Cour d'appel de Papeete, Chambre civile, 4 juin 2020, n° 18/00013

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Papeete, ch. civ., 4 juin 2020, n° 18/00013
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 18/00013
Décision précédente : Tribunal de première instance de Papeete, 21 août 2017, N° 177-7;16/00005
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

222

KS

---------------

Copies exécutoires

délivrées à :

— Me K,

— Me M,

— Commissaire Gouvernement,

le 05.06.2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

— Expropriation -

Audience du 4 juin 2020

RG 18/00013 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 177-7, rg 16/00005 de la Chambre de l’Expropriation du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete en chambre de l’expropriation du 22 août 2017 ;

Sur appel formé par déclaration au greffe du Tribunal de l’Expropriation sous le n° 206 le 16 novembre 2017, dossier transmis et enregistré au greffe de la Cour d’appel le 15 janvier 2018;

Appelant :

L'Etablissement E W Aménagement & Développement (TNAD), établissement à caractère industriel et commerial, inscrit sous le n°E 003525, dont le siège est sis […], représenté par son directeur en exercice ;

Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me J K, avocat au barreau de Papeete ;

Intimées :

Mme I AE AF D épouse X, née le […] à Papeete, de nationalité française, demeurant […], […] ;

Mme A-B AG-W F épouse Y, née le […] à Papeete, de nationalité française, demeurant […], […] ;

Mme N B-O F épouse Z, née le […] à

Papeete, de nationalité française, demeurant à […], […]a ;

Mme B-AH S AI P X-AL, née le […] à Papeete, de nationalité française, demeurant à […], […] ;

Mme AA AB D, née le […] à […], de nationalité française, demeurant à Faa’a […], […] ;

Représentées par Me L M, avocat au barreau de Papeete ;

Le Commissaire du Gouvernement, Direction des Affaires Foncières, demeurant à […], pris en la personne de Katty RAIOHA-TAURUA ;

Ayant conclu ;

Le Ministère Public ;

Ayant conclu ;

Ordonnance de clôture du 8 novembre 2019 ;

Composition de la Cour :

Après communication de la procédure au ministère public conformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile le la Polynésie française et la cause a été débattue et plaidée en audience publique 16 janvier 2020, devant M. RIPOLL, conseiller faisant fonction de président, Mmes SZKLARZ et DEGORCE, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. RIPOLL, président et par Mme PAULO, faisant fonction de greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Faits, procédure et prétentions :

Dans le cadre de la maîtrise de l’assiette foncière nécessaire au projet E Mahana Beach, la parcelle de terre dénommée TEAOA, cadastrée commune de Punaauia, section […] et […] d’une superficie respective de 5.993 m2 et 4.797 m2, a été déclarée expropriée pour cause d’utilité publique au profit de l’Etablissement Public E W Aménagement et Développement (TNAD) suivant ordonnance d’expropriation n° 64 du 17 novembre 2015.

L’Etablissement Public E W Aménagement et Développement a notifié aux propriétaires indivis, copie de l’ordonnance d’expropriation n°64 du 17 novembre 2015. Pour l’acquisition des parcelles expropriées, il a fait offre de prix dans les conditions qui suivent :

— Parcelle C196 de la terre TEAOA : 5.993 m2 x 25.000 FCP/m2 = 149.825.000 FCP,

— Parcelle C197 de la terre TEAOA : 4.797 m2 x 500 FCP/m2 = 2.398.500 FCP, soit un total de 152.223.500 FCP.

En application des dispositions de l’article R13-17 du Code de l’expropriation, les propriétaires indivis ont notifié à l’expropriant ne pas accepter l’offre de prix. Ils ont saisi le Juge de l’expropriation le 2 juin 2016 afin de voir fixer les indemnités d’expropriation.

Le commissaire du gouvernement a proposé de fixer les indemnités d’expropriation des parcelles cadastrées section […] et 197 pour un montant total établi comme suit :

— indemnité principale de 25.000 FCP le m2 pour le foncier, soit : 149.825.000 FCP,

— indemnité principale de 500 FCP le m2 pour les emprises maritimes en lagon peu profond, soit un montant total de 2.398.500 FCP, soit : 152 223 500 FCP,

— indemnité accessoire de remploi au taux de 15 %, soit : 22.833.525 FCP, soit au total, la somme de 175.057025 FCP.

L’Etablissement Public E W Aménagement et Développement a demandé au Juge de fixer le montant de l’indemnité d’expropriation des parcelles C196 et C197 à hauteur de 1 francs pacifiques symbolique.

Par jugement n°177-7 en date du 22 août 2017, au visa de l’arrêté n° 392/CM du 9 avril 2015 portant déclaration d’utilité publique, de l’arrêté modificatif n° 608/CM du 8 mai 2015, de l’article 91 de la loi n°2004-192 du 27 février 2004, de l’ordonnance d’expropriation n°64 du 17 novembre 2015, du procès verbal de transport sur les lieux du 24 octobre 2016, intervenu en exécution de l’ordonnance du 17 octobre 2016, du mémoire introductif d’instance du 2 juin 2016 et de l’offre notifiée par l’expropriant, ainsi que les conclusions du commissaire du gouvernement, le Juge de l’Expropriation a dit :

— Fixe les indemnités dues par l’Etablissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation de la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de 5.993m2 cadastrée section […], propriété indivise de Mme I AE AF D épouse X comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 337.270.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 35.059.050 francs pacifiques ;

— Fixe les indemnités dues par l’établissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de […], propriété indivise de Mme I AE AF D épouse X comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 23.985.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 3.597.750 francs pacifiques ;

— Condamne TNAD à payer à Mme I D épouse X la somme de 200.000 francs pacifiques au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

— Dit que la notification du présent jugement devra reproduire les dispositions de l’article D 13-47 et celles de l’article D 13-49 al 1 du code de l’expropriation,

— Dit que l’expropriant supportera la charge des dépens.

Par déclaration orale auprès du greffier, secrétaire de la juridiction de l’expropriation, en date du 16 novembre 2017, Maître J K (Selarl Jurispol), conseil de l’Etablissement E W Aménagement & Développement, établissement à caractère industriel et commercial, identifié sous le numéro E 003525, représenté par son Directeur en exercice (TNAD), a interjeté appel du jugement n°177-07 en date du 22 août 2017 du Juge de l’Expropriation.

Le mémoire de TNAD a été enregistré au greffe de la Cour d’appel le 15 janvier 2018.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro 13/EXPRO/2018.

Par déclaration orale auprès du greffier, secrétaire de la juridiction de l’expropriation, en date du 28 décembre 2017, Maître L M, conseil de Mme I AE AF D épouse X, a interjeté appel du jugement n°177-07 en date du 22 août 2017 du Juge de l’Expropriation.

Le mémoire de Mme I D épouse X a été enregistré au greffe de la Cour d’appel le 27 février 2018.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro 81/EXPRO/2018.

Par mention au dossier le 21 septembre 2018, le Conseiller chargé de la mise en état a ordonné la jonction des dossiers 13/EXPRO/2018 et 81/EXPRO/2018, sous le numéro 13/EXPRO/2018.

Par jugement n°178-8 en date du 22 août 2017, au visa de l’arrêté n° 392/CM du 9 avril 2015 portant déclaration d’utilité publique, de l’arrêté modificatif n° 608/CM du 8 mai 2015, de l’article 91 de la loi n°2004-192 du 27 février 2004, de l’ordonnance d’expropriation n°64 du 17 novembre 2015, du procès verbal de transport sur les lieux du 24 octobre 2016, intervenu en exécution de l’ordonnance du 17 octobre 2016, du mémoire introductif d’instance du 2 juin 2016 et de l’offre notifiée par l’expropriant, ainsi que les conclusions du commissaire du gouvernement, le Juge de l’Expropriation a dit :

— Fixe les indemnités dues par l’établissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation de la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de 5.993 m2 cadastrée section […], propriété indivise de Mme A-B AG W F épouse Y comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 209.755.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 31.463.250 francs pacifiques,

— Fixe les indemnités dues par l’établissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de […], propriété indivise de Mme A-B AG W F épouse Y comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 23.985.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 3.597.750 francs pacifiques ;

— Condamne TNAD à payer à Mme A-B AG W F épouse Y la somme de 200.000 francs pacifiques au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

— Dit que la notification du présent jugement devra reproduire les dispositions de l’article D 13-47 et celles de l’article D 13-49 al 1 du code de l’expropriation,

— Dit que l’expropriant supportera la charge des dépens.

