Cour d'appel d'Orléans, Chambre commerciale, économique et financière, 24 novembre 2011, n° 11/00918

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, ch. com., éco. et fin., 24 nov. 2011, n° 11/00918
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 11/00918
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Orléans, 23 février 2011

Texte intégral

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE

ET FINANCIÈRE

XXX

Me Elisabeth BORDIER

la SCP LAVAL LUEGER

Me DAUDE

la SCPDESPLANQUES-DEVAUCHELLE

24/11/2011

ARRÊT du : 24 NOVEMBRE 2011

N° :

N° RG : 11/00918

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d’ORLEANS en date du 24 Février 2011

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE

XXX

XXX

92100 BOULOGNE-BILLANCOURT

représentée par Me Elisabeth BORDIER, avoué à la Cour

ayant pour avocat Me Georges DE MONJOUR, du barreau de PARIS

D’UNE PART

INTIMÉES :

SA AXA FRANCE IARD

XXX

XXX

représentée par la SCP LAVAL LUEGER, avoués à la Cour

ayant pour avocat la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES, du barreau d’ORLEANS

XXX,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

représentée par Me Jean-Michel DAUDE, avoué à la Cour

ayant pour avocat la SCP AGMC AVOCATS, du barreau de PARIS

XXX,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

XXX

La défense II

XXX

représentée par la SCP DESPLANQUES DEVAUCHELLE, avoués à la Cour

ayant pour avocat Me Sandrine DRAGHI ALONSO, du barreau de PARIS

La SARL CABLE ACIER IDF,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Jean-Michel DAUDE, avoué à la Cour

ayant pour avocat la SCP AGMC AVOCATS, du barreau de PARIS

La SAS USINES DU PAQUIS-FECR,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

XXX

représentée par la SCP LAVAL LUEGER, avoués à la Cour

ayant pour avocat la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES, du barreau d’ORLEANS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL EN DATE DU 23 Mars 2011

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 20 OCTOBRE 2011 2011

Lors des débats, du délibéré :

Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de Chambre,

Monsieur Alain GARNIER, Conseiller,

Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.

Greffier :

Mme Evelyne PEIGNE, Greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 OCTOBRE 2011 à 14 heures, à laquelle ont été entendus Monsieur Thierry MONGE, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Prononcé le 24 NOVEMBRE 2011 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

EXPOSÉ :

La société Strudal fabrique dans la centrale de son usine d’Engenville (Loiret) des planchers en béton précontraint qu’elle achemine vers les moules au moyen d’une benne suspendue à un pont roulant par un crochet lié à une moufle. Souhaitant remplacer la moufle et le crochet qu’elle utilisait depuis 1989, elle s’est adressée à la société Câbles Acier, laquelle a sous-traité le marché à la société Usines du Paquis puis proposé un équipement dont Strudal lui a passé commande le 25 avril 2000 et qui a été livré le 11 juillet 2000. La tige de ce crochet s’est rompue le 4 juillet 2003, provoquant la chute de la benne sur le chariot et les bancs de coulée.

Ayant obtenu en référé le 26 février 2004 la désignation d’un expert en la personne de M. X, qui a déposé son rapport définitif le 30 octobre 2008, la société Strudal a fait assigner le 9 juin 2009 devant le tribunal de commerce d’Orléans les sociétés Câbles Acier et Usines du Paquis, leurs assureurs respectifs les compagnies GAN et AXA France IARD, ainsi que le Bureau Veritas, pour obtenir d’eux réparation du préjudice consécutif au sinistre.

Par jugement du 24 février 2011, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal a mis hors de cause le Bureau Véritas, dit que la société Strudal devait garder à sa charge la somme de 110.773€, et condamné in solidum les sociétés Câbles Acier, Usines du Paquis, GAN et AXA France IARD à lui payer 110.773€ avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2004 et capitalisation des intérêts.

