Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 1er juillet 2021, n° 18/03012

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, ch. soc., 1er juill. 2021, n° 18/03012
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 18/03012
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Blois, 20 septembre 2018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A -

Section 2

PRUD’HOMMES

Exp + GROSSES le 17 JUIN 2021 à

Me Ariane BARBET SCHNEIDER

la SELAS BARTHELEMY AVOCATS

-DV-

ARRÊT du : 17 JUIN 2021

N° : – 21

N° RG 18/03012 – N° Portalis DBVN-V-B7C-FZOW

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BLOIS en date du 21 Septembre 2018 - Section : ENCADREMENT

ENTRE

APPELANT :

Monsieur A X

né le […] à […]

[…]

[…]

représenté par Me Ariane BARBET SCHNEIDER, avocat au barreau de BLOIS

ET

INTIMÉE :

SAS SEBB CARADOR Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[…]

[…]

représentée par Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d’ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel GUENOT de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND,

Ordonnance de clôture :2 mars 2021

A l’audience publique du 08 Avril 2021

LA COUR COMPOSÉE DE :

Monsieur I J, président de chambre

Madame Carole Vioche, conseiller

Monsieur Daniel Velly, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Assistés lors des débats de Mme F G-H, Greffier.

Puis ces mêmes magistrats ont délibéré dans la même formation et le 17 JUIN 2021, Monsieur I J, président de chambre, assisté de Mme F G-H, Greffier, a rendu l’arrêt par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

RESUME DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SA Sebb Carador, de Saint-Flour, dans le Cantal, exploite un grand nombre de boutiques d’horlogerie et de bijouterie en France. Elle embauchait Monsieur A X, en qualité de superviseur, catégorie cadre, par contrat à durée indéterminée du 7 février 2012.

Il était chargé d’opérer les contrôles des magasins situés dans le Centre et l’Ouest, afin que les objectifs de vente puissent être atteints, que les équipes de ventes soient mobilisées et que les normes et standards opérationnels établis par l’entreprise soient respectés.

La société le sanctionnait de deux avertissements, pour non-respect des procédures internes, le 18 septembre et le 18 novembre 2014.

Il était placé en arrêt maladie, à compter du 2 décembre 2014, qui était prolongé jusqu’au 9 décembre 2015.

Le 7 décembre 2015, la société lui proposait une rupture conventionnelle à laquelle il n’a pas entendu donner de suite.

Le 10 décembre 2015, le médecin du travail le déclarait inapte à tout poste de travail dans l’entreprise, en une seule visite.

Par courrier du 16 décembre suivant, la société Sebb Carador indiquait à monsieur X avoir recherché des possibilités de reclassement dans l’entreprise mais ne pas pouvoir lui proposer de solution de reclassement.

En conséquence, la société le convoquait, le 18 décembre 2015, en vue d’un entretien préalable pour le 30 décembre suivant, auquel il ne s’est pas présenté, avant de le licencier pour inaptitude, médicalement constatée, et impossibilité de le reclasser, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 janvier 2016.

Monsieur X saisissait alors en référé le conseil de prud’hommes de Blois afin d’obtenir le paiement d’un solde de l’indemnité compensatrice de congés payés, d’indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour résistance abusive et d’une indemnité de procédure. Par ordonnance de référé du 22 mars 2016, le conseil condamnait la société Sebb Carador à lui payer :

—  753,67 € à titre de solde de l’indemnité de licenciement,

—  500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 6 mai 2016, Monsieur X saisissait le conseil des prud’hommes de Blois, au fond, en sa section de l’encadrement, d’une action contre son ancien employeur.

Il sollicitait sa condamnation à lui régler :

à titre principal,

—  10'500 € d’indemnité de préavis et 1050 € de congés payés afférents,

—  15'000 € de dommages intérêts pour harcèlement moral,

—  42'000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul,

à titre subsidiaire,

—  10'500 € d’indemnité de préavis et 1050 € de congés payés afférents,

—  42'000 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

et en outre,

—  30'000 € de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence,

—  653,08 € de solde d’indemnité de congés payés,

—  2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

De son côté, la société concluait au débouté de toutes ces demandes et au remboursement de l’indemnité de licenciement à hauteur de 753,67 € ainsi qu’à la condamnation de Monsieur X à lui payer 3000 € au titre de l’article 700 précité.