Par déclaration orale auprès du greffier, secrétaire de la juridiction de l’expropriation, en date du 16 novembre 2017, Maître J K ((Selarl Jurispol), conseil de l’Etablissement E W Aménagement & Développement, établissement à caractère industriel et commercial, identifié sous le numéro E 003525, représenté par son Directeur en exercice (TNAD), a interjeté appel du jugement n°178-08 en date du 22 août 2017 du Juge de l’Expropriation.

Le mémoire de TNAD a été enregistré au greffe de la Cour d’appel le 15 janvier 2018.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro 14/EXPRO/2018.

Par déclaration orale auprès du greffier, secrétaire de la juridiction de l’expropriation, en date du 28 décembre 2017, Maître L M, conseil de Mme A-B AG W F épouse Y, a interjeté appel du jugement n°178-08 en date du 22 août 2017 du Juge de l’Expropriation.

Le mémoire de Mme A-B AG W F épouse Y a été enregistré au greffe de la Cour d’appel le 27 février 2018.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro 82/EXPRO/2018.

Par mention au dossier le 21 septembre 2018, le Conseiller chargé de la mise en état a ordonné la jonction des dossiers 14/EXPRO/2018 et 82/EXPRO/2018, sous le numéro 14/EXPRO/2018.

Par jugement n°179-9 en date du 22 août 2017, au visa de l’arrêté n° 392/CM du 9 avril 2015 portant déclaration d’utilité publique, de l’arrêté modificatif n° 608/CM du 8 mai 2015, de l’article 91 de la loi n°2004-192 du 27 février 2004, de l’ordonnance d’expropriation n°64 du 17 novembre 2015, du procès verbal de transport sur les lieux du 24 octobre 2016, intervenu en exécution de l’ordonnance du 17 octobre 2016, du mémoire introductif d’instance du 2 juin 2016 et de l’offre notifiée par l’expropriant, ainsi que les conclusions du commissaire du gouvernement, le Juge de l’Expropriation a dit :

— Fixe les indemnités dues par l’établissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation de la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de 5.993 m2 cadastrée section […], propriété indivise de Mme N B-O F épouse Z comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 209.755.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 31.463.250 francs pacifiques ;

— Fixe les indemnités dues par l’établissement E W Aménage-ment et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de 4.797

m2 cadastrée section […], propriété indivise de Mme N B-O F épouse Z comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 23.985.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 3.597.750 francs pacifiques ;

— Condamne TNAD à payer à Mme N B-O F épouse Z la somme de 200.000 francs pacifiques au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

— Dit que la notification du présent jugement devra reproduire les dispositions de l’article D 13-47 et celles de l’article D 13-49 al 1 du code de l’expropriation,

— Dit que l’expropriant supportera la charge des dépens.

Par déclaration orale auprès du greffier, secrétaire de la juridiction de l’expropriation, en date du 16 novembre 2017, Maître J K (Selarl Jurispol), conseil de l’Etablissement E W Aménagement & Développement, établissement à caractère industriel et commercial, identifié sous le numéro E 003525, représenté par son Directeur en exercice (TNAD), a interjeté appel du jugement n°179-09 en date du 22 août 2017 du Juge de l’Expropriation.

Le mémoire de TNAD a été enregistré au greffe de la Cour d’appel le 15 janvier 2018.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro 15/EXPRO/2018.

Par déclaration orale auprès du greffier, secrétaire de la juridiction de l’expropriation, en date du 28 décembre 2017, Maître L M, conseil de Mme N B-O F épouse Z, a interjeté appel du jugement n°179-09 en date du 22 août 2017 du Juge de l’Expropriation.

Le mémoire de Mme N B-O F épouse Z a été enregistré au greffe de la Cour d’appel le 27 février 2018.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro 83/EXPRO/2018.

Par mention au dossier le 21 septembre 2018, le Conseiller chargé de la mise en état a ordonné la jonction des dossiers 15/EXPRO/2018 et 83/EXPRO/2018, sous le numéro 15/EXPRO/2018.

Par jugement n°180-10 en date du 22 août 2017, au visa de l’arrêté n° 392/CM du 9 avril 2015 portant déclaration d’utilité publique, de l’arrêté modificatif n° 608/CM du 8 mai 2015, de l’article 91 de la loi n°2004-192 du 27 février 2004, de l’ordonnance d’expropriation n°64 du 17 novembre 2015, du procès verbal de transport sur les lieux du 24 octobre 2016, intervenu en exécution de l’ordonnance du 17 octobre 2016, du mémoire introductif d’instance du 2 juin 2016 et de l’offre notifiée par l’expropriant, ainsi que les conclusions du commissaire du gouvernement, le Juge de l’Expropriation a dit :

— Fixe les indemnités dues par l’établissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation de la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de 5.993 m2 cadastrée section […], propriété indivise de Madame B-AH S AI P X-AL comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 209.755.000 francs pacifiques pour la valeur du

terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 31.463.250 francs pacifiques ;

— Fixe les indemnités dues par l’Etablissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de 4.797 m2 cadastrée section […], propriété indivise de Mme B-AH S AI P X-AL comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 23.985.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 3.597.750 francs pacifiques ;

— Condamne TNAD à payer à Mme B-AH S AI P X-AL la somme de 200.000 francs pacifiques au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

— Dit que la notification du présent jugement devra reproduire les dispositions de l’article D 13-47 et celles de l’article D 13-49 al 1 du code de l’expropriation,

— Dit que l’expropriant supportera la charge des dépens.

Par déclaration orale auprès du greffier, secrétaire de la juridiction de l’expropriation, en date du 16 novembre 2017, Maître J K (Selarl Jurispol), conseil de l’Etablissement E W Aménagement et Développement (TNAD), établissement à caractère industriel et commercial, identifié sous le numéro E 003525, représenté par son Directeur en exercice (TNAD), a interjeté appel du jugement n°180-10 en date du 22 août 2017 du Juge de l’Expropriation.

Le mémoire de TNAD a été enregistré au greffe de la Cour d’appel le 15 janvier 2018.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro 16/EXPRO/2018.

Par déclaration orale auprès du greffier, secrétaire de la juridiction de l’expropriation, en date du 28 décembre 2017, Maître L M, conseil de Mme B-AH S AI P X-AL, a interjeté appel du jugement n°180-10 en date du 22 août 2017 du Juge de l’Expropriation.

Le mémoire de Mme B-AH S AI P X-AL a été enregistré au greffe de la Cour d’appel le 27 février 2018.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro 84/EXPRO/2018.

Par mention au dossier le 21 septembre 2018, le Conseiller chargé de la mise en état a ordonné la jonction des dossiers 16/EXPRO/2018 et 84/EXPRO/2018, sous le numéro 16/EXPRO/2018.

Par jugement n°181-11 en date du 22 août 2017, au visa de l’arrêté n° 392/CM du 9 avril 2015 portant déclaration d’utilité publique, de l’arrêté modificatif n° 608/CM du 8 mai 2015, de l’article 91 de la loi n°2004-192 du 27 février 2004, de l’ordonnance d’expropriation n°64 du 17 novembre 2015, du procès verbal de transport sur les lieux du 24 octobre 2016, intervenu en exécution de l’ordonnance du 17 octobre 2016, du mémoire introductif d’instance du 2 juin 2016 et de l’offre notifiée par l’expropriant, ainsi que les conclusions du commissaire du gouvernement, le Juge de l’Expropriation a dit :

— Fixe les indemnités dues par l’établissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation de la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de 5.993 m2 cadastrée section […], propriété indivise de Mme AA AB D comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 209.755.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 31.463.250 francs pacifiques ;

— Fixe les indemnités dues par l’établissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de 4.797 m2 cadastrée section […], propriété indivise de Mme AA AB D comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 23.985.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 3.597.750 francs pacifiques ;

— Condamne TNAD à payer à Mme AA AB D la somme de 200.000 francs pacifiques au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

— Dit que la notification du présent jugement devra reproduire les dispositions de l’article D 13-47 et celles de l’article D 13-49 al 1 du code de l’expropriation,

— Dit que l’expropriant supportera la charge des dépens.

