DIOR, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. X Y.

Greffier lors des débats: Mme Mikaela NIUMELE

ARRÊT :

— contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

— signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Léonardo GARCIA, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par une ordonnance de référé rendue le 22 juin 2016 à laquelle il est renvoyé pour l’exposé de l’objet du litige, le rappel des faits et de la procédure, les prétentions et les moyens des parties, le Président du Tribunal de Première Instance de NOUMEA, statuant sur les demandes formées par Mme B Z A à l’encontre de la SARL SODEPAC, aux fins d’obtenir :

* le retrait de deux affiches reproduisant le procès verbal numéro 2015/011736 établi le 08 février 2016 par les services de Police de NOUMÉA et apposées sur les vitrines du magasin SUPER U à Kaméré, dans un délai de 24 heures à compter de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 20 000 FCFP par jour de retard pendant trois mois,

* le versement d’une provision de 500 000 FCFP au titre de la réparation de son préjudice moral,

* le paiement d’une somme de 200 000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

a:

* au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront,

* dès à présent, par provision, tous droits et moyens des parties restant expressément réservés quant au fond,

* enjoint la SARL SODEPAC de retirer les deux affiches reproduisant le procès verbal numéro 2015/011736 établi le 08 février 2016 par le Commissariat de Police de NOUMEA et apposées sur les vitrines du magasin SUPER U à Kaméré, dans un délai de 24 heures à compter du prononcé de l’ordonnance, puis sous astreinte de 10 000 FCFP par jour de retard pendant trois mois,

* condamné la SARL SODEPAC à payer à Mme B Z A la somme de 500 000 FCFP,

* condamné la SARL SODEPAC à payer à Mme B Z A la somme de 150 000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

* condamné la SARL SODEPAC aux dépens de l’instance.

PROCÉDURE D’APPEL

Par une requête enregistrée au greffe de la Cour le 1er juillet 2016, la SARL SODEPAC a déclaré relever appel de cette décision.

Dans son mémoire ampliatif d’appel déposé le 14 septembre 2016 et ses conclusions récapitulatives du 04 novembre 2016 contenant le dernier état de ses demandes, elle sollicite la réformation de l’ordonnance entreprise et demande à la Cour:

* de débouter Mme B Z A de toutes ses demandes,

* de condamner Mme B Z A à lui payer la somme de 250 000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir pour l’essentiel : – qu’elle a été victime de différentes infractions de vols, détournements et assimilés, commis par son personnel au rang desquels Mme Z A,

— qu’elle s’est vue remettre un avis à victime qu’elle a affiché à l’intérieur de ses locaux,

— qu’elle conteste la motivation retenue par le premier juge,

— qu’en effet, les faits qualifiés d’illicites n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 38 de la Loi du 29 juillet 1881, lequel concerne 'les publications’ stricto sensu,

— qu’elle n’a procédé à aucune 'publication’ mais à un affichage dans ses locaux de son avis à victime,

— que le fait d’afficher dans une enceinte privée, fusse aux yeux du public, ne constitue pas une publication au sens de la Loi de 1881 et ne saurait être visé par l’interdiction faite par l’article 38,

— que l’objectif de ce texte est de protéger l’accès à un procès équitable ainsi que l’autorité et l’impartialité de la justice,

— que sa mise en oeuvre doit être mesurée à l’aune de l’exercice des droits fondamentaux tel que la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la CEDH ou la nécessité d’informer le public,

— que Mme Z A ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un acte manifestement illicite.

***********************

Par conclusions datées du 02 novembre 2016, Mme B Z A sollicite la confirmation de l’ordonnance entreprise et demande à la Cour :

* de débouter la SARL SODEPAC de toutes ses demandes,

* de condamner la SARL SODEPAC à lui payer la somme de 200 000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction.

Elle fait valoir pour l’essentiel :

— qu’au mois de septembre 2002, elle a été embauchée par la société SODEPAC exploitant le supermarché SUPER U en qualité de responsable fruits et légumes,

— que par avenant du 1er février 2006, elle a été nommée responsable de rayons, statut cadre position 1,

— que le 17 novembre 2015, elle a été placée en garde à vue et interrogée sur le système d’achat de produits périmés mis en place au sein du supermarché, suite à la plainte pour vol en réunion déposée par son employeur,

— qu’il faut savoir qu’avec le précédent gérant de la société, les produits périmés étaient laissés à la disposition des salariés,

— que le 1 er décembre 2015, elle a été convoquée à un entretien préalable au cours duquel elle a été accusée de vol aggravé de marchandises, de complicité de vol, et s’est vue notifier sa mise à pied conservatoire,

— que le 15 décembre 2015, elle a été licenciée pour faute lourde, – qu’elle a contesté la légitimité de son licenciement devant le Tribunal du Travail par une requête déposée le 26 septembre 2016,

