Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 1er octobre 1997

  • Appel en garantie du revendeur à l'encontre du fournisseur·
  • Fabrication selon des directives precises du revendeur·
  • Realisation dans le cadre de leur contrat de travail·
  • Article l 112-1 code de la propriété intellectuelle·
  • Article l 113-5 code de la propriété intellectuelle·
  • Garantie a hauteur de la moitie des condamnations·
  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Article 47 et article 48 loi du 25 janvier 1985·
  • Reproduction des caracteristiques protegeables·
  • Slogan publicitaire "la mode, je m'en fous"

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 1er oct. 1997
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Publication : PIBD 1998 646 III 64
Décision(s) liée(s) :
  • TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS, 2eme CHAMBRE DU 22 FEVRIER 1994
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D19970300
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La société MARC LAURENT exploitant le nom commercial CELIO a pour principale activité la création, la fabrication et la commercialisation de vêtements de prêt-à-porter pour hommes ; Elle soutient avoir fait créer pour son compte aux mois d’avril et d’août 1989 par des personnes travaillant pour elle au sein de son bureau de style les modèles de pantalons dénommés « FURYO » et « EDEN TWIN » qui ont ensuite après leur création été commercialisés à de très nombreux exemplaires sous la marque CELIO ; Ayant constaté que des modèles de pantalons qu’elle estime contrefaisant ont été proposés à la vente par un magasin à l’enseigne JORDAO situé 24 place d’Italie dans le centre commercial ITALIE 2 à PARIS 13e, la société MARC LAURENT a fait effectuer une saisie contrefaçon le 17 janvier 1992 de laquelle il résulterait selon elle que les modèles frauduleusement commercialisés par la société JORDAO présentent des caractéristiques exactement identiques à ceux lui appartenant ; Par acte du 27 février 1992, la société MARC LAURENT a assigné la société JORDAO devant le tribunal de Commerce de PARIS afin de dire de première part que :

- les modèles de pantalons référencés « FURYO » et « EDEN » lui appartenant sont des modèles nouveaux et originaux, dignes de bénéficier de la protection de la loi du 11 mars 1957,
- la société JORDAO s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon au sens de la loi sus- visée et de concurrence déloyale sur le fondement de l’article 1382 du code civil, de deuxième part de :

- condamner la société JORDAO à lui verser la somme de 1.000.000 francs à titre de dommages et intérêts provisionnels pour contrefaçon et concurrence déloyale,
- d’ordonner une expertise comptable avec mission de rechercher l’origine de fabrication des modèles contrefaisants et les quantités réalisées, de déterminer l’étendue de la masse contrefaisante diffusée par la société JORDAO et le préjudice qu’elle a subi du fait des agissements délictueux de la société JORDAO, et de troisième part de :

- ordonner la publication de la décision à venir dans 20 journaux de son choix et aux frais de la société assignée sans que le coût de chaque insertion puisse excéder la somme de 25.000 francs HT,

— ordonner la remise à son profit des articles contrefaisants en possession de la société JORDAO sous astreinte de 500 francs par jour de retard à compter de la signification du jugement,
- interdire à la société JORDAO de fabriquer, de faire fabriquer, d’exposer ou de vendre les articles contrefaisants sous astreinte de 500 francs par infraction constatée à compter du jugement,
- condamner la société JORDAO à lui payer la somme de 25.000 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens ; La société JORDAO a appelé devant le tribunal saisi en intervention et en garantie les sociétés HERALD ET EUROPEAN WOLL AND COTTON Co (EWCC) ; Le tribunal saisi par jugement du 22 février 1994 a :

- ordonné la jonction entre l’instance principale et l’instance en garantie,
- déclaré la société MARC LAURENT irrecevable en son action sur le fondement de la contrefaçon et mal fondée sur celui de la concurrence déloyale, et l’a déboutée,
- dit n’y a avoir lieu à statuer sur le recours en garantie exercé par la société JORDAO contre les société HERALD et EUROPEAN WOOL AND COTTON Co,
- condamné la société MARC LAURENT à verser à la société JORDAO la somme de 5.000 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, et la société JORDAO à verser à ce même titre la somme de 5.000 francs aux sociétés HERALD et EUROPEAN WOOL AND COTTON Co ; La société MARC LAURENT appelante prie la Cour d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de faire droit à l’intégralité de ses demandes contenues dans son assignation de première instance, à l’exception des frais non compris dans les dépens qui devront être élevés à la somme de 50.000 FRANCS ; Elle soutient que les modèles de pantalons « FURYO » et « EDEN » ont été collectivement crées et élaborés dans ses ateliers, qu’elle a commercialisé lesdits modèles sous la marque CELIO, et qu’elle doit donc bénéficier de la présomption de propriété visée par l’article L.113-5 du Code de la Propriété Intellectuelle qui lui octroie, et ceci contrairement aux motivations du jugement entrepris, la qualité pour agir ; Que selon elle, la description des deux modèles litigieux révèle qu’ils présentent des nouveautés et des originalités certaines ; Que la société JORDAO ne démontre pas à l’aide des documents produits qu’elle a réalisé un modèle avant qu’elle même ait créé et commercialisé les siens ;

