Cour d'appel de Paris, du 26 novembre 1999, 1999-04661

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Les travaux de retrait d’amiante constituent des grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil et sont à la charge du bailleur

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 26 nov. 1999, n° 99/04661
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 1999-04661
Importance : Inédit
Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006935503
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS 16ème chambre, section B ARRET DU 26 NOVEMBRE 1999

(N , 13 pages) Numéro d’inscription au répertoire général :

1999/04661 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 03/12/1998 par le TRIBUNAL D’INSTANCE de PARIS 8ème arrondissement – RG n : 1998/00691 Date ordonnance de clôture : 30 Septembre 1999 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : CONFIRMATION PARTIELLE APPELANTE : S.A. SOFRES prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 16 rue Barbès 92129 MONTROUGE représentée par Maître CARETO, avoué assistée de Maître MARC SAINT-CENE, Toque P44, Avocat au Barreau de PARIS, de la SCP COURTOIS-LE BEL & Associés INTIMEE : S.C.P.I. SELECTIPIERRE II représentée par la Société de Gestion COFIGEST SA ayant son siège 71 rue de Monceau 75008 PARIS représentée par la SCP DUBOSCQ-PELLERIN, avoué assistée de Maître OLIVIER BEJAT, Toque P209, Avocat au Barreau de PARIS, de la SCP LAFARGE-FLECHEUX-CAMPANA-LE BLEVENNEC COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré PRESIDENT :

A.F. PASCAL CONSEILLER :

C. LE BAIL CONSEILLER :

M. PROVOST-LOPIN X… : A l’audience publique du 20 octobre 1999 GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l’arrêt M. F. MEGNIEN ARRET : Contradictoire Prononcé publiquement, par A.F. PASCAL, Président, laquelle a signé la minute avec M. F. MEGNIEN, Greffier.

*****************

Et après avoir entendu Madame le Président PASCAL en son rapport oral.

Par acte du 10 août 1995, complété par avenant du 1er octobre 1996, la SCPI SELECTIPIERRE IV, aux droits de laquelle se trouve la société SELECTIPIERRE II, a donné à bail à la société SOFRES la totalité d’un

immeuble situé 2/4, rue Chaintron MONTROUGE pour une durée de neuf ans à compter du 1er décembre 1994.

Courant 1997, des recherches d’amiante entreprises à l’initiative de la société propriétaire, en application du décret 7 février 1996, ont confirmé selon rapport de la société DEP PARASITIS du 21 janvier 1998 la présence d’amiante « score 3 » dans l’immeuble nécessitant des travaux de désamiantage.

Ces travaux nécessitent l’évacuation complète de l’immeuble et leur coût est estimé entre 10 et 14 millions de francs.

Le 27 avril 1998, la société propriétaire a notifié à la société locataire une sommation d’avoir à réaliser les travaux de mise en conformité de l’immeuble et de mettre en oeuvre les travaux de désamiantage avant le 22 janvier 1999, selon les prescriptions du décret précité.

La société preneuse a fait protestation à cette sommation estimant avoir loué un immeuble impropre à sa destination et, devant la résistance de la société propriétaire, la société SOFRES l’a assignée devant le tribunal d’instance de Paris 8ème arrondissement pour voir dire que les travaux incombent uniquement au propriétaire, que l’immeuble est impropre à sa destination, pour obtenir la résiliation du bail aux torts de la société propriétaire ainsi qu’une indemnisation, le tout avec exécution provisoire.

La société SELECTIPIERRE ayant soutenu que l’obligation de réaliser les travaux de désamiantage avait été, par les clauses du bail mettant à la charge du preneur tous les travaux de mise en conformité