Par jugement du 21 septembre 2018, ce conseil des prud’hommes a :

— débouté Monsieur X de l’ensemble de ses demandes,

— l’a condamné à payer à cette société 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté cette société du surplus de ses demandes,

— condamné Monsieur X aux dépens.

Le 23 octobre 2018, celui-ci a interjeté appel de ce jugement par voie électronique, au greffe de cette cour.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES

1°Ceux de Monsieur X, salarié appelant principal

Au vu de la convention collective du commerce de détail des bijoutiers horlogers et des articles L 1152-1 et suivants et L 1226-1 et suivants du code du travail, il reprend, devant la cour, les mêmes

demandes articulées devant le conseil des prud’hommes.

Il insiste sur le harcèlement moral subi au sein de l’entreprise, caractérisé par la vétusté de son véhicule et de son téléphone portable, par les retards dans le versement des avances de frais, l’absence de liens informatiques entre les magasins, le tout accroissant très sensiblement la difficulté de sa tâche, alors que, par ailleurs, la direction faisait pression sur lui pour obtenir de sa part des résultats sans commune mesure avec la possible réalité.

Cette tension continue a entraîné une angoisse permanente chez lui qui l’a contraint, après deux avertissements indus et contestés, à un arrêt maladie pendant plus d’un an et à une inaptitude définitive en un seul constat médical, en raison de l’urgence.

Il estime que son dossier médical, les deux avertissements, l’absence de réponse de l’employeur à son courrier du 30 septembre 2014, où il évoque le harcèlement moral subi au travail, et l’attitude de l’employeur qui désirait se séparer de lui, constituent autant d’éléments en faveur d’un harcèlement moral.

Dès lors que celui-ci est retenu, il entraîne la nullité du licenciement intervenu, avec toutes ses conséquences de droit.

Subsidiairement, il considère que son licenciement reste sans cause réelle et sérieuse, eu égard à l’absence de recherches de reclassement : en effet, la société s’est abstenue d’échanger avec le médecin du travail pour envisager les reclassements possibles, en sorte que le licenciement est abusif à cet égard.

Il fait valoir qu’il reste toujours dans une situation précaire, ce qui doit entraîner de substantiels dommages-intérêts, pour compenser son préjudice au long cours.

Par ailleurs, il soutient que la clause de non-concurrence qu’il a signée dans son contrat de travail est nulle, pour n’avoir pas de contrepartie financière. Dès lors, le respect par un salarié d’une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice, puisque celle-ci est instituée dans l’intérêt de l’entreprise, mais aussi du salarié.

Enfin, il n’a perçu ses congés payés que sur 25 jours par an, alors que la convention collective les calcule sur 30 jours, d’où une créance de sa part de 653,08 € .

2°Ceux de la SA Sebb Carador, appelante incidente

Elle sollicite la confirmation du jugement contesté, en toutes ses dispositions concernant les demandes du salarié et :

— le débouté de toutes les demandes de Monsieur X,

— mais l’infirmation sur sa propre demande, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sur la demande de remboursement du solde de l’indemnité de licenciement pour 753,67 €,

— et la condamnation de Monsieur X à lui verser cette somme et 3000 € sur le fondement de l’article 700 précité.

Sur le harcèlement moral, elle réfute les moyens de son adversaire quant au véhicule prétendument vétuste qui lui a été alloué, en démontrant les factures d’entretien régulier, assure qu’il bénéficiait, chaque mois, d’une avance sur frais professionnels de 800 € et que les magasins étaient tous reliés par un logiciel informatique ' bijou 3".

Les objectifs commerciaux étaient fixés, chaque année, avec le concours de Monsieur X, ce qui permettait de fixer la rémunération variable au sein d’un nouvel avenant.