Elle reproche au jugement déféré qui a pourtant reconnu qu’il existait entre les pantalons contrefaits et contrefaisants une similitude qui faisait peser sur des acheteurs même attentifs un risque de confusion de ne pas avoir reconnu que la société JORDAO a commis envers elle des actes de concurrence déloyale caractérisés ; La société JORDAO intimée demande à la Cour de confirmer le jugement déféré, et à titre principal :

- de constater que la société MARC LAURENT ne rapporte pas la preuve de sa qualité à agir en contrefaçon et de la déclarer à tout le moins irrecevable en ses actions, à titre subsidiaire :

- de dire que les actions de la société MARC LAURENT ne sont pas fondées du fait de l’absence de preuve des faits allégués, les attestations produites et les documents internes à la société appelante étant selon elle dépourvues de toute valeur probante, à titre infiniment plus subsidiaire pour le cas où il serait fait droit à l’action de la société CELIO,
- de recevoir ses appels engagés contre les sociétés HERALD ET EWCC qui devront la garantir du montant des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, et en tout état de cause, de condamner solidairement les sociétés MARC LAURENT, HERALD et EWCC à lui payer la somme de 20.000 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; Elle soutient que la société MARC LAURENT ne démontre pas que les modèles de pantalon « FURYO » ET « EDEN TWIN » sont, d’une part le fruit d’une oeuvre collective au sein de ses ateliers, et d’autre part qu’ils ont été commercialisés à une date antérieure à celle qui concerne les modèles de pantalons d’hommes référencés S E3 et 52 33 qu’elle même a mis en vente au cours de l’année 1991 ; Elle indique également que les modèles de pantalons « FURYO » ET « EDEN TWIN » qui ne sont pas communiqués aux débats ne sont ni originaux ni nouveaux puisqu’elle-même justifie avoir importé en 1988 un modèle de bermuda comportant des pattes et des poches identique à celui qui serait contrefait ; Elle conteste s’être livrée à des actes de concurrence déloyale et fait remarquer que la société MARC LAURENT qui ne justifie pas avoir subi un préjudice financier reconnaît dans sa publicité ne vouloir commercialiser que des produits peu typés ; La société HERALD intimée provoquée demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de dire n’y avoir lieu à statuer sur l’appel formé par la société JORDAO à son encontre ;

Elle indique que la société MARC LAURENT, d’une part ne démontre pas que les deux modèles litigieux sont le fruit d’une oeuvre collective qui lui donne droit au bénéfice de l’article L 113-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, et d’autre part ne justifie pas qu’elle a commercialisé un produit original dont l’antériorité est certaine ; Subsidiairement pour le cas où la Cour ferait droit aux demandes de la société MARC LAURENT, elle devra être mise hors de causes, tandis que la société JORDAO devra être condamnée à lui payer, outre la somme de 20.000 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, également celle de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts ; Le 13 novembre 1995, la société JORDAO a assigné en intervention forcée et en reprise d’instance Maître B es-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société HERALD afin que sa créance au passif chirographaire soit fixée aux sommes de 1.000.000 francs à titre de dommages et intérêts, de 500.000 francs au titre des applications dans les journaux, et de 50.000 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; Maître B prie la Cour de confirmer le jugement déféré, à titre subsidiaire de dire infondé l’appel en garantie formée par la société JORDAO à son encontre, et plus subsidiairement encore, de constater que cet appel en garantie ne peut entraîner de créance au passif que pour ce qui concerne l’un des modèles litigieux qui a été produit aux débats, et de condamner tout succombant au paiement de la somme de 20.000 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; Elle explique que la société MARC LAURENT ne démontre pas l’originalité et l’antériorité des modèles de pantalons litigieux et qu’elle n’a fait, comme le démontre la correspondance échangée, qu’exécuter la commande faite par la société JORDAO qui conservait la maîtrise complète du produit ; La société JORDAO soutient en réponse aux conclusions de Maître B n’avoir jamais participé à la conception du modèle litigieux, alors qu’au contraire la société HERALD lui proposait les choix de tissus et d’imprimés pour réaliser les modèles proposés par ses soins, et qu’elle même s’est contentée d’acquérir les modèles objet du litige aux caractéristiques selon elle banales ; La société JORDAO qui avait en cause d’appel assigné la société EUROPEAN WOLL AND COTTON Co a régularisé des conclusions de désistement à l’encontre de cette dernière ; Par conclusions signifiées le 3 juin 1997, la société JORDAO demande à la Cour d’écarter les concluions signifiées le 29 mai 1997 par la société MARC LAURENT aux motifs qu’elles ont été, sans respect du principe contradictoire, signifiées en réponse à ses écritures 5 jours avant l’ordonnance de clôture du 2 juin 1997 et plus d’une année après les siennes datées du 6 mai 1996.