Par déclaration orale auprès du greffier, secrétaire de la juridiction de l’expropriation, en date du 16 novembre 2017, Maître J K (Selarl Jurispol), conseil de l’Etablissement E W Aménagement et Développement (TNAD), établissement à caractère industriel et commercial, identifié sous le numéro E 003525, représenté par son Directeur en exercice (TNAD), a interjeté appel du jugement n°181-11 en date du 22 août 2017 du Juge de l’Expropriation.

Le mémoire de TNAD a été enregistré au greffe de la Cour d’appel le 15 janvier 2018.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro 17/EXPRO/2018.

Par déclaration orale auprès du greffier, secrétaire de la juridiction de l’expropriation, en date du 28 décembre 2017, Maître L M, conseil de Mme AA AB D, a interjeté appel du jugement n°181-11 en date du 22 août 2017 du Juge de l’Expropriation.

Le mémoire de Mme AA AB D a été enregistré au greffe de la Cour d’appel le 27 février 2018.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro 85/EXPRO/2018.

Par mention au dossier le 21 septembre 2018, le Conseiller chargé de la mise en état a ordonné la jonction des dossiers 17/EXPRO/2018 et 85/EXPRO/2018, sous le numéro 15/EXPRO/2018.

Les parties ont demandé la jonction des affaires 13/EXPRO/2018, 14/EXPRO/2018, 15/EXPRO/2018, 16/EXPRO/2018 et 17/EXPRO/2018 qui concernent les mêmes parcelles de terres expropriées.

Par ordonnance n°498 en date du 8 novembre 2019, la magistrat chargé de la mise en état a ordonné

la jonction de affaires enrôlées sous les numéro 13/EXPRO/2018, 14/EXPRO/2018, 15/EXPRO/2018, 16/EXPRO/2018 et 17/EXPRO/2018 sous le numéro 13/EXPRO/2018.

Par mention aux dossiers en date du 26 février 2018, le Procureur Général s’en rapporte.

Aux termes de ces dernières écritures déposées au greffe de la Cour le 26 juillet 2018, la Directrice des affaires foncières, Commissaire du Gouvernement près la juridiction de l’expropriation statuant en matière de fixation des indemnités, indique à la Cour que, si il avait été proposé un prix de 25.000 francs pacifiques par m2 pour la parcelle C196, depuis 2013, 2 ventes de terrains non bâtis situés en bord de mer, ont été enregistrées dans la base de données de la Direction des Affaires foncières, pour une valeur vénale moyenne de 42.879 FCP arrondie 42.000 FCP.

Le Commissaire du Gouvernement souligne que par jugement n° 177-7 du 22 août 2017, le Juge de l’expropriation a retenu la va-leur de 39.000 FCP le mètre carré, pour la parcelle […], ce qui conduit à retenir pour montant de l’indemnité principale, la somme de 233.727.000 FCP et non 337.270.000 FCP, tel qu’il est indiqué dans ledit jugement. Il souligne également les contradictions avec les jugements rendus le 22 août 2017 sous les numéro 178-8, 179-9, 180-10 et 181-11, le même Juge de l’expropriation ayant retenu une valeur de 35.000 FCP le mètre carré pour la parcelle […].

Le Commissaire du gouvernement propose à la Cour, considérant les nouvelles mutations immobilières intervenues sur la commune de Punaauia depuis 2013, de fixer les indemnités d’expropriation de la parcelle cadastrée section […] d’une superficie de 5.993 m2, pour un montant total établi comme suit :

— indemnité principale de 30.000 FCP le m2 pour le foncier, soit 179.790.000 francs pacifiques ;

— indemnité accessoire de remploi au taux de 15 %, soit 26.968 .500 francs pacifiques, soit au total, la somme de 206.758.500 FCP. Il est précisé que concernant l’octroi de l’indemnité accessoire de remploi, le Commissaire du Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Cour d’Appel. Il semble maintenir ses propositions de première instances pour la parcelle C197, à savoir 500 FCP/m2 pour les emprises maritimes en lagon peu profond au droit des terres TEAOA et C, soit 4.797 m2 x 500 FCP = 2.398.500 francs pacifiques.

Aux termes de son mémoire déposé au greffe de la Cour le 21 septembre 2018, auxquels il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, l’Etablissement E W Aménagement et Développement (ci-après TNAD), représenté par son Directeur général en exercice et ayant pour avocat Maître J K, demande à la Cour de :

— Recevoir l’appel de l’établissement public TNAD à l’encontre des jugements rendus le 22 août 2017 par la chambre des expropriations du Tribunal civil de Première instance de Papeete.

— Ordonner la jonction des cinq procédures opposant l’établissement public TNAD aux différents consorts D-F

— Infirmer les jugements rendus le 22 août 2017 par la chambre de l’expropriation du tribunal civil de Première instance de Papeete.

Et statuant à nouveau :

— Fixer le montant de l’indemnité d’expropriation des parcelles C196 et C197 à hauteur de 1 FCP symbolique.

Subsidiairement,

— Dire et juger irrecevable la demande de versement d’une indemnité de remploi dès lors qu’elle n’avait pas été formulée dans la réclamation préalable et la requête introductive d’instance.

— Réduire le montant des demandes indemnitaires à des proportions raisonnables qui ne sauraient en tout état de cause excéder la proposition d’indemnisation initialement effectuée par TNAD, soit la somme totale de 152.223.500 FCP correspondant à un prix de 500 FCP / m2 pour la parcelle C197 et 25.000 FCP pour la parcelle C196.

— Condamner les requérantes à payer la somme de 300.000 francs pacifiques au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

L’établissement public TNAD considère que les demandes d’indemnisation des consorts D-F sont excessives au regard des circonstances du litige. Il expose que La Polynésie française et l’établissement public TNAD entendent réaliser une opération d’aménagement et de développement économique dans la commune de Punaauia dans un premier temps sous l’appellation E Mahana Beach, puis dans un second temps sous l’appellation Le Village Tahitien ; qu’il s’agit de doter la Polynésie française d’équipements touristiques d’envergure destinés à accueillir un nombre de touristes, notamment asiatiques, que les équipements actuels ne permettent pas d’envisager. Il précise que La Polynésie française et TNAD entendent rendre disponible pour les investisseurs l’emprise foncière nécessaire aux projets qui ont été présentés à la collectivité et que les propriétaires des terrains concernés font l’objet d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique. Il souligne que le Tribunal administratif de la Polynésie française comme la Cour administrative d’appel de Paris ont confirmé la validité de la phase administrative de la procédure.

L’établissement public TNAD rappelle que les consorts D ont fait l’objet de cette procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique après s’être présentés comme les propriétaires indivis de la terre TEAOA, parcelles cadastrées C 196 et C 197 et que par ordonnance n°64 en date du 17 novembre 2015, le juge de l’expropriation a prononcé le transfert de la propriété des consorts D au profit de l’établissement public TNAD.

L’établissement public TNAD indique que son offre d’indemnisation a été faite à hauteur de 152.223.500 FCP pour l’ensemble des parcelles, l’offre correspondant strictement à l’évaluation qui avait été faite par la Commission d’évaluation immobilière.