S’il a été constaté un manque d’accompagnement des équipes, ce grief a été sanctionné, successivement, par deux avertissements dont Monsieur X accepte aujourd’hui le principe, puisqu’il n’en sollicite pas l’annulation.

Les constats médicaux, à eux seuls, ne sont pas susceptibles de caractériser l’existence d’un harcèlement moral, alors que, pendant son arrêt maladie, il travaillait régulièrement pour le magasin de fleurs nouvellement créé par son épouse.

Il s’ensuit que faute d’existence de faits de harcèlement moral, le licenciement ne peut être requalifié en licenciement nul.

Sur le problème de l’obligation de reclassement, la société souligne qu’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de l’impossibilité de reclasser le salarié, au regard des prescriptions retenues par le médecin du travail, qui avait souligné que celui-ci n’avait aucune capacité médicale à occuper une quelconque tâche au sein de l’entreprise, en sorte que le non- reclassement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Sur le reliquat des congés payés, la société lui a appliqué la règle la plus favorable, celle du 10e de salaire, alors qu’il confond le décompte des congés payés en jours ouvrables et en jours ouvrés, les seuls travaillés.

Sur la clause de non-concurrence, la société fait valoir avoir proposé, le 2 décembre 2014, à Monsieur X un avenant visant à supprimer cette clause et elle y a renoncé au moment du licenciement. Dès lors, il n’a pu subir aucun préjudice, du fait de la nullité de cette clause.

Enfin, sur la demande reconventionnelle de la société, elle se réfère à la convention collective applicable qui fixe l’indemnité conventionnelle de licenciement à 1/10è de mois par année de présence, neutralisation devant être faite des périodes de suspension du contrat de travail, pour maladie d’origine non professionnelle.

Eu égard aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de statuer sur les autres moyens présentés par les parties dans leurs dernières conclusions, qui sont parvenues à cette cour :

— le 15 janvier 2019 par Monsieur X,

— et le 25 septembre 2019 par la société Sebb Carador.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2021, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 8 avril 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

sur l’allégation de harcèlement moral

L’article L 1152-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble

des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les éléments médicaux éventuellement produits, d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence de harcèlement moral. Il revient aussi au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions ont été justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce ce salarié vise, au titre de ce harcèlement :

— la vétusté de son véhicule et de son téléphone portable,

— les retards dans le versement des avances de frais et des bulletins de paie,

— l’absence de liens informatiques entre les divers magasins gérés,

— la pression de l’employeur essentiellement, celle de Monsieur Y, directeur général,

— les objectifs commerciaux impossibles à tenir.

A) sur la vétusté du véhicule et du téléphone portable

Monsieur X ne produit aucune pièce justificative à cet égard. De son côté, la société fournit une facture du garage du 16 avril 2014, puis une autre du 27 juin 2016, qui démontre que le véhicule Citroën C3 a continué d’être utilisé en fonctionnant normalement après son départ de l’entreprise.

Celui-ci expose qu’il avait parcouru 50'000 kms quand on le lui a remis au début de son activité, ce qui constitue un kilométrage raisonnable.

Le contrôle technique a constaté qu’il n’existait pas de défaut le 10 juin 2016.

En outre, la société démontre qu’il disposait d’un Smartphone tout à fait aux standards actuels, comme ses autres collègues, ce qui exclut toute vétusté. Mais il arrivait que Monsieur X ait pu dépasser parfois de plus de 150 € les factures mensuelles, ce qui lui a valu des rappels à l’ordre de Monsieur Y.

B) sur le remboursement des frais

Monsieur X a bénéficié d’une avance de 800 € par mois au titre des remboursements de frais mensuels, comme l’atteste la pièce 24 de la société, et de son côté il ne justifie son grief par aucune pièce.

C) sur les liens informatiques entre les magasins

La société affirme, sans être démentie, que les liaisons informatiques entre magasins intervenaient par le biais du logiciel « bijou trois » tandis que chaque superviseur et chaque responsable de magasin possédaient une adresse e-mail facilitant les communications électroniques entre eux.

De son côté, Monsieur X ne produit aucune explication tangible, ni aucune pièce sur ce grief, seulement énoncé.