DECISION
- SUR LA PROCEDURE – CONSIDERANT que la signification de conclusions en réponse à celles du 6 mai 1996 faites par la société JORDAO cinq jours avant le prononcé de l’ordonnance de clôture datée du 2 juin 1997 constitue une méconnaissance des dispositions d’ordre public prévues par l’article 16 du nouveau Code de Procédure Civile qui doit conduire à ce que ces écritures soient écartées des débats pour ne pas avoir permis à la société intimée d’y répondre régulièrement ;

- SUR LA RECEVABILITE A AGIR DE LA SOCIETE MARC LAURENT – CONSIDERANT que la société MARC LAURENT critique la décision déférée qui a déclaré son action en contrefaçon irrecevable au motif qu’elle n’a pas établi que les modèles de pantalons « FURYO » et « EDEN TWIN » sont le produit d’une oeuvre collective ; CONSIDERANT que pour revendiquer l’application à son profit des dispositions de l’article L.113-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, la société MARC LAURENT doit effectivement prouver que la création des pantalons « FURYO » et « EDEN TWIN » est le fruit d’une oeuvre émanant des salariés de son entreprise ; CONSIDERANT que si les attestations signées par Nathalie H et par Thierry L salariés de la société MARC LAURENT ne sont effectivement pas conformes, comme le souligne à juste titre le jugement déféré, aux dispositions de l’article 202 du NCPC, elles contiennent cependant les indications essentielles selon lesquelles la création des modèles de pantalons « FURYO » et « EDEN TWIN » est leur oeuvre et qu’elle a été réalisée dans le cadre de leur contrat de travail ; QUE malgré cette absence de conformité au texte de procédure sus-visé, mais en raison de la nature particulière des liens qui unissent les attestants à la société MARC LAURENT, la Cour estime, à défaut de preuve contraire rapportée par la société intimée, que les éléments probants fournis par la société appelante apparaissent suffisamment convaincants pour qu’ils soient valablement retenus, puisqu’ils attestent, et ceci quelles que soient par ailleurs les fonctions réellement occupées par ces personnes au sein de la société MARC LAURENT, que Nathalie H et Thierry L sont effectivement les créateurs des modèles litigieux ; ET CONSIDERANT qu’en l’absence de toute revendication personnelle émanant de la part des salariés qui ont réalisés les deux modèles de pantalons sus-visés, les droits

d’auteur appartiennent à l’égard des contrefacteurs à la personne physique ou morale sous le nom de qui elle a été divulguée ; OR CONSIDERANT en l’espèce que la société MARC LAURENT qui comme le révèlent les modèles soumis à la Cour à l’audience de plaidoirie a apposé à l’intérieur de la ceinture des pantalons litigieux le nom de CELIO et au même endroit à gauche une étiquette avec la mention « FURYO » pour l’un, et « EDEN TWIN » pour l’autre, a donc contrairement aux affirmations de la société JORDAO suffisamment justifié avoir qualité pour agir ; QUE le jugement déféré qui a déclaré l’action en contrefaçon engagée par la société MARC LAURENT contre la société JORDAO irrecevable sera donc réformé ;