— que par un jugement rendu le 07 octobre 2016, elle a été relaxée à l’instar d’autres salariés également poursuivis,

— que le Parquet et la société SODEPAC ont relevé appel de cette décision,

— qu’au début du mois de février 2016, elle a été informée du fait que deux affiches concernant cette procédure pénale avaient été apposées sur les vitrines du magasin SUPER U, au vu et au su de la clientèle,

— que la publication visée par l’article 38 est celle définie au sens large, à savoir comme l’action de porter à la connaissance de tout le monde un acte ou une situation juridique, de rendre publique une information,

— que ce texte figure au chapitre IV intitulé : 'des crimes et délits commis par voie de la presse ou par tout autre moyen de publication',

— que l’interdiction édictée par ce texte a pour objet de protéger le déroulement des procès et d’éviter que l’esprit des juges ne soit influencé concernant une partie au procès,

— qu’il a également et surtout pour but de protéger la réputation de la personne poursuivie,

— que l’interdiction de publication d’actes de procédure pénale est une limite à la liberté d’expression qui trouve sa justification dans le respect de la présomption d’innocence,

— qu’elle précise que ce n’est pas l’avis à victime qui a été affiché mais le procès verbal faisant état de la décision du Procureur de la convoquer devant le tribunal correctionnel pour escroquerie, ce qui est totalement différent,

— que la société SODEPAC a retiré les deux affiches le lendemain de l’ordonnance de référé,

— que toutefois, le mal est fait puisqu’elles ont été exposées au vu et au su de la clientèle pendant près de cinq mois.

********************

L’ordonnance de fixation de la date d’audience, prise dans le cadre du protocole procédural des affaires urgentes a été rendue le 11 juillet 2016.

*********************

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la recevabilité de l’appel :

Attendu que l’appel, formé dans les délais légaux, doit être déclaré recevable ;

2) Sur les demandes présentées par Mme B Z A :

Attendu qu’aux termes de l’article 808 du Code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le juge peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ; Qu’aux termes de l’article 809 du même Code, il peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 809, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire;

Attendu qu’aux termes de l’article 38 de la Loi du 29 juillet 1881, il est interdit de publier les actes d’accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu’ils aient été lus en audience publique, et ce sous peine d’amende de 3 750 Euros ;

Que cette interdiction contribue à la protection des intérêts suivants :

* la présomption d’innocence,

* la manifestation de la vérité lors de l’enquête et de l’instruction ;

Qu’elle n’empêche pas l’analyse ou le commentaire des actes de procédures mais se borne à interdire toute reproduction littérale de ces actes jusqu’à ce qu’ils soient lus en audience publique ;

Que la jurisprudence considère que cette restriction, limitée et temporaire, n’a pas un caractère général et absolu, et n’entrave pas de manière totale le droit d’informer le public ;

Qu’elle considère également que cette interdiction n’est pas contraire à la Convention Européenne des Droits de l’Homme et ne constitue pas une violation de son article 10 ;

Que la jurisprudence considère encore que la publication anticipée d’une assignation devant le tribunal correctionnel peut être poursuivie par la personne concernée à laquelle cette publication préjudicie, aucune disposition ne réservant, en cette matière, le droit de poursuite au Ministère public seul ;

Attendu que tel est bien le cas en l’espèce puisque la société SODEPAC a apposé sur la vitrine du magasin SUPER U de Kaméré deux affiches reproduisant le procès verbal numéro 2015/011736 établi le 08 février 2016 par les services de Police de NOUMEA ;

Attendu qu’un tel affichage constituait une publication au sens de la Loi susvisée puisque tous les clients de ce magasin avaient la possibilité de voir ces affiches ;

Que parmi ceux-ci, pouvaient se trouver des juges amenés à siéger lors de l’audience pénale, à savoir des magistrats professionnels mais également des assesseurs citoyens complétant la formation du tribunal correctionnel de NOUMÉA ;

Attendu qu’au vu de ces éléments, c’est par une juste appréciation du fait et du droit que le premier juge a exactement retenu que l’affichage d’un acte de procédure par la SARL SODEPAC alors que l’affaire n’avait pas été jugée, constituait :

* une publicité intempestive et prématurée aux poursuites en cours,

* une atteinte à la présomption d’innocence de Mme B Z A,

* un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser,

et a fait droit à ses demandes de retrait desdites affiches et de provision à valoir sur la réparation de son préjudice moral ;

Attendu qu’il convient en conséquence de confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire déposé au greffe ;

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé rendue le 22 juin 2016 par le Président du Tribunal de Première Instance de NOUMÉA ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires comme mal fondées ;

Vu les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, condamne la SARL SODEPAC à payer à Mme B Z A la somme de 200 000 FCFP ;

Condamne la SARL SODEPAC aux dépens de la procédure d’appel, avec distraction au profit de la SELARL d’avocats AGUILA-MORESCO, sur ses offres de droit;

Le greffier, Le président.

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