D) sur les pressions de l’employeur

En qualité de superviseur, Monsieur X constituait le relais entre les magasins placés sous son autorité et le directeur général de l’entreprise. Il lui appartenait, ainsi, d’appliquer, et de faire appliquer les process et méthodes d’organisation, de la politique commerciale et du management au

sein de chaque magasin compris dans le territoire qui lui avait été affecté.

Dès octobre 2013, Monsieur Y lui rappelait les objectifs pour aider les responsables de magasin à progresser. En septembre et octobre 2013, il était pressé de participer à des formations pour lesquelles il a fallu le relancer, signe de sa morosité pour en profiter.

En mai 2014, aucun progrès n’avait été constaté : les responsables des magasins de Montluçon, Saint-Maur et deux autres attestent qu’il critiquait souvent les méthodes de travail de l’entreprise, n’encourageait pas les titulaires des magasins, s’occupait de rédiger ses frais professionnels devant les équipes du magasin, arrivait tard et partait tôt, sans jamais vraiment s’intéresser à son travail.

Il convient de noter qu’il était principalement en tournée dans la semaine, hors de la présence de Monsieur Y et qu’il s’est abstenu de fournir toute pièce ou tout courriel de son directeur général pour justifier l’allégation de harcèlement moral.

En fait, il s’est discrédité tout seul auprès des équipes, en réitérant des comportements inadaptés à tous égards.

Dans ces conditions, la société a dû lui infliger deux avertissements, les 18 septembre et 18 novembre 2014, pour non-respect des procédures internes, dont il ne sollicite pas l’annulation aujourd’hui, les tenant ainsi pour acquis.

E) sur les objectifs

Chaque année, de 2012 à 2015, un avenant était signé des deux parties pour opérer un calcul relatif à la rémunération variable, sans qu’il soit établi, encore, la moindre pression sur ce superviseur, alors que le calcul résultait, en grande partie, d’une simple déduction arithmétique par rapport à l’année précédente.

Il ressort de ces divers approches que, non seulement, aucun élément de fait ne saurait caractériser le moindre harcèlement moral à son égard, mais qu’à l’inverse, la société prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions ont été justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La thèse du harcèlement moral, à l’instar de l’analyse du conseil des prud’hommes, devra être écartée, comme mal fondée, ainsi que la demande en paiement de la somme de 15 000 € de dommages-intérêts sollicitée en réparation.

sur la nullité du licenciement alléguée

En l’absence de tout harcèlement moral, la nullité du licenciement ne peut qu’être repoussée puisqu’elle n’est pas fondée par cette cause.

3° subsidiairement, sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

Les parties ne discutent plus que du reclassement de Monsieur X que la société devait envisager à la suite de l’inaptitude constatée par le médecin du travail.

En application des dispositions de l’article L.1226-2 du code du travail 'Lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail'. En application des dispositions de l’article suivant le contrat du salarié peut être suspendu pour lui permettre de suivre un stage de reclassement professionnel.

Il se déduit de ces dispositions que l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur est une obligation préalable à la décision de licenciement laquelle ne peut intervenir que lorsque toutes les possibilités d’y parvenir ont été épuisées. Le manquement au respect de cette obligation doit conduire à considérer que le licenciement qui s’en suit est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

C’est à l’employeur de démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l’impossibilité de reclassement qu’il allègue.

Il est constant que si l’avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l’entreprise ne dispense pas l’employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de son obligation légale de recherche de reclassement au sein de cette entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l’inaptitude, par ce médecin sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l’employeur de l’impossibilité de remplir cette obligation.

Enfin, l’employeur n’est pas tenu de proposer au salarié un poste qui nécessite une formation de base différente de celle qui est la sienne et relevant d’un autre métier que le sien.

La lettre de licenciement expose :

« Vous avez été convoqué pour un entretien préalable à votre éventuel licenciement le 30 décembre 2015, entretien pour lequel vous ne vous êtes pas présenté.