- SUR L’ACTION EN CONTREFACON – CONSIDERANT que la société JORDAO reproche à la société MARC LAURENT de ne pas justifier avoir commercialisé les modèles de pantalons qu’elle prétend copiés ; CONSIDERANT que si comme le fait exactement remarquer la société JORDAO, les attestations de Bruno K, de Xavier W, et de H. ADALIAN ne sont effectivement pas probantes puisqu’elles ne mentionnent pas les dates de création ou de commercialisation des modèles litigieux, en revanche les tickets de caisse des magasins CELIO versés aux débats révèlent que les modèles de pantalons « FURYO » et « EDEN TWIN » qui portent respectivement dans la codification couleur de la société MARC LAURENT les numéros 92696 et 92767 ont effectivement été vendus par les magasins CELIO les 7, 9, 10, 11, 13, 25 août 1990 ; QUE la société intimée ne peut donc soutenir comme elle le fait que la société MARC LAURENT ne commercialisait pas les modèles contestés ; CONSIDERANT qu’elle prétend bénéficier d’une antériorité sur le seul modèle EDEN TWIN du fait qu’elle a importé dès 1988 un modèle de bermuda dont elle soutient justifier l’existence par la production d’une facture datée du 27 octobre 1988 émanant de la société ODYSSEY INTERNATIONAL LIMITED et d’un croquis représentant le produit facturé ; MAIS CONSIDERANT que l’article 112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle dont la société MARC LAURENT sollicite l’application à la présente espèce exige essentiellement pour que l’oeuvre soit protégée qu’elle présente un caractère original, sans référence tant à la notion de nouveauté que d’antériorité ; QUE le moyen évoqué par la société JORDAO tiré de cette dernière notion est donc sans objet puisque seule l’originalité des modèles de pantalons litigieux qui doit exprimer la personnalité de leurs auteurs sera susceptible de conférer audits modèles une protection légale ;

CONSIDERANT que le modèle « FURYO » présente les caractéristiques suivantes : * sur le devant, au niveau de la ceinture deux passants larges disposés de part et d’autre du bouton de fermeture et qui comportent trois piqûres parallèles, une poche située à droite du pantalon dont le rabat est traversé par le prolongement du passant droit qui est boutonné sous ledit rabat, * une patte horizontale de chaque côté des poches latérales destinée à s’attacher à l’un ou à l’autre des deux boutons situés à l’arrière du pantalon à but essentiellement décoratif, * à l’arrière, trois passants larges dont celui central se trouve dans le prolongement de la couture qui joint les deux jambes du pantalon, et à l’arrière une poche rabat traversée par une patte qui se boutonne sous le rabat, tandis que le modèle « EDEN TWIN » comporte : * sur le devant, au niveau de la ceinture et de chaque côté du bouton de fermeture, deux passants fins et parallèles, * deux grandes poches latérales en biais qui comprennent au niveau d’une part de la poche droite une petite poche gousset surpiquée de faible profondeur qui parallèlement à celle-ci s’infiltre dans la grande, et d’autre part de la poche gauche une poche verticale parallèle à cette dernière, * au niveau des pinces ventrales situées entre les passants et les grandes poches, une piqûre en V, * une patte horizontale de forme triangulaire arrondie au niveau de chaque hanche avec son extrémité destinée à être attachée à un bouton, * à l’arrière, trois passants fins dont celui central a été doublé dans le prolongement de la couture reliant les deux jambes du pantalon, une poche plaquée surpiquée pour simuler l’existence d’un rabat et destinée à être fermée par un bouton central avec au dessus deux surpiqûres verticales pratiquement parallèles entre elles ; CONSIDERANT que la combinaison des éléments sus-visés qui ne se retrouve pas dans le bermuda JORDAO confère aux vêtements litigieux un caractère d’originalité qui reflète l’esprit créatif de la société MARC LAURENT et l’expression de la personnalité du titulaire de l’oeuvre collective dignes de protection ; QUE la société JORDAO ne saurait valablement tirer argument pour faire prospérer ses moyens fondés sur l’absence d’originalité des modèles dans le fait que les campagnes publicitaires de la société MARC LAURENT ont eu pour slogan « La mode, je m’en fous » ;

QU’en effet, les affirmations publicitaires émanant de la société MARC LAURENT ne sauraient pas constituer de sa part une renonciation aux dispositions prévues par le code de la propriété intellectuelle en matière de protection des oeuvres intellectuelles ; CONSIDERANT que l’examen attentif du modèle JORDAO SE 3 1002/10 en toile de coton kaki et de celui en velours 5233 1003/16 révèle qu’ils constituent la copie quasi servile, respectivement des modèles « EDEN TWIN » et « FURYO », puisque tous les éléments essentiels et les détails caractéristiques ci-dessus décrits qui font l’originalité des modèles se trouvent réunis dans les modèles vendus par la société JORDAO ; CONSIDERANT que cette identité parfaite entre les modèles originaux et les modèles contrefaisants qui ne peut être le fruit du hasard, tant les ressemblances sont importantes et sont de nature à créer une confusion dans l’esprit d’un consommateur moyen, constitue dès lors des actes de contrefaçon qui doivent conduire à ce que le jugement déféré soit infirmé en toutes ses dispositions ;