La juridiction consulaire a retenu que Strudal portait une part de responsabilité de 50% dans la survenance du sinistre, pour n’avoir pas signalé que le crochet à remplacer avait été spécialement fabriqué en acier de classe V surdimensionné, et pour ne pas s’être conformée au décret du 2 décembre 1998 proscrivant l’utilisation en traction oblique d’appareils de levage non spécifiquement adaptés. Elle a retenu la responsabilité de Câbles Acier et de sa sous-traitante à hauteur des 50% restants pour ne pas avoir correctement examiné le crochet à remplacer ni s’être renseignées sur ses conditions d’utilisation, en jugeant qu’elles avaient manqué à leurs obligations de fournir un équipement et de délivrer un conseil adaptés. Elle a écarté toute responsabilité du vérificateur technique au motif que sa mission ne portait pas sur les risques particuliers notamment liés à la fatigue ou aux vices cachés. Elle a chiffré le préjudice indemnisable à 221.546€ au total, en admettant le coût de réparation de la benne et des pistes endommagées pour 14.911,56€ et 10.354,21€, la perte d’exploitation de deux bancs de production en juillet et août 2003 pour 180.000€ et le montant des pénalités de retard de16.280€ supportées par Strudal à l’égard de ses propres clients, rejetant tous autres chefs de prétentions.

La S.A.S Strudal a relevé appel le 23 mars 2011.

Elle conteste toute responsabilité dans la survenance du sinistre en faisant valoir qu’elle n’est pas elle-même un professionnel des appareils de levage, qu’elle ignorait jusqu’à l’expertise le surdimensionnement du crochet précédent, et ne fut pas avisée de la réduction de la classe d’acier du crochet par rapport à celle de la pièce à remplacer, et en contestant au vu d’un rapport critique l’affirmation de l’expert selon laquelle elle aurait contrevenu à la réglementation. Elle demande à la cour de retenir la responsabilité du Bureau Véritas au motif qu’il lui incombait de procéder à des essais dynamiques, et qu’il aurait dû s’aviser de l’état de fatigue du crochet, si avancé que celui-ci se rompit le lendemain du contrôle. Elle réitère et actualise ses demandes d’indemnisation rejetées par les premiers juges, notamment prix d’une seconde benne, frais de main d’oeuvre et de conseil, abandon du projet 'Spancrete’ et surcoûts de production.

La S.A. Usines du Paquis et son assureur AXA France IARD concluent par voie d’appel incident à leur mise hors de cause pure et simple, en affirmant, en substance, que l’entreprise Usines du Paquis a fourni un crochet adapté et conforme à sa destination ; qu’elle ignorait le surclassement du crochet précédent et ne pouvait le découvrir au vu de l’illisibilité du 'V’ gravé sur cette pièce, du silence gardé par Strudal sur cette particularité, et des conditions dans lesquelles se déroula sa visite sur le site ; et qu’elle ne pouvait imaginer que la pièce fournie serait utilisée dans des conditions contraires à la réglementation.

Elles sollicitent subsidiairement l’infirmation du jugement en ce qu’il a mis hors de cause le Bureau Véritas, au motif que celui-ci aurait dû signaler à Strudal les signes visibles avant-coureur d’une rupture du crochet, demandent à la cour de fixer la part respective de responsabilité de Strudal, de Câbles Acier et du Bureau Véritas en rejetant toute demande de garantie dirigée contre les Usines du Paquis et leur assureur, et concluent à titre encore plus subsidiaire à la limitation de la part de responsabilité des Usines du Paquis, au rejet de toute indemnisation autre qu’afférente aux frais de remise en état de la benne soit 14.991,56€ et 10.354,21€, et en tout état de cause au plafonnement de la garantie d’AXA France IARD à la somme d'1.805.700€, avec une franchise de 2.802,92€.

La S.A.R.L. Câbles Acier IDF et le GAN Assurances sollicitent par voie d’appel incident leur mise hors de cause pure et simple au motif que l’expert judiciaire a conclu que le crochet livré était correctement dimensionné, exempt de défaut et conforme aux normes. Elles contestent tout manquement au devoir de conseil, en faisant valoir que l’utilisation de la pièce par le client était anormale.