L’établissement public TNAD soutient qu’il résulte du transport sur les lieux réalisé le 24 octobre 2016 que les parcelles en question n’ont nullement été valorisées par leur propriétaire ; il n’y pas de constructions, d’aménagements significatifs et peu de plantations, lesquelles sont constituées de quelques arbres anciens et nobles en ce qui concerne la parcelle C 196 ; la parcelle C 197 est quant à elle constitué d’un lagon peu profond, vaseux et inaccessible.

L’établissement public TNAD rappelle les règles relatives à la composition et à la constitution du domaine public maritime et soutient que, les parcelles C 196 et C 197, qui présentent les caractéristiques de parcelles dépendant du domaine public naturel, devraient être soumises aux règles de la domanialité publique, et notamment à la propriété publique et aux principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité. Il souligne que c’est seulement parce que les consorts D bénéficient d’un jugement déclaratif de propriété sur l’emprise foncière des parcelles C 197 et 196 qui jouxtent la terre TEAOA que TNAD a effectivement procédé à la déclaration de cessibilité desdites parcelles appartenant aux consorts D.

L’établissement public TNAD souligne avec force que les parcelles expropriées constituent, à l’origine un lagon peu profond et marécageux dont l’aspect actuel de parcelle plane remblayée émergée résulte des travaux réalisés par la Polynésie française alors qu’elle avait la conviction légitime, au regard de la configuration des lieux, qu’il s’agissait d’un élément du domaine public maritime. À son sens, au visa des règles d’accession prévues par l’article 555 du code civil, la

Polynésie française est restée propriétaire des matériaux du remblai améliorant la propriété des consorts D; ce qui rend la collectivité bien fondée à considérer qu’elle détient une créance sur les propriétaires du fond ayant bénéficié d’une parcelle émergée en lieu et place d’une portion de lagon marécageux et peu profond.

L’établissement public TNAD affirme que les consorts D entendent tirer profit d’ouvrages importants qui ont été réalisés par la Polynésie française et dont ils n’ont nullement assumé le coût ; qu’il s’agit d’une situation d’enrichissement sans cause dont la juridiction doit nécessairement tenir compte pour apprécier le montant de l’indemnité d’expropriation due aux propriétaires, l’indemnité d’expropriation ne devant pas avoir pour effet de générer un enrichissement de la personne expropriée mais devant l’indemniser de la dépossession de sa propriété.

L’établissement public TNAD souligne également que les droits de propriétés invoqués par les consorts D ne peuvent pas être considérés comme étant opposables aux tiers en l’absence de publicité foncière adéquate, les consorts D ne pouvant pas se prévaloir utilement d’un jugement translatif de propriété (revendication ou partages), figurant au nombre des actes qui doivent obligatoirement être transcrits pour être opposable aux tiers. Il affirme que l’absence de transcription de leur titre de propriété fait obstacle à ce que les consorts D puissent prétendre au versement d’une indemnité d’expropriation.

Par ailleurs, l’établissement public TNAD conteste vivement les termes de l’expertise dont arguent les consorts D-F pour fixer le montant de l’indemnisation dont ils entendent bénéficier. Au visa de l’article L 13-15 1, il rappelle que le préjudice matériel indemnisable dans le cadre de la procédure d’expropriation fait, selon la jurisprudence et la règlementation, l’objet d’une interprétation plus restrictive que la notion de préjudice patrimonial de droit commun et que les améliorations qui ne sont même pas encore réalisées ne peuvent de toute évidence pas être prises en considération.

L’établissement public TNAD soutient que le prix du bien pourrait parfaitement être déterminé à hauteur d’un franc symbolique car

— La parcelle lagonnaire en question ne fait l’objet d’aucun usage effectif ;

— Il n’y a aucun ouvrage ni aucun aménagement sur cette parcelle de lagon ;

— Le lagon est ouvert au public et aucune distinction n’est visible avec le domaine public maritime, bien commun de tous.

L’établissement public TNAD affirme également que, compte tenu de la nature des lieux, il ne saurait y avoir matière à une quelconque indemnité accessoire de remploi, laquelle est destinée selon l’article R 13-46 à dédommager l’exproprié des «frais de tous ordres normalement exposés pour l’acquisition de biens de même nature»; or, une telle acquisition est prohibée compte tenu du principe d’inaliénabilité du domaine public. En effet aucun remploi n’apparaît possible compte des caractéristiques du terrain qui sont celles du domaine public maritime.

Pour ce qui est de la parcelle C 196 qui correspond à la parcelle que la Polynésie française avait en son temps remblayée, l’établissement public TNAD soutient que la visite sur les lieux a clairement permis d’établir que le terrain en remblai n’avait guère été mis en valeur, qu’il n’y a donc pas d’occupation effective des lieux, critère à prendre en compte pour fixer une indemnité d’expropriation. Il souligne que cette parcelle ne constitue pas non plus un « terrain à bâtir » au sens du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. À son sens, il convient donc de minorer significativement l’indemnisation d’expropriation, d’autant que l’allocation d’une indemnité d’expropriation des remblais mis en 'uvre par la Polynésie française constituerait un enrichissement sans cause des consorts D aux dépens de la collectivité.

Enfin, l’établissement public TNAD soutient que si le juge de l’expropriation devait néanmoins consentir au versement d’une indemnité d’expropriation substantielle, il ne saurait y avoir lieu à l’allocation d’une indemnité de remploi alors que ni la réclamation préalable ni la requête ne faisait état d’une telle demande qui est donc irrecevable.

Aux termes de leurs mémoires récapitulatifs en date du 4 octobre 2019, auxquels il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Mme I AE AF D épouse X, Mme A-B AG W F épouse Y, Mme N B-O F épouse Z, Mme B-AH S AI P X- AL, et Mme AA AB D (les consorts D- F), ayant pour avocat Maître L M, demandent à la Cour de :

— Débouter l’établissement public TNAD de l’intégralité de ses moyens et demandes ;

— Recevoir l’appel incident des concluantes :

— Infirmer les jugements de la chambre de l’expropriation du tribunal civil de première instance de Papeete en date du 22 août 2017, sur le quantum des indemnités fixées;

Statuant à nouveau,

— Fixer l’indemnité principale d’expropriation due en réparation du préjudice résultant de l’expropriation des parcelles C196 et C197 de la terre TEAOA, sise à Punaauia, E, à la somme totale de 587.670.000 F CFP se décomposant comme suit :

' Parcelle C196 de la terre TEAOA : 341.600.000 FCP ;

' Parcelle C197 de la terre TEAOA : 246.070.000 FCP ;

— Fixer l’indemnité accessoire de remploi due en réparation du préjudice résultant de l’expropriation des parcelles C 196 et C 197 de la terre TEAOA à la somme de 88.150.500 FCFP ;

— Condamner l’Etablissement E W Aménagement et Développement à payer à chacune des concluantes la somme de 300.000 francs pacifiques en application des dispositions de l’article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française.

— Le condamner aux entiers dépens en application des dispositions de l’article L13-5 du code de l’expropriation.

Les consorts D-F affirment qu’il résulte des pièces qu’ils produisent que la réalité de leurs droits de propriété, en qualité d’ayants droit de Mme P Q dite D, sur la terre TEAOA, sise à Punaauia, dont les parcelles C196 et C197, objet de l’expropriation, n’est pas susceptible d’être remise en cause. Ils soutiennent que leurs droits ont été reconnus par des décisions définitives et passées en force de chose jugée. Ils s’émeuvent vivement que l’établissement public expropriant conteste dans le cadre de la présente instance (comme il y avait procédé vainement devant le Juge administratif) la réalité des droits de propriété des Consorts D sur les parcelles de terre concernées, alors que dans le même temps, il a notifié à chacune des requérantes une correspondance en date du 8 janvier 2016 portant notification de l’ordonnance n°64 du 17 novembre 2015 portant expropriation pour cause d’utilité public des parcelles de terre nécessaires à la réalisation de l’opération E Mahana Beach et notification de l’offre de prix pour l’acquisition desdites parcelles. Les consorts D-F soutiennent que, ce faisant, l’établissement public a reconnu implicitement mais nécessairement la qualité de propriétaires indivis des consorts D dans la présente procédure.