- SUR L’ACTION EN CONCURRENCE DELOYALE – CONSIDERANT que la société MARC LAURENT soutient également que la société JORDAO a commis envers elle des actes de concurrence déloyale en proposant dans ses magasins des modèles contrefaits de façon quasi servile destinés à détourner la clientèle de ses offres de vente ; CONSIDERANT que le copiage par la société JORDAO des modèles « FURYIO » et « EDEN TWIN » qui appartiennent à la société MARC LAURENT qui les a mis en vente depuis le mois d’août 1990 comme le démontrent les factures clients ci-dessus évoquées, soit à une date antérieure à celle du 21 juin 1991 qui correspond à la date de commande d’un modèle contrefaisant à la société HERALD par la société JORDAO, est destiné à créer dans l’esprit d’un acheteur moyennement attentif un risque de confusion certain qui a pour conséquence de le détourner des modèles originaux crées par la société MARC LAURENT qui bien qu’elle ait engagé des frais de recherche pour les modèles litigieux perdra une partie de sa clientèle pour le plus grand bénéfice de son concurrent qui n’aura quant à lui déboursé aucun frais de création particulier ; CONSIDERANT que le comportement de la société JORDAO qui diffuse des modèles contrefaisants dans les mêmes lieux et auprès d’une clientèle identique à celle de la société MARC LAURENT doit être considéré comme fautif ; CONSIDERANT que la société MARC LAURENT prétend avoir subi du fait des actes contrefaisants imputables à la société JORDAO un préjudice tant matériel que commercial et moral qu’elle évalue à la somme de 1.000.000 francs au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale ; CONSIDERANT qu’il résulte du bon de commande daté du 21 juin 1991 provenant de la société HERALD que le pantalon 5233 correspondant au modèle contrefait « FURYO » a été livré à la société JORDAO à 7.000 exemplaires ;

QU’aucune indication n’a été fournie par la société MARC LAURENT ou par la société JORDAO en ce qui concerne la diffusion du modèle SE 3 1002/10 qui a contrefait le modèle « EDEN TWIN » ; CONSIDERANT que les tickets de caisse versés aux débats révèlent que les modèles contrefaits ont été vendus au public par la société MARC LAURENT respectivement pour le modèle « FURYO » 280 francs l’unité et pour le modèle « EDEN TWIN » pour la somme de 199 francs, tandis que la société JORDAO vendait chaque modèle contrefaisant pour la somme de 199 francs pièce ; CONSIDERANT que compte tenu du manque à gagner subi par la société MARC LAURENT tel qu’il résulte de la différence des prix de vente constatés sur le modèle « FURYO » et sur le modèle 5233 de la société JORDAO, de la dépréciation des modèles contrefaits qui n’étaient plus uniquement vendus sous le nom commercial CELIO, de la recherche délibérée faite par la société JORDAO de capter en ce qui concerne les modèles litigieux la clientèle de la société MARC LAURENT, le préjudice tant matériel que moral subi par cette dernière société doit être fixé à la somme de 750.000 francs toutes causes confondues sans qu’il soit nécessaire comme le sollicite la société appelante de recourir à mesure d’expertise qui ne se justifie pas dans le cadre de la présente espèce ; CONSIDERANT qu’il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société MARC LAURENT la totalité des frais qu’elle a dû engager tant en première instance qu’en cause d’appel qu’il convient de compenser à hauteur de la somme de 50.000 francs ; CONSIDERANT que le principe de la mesure de publication du présent arrêt sollicitée par la société MARC LAURENT trouve lorsque la contrefaçon des modèles est comme en l’espèce établie sa pleine justification et doit donc être ordonnée dans les conditions fixées dans le dispositif de la présente décision ; QUE si la remise des modèles contrefaisants encore en possession de la société JORDAO plus de cinq années après leur commercialisation apparaît trop aléatoire pour être ordonnée, en revanche l’interdiction de fabriquer, de faire fabriquer, d’exposer ou de vendre les deux modèles litigieux sous astreinte de 500 francs par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt doit être ordonnée ;