Subsidiairement, elles sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a laissé à Strudal la moitié de la responsabilité du sinistre, sauf à limiter le préjudice indemnisable au seul coût de remise en état de la benne soit 14.991,56€ + 10.354,21€, concluant plus subsidiairement encore à la confirmation de la limitation du préjudice indemnisable à la somme de 221.546€ retenue par les premiers juges. En toute hypothèse, elles sollicitent entière garantie auprès de la société Usines du Paquis, de son assureur et du Bureau Véritas, la compagnie GAN concluant par ailleurs au plafonnement de sa garantie à 1.419.148€ sous déduction d’une franchise de 10% non inférieure à 378,44€ ni supérieure à 1.892,18€.

La S.A. Bureau Véritas sollicite la confirmation du jugement qui l’a mise hors de cause, aux motifs que sa mission ne portait pas sur l’appréciation des risques liés à la fatigue ou aux vices cachés, qu’il n’existait aucun signe visible de dégradations sur le crochet, et qu’elle n’avait pas à réaliser d’essais dynamiques lors d’une simple visite de vérification périodique.

Elle conclut subsidiairement au rejet des prétentions émises par la société Strudal en affirmant que celles-ci ne sont pas justifiées, et plus subsidiairement à un partage de responsabilité laissant une part prépondérante à la charge de Strudal pour cause d’utilisation anormale de la pièce, et elle demande à être relevée indemne par les sociétés Câbles Acier et Usines du Paquis ainsi que leurs assureurs respectifs.

Il est référé pour le surplus aux dernières conclusions récapitulatives des parties, respectivement déposées et signifiées le 29 septembre 2011 par la société Strudal, le 6 octobre 2011 par les sociétés Usines du Paquis et AXA France IARD, le 18 octobre 2011 par les sociétés Câbles Acier et Gan Assurances, et le 19 octobre 2011 par la société Bureau Véritas.

L’instruction a été clôturée par une ordonnance du 20 octobre 2011, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés.

Selon conclusions du 20 octobre 2011, la S.A.S. Strudal sollicite sur le fondement du principe de la contradiction le rejet des écritures signifiées le 19 octobre 2011 par le Bureau Véritas, au motif qu’elle ne disposait pas du temps nécessaire pour en prendre utilement connaissance et y répondre.

MOTIFS DE L’ARRÊT :

* sur la recevabilité des écritures prises le 19 octobre 2011 par la S.A. Bureau Véritas

Attendu que ces conclusions, responsives, répliquent à celles respectivement prises entre le 29 septembre et le 18 octobre 2011 par l’ensemble des autres parties qui toutes, recherchent la responsabilité ou la garantie du vérificateur technique ; qu’elles ne contiennent aucun moyen nouveau ni ne formulent aucune prétention nouvelle ; qu’elles ne s’accompagnaient d’aucune production ; qu’il n’est justifié par la société Strudal d’aucune circonstance particulière caractérisant pour elle l’impossibilité d’y faire éventuellement réponse ; qu’elles sont recevables;

* sur les responsabilités

Attendu que la société Strudal s’est adressée à la société Câbles Acier pour remplacer un crochet de levage qui était déformé ; que le directeur de Câbles Acier s’est rendu sur place le 19 avril 2000 avec son sous-traitant Usines du Paquis, et l’ancien directeur de production de Strudal -qui a quitté l’entreprise et dont rien n’invite à suspecter la sincérité de l’attestation, régulière et non réfutée- certifie (cf pièce n°58 de l’appelante) que cette visite s’est déroulée dans une 'usine en production', et leur permit de 'visualiser l’utilisation du pont roulant et le fonctionnement’ ainsi que de 'relever les références imprimées sur le crochet d’origine fourni par Demag’ ; qu’il est d’autant plus inopérant de la part des ces deux intimées de prétendre que les conditions de la visite ne leur auraient pas permis de procéder aux constatations nécessaires, qu’il leur appartenait en tout état de cause de ne formuler de proposition qu’une fois pleinement renseignées sur les éléments ayant requis leur déplacement sur le site, et donc de solliciter tous renseignements complémentaires si elles estimaient n’avoir pu être pleinement éclairées par cette visite ; qu’au surplus, leur proposition n’a été assortie d’aucune réserve ou condition ;