Les consorts D-F soutiennent que, par ailleurs, c’est en vain que l’établissement TNAD soutient que les décisions dont s’agit ne peuvent lui être opposées à défaut d’avoir été enregistrées et publiées à la Conservation des Hypothèques. Ils regrettent que, contrairement à la théorie de la transparence, l’établissement public tente de créer la confusion alors que celui-ci ne peut être considéré comme un tiers aux décisions précitées comme étant l’émanation directe de la Polynésie française qui s’y trouvait partie. Ils soulignent que, s’agissant de l’établissement public TNAD, les critères usuellement retenus par la jurisprudence en la matière et tenant aux conditions de création, à l’objet, au financement et à l’influence des représentants de la collectivité et de l’autorité publique au sein de l’organisme sont tous satisfaits, concourant ainsi à appliquer la théorie de la transparence à l’établissement, lequel en réalité n’est que l’émanation directe de la Polynésie française. Ils précisent que la composition de son conseil d’administration, définie par l’arrêté n°1499-CM du 4 novembre 2002 modifié, établit que l’organe dirigeant de l’établissement n’est composé que de représentants de la Polynésie française.

Les consorts D-F précisent avec force que le remblai, mis en 'uvre par la Polynésie française sur leur propriété à la fin de l’année 1979, n’a fait l’objet d’aucune autorisation administrative requise, a consisté à déverser des milliers de mètres cubes de terre extraits de la future route des collines, en polluant l’environnement et est intervenu au mépris de leurs droits de propriété reconnus par jugement du 5 septembre 1979.

Les consorts D-F soutiennent par ailleurs que l’évaluation de la Commission d’évaluation immobilière ne pouvait servir de support à l’évaluation des indemnités dues aux Consorts D, F et X, la personne expropriante se trouvant être l’établissement public à caractère industriel et commercial E W Aménagement et Développement et non le Pays. Ils indiquent qu’une telle évaluation n’est aucunement conforme à l’indemnisation à laquelle ils peuvent prétendre en réparation du préjudice matériel direct et certain résultant de l’expropriation litigieuse qu’ils subissent, d’autant plus que le projet ayant justifié la mise en 'uvre de la procédure d’expropriation est un échec total, l’autorité expropriante ayant modifié la nature même du projet d’aménagement envisagé, lequel comporte désormais non seulement des établissements hôteliers mais encore deux condominiums, dont l’un doit être édifié sur les deux parcelles expropriées des consorts D. À leur sens, la Polynésie française se constitue par le biais de l’expropriation, dont la finalité se trouve détournée, une réserve foncière.

Les consorts D-F affirment que leurs demandes indemnitaires sont fondés sur les conclusions d’un rapport d’expertise établi par M. AJ-AK G, expert près la Cour d’appel de Papeete, dont les évaluations ne peuvent pas être considérées comme surévaluées et de complaisance ; l’expert ayant réalisé une étude complète pour déterminer l’évaluation de la valeur des parcelles faisant l’objet de la procédure d’expropriation. Ils soulignent qu’en revanche, l’on ne perçoit pas sur quelle base sérieuse se fonde TNAD dans ses évaluations qui en définitive n’en sont pas, puisque l’établissement parvient à la conclusion que l’indemnisation qui devrait être octroyée aux Consorts D serait celle du franc symbolique. Ils contestent qu’il puisse être fait référence aux informations communiquées par le Commissaire du Gouvernement, lesquelles s’avèrent intégralement fausses comme ils estiment le démontrer.

Les consorts D-F rappellent que le principe de la réparation intégrale du préjudice subi par l’exproprié exclut l’allocation d’une indemnité symbolique et qu’il est constant qu’un terrain doit être évalué en fonction de sa situation, tout particulièrement si celle-ci est privilégiée, la juridiction de l’expropriation appréciant souverainement l’indemnité d’expropriation due en fonction des éléments de comparaison apparaissant les plus appropriés. Ils soulignent que c’est à juste titre que l’expert G a considéré qu’aucune restriction n’était de nature à empêcher les aménagements de structure commerciale à caractère touristique sur cette zone.

Ils s’insurgent contre le fait que l’établissement TNAD croit pouvoir tirer argument de la circonstance que les deux parcelles expropriées C 196 et C 197 se situeraient en zone rouge du plan de prévention

des risques de la Commune de Punaauia pour en tirer de nouveau la conclusion qu’il ne pourrait recevoir la qualification de terrain à bâtir alors que la consultation du plan de prévention des risques de la Commune de Punaauia enseigne que tout le littoral a été classé

en zone rouge, ce qui n’a pas empêché ou restreint TNAD d’exproprier aux fins d’y édifier diverses installations, parmi lesquelles des complexes hôteliers ou autres activités touristiques et commerciales, sans que le classement en zone rouge du littoral ne présente semble t-il de quelconques difficultés. Ils soulignent que l’établissement public a parfaitement conscience, et pour cause, du caractère de terrain à bâtir, constructible de ladite parcelle, puisque dans le nouveau projet dénommé «Le Village Tahitien», celle-ci est destinée à l’édification d’un condominium à usage privé.

Les consorts D-F affirment que, en prenant en compte à titre d’éléments de comparaison les mutations intervenues, hors celles concernant l’assise de l’ancien Hôtel I Beach tant le prix apparaît sous évalué, la valeur moyenne du m2 des parcelles situées majoritairement côté montagne, sans bord de mer, s’établirait à 42.273 FCP/m2. Ils soulignent que la valeur des parcelles C 196 et C 197 ne peut qu’être supérieure compte tenu de ce que celles-ci sont situées côté mer avec un accès direct au lagon, ce qui en accroît considérablement la valeur.

Sur l’indemnité de remploi, les consorts D-F soutiennent qu’il est constant que l’indemnité de remploi est due, en principe, sans que l’exproprié ait à justifier la nécessité d’un remploi ou l’acquisition d’un bien de remplacement, y compris si un remploi en nature serait impossible. Ils indiquent qu’à leur sens, leur demande tendant à l’octroi d’une indemnité de remploi ne peut voir sa recevabilité contestée, puisque le premier juge en a été valablement saisi par mémoire, le code de l’expropriation n’imposant nullement qu’elle fut formulée sous une autre forme.

Les consorts D-F affirment de plus subir un préjudice moral considérable, puisque les parcelles expropriées constituent une propriété familiale qui créait un trait d’union entre chacun de ses membres qui s’y réunissaient très régulièrement, préjudice subi qu’ils vivent d’autant plus mal que les motifs d’utilité publique de l’expropriation des parcelles C196 et C197 se sont étiolés au fur et à mesure que le temps s’est écoulé, voir ont disparu, au point que l’autorité expropriante a abandonné son projet d’aménagement global nécessitant un investissement démesuré, pour envisager un morcellement de celui-ci, les parcelles dont s’agit étant destinée à recevoir l’édification d’un condominium dépourvu de toute utilité publique.

La clôture de la procédure a été ordonnée par ordonnance en date du 8 novembre 2019 pour l’affaire être fixée à l’audience de la Cour du 21 novembre 2019, l’affaire a alors été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 16 janvier 2020 à la demande de Maître M. En l’état l’affaire a été mise en délibéré au 2 avril 2020, délibéré qui a dû être prorogé.

Motifs de la décision :

Sur la recevabilité de l’appel :

Aux termes des articles D. 13-47 et D. 13-49 du code l’expropriation applicable en Polynésie française, l’appel est interjeté par les parties ou par le commissaire du Gouvernement dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressé au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision.

Il peut l’être également par déclaration faite audit secrétariat et dont il est dressé procès-verbal.

L’appelant doit, à peine de déchéance, déposer ou adresser son mémoire et les documents qu’il entend produire au secrétariat de la chambre dans un délai de 2 mois à dater de l’appel.

En l’espèce, les parties ne s’opposent pas sur la régularité de leurs appels respectifs. La Cour dit les appels réguliers et les déclare recevables.