- SUR L’APPEL EN GARANTIE FORME PAR LA SOCIETE JORDAO A L’EGARD DE LA SOCIETE HERALD – CONSIDERANT que la société HERALD qui selon la lettre datée du 21 juin 1991 a fourni à la société JORDAO en provenance de HONG KONG 7.000 pièces du modèle de pantalons 5233 correspondant au modèle contrefait « FURYO » a de ce fait également participé de façon active à la contrefaçon du modèle litigieux, puisqu’en sa qualité de professionnel avisé, et quand bien même elle ne se considérerait que comme « un relais d’administration » entre la société EUROPEAN WOLL AND COTTON Co et la société JORDAO, il lui appartenait de s’informer et d’entreprendre toutes diligences pour vérifier

que le modèle qu’elle importait n’était pas contrefait du fait de l’existence de produits susceptibles d’être protégés en FRANCE ; QU’elle ne peut avec raison soutenir pour tenter de se dégager de toute responsabilité à l’égard de la société appelante qu’elle s’est limitée à confectionner les produits commandés selon les directives précises de la société JORDAO alors qu’elle devait utiliser toutes ses compétences techniques et commerciales pour s’assurer de l’absence de risque de contrefaçon ; QUE compte tenu du rôle qu’elle a eu dans l’importation du modèle 5233 contrefaisant, et en l’absence de preuve rapportée de ce qu’elle a également participé à la mise sur le marché du modèle « EDEN TWIN », elle doit garantir la société JORDAO à hauteur de la moitié de toutes les condamnations visées au dispositif du présent arrêt mises à la charge de la société intimée ; CONSIDERANT que la société HERALD étant depuis le 20 juin 1995 en liquidation judiciaire, elle ne peut en application de l’article 47 de la loi du 25 janvier 1985 être condamnée pour une créance qui a son origine antérieurement à la décision sus-visée ; QUE la société JORDAO ayant cependant déclaré sa créance par lettre recommandée avec avis de réception datée 11 septembre 1995, il convient en application de l’article 48 de la loi sus-visée de constater sa créance et d’en fixer le montant à l’égard de la société HERALD à concurrence de la somme de 375.000 francs ;

- SUR LES AUTRES DEMANDES FORMEES PAR LES SOCIETES JORDAO ET HERALD – CONSIDERANT que compte tenu du sort réservé au présent litige, les demandes formées par les sociétés sus-visées tant à titre de dommages et intérêts qu’en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile devront être rejetées ; PAR CES MOTIFS DECLARE irrecevables comme étant tardives les conclusions signifiées le 29 mai 1997 par la société MARC LAURENT, DONNE ACTE à la société JORDAO de ce qu’elle s’est désistée de son appel à l’égard de la société EUROPEAN WOLL AND COTTON Co, INFIRME le jugement rendu le 22 février 1994 par le tribunal de Commerce de PARIS dans l’intégralité de ses dispositions, DIT que les modèles de pantalons « FURYO » et « EDEN TWIN » appartiennent à la société MARC LAURENT exploitant le nom commercial CELIO et sont des modèles originaux dignes de bénéficier de la protection prévue par la loi sur la propriété intellectuelle,

DIT que la société JORDAO s’est rendue responsable d’actes de contrefaçon des deux modèles sus-visés et d’actes de concurrence déloyale, CONDAMNE la société JORDAO à payer à la société MARC LAURENT la somme de 750.000 francs à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices, AUTORISE la société MARC LAURENT à faire publier le dispositif du présent arrêt dans trois revues ou journaux de son choix aux frais de la société JORDAO, sans que le coût total des insertions puisse excéder la somme de 75.000 francs HT, INTERDIT à la société JORDAO de fabriquer, de faire fabriquer, d’exposer ou de vendre les articles contrefaisants sous astreinte de 500 francs par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt, FIXE la créance de la société JORDAO à l’égard de la société HERALD à concurrence de la somme de 375.000 francs, DIT que la société HERALD devra garantir la société JORDAO à hauteur de la moitié de toutes les condamnations en principal mises à la charge de cette dernière par le présent arrêt, REJETTE toutes les autres demandes formées par les sociétés MARC LAURENT, JORDAO et HERALD, CONDAMNE la société JORDAO à payer à la société MARC LAURENT la somme de 50.000 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, CONDAMNE la même aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP d’avoué Annie B dans les conditions de l’article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.

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