Attendu qu’il ressort des productions et du rapport d’expertise judiciaire que le crochet à remplacer avec sa moufle était un crochet surdimensionné de classe V, quatre fois plus résistant que celui, de classe P, fourni par Câbles Acier et Usines du Paquis ; qu’il était affecté d’une déformation (cf rapport p.6 et 7, photos n°5 et 6 et annexe 27 p.4), attribuée par Strudal à un choc, et qu’après onze années d’utilisation, puisqu’il datait de 1989, il ne présentait qu’une amorce de fissuration progressive ; que les deux crochets ont subi la même sollicitation, qui n’a donc provoqué qu’un début de fissuration du premier en onze ans, et une rupture du second en trois années (cf réponse de l’expert au dire du 23 juin 2006 des Usines du Paquis);

Attendu que l’expert judiciaire, se fondant sur ses propres observations et sur les résultats, intégrés à son rapport (annexe 27) de l’analyse diligentée à sa demande par l’Institut de soudure, retient que la position de la benne lors du remplissage en béton est en appui, de telle façon que le système est en traction oblique et provoque une flexion alternée à chaque cycle de remplissage, soit environ soixante-dix fois par jour, et il conclut que c’est ce phénomène de fatigue consécutif aux flexions alternées qui a provoqué la rupture du crochet le 4 juillet 2003 (cf rapport p.23) ; qu’en réponse à plusieurs dires sur ce point, il a confirmé et maintenu (ainsi : réponse au dire du 23.06.2006) que lors de ces phases de remplissage, la benne était positionnée en appui latéral, donc en déséquilibre, de façon que le crochet se trouve soumis à des flexions latérales, et l’Institut de soudure a affirmé (cf annexe 27 p.5à7) que le fait que le crochet ait été soit tordu, soit rompu, perpendiculairement à son plan, témoignait d’une flexion hors de son plan;

Attendu que la preuve de ce phénomène de flexion résulte des propres constatations de l’expert judiciaire lors de ses déplacements contradictoires sur le site, de ses observations du crochet à remplacer et du crochet rompu, et des analyses de l’Institut de soudure qui ont corroboré le désalignement du crochet et du câble de levage ; qu’elle n’est pas réfutée par Strudal, ni remise en cause par le rapport critique que celle-ci a commandé en 2011 à un technicien qui s’est prononcé sur pièces et qui fonde l’essentiel de son argumentation sur l’interprétation des clichés photographiques annexés au rapport X, lesquels ne rendent évidemment pas compte de la dynamique du processus de production de Strudal tel que l’expert judiciaire l’avait personnellement constaté,et analysé au vu des résultats d’examen en laboratoire;

Attendu que l’expert judiciaire indique que le crochet de classe P fourni en 2000 était certes en concordance avec la classe du pont et capable de soulever le poids de la benne, mais qu’un crochet doit travailler en traction, à l’exclusion de toute autre sollicitation (cf sa réponse au dire du 03.01.2005), et que la seule façon de tenir compte des contraintes latérales inhérentes au processus de fabrication en vigueur chez Strudal était de surdimensionner le crochet (cf réponse au dire du 13.02.2005) ;

Que c’est précisément ce qu’avait fait le fournisseur du crochet en place, la société Demag, laquelle, interrogée en 2005, a indiqué avoir constaté que les sollicitations requéraient le surdimensionnement du crochet et décidé en conséquence de proposer le crochet n°5 classe V qui lui fut commandé (cf pièce n°25 de Strudal, annexe 29 du rapport) ;