Sur le droit à indemnisation des consorts D-F :

La Cour rappelle que les droits revendiqués sur une lagune dépendent en Polynésie de la date à laquelle les droits de leurs auteurs ont été établis.

Si selon l’article 538 du code civil 'les rivages, lais et relais de la mer, les ports, les rades, et généralement toutes les portions du territoire français, qui ne sont pas susceptibles d’une propriété privée sont considérés comme des dépendances du domaine public', ce texte ne saurait régir les litiges concernant des terres enregistrées au nom de leur propriétaire antérieurement à 1866, date où le code civil a été rendu applicable à E. Les terres étaient alors enregistrées au nom de leur propriétaire selon la procédure instaurée par la loi Tahitienne du 24 mars 1852. Tant en vertu du principe de non rétroactivité de la loi nouvelle que du principe de respect des droits acquis, affirmé de manière spécifique à E dès 1842, époque de la mise en place du protectorat, la propriété d’un bien immobilier demeurait régie par la loi tahitienne, antérieure au code civil, qui admettait qu’un lagon ou une lagune puisse faire l’objet d’une appropriation privée.

En l’espèce, par jugement n° 1455-814 en date du 5 septembre 1979, le Tribunal de Première Instance de Papeete a constaté que: « le titre légitime de propriété de la terre TEAOA sise à Punaauia s’étant jusqu’à la bordure interne des eaux profondes du lagon, sous la charge d’une servitude de passage au profit des embarcations…».

Par jugement en date du 7 mai 1980, le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete a déclaré Félix Harold, R B, S T, U V et AC AD D propriétaires des portions de lagon attenant aux terre C et TEAOA telles que définies par jugement en date du 5 septembre 1979 et a dit « que le Territoire de la Polynésie française devra vider les lieux sous quinzaine du présent, lui fait défense de troubler les propriétaires ».

Appel de ces deux jugements a été interjeté et un arrêt de la Chambre civile de la Cour d’Appel de Papeete en date du 21 janvier 1982 a prononcé leur infirmation et débouté les consorts D de leur action de revendication sur toutes portions du lagon concernant la terre TEAOA et la terre C.

Suivant arrêt du 13 décembre 1983, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu le 21 janvier 1982 et remis la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt, et renvoyé l’affaire devant la Cour d’Appel de Papeete autrement composée.

Aucune suite n’ayant été réservée par l’administration à ladite décision de la Cour de Cassation, les deux jugements en date du 5 septembre 1979 et du 7 mai 1980 sont devenus définitifs et ont acquis force de chose jugée.

De plus, le Tribunal Administratif de Papeete, saisi par Mme R D et M. U D aux fins d’annulation pour excès de pouvoir de la décision du Président du Gouvernement en date du 16 août 1990 portant délimitation des terres C et TEAOA situées à Punaauia, a, par jugement du 5 novembre 1991, annulé les décisions attaquées retenant notamment que : «Considérant qu’il résulte de l’instruction que les consorts D sont propriétaires des terres C et TEAOA et des parties de lagon attenantes ; qu’il ressort des énonciations contenues dans les actes versés au dossier ainsi que des mentions du jugement du 7 mai 1980 que l’existence du droit de propriété sur les parties du lagon en cause remonte à une date antérieure à l’intervention de l’ordonnance du 14 décembre 1865 et de la loi tahitienne du 28 mars 1866 consacrant l’application au royaume des îles de la Société et dépendances des règles issues des différents codes en vigueur sur le

territoire de la France métropolitaine ; que dès lors l’existence légale des titres de propriété des consorts D sur les parties de lagon sur les terres TEAOA et C doit être regardée comme établie ».

Ainsi, il a été définitivement jugé que les consorts D-F sont les propriétaires des portions de lagon attenant à la terre TEAOA, la parcelle en remblais et la partie lagonaire concernées par l’expropriation.

Outre que l’Etablissement public TNAD est une émanation de la Polynésie française qui a alors été déboutée de ses demandes en revendication, ces jugements ne sont pas des jugements translatifs de droits de propriété, figurant au nombre des actes qui doivent obligatoirement être transcrits pour être opposables aux tiers. En effet, ces jugements reconnaissent simplement les droits des consorts D-F, pour venir aux droits de leur auteur Mme P Q dite D, après qu’ils aient démontré tenir leurs droits d’un titre de propriété originel établi antérieurement à 1866, titre qui lui est transcrit et donc opposable à l’Etablissement public TNAD.

Alors que l’Etablissement public TNAD est parfaitement informé de ces décisions, la Cour ne peut que s’étonner que soit remis en cause devant elle, à ce stade de la procédure d’expropriation, les droits de propriété des consorts D-F sur les parcelles expropriées, d’autant plus que l’Etablissement public TNAD a notifié à chacune des requérantes une correspondance en date du 8 janvier 2016 portant notification de l’ordonnance n°64 du 17 novembre 2015 portant expropriation pour cause d’utilité public des parcelles de terre nécessaires à la réalisation de l’opération E Mahana Beach et notification de l’offre de prix pour l’acquisition desdites parcelles, reconnaissant par là même leurs droits à être indemnisées des conséquences de l’expropriation.

La Cour constate également, comme le premier Juge, que c’est alors que la procédure était pendante devant les juridictions que la Polynésie française a procédé au remblaiement de la propriété des consorts D-F alors qu’elle était sans droit sur la terre TEAOA et que les consorts D-F s’opposaient à toute intervention de celle-ci sur leur propriété. Il ne peut donc pas être soutenu qu’elle aurait alors procédé de bonne foi. Aux termes de l’article 555 du code civil, c’est à juste titre que le premier juge a considéré qu’elle ne peut donc pas se voir indemniser des améliorations qu’elle a apportées aux parcelles en litige.

En conséquence, la Cour dit que les consorts D-F, pour être les propriétaires indivis par titre des parcelles C196 et C197 expropriées, doivent se voir allouer une indemnité d’expropriation.

Sur l’indemnité d’expropriation :

Aux termes des articles L. 13-13 et L. 13-14 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique applicable à la Polynésie française, les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l’expropriation. La juridiction fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété.

Toutefois, les améliorations de toute nature, telles que constructions, plantations, installations diverses, acquisitions de marchandises, qui auraient été faites à l’immeuble, à l’industrie ou au fonds de commerce, même antérieurement à l’ordonnance d’expropriation, ne donnent lieu à aucune indemnité si, en raison de l’époque à laquelle ces améliorations ont eu lieu, ou de toutes autres circonstances, il apparaît qu’elles ont été faites dans le but d’obtenir une indemnité plus élevée. Sont présumées faites dans ce but, sauf preuve contraire, les améliorations postérieures à l’ouverture de l''nquête prévue à l’article L. 11-1.

En cas d’expropriation survenant au cours de l’occupation d’un immeuble réquisitionné, il n’est pas non plus tenu compte des modifications apportées aux biens par l’Etat.

En l’espèce, il n’est fait état d’aucune amélioration qui aurait été mise en 'uvre postérieurement à l’ouverture de l’enquête d’utilité publique. Par ailleurs, si le remblai a été mis en oeuvre par la Polynésie française, elle n’avait pas au préalable réquisitionné le bien et son intervention est intervenue en portant atteinte au droit de propriété des consorts D-F, il ne doit donc pas en être tenu compte.

L’article L. 13-15 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique applicable à la Polynésie Française dispose que :

I. – Les biens sont estimés à la date de la décision de première instance ; toutefois, et sous réserve de l’application des dispositions du II du présent article, sera seul pris en considération l’usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l’ouverture de l’enquête prévue à l’article L. 11-1 ou, dans le cas visé à l’article L. 11-3, un an avant la déclaration d’utilité publique. Il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l’utilisation ou l’exploitation des biens à la même date, sauf si leur institution révèle, de la part de l’expropriant, une intention dolosive.