Nous vous notifions votre licenciement en raison de votre inaptitude constatée par le médecin du travail lors de votre visite médicale du 10 décembre 2015. Le Docteur D E a formulé l’avis d’inaptitude suivant : « inapte à tout poste de l’entreprise, inapte à tout poste de travail dans l’entreprise à dater de ce jour. Une seule visite est effectuée dans le cadre de la procédure d’urgence. L’état de santé de Monsieur X ne permet pas actuellement de juger des capacités restantes en vue d’un reclassement dans l’entreprise. »

Conformément à nos obligations, nous avons recherché les possibilités de reclassement existantes dans notre entreprise, compte tenu de vos possibilités actuelles et celles-ci sont restées infructueuses.

Après étude et comme l’indique le médecin du travail « l’état de santé de Monsieur X ne permet pas actuellement de juger des capacités restantes en vue d’un reclassement dans l’entreprise, nous avons été dans l’impossibilité de vous proposer aucun poste de reclassement, comme cela vous a été notifié dans notre courrier du 16 décembre 2015.

Nous sommes donc contraints de vous notifier par la présente votre licenciement qui prend effet immédiatement. »

Contrairement tout d’abord à ce que soutient monsieur X, cette lettre vise bien l’impossibilité de reclassement et n’est pas uniquement fondée sur l’inaptitude médicale au poste.

Le débat est limité au respect de l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur.

En l’espèce, le médecin du travail a relevé que 'l’état de santé de Monsieur X ne permet pas actuellement de juger des capacités restantes en vue d’un reclassement dans l’entreprise'. Il s’agit bien en l’espèce, d’un état actuel, concomitant à la recherche de reclassement, ne présumant pas de ce

que sera l’état de santé ultérieur, mais dans quel délai, du salarié. Cet en fonction de cet état, à cet instant, que la recherche d’un reclassement doit être effectuée.

En l’état des textes applicables, il n’appartenait pas à l’employeur d’interroger de nouveau le médecin du travail, l’avis d’inaptitude ayant été pris selon la procédure d’urgence et l’inaptitude étant constatée 'à tout poste dans l’entreprise. Inapte à tout poste de travail dans l’entreprise à dater de ce jour'. Cet avis, donné de manière claire, ne nécessitait pas une nouvelle interrogation du médecin.

Cependant, et ainsi que rappelé ci-dessus, malgré cet avis du médecin du travail, intervenu dans le cadre de la procédure d’urgence pour danger immédiat, ne dispense pas l’employeur de rechercher des solutions de reclassement et il lui appartient de justifier de ce qu’il a entrepris loyalement une recherche sur la possibilité de reclasser le salarié dans l’entreprise en lui proposant des postes disponibles, adaptés ou adaptables.

Or la société n’indique aucunement comment elle a effectué cette recherche et il ressort des termes de ses courriers et de ses conclusions, qu’en réalité elle s’est estimée dispensée d’effectuer cette recherche de reclassement au vu de l’avis tranché du médecin du travail.

Il s’agit pourtant d’une société importante comportant un grand nombre de salariés. Il n’est pas justifié qu’elle a entrepris une recherche de postes de reclassement et elle ne produit d’ailleurs pas au débat le registre d’entrée et de sortie du personnel.

Il en résulte que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement n’est pas revêtu d’une cause réelle et sérieuse.

La sanction, tirée de l’article L 1235-3 du code du travail, en vigueur au moment du licenciement, est de six mois de salaires au minimum, dès lors que Monsieur X avait plus de deux ans d’ancienneté dans une société comportant plus de 11 salariés.

Dans la mesure où il a contribué, pendant son arrêt maladie d’un an, à l’établissement du magasin de fleurs de son épouse, il ne pourra revendiquer que le minimum légal soit 3500 € X 6 = 21'000 €.

Dans la mesure où le licenciement est jugé intervenu sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, le salarié peut bénéficier d’une indemnité compensatrice de préavis. Pour ce cadre, cette indemnité est de trois mois soit 10'500 € outre 1050 € au titre des congés payés afférents.

sur la clause de non-concurrence

Pour être licite, une clause de non-concurrence doit comporter pour l’employeur l’obligation de verser au salarié une contrepartie financière.