Attendu que la prise en compte de ces mêmes données, persistantes en 2000, aurait dû conduire les sociétés Câbles Acier et Usines du Paquis à s’interroger sur le surdimensionnenment du crochet en place (cf réponse de l’expert au dire du 11.04.05), ce qui les aurait fait aboutir à la même conclusion et préconiser un crochet surdimensionné de classe V ;

Qu’elles ne sauraient se retrancher derrière la considération que Strudal ne leur en aurait pas fait part, alors que celle-ci est un professionnel du béton mais pas du tout des systèmes de levage ni de la résistance des métaux, contrairement à elles, dont les productions permettent de vérifier qu’elles sont l’une et l’autre des spécialistes des dispositifs de levage, Câbles Acier proposant en effet de nombreux crochets de levage dans son catalogue (cf pièces n°32 et 33 et réponse de l’expert au dire du 11.04.2005), et Usines du Paquis étant un spécialiste en usinage de moufles et accessoires de levage (cf sa pièce n°4) qui a commandé la forme brute du crochet et usiné la tige de levage pour l’adapter à la moufle (cf rapport p.8 et son annexe 12, et pièce n°3 de l’appelante) ;

Attendu que Câbles Acier a ainsi engagé sa responsabilité contractuelle en ne se renseignant pas sur le matériel à remplacer et en proposant à Strudal un équipement inadapté, eu égard à son processus de production, à ses besoins et à l’utilisation qui en était prévue, et elle a gravement manqué à son devoir de conseil en n’attirant pas l’attention de sa cliente sur la nécessité de s’équiper à nouveau dans ces conditions d’un crochet surdimensionné de classe V;

Qu’Usines du Paquis, qui n’était pas contractuellement liée à Strudal, a engagé sa responsabilité sur un fondement délictuel que celle-ci est en droit d’invoquer, en ayant défini après visite sur le site une proposition techniquement inadaptée à l’intention de Câbles Acier et à destination de Strudal, consistant à fournir un crochet quatre fois moins résistant que celui à remplacer et inadapté au processus de production qu’elle avait été mise à même d’apprécier ;

Attendu que c’est à bon droit que les premiers juges ont dit que Strudal devait conserver à sa charge une partie du préjudice consécutif au sinistre du 4 juillet 2003, dès lors qu’il est établi, nonobstant ses contestations, qu’elle faisait du crochet une utilisation par traction en oblique non conforme à la réglementation, l’article R.223-13-12 du code du travail devenu R.4323-45, édictant qu’il est interdit de balancer les charges pour les déposer en un point qui ne peut être atteint normalement par l’appareil de levage,et que c’est sous l’effet de ces sollicitations perpendiculaires à l’axe de levage que le crochet s’est rompu (réponse au dire du 03.02.2005) ;

Attendu que l’expert X -dont les observations in situ ne sont nullement démenties, notamment par le rapport critique HAON établi sur pièce- a en effet exposé (cf rapport p. 10 et12) et maintenu (cf réponse aux dires du 23.06.06 et du 08.04.08) avoir constaté une utilisation en traction oblique par Strudal qui n’était pas autorisée sur ce matériel en indiquant bien (cf p.25) tirer cette affirmation de la position en appui de la benne lors du remplissage en béton, avec cette précision détaillée et circonstanciée (p.10) que 'lors du chargement, la benne repose sur une poutre métallique et se place de travers en faisant un angle avec la suspente verticale ; le crochet est alors en appui sur le côté droit de la lumière de passage ; cette position génère un effort horizontal perpendiculaire au plan médian du crochet, provoquant une flexion de la tige’ ; qu’il est aussi à relever que Strudal avait elle-même écrit au Bureau Véritas le 27 septembre 2000 pour expliquer sa résiliation du contrat que ses appareils de levage n’étant plus conformes aux prescriptions de la CRAM elle était dans l’impossibilité de les exploiter (pièce 8 de l’intimé) ;