Quelle que soit la nature des biens, il ne pourra être tenu compte, même lorsqu’ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subis depuis cette date de référence, s’ils ont été provoqués :

— par l’annonce des travaux, ou opérations dont la déclaration d’utilité publique est demandée ;

— par la perspective de modifications aux règles d’utilisation des sols;

— par la réalisation dans les trois années précédant l’enquête publique, de travaux publics dans l’agglomération où est situé l’immeuble.

II.

1° La qualification de terrain à bâtir, au sens du présent code, est réservée aux terrains qui, un an avant l’ouverture de l’enquête publique prévue à l’article L. 11-1 ou, dans le cas visé à l’article L. 11-3, un an avant la déclaration d’utilité publique, sont, quelle que soit leur utilisation, tout à la fois :

a) effectivement desservis par une voie d’accès, un réseau électrique, un réseau d’eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l’urbanisme et à la santé publique l’exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d’assainissement, à condition que ces divers réseaux soient à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains. Lorsqu’il s’agit de terrains situés dans une zone désignée par un document tenant lieu de plan d’urbanisme rendu public ou approuvé comme devant faire l’objet d’une opération d’aménagement d’ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l’ensemble de la zone ;

b) situés dans un secteur désigné comme constructible par un document tenant lieu de plan d’urbanisme rendu public ou approuvé, ou bien, en l’absence d’un tel document, situés dans une partie actuellement urbanisée d’une commune.

Les terrains qui, à l’une des dates indiquées ci-dessus, ne répondent pas à ces conditions sont évalués en fonction de leur seul usage effectif, conformément au I du présent article.

2° L’évaluation des terrains à bâtir tient compte des possibilités légales et effectives de construction qui existaient à l’une ou l’autre des dates de référence prévues au 1° ci-dessus, de la capacité des équipements susvisés, des servitudes affectant l’utilisation des sols et notamment des servitudes d’utilité publique, y compris les restrictions administratives au droit de construire, sauf si leur institution révèle, de la part de l’expropriant, une intention dolosive.

3° Lorsqu’il s’agit de l’expropriation d’un terrain réservé par un document tenant lieu de plan d’urbanisme, le terrain est considéré, pour son évaluation, comme ayant cessé d’être compris dans un emplacement réservé ; la date de référence prévue ci-dessus est alors celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le document tenant lieu de plan d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé l’emplacement réservé.

En l’espèce, les parcelles C196 et C197 de la terre TEAOA sont sises à Punaauia, au coeur d’une des zones commerciales d’importance de l’île de E mais aussi au c’ur d’une des zones d’habitation recherchée de l’île. Elles sont accolées à la Marina Taina. On peut y accéder par la route d’accès du plus grand supermarché de l’île. Il est certain que toutes les parcelles qui les environnent sont raccordées, ou potentiellement raccordables sans difficulté, à un réseau électrique, et à un réseau d’eau potable.

Ainsi, la Cour retient que les parcelles C196 et C197 sont dans un secteur situé dans une partie actuellement urbanisée, pour ne pas dire très urbanisée, d’une commune, la commune de Punaauia. De plus, elles ont été expropriées dans le cadre d’un projet d’envergue de construction d’un ensemble immobilier touristique, il est prévu d’y construire un immeuble de 6 étages, ce qui confirme leur qualité de terrain à bâtir.

Il est constant qu’un terrain doit être évalué en fonction de sa situation. En l’espèce, il est incontestable que les parcelles C196 et C198 bénéficient d’une situation extrêmement privilégiée puisqu’elles disposent d’un accès direct à la mer tout en étant au c’ur d’un quartier commercial important de l’île de E, quartier qui est également occupé par de nombreuses habitations. De plus, ces parcelles disposent d’un accès rapide à la ville de Papeete pour être à l’entrée de la RDO. Il est de plus établi qu’elles sont parmi les dernières parcelles de bord de mer encore à construire, si ce n’est les dernières, dans ce quartier très prisé. Pour fixer l’indemnité d’expropriation, il doit nécessairement être tenu compte de cette localisation privilégiée, les parcelles de bord de mer en Polynésie, pour être très recherchées, voyant leurs prix au m2 être bien plus élevé que les parcelles de montagne ou de bord de route.

La Cour rappelle que l’indemnité d’expropriation, qui doit réparer le préjudice matériel, direct et certain causé par la dépossession d’un immeuble, doit être calculée de façon à permettre à l’exproprié d’acquérir un bien identique à celui dont il est privé. Il s’ensuit que l’indemnité doit refléter le prix de biens comparables sur le marché immobilier à la date du jugement de première instance, en fonction de la consistance des biens à la date de référence. De même, la juridiction de l’expropriation apprécie souverainement l’indemnité d’expropriation due en fonction des éléments de comparaison apparaissant les plus appropriés qui lui sont soumis.

En l’espèce, alors que les éléments de comparaison du Commissaire du Gouvernement sont peu précis et parfois contradictoires, l’expertise de M. G produite par les consorts D- F est précise et argumentée. Si l’établissement public TNAD affirment que les prix qu’il retient sont surévalués et de complaisance, il ne le démontre pas.

L’expert a notamment retenu que, concernant l’évaluation de la valeur métrique par la méthode comparative :

«- entre 1991 et 2005, les prix sont cohérents avec de l’immobilier d’habitation (sauf pour la station Mobil, vendue par la famille SIU à Mobil, qui lui appartient).

— Les prix s’envolent à partir de 2005, car on commence à s’apercevoir que grâce à la RDO et à Euromarché (aujourd’hui Carrefour), la zone est surtout commerciale, donc beaucoup plus chère que pour de l’immobilier d’habitation.

— Les parcelles D61 et H ont été vendues en 2006 au prix de 57.632 et 57.337 F/m2.

— En 2016, il serait impossible d’acquérir un terrain dans cette zone à moins de 60.000 F/m2 (déjà en 2008, 65.643 F/m2 pour le supermarché Marina. Mais, il s’agissait d’un centre de profit important et d’une parcelle de 1.329 m2, superficie relativement faible).

— À titre indicatif, si l’on tenait compte de l’indice des prix (en moyenne 1,6 % par an), la valeur de 47.000 F/m2 en 2005 deviendrait 81.500 F/m2 en 2016.

En admettant l’absence d’augmentation depuis 2006, la valeur de 57.000 F/m2 pour du terrain libre de toute construction et de tout bail commercial est un minimum dans cette zone».

M. G a tenu à rappeler que la parcelle C 196 constitue un bord de mer à Punaauia et que plus aucune parcelle de cette nature n’est disponible dans cette zone urbanisée. Il a retenu l’évaluation qui suit pour chacune des deux parcelles :

— valeur de la parcelle C196 « Cette parcelle est prête à l’emploi. On appliquera donc la valeur de 57.000 F/m2 à la superficie de 5.993 m2, soit 5.993 m2 x 57.000 F = 341.601.000 FCP arrondi à valeur vénale de la parcelle C196 : 341.600.000 FCP ».

— Valeur de la parcelle C197 « Le sol de cette parcelle est immergé à une profondeur de 0,50 m à 1,50 m, un remblai devra donc être mis en 'uvre. La valeur de la parcelle est la même que celle de la parcelle C196, diminué du coût du remblai ».

L’expert, en fonction des prix du marché pour les matériaux mis en 'uvre pour les enrochements et le remblai (total de 24.860.000 FCP TTC) et au regard du coût des études d’impact, bathymétrique, de réalisation (total de 2.500.000 FCP TTC), a défini la valeur de ladite parcelle comme suit : «valeur vénale de la parcelle C197 : 246.070.000 FCP».

La Cour doit rechercher quel aurait été le prix de vente des parcelles C196 et C197, si les consorts D n’avaient pas été expropriés et qu’ils avaient pu disposer de leur propriété de gré à gré. Il est certain compte tenu des transactions ayant eu lieu sur le bord de mer aux alentours et de l’emplacement extrêmement privilégié des parcelles que ces parcelles auraient pu trouver acquéreur, comme l’indique M. G, à hauteur d’au moins 57.000 francs pacifiques au m2 pour la parcelle C196, parcelle qui était alors prête à construire.