Or le contrat de travail du 7 février 2012 stipule que « Monsieur X s’engage à ne pas exercer les mêmes fonctions chez un de nos concurrents directs situés dans le même département ».

Les deux parties conviennent de la nullité de cette clause, puisqu’elle ne prévoit pas de limitation dans le temps, ni de contrepartie financière.

Afin d’obtenir réparation de son préjudice il appartient à celui qui en réclame l’indemnisation d’en prouver son existence et son étendue.

La société a proposé à Monsieur X, le 2 décembre 2014,soit plus d’un an avant don licenciement, un avenant visant à supprimer cette clause litigieuse mais celui-ci n’a pas entendu donner de suite à cette proposition. Par ailleurs, au moment du licenciement, la société a

expressément renoncé à l’application de la clause.

Dans ces conditions, c’est du 7 février 2012 au 2 décembre 2014 que la clause de non-concurrence a existé et qu’elle valait pour les deux parties.

Pendant ce laps de temps, d’une part, Monsieur X n’a pas pu envisager un rétablissement professionnel dans le même domaine et dans le même département et, d’autre part, il n’a pas perçu de contrepartie financière obligatoire.

Il s’agit d’un préjudice parfaitement réel, qu’il a subi, et qui doit être compensé par une somme arbitrée à 5000 €de dommages-intérêts.

sur le solde d’indemnité de congés payés

La convention collective des commerces de détail en horlogerie bijouterie précise, dans son article 42, que le régime des congés payés se calcule à hauteur de 2 jours et demi ouvrables par mois de travail, soit 30 jours par an.

Or, l’examen des bulletins de paie démontre que la société a toujours retenu 30 jours de congés payés par an, sauf pour l’année 2013- 2014 pour laquelle elle n’a inscrit que 26 jours sans expliquer pourquoi. Dans cette mesure, il n’est dû à Monsieur X que quatre jours de congés payés, soit 116 €, 66 × 4 = 466,64 €.

sur la demande de la société de remboursement d’un solde d’indemnité de licenciement

La société sollicite le remboursement d’un solde de 753,67 €au titre de l’indemnité de licenciement. Elle souligne qu’il convient de ne pas confondre les dispositions de l’article 26'1 de la convention collective relatif à la définition de l’ancienneté, qui s’applique uniquement pour les dispositions de la convention, et celles prévues pour l’application des dispositions légales où les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie d’origine non professionnelle sont neutralisées.

En l’espèce, il convient pour la détermination de l’ancienneté, pour l’application de l’indemnité légale de licenciement, d’exclure les périodes pour maladie d’origine non professionnelle (chambre sociale de la Cour de Cassation 10 décembre 2002, numéro 00'46. 542).

Dans la mesure où la formation de référé du conseil des prud’hommes de Blois a condamné la société au paiement de la somme de 753,67 €, il convient de condamner Monsieur X à rembourser la société à hauteur de cette somme qui était indue.

Il sera constaté que, dans ses conclusions, Monsieur X ne fait pas mention de la demande reconventionnelle de la société, sans conclure à son débouté.

sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens exposés tant en première instance qu’en cause d’appel seront à la charge de la SA Sebb Carador.

Il est équitable de la condamner à payer à monsieur X une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, par ces motifs, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement sur :

— le débouté de la demande en paiement de dommages-intérêts de 15'000 € pour préjudice moral,

— et de la demande en paiement de 42'000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement du 7 janvier 2016 n’est pas revêtu d’une cause réelle et sérieuse,

Condamne la SA Sebb Carador à régler à Monsieur A X les sommes suivantes:

—  21'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  10 500 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1050 € au titre des congés payés afférents,

—  5000 € à titre de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence,

—  466,64 € de rappel de congés payés pour l’année 2013 -2014,

—  2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur X à rembourser à la SA Sebb Carador la somme de 753,67€ au titre du solde de l’indemnité de licenciement,

Déboute la SA Sebb Carador de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens de première instance et d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

F G-H I J

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Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 1er juillet 2021, n° 18/03012