Attendu que cette utilisation non réglementaire du matériel litigieux justifie de laisser la société Strudal conserver à sa charge la moitié de son préjudice, comme retenu par le tribunal ;

Attendu que les premiers juges doivent aussi être approuvés d’avoir mis hors de cause le Bureau Véritas quand bien même son agent avait écrit la veille de l’accident que le dispositif était en bon état et sans défaut d’aspect malgré un matage prononcé indice de déformation du crochet, dans la mesure d’une part, où sa mission de vérification périodique ne prévoyait pas d’épreuves dynamiques en dehors des mises ou remises en service et stipulait expressément au chapitre 5 du contrat conclu avec Strudal le 2 janvier 2001 que les vérifications seraient effectuées 'sans démontage’ et 'n’incluaient pas les vérifications des risques liés à la fatigue', et où l’expert conclut qu’il s’agit d’une 'rupture de fatigue’ (cf p.22), que 'la fissuration du crochet était évidemment invisible sans démontage’ (réponse au dire du 31.03.05 du Bureau Véritas), et que 'ceci n’aurait pas permis de soupçonner une rupture imminente’ (p.21), et dans la mesure, d’autre part, où c’est la tige filetée du crochet qui s’est rompue et non la zone de fluage, de sorte que la mention incriminée est sans lien de causalité avec la survenance de l’accident ;

* sur le montant du préjudice indemnisable

Attendu que conformément aux analyses et calculs motivés et convaincants du sapiteur expert-comptable Y Z que l’expert judiciaire X s’était adjoint, et dont les conclusions ne sont pas réfutées, l’accident du 4 juillet 2003 a nécessité en premier lieu de réparer la benne endommagée suite à sa chute ainsi que les pistes sur lesquelles elle est tombée, pour les sommes de 14.911,56€TTC au titre des fournitures et 10.354,21€TTC au titre de la main d’oeuvre que le tribunal a allouées à juste titre ;

Que la société Strudal n’est pas fondée à solliciter le remboursement du coût de fabrication d’une seconde benne, ni celui de la différence de valeur entre la benne de remplacement dont elle aurait disposé en l’absence de sinistre et la valeur de la benne de secours dont elle dispose aujourd’hui, dès lors que le sapiteur constate que la benne endommagée a pu être réparée (cf annexe 31p.2), et que la fabrication d’une seconde benne ne constitue pas un élément du préjudice lié au sinistre mais correspond à la constitution d’une immobilisation dont le renouvellement était déjà programmé avant l’accident (cf annexe 31 p.2) ;

Attendu en second lieu que le sapiteur, dont l’expert judiciaire entérine les analyses, a chiffré au vu des justificatifs probants que Strudal a produits, à 180.000€ la perte d’exploitation que celle-ci a subie du fait de l’impossibilité temporaire d’utiliser deux des quatre bancs de production de l’usine, endommagés par la chute de la benne, et au vu de la démonstration que l’entreprise n’a pu honorer une commande de son client CBC en juillet 2003 ; attendu que le justificatif de la commande ne revêt aucun caractère suspect et doit être regardé comme probant; que les contestations formulées par la société Usines du Paquis et son assureur sur la prétendue capacité de Strudal à procéder à un rattrapage de production au mois d’août 2003 ont été réfutées en termes circonstanciés et convaincants par le sapiteur, qui a montré que les bancs non endommagés fonctionnèrent à plein régime en juillet et qu’ils ne pouvaient absorber de production supplémentaire, et qui a pris en compte la production partielle réalisée durant les jours travaillés du mois d’août (cf annexe 31p.4) ; que le jugement déféré sera donc également confirmé en ce qu’il a retenu ce montant de 180.000€ au titre du poste considéré de préjudice ;