La parcelle C197 présente les mêmes caractéristiques quant à sa situation extrêmement privilégiée mais elle est encore quasi totalement immergée, des travaux de remblai important sont à mettre en 'uvre, ce qui entraîne un aléa juridique et technique, ainsi qu’un coût non négligeable, qui doit nécessairement être prix en compte car il freinerait nécessairement les propositions d’achat. La Cour fixe à 25.000 francs pacifiques par m2 le montant de l’indemnité d’expropriation pour la parcelle C197.

Aux termes de l’article R 13-46 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique applicable à la Polynésie Française, l’exproprié peut prétendre à une indemnité de remploi destinée à compenser l’intégralité des frais honoraires, droits de mutation et autres de tous ordres normalement exposés pour l’acquisition d’un bien de même nature que le bien exproprié.

Il est constant que l’indemnité de remploi est due, en principe, sans que l’exproprié ait à justifier la nécessité d’un remploi ou l’acquisition d’un bien de remplacement, y compris si un remploi en nature serait impossible. De plus, il a été toujours offert aux consorts D- F une telle indemnité de remploi dès le début de la procédure. Rien ne justifie que leur demande à ce titre soit déclarée irrecevable. Compte tenu du montant des droits de mutation en Polynésie française auxquels doivent s’ajouter les frais de tous ordres normalement exposés pour l’acquisition d’un bien de même

nature que le bien exproprié, la Cour fixe à 15% de l’indemnité d’expropriation, l’indemnité de remploi qui doit être allouée aux consorts D-F.

En conséquence, la Cour infirme le jugement du Juge de l’Expropriation n°177-7 en date du 22 août 2017 en ce qu’il a dit :

— Fixe les indemnités dues par l’établissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation de la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de 5.993m2 cadastrée section […], propriété indivise de Mme I AE AF D épouse X comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 337.270.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 35.059.050 francs pacifiques ;

— Fixe les indemnités dues par l’établissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de […], propriété indivise de Mme I AE AF D épouse X comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 23.985.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 3.597.750 francs pacifiques.

Il y a également lieu d’infirmer les jugements du Juge de l’Expropriation n°178-8, n°179-9, n°180-10, n°181-11 en date du 22 août 2017 en ce qu’ils ont fixé les indemnités dues par l’Etablissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation de la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de 5.993 m2 cadastrée section […], comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 209.755.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 31.463.250 francs pacifiques ;

— Fixe les indemnités dues par l’établissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de […], comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 23.985.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 3.597.750 francs pacifiques.

La Cour confirme les jugements du Juge de l’expropriation n°177-7, n°178-8, n°179-9, n°180-10, n°181-11 en date du 22 août 2017 en toutes leurs autres dispositions.

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés, la Cour :

— Fixe les indemnités dues par l’établissement public industriel et commercial E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation de la parcelle dépendante du domaine d’Outumaoro, terre TEAOA, d’une superficie de 5.993m2 cadastrée section […], propriété indivise de Mme I AE AF D épouse X, Mme A-B

AG W F épouse Y, Mme N B-O F épouse Z, Mme B-AH S AI P X- AL, et Mme AA AB D (les consorts D- F) comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 341.601.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain (57.000 francs pacifiques x 5.993 m2) ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 51.240.150 francs pacifiques, (15% de 341.601.000 francs pacifiques) ;

— Fixe les indemnités dues par l’établissement public industriel et commercial E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation de la parcelle dépendante du domaine d’Outumaoro, terre TEAOA, d’une superficie de […], propriété indivise de Mme I AE AF D épouse X, Mme A-B AG W F épouse Y, Mme N B-O F épouse Z, Mme B-AH S AI P X- AL, et Mme AA AB D (les consorts D- F) comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 119.925.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain (25.000 francs pacifiques x 4.797 m2) ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 17.988.750 francs pacifiques (15% de 119.925.000 francs pacifiques).

Sur les autres chefs de demande :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme I AE AF D épouse X, Mme A-B AG W F épouse Y, Mme N B-O F épouse Z, Mme B-AH S AI P X-AL, et Mme AA AB D (les consorts D-F) les frais exposés par elles et non compris dans les dépens. La Cour fixe à 250.000 francs pacifiques la somme que l’établissement public industriel et commercial E W Aménagement et Développement doit être condamné à leur payer à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

DÉCLARE l’appel recevable ;

INFIRME le jugement du Juge de l’Expropriation n°177-7 en date du 22 août 2017 en ce qu’il a dit :

— Fixe les indemnités dues par l’Etablissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation de la parcelle dépendante du domaine d’Outumaoro d’une superficie de 5.993m2 cadastrée section […], propriété indivise de Mme I AE AF D épouse X comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 337.270.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 35.059.050 francs pacifiques ;

— Fixe les indemnités dues par l’établissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation la parcelle dépendante du domaine D’Outumaoro d’une superficie de

[…], propriété indivise de Mme I AE AF D épouse X comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 23.985.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 3.597.750 francs pacifiques ;

INFIRME les jugements du Juge de l’Expropriation n°178-8, n°179-9, n°180-10, n°181-11 en date du 22 août 2017 en ce qu’ils ont fixé les indemnités dues par l’établissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation de la parcelle dépendante du domaine d’Outumaoro d’une superficie de 5.993 m2 cadastrée section […], comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 209.755.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 31.463.250 francs pacifiques ;

— Fixe les indemnités dues par l’établissement E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation la parcelle dépendante du domaine d’Outumaoro d’une superficie de […], comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 23.985.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 3.597.750 francs pacifiques ;

CONFIRME les jugements du juge de l’expropriation n°177-7, n°178-8, n°179-9, n°180-10, n°181-11 en date du 22 août 2017 en toutes leurs autres dispositions ;

Et statuant à nouveau :

DIT que les consorts D-F, pour être les propriétaires indivis par titre des parcelles C196 et C197 expropriées, doivent se voir allouer une indemnité d’expropriation ;

FIXE les indemnités dues par l’établissement public industriel et commercial E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation de la parcelle dépendante du domaine d’Outumaoro, terre TEAOA, d’une superficie de 5.993m2 cadastrée section […], propriété indivise de Mme I AE AF D épouse X, Mme A-B AG W F épouse Y, Mme N B-O F épouse Z, Mme B-AH S AI P X- AL, et Mme AA AB D (les consorts D- F) comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 341.601.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain (57.000 francs pacifiques x 5.993 m2) ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 51.240.150 francs pacifiques, (15% de 341.601.000 francs pacifiques) ;

FIXE les indemnités dues par l’établissement public industriel et commercial E W Aménagement et Développement (TNAD) au titre de l’expropriation de la parcelle dépendante du domaine d’Outumaoro, terre TEAOA, d’une superficie de […], propriété indivise de Mme I AE AF D épouse X, Mme A-B AG W F épouse Y, Mme N B-O F épouse

Z, Mme B-AH S AI P X-AL, et Mme AA AB D (les consorts D- F) comme suit :

' au titre de l’indemnité principale à la somme de 119.925.000 francs pacifiques pour la valeur du terrain (25.000 francs pacifiques x 4.797 m2) ;

' au titre de l’indemnité de remploi à la somme de 17.988.750 francs pacifiques (15% de 119.925.000 francs pacifiques) ;

Y ajoutant,

CONDAMNE l’établissement public industriel et commercial E W Aménagement et Développement, pris en la personne de son représentant légal, à payer à Mme I AE AF D épouse X, Mme A-B AG W F épouse Y, Mme N B-O F épouse Z, Mme B-AH S AI P X- AL, et Mme AA AB D la somme de 250.000 francs pacifiques chacune en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

CONDAMNE l’Etablissement Public Industriel et Commercial E W Aménagement et Développement, pris en la personne de son représentant légal aux dépens d’appel.

Prononcé à Papeete, le 4 juin 2020.

Le Greffier, Le Président,

signé : I. PAULO signé : G. RIPOLL

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Cour d'appel de Papeete, Chambre civile, 4 juin 2020, n° 18/00013