Attendu en troisième lieu, qu’au vu des justificatifs produits par la société Strudal, c’est à bon droit que le tribunal a retenu au titre du préjudice indemnisable une somme de 16.280€ correspondant à deux pénalités de retard d’un montant respectif de 9.100€ et 7.180€ que la société Strudal prouve avoir dû verser à ses clients CBC et SOPAMA du fait de son retard consécutif à la destruction de deux pistes de production ; qu’il est inopérant de la part des sociétés Câbles Acier et Usines du Paquis d’objecter que ces pénalités procèdent de l’exécution d’un contrat auquel elles n’étaient pas parties et qui leur est inopposable, dans la mesure où le paiement de ces sommes trouve sa cause dans leur faute commune, et constitue donc un élément de préjudice indemnisable pour la victime du sinistre dans lequel leur responsabilité est engagée;

Attendu en quatrième lieu, que Strudal n’est pas fondée à solliciter réparation pour le temps consacré par trois de ses salariés à la gestion du sinistre, dès lors que le sapiteur a pu vérifier (cf annexe 31p.6) que ces personnels n’ont effectué ni heures supplémentaires rémunérées, ni déplacement ayant donné lieu à des frais avérés, et que plus généralement l’appelante ne justifie d’aucune charge supplémentaire, et que pour le surplus la gestion d’une situation de crise comme cet accident entrait dans les tâches de ces préposés ;

Attendu en cinquième lieu, que la modification du trajet de la benne décidée par Strudal après l’accident est la conséquence de son processus de fabrication, et non du défaut de résistance de l’équipement fourni par Câbles Acier et Usines du Paquis ; qu’elle est justifiée sinon par des exigences réglementaires telles celles posées à l’article R.223-13-5 devenu R.4323-36 du code du travail interdisant en principe de transporter des charges au-dessus des personnes, à tout le moins par des considérations de sécurité eu égard aux risques d’accident liés au surplomb de charges lourdes au-dessus des personnels, ainsi que par les rapports internes à l’entreprise tels qu’évoqués par l’appelante elle-même lorsqu’elle explique que ses préposés n’ont plus accepté de travailler dans les conditions antérieures ; qu’elle a d’ailleurs été décidée, puis maintenue, alors même que la cause de l’accident avait été identifiée ; qu’ainsi, ni le surcoût lié à cet aménagement, ni les conséquences économiques et financières de sa mise en oeuvre, ne présentent de lien de causalité direct et suffisamment certain avec l’accident litigieux pour entrer dans le champ du préjudice indemnisable ;

Qu’il en va de même pour l’abandon du projet 'Spancrete’ décidé par Strudal, selon elle faute de disposer de l’espace requis dans son bâtiment de production du fait de l’allongement du trajet de la benne, dès lors qu’il ne serait tout au plus lui-même qu’une conséquence de cet aménagement ;

Attendu en sixième lieu, que les honoraires que Strudal a versés au cabinet Equad l’ont été pour l’essentiel postérieurement à la désignation de l’expert judiciaire ; qu’il n’est pas justifié qu’il se soit agi de conseils techniques requis par la remise en service du site endommagé ; que ce poste de dépense procède donc de frais d’assistance qui relèvent du champ et du régime de l’indemnité pour frais irrépétibles tels que visée à l’article 700 du code de procédure civile ; que c’est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté la société Strudal de sa prétention à les inclure dans le montant du préjudice consécutif à l’accident ;

sur l’anatocisme

Attendu que la capitalisation des intérêts est de droit lorsqu’elle est réclamée en justice; qu’elle a donc été ordonnée à juste titre par les premiers juges, sauf à préciser qu’en l’absence d’indication par Strudal de la date à compter de laquelle elle en sollicite l’application, il y a lieu de retenir celle des conclusions récapitulatives de première instance par lesquelles elle l’a demandée pour la première fois soit celle de la date d’audience du 9 décembre 2010, en l’absence de justificatif de leur signification antérieure ;

* sur la prise en charge par les assureurs

Attendu que les compagnies GAN et AXA France IARD ne dénient pas leur garantie à leur assuré respectif, Câbles Acier et Usines du Paquis ; qu’au vu du montant des condamnations prononcées, le plafond de leur garantie est loin d’être atteint ; qu’elles sont l’une et l’autre fondées à opposer à Strudal et à leur assuré le montant de la franchise contractuelle, soit 1.892,18€ s’agissant du GAN et 2.802,92€ s’agissant d’AXA France IARD ;

* sur les recours en garantie et la charge définitive des condamnations

Attendu que le Bureau Véritas non seulement n’a pas commis de manquement à l’égard de son cocontractant Strudal, mais n’a pas non plus commis de faute avérée en relation avec la survenance de l’accident susceptible d’engager sa responsabilité délictuelle à l’égard de Câbles Acier et Usines du Paquis, dont l’appel en garantie à son encontre a donc été rejeté à bon droit;

Attendu que les sociétés Câbles Acier et Usines du Paquis demandent à la cour de fixer leur part respective de responsabilité ; qu’à cet égard, il est à considérer que Câbles Acier connaissait bien le processus de production en vigueur chez Strudal pour s’y être précédemment rendue de façon régulière dans le cadre de leurs relations commerciales suivies, et qu’Usines du Paquis est quant à elle venue sur place le 19 avril 2000, qu’elle pouvait et devait examiner le crochet en place, que c’est elle qui a formulé une proposition technique spécifique en préconisant le crochet litigieux, et qu’elle a usiné la tige de raccord ; qu’en l’état de ces circonstances, il y a lieu de partager entre elles par moitié la charge définitive de la part de préjudice qu’elles supportent in solidum ;

* sur les dépens

Attendu qu’il y a lieu de préciser que les dépens de première instance incluent les dépens de référé et le coût de l’expertise judiciaire ;

Qu’au vu de la teneur du présent arrêt, qui déboute Strudal de ses prétentions et les entreprises et leurs assureurs de leur appel incident, il y a lieu de condamner la société Strudal à supporter les dépens d’appel afférents à la mise en cause du Bureau Véritas ainsi qu’à verser à celui-ci une indemnité pour frais irrépétibles, et pour le surplus de décider que chaque plaideur conservera la charge de ses dépens d’appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

REJETTE la demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions signifiées et déposées le 19 octobre 2011 par la société Bureau Véritas

CONFIRME le jugement entrepris sauf à préciser et juger :

* que la responsabilité de la société Usines du Paquis est retenue sur le fondement délictuel des articles 1382 et 1383 du code civil ;

* que les assureurs des sociétés Câbles Acier et Usines du Paquis sont l’un et l’autre fondés à opposer à Strudal et à leur assuré le montant de la franchise contractuelle, soit 1.892,18€ s’agissant du GAN et 2.802,92€ s’agissant d’AXA France IARD ;

* que la capitalisation des intérêts opérera à compter du

9 décembre 2010 ;

* que les dépens de première instance incluent ceux de référé et le coût de l’expertise judiciaire ;

Y AJOUTANT :

DIT que dans leurs rapports réciproques, les sociétés Câbles Acier et Usines du Paquis supporteront chacune la moitié de la charge définitive des condamnations prononcées contre elles, tant en principal qu’intérêts et dépens

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions

MET à la charge de la société Strudal les dépens d’appel afférents à la mise en cause de la société Bureau Véritas et LA CONDAMNE à verser à celle-ci une somme de 1.000€ (MILLE EUROS) en application de l’article 700 du code de procédure civile

DIT que pour le surplus, chaque partie conservera à sa charge ses dépens d’appel, sans indemnité de procédure

ACCORDE à la SCP DESPLANQUES & DEVAUCHELLE, titulaire d’un office d’avoué, le droit à recouvrement direct reconnu par l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Monsieur Alain RAFFEJEAUD, président et Madame Evelyne PEIGNE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

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Cour d'appel d'Orléans, Chambre commerciale, économique et financière, 24 novembre 2011, n° 11/00918