avec la réglementation, transférée à la société locataire, que ces travaux sont des travaux de prévention de la sécurité et non des grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil, que l’avenant au bail ayant été signé postérieurement à la publication du décret, la société preneuse a contracté en connaissance de cause, que la présence d’amiante ne constituant pas un vice de construction, l’immeuble n’est pas impropre à sa destination et demandé au tribunal de mettre les travaux à la charge de la société locataire et, celle-ci n’ayant pas respecté ses obligations contractuelles, de résilier le bail, d’ordonner l’expulsion, de condamner la SOFRES à la garantir de tous les frais de mise en conformité avec la réglementation, de la condamner à lui payer une indemnité égale au loyer jusqu’à la date normale d’expiration du bail et de lui déclarer acquis le dépôt de garantie, cette juridiction, par jugement du 3 décembre 1998, a : – dit que les travaux de désamiantage de l’immeuble loué, à effectuer en application du décret du 7 février 1996, constituent une grosse réparation au sens de l’article 606 du code civil, – dit, dès lors, que ces travaux incombent à la société propriétaire, SELECTIPIERRE II, conformément aux prescriptions du bail liant les parties, laquelle devra les réaliser dans les délais prescrits par le texte précité, – rejeté en conséquence toutes les prétentions et demandes reconventionnelles de la société SELECTIPIERRE II, – dit que sous réserve de la réalisation par la propriétaire des travaux susdits et de ceux qui en découleront pour en assurer la sécurité contre l’incendie, l’immeuble n’est pas impropre à sa destination, – débouté en l’état la société SOFRES de sa demande de résiliation du bail dont elle est titulaire et du surplus de ses demandes, – dit n’y avoir lieu ni à exécution provisoire ni à application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, – condamné la société SELECTIPIERRE II aux dépens.

*

* *

La société SOFRES a relevé de ce jugement un appel limité au rejet des demandes de résiliation judiciaire du bail et d’indemnisation.

Elle demande à la cour de : – dire que la présence d’amiante constitue un vice ou un défaut de la chose louée qui en empêche l’usage et qui entraîne la nullité du bail par défaut d’objet avec toutes les conséquences équivalent à celle d’une résiliation à compter du 1er janvier 1999, date de l’évacuation de l’immeuble par la société SOFRES, – subsidiairement dire que le bail est résilié à compter du 1er janvier 1999, date de l’évacuation de l’immeuble, – dire qu’elle n’est tenue d’aucun loyer à compter de cette date et que la société propriétaire doit lui restituer le dépôt de garantie de 575 000 francs, – condamner en tant que de besoin la société SELECTIPIERRE à lui payer cette somme outre intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 1999 ou à défaut à compter de la date des conclusions, – condamner la société SELECTIPIERRE II à l’indemniser de son préjudice et des pertes crées par cette situation évalués à la somme de 6 000 000 francs, – rejeter toutes les demandes de la société SELECTIPIERRE II, – condamner l’appelante à lui payer une somme de 96 480 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle indique que le bail actuel a été précédé de plusieurs baux d’une durée inférieure à 24 mois, les surfaces louées étant de plus en plus importantes pour aboutir à la location de l’ensemble de l’immeuble par l’avenant du 1er octobre 1996.

Reconnaissant que les baux successifs lui imposent de faire faire à ses frais et à la place de la société bailleresse tous travaux « requis par les services d’hygiène, de police de sécurité ou de mise en conformité avec toute réglementation », elle soutient que les travaux de désamiantage incombent à la propriétaire qui l’avait dans un premier temps admis et avait proposé un protocole d’accord concernant en particulier le relogement de la locataire, l’immeuble devant être totalement évacué.

Elle estime que le tribunal a dit à juste titre que la présence d’amiante constitue un vice de construction au sens de l’article 1721 du code civil et que les travaux de désamiantage touchant la structure même de l’immeuble constituent une grosse réparation au sens de l’article 606 du code civil restée à la charge du bailleur.

Elle affirme en revanche que le tribunal n’a pas tiré toutes les conséquences de sa décision, la classification « score 3 » rendant l’immeuble dangereux et impropre à sa destination s’agissant d’un immeuble de bureaux. Elle ajoute que les travaux nécessaires ont rendu l’évacuation de l’immeuble indispensable et qu’elle a dû rechercher d’autres locaux à ses frais, le déménagement imposant le transfert et la réinstallation de tous les réseaux de téléphonie, de télétransmission et de télématique étant particulièrement lourd. Elle précise que l’impropriété à la destination de l’immeuble durera pendant tout le temps de réalisation des travaux. Elle en tire la conclusion que la nécessité de faire les travaux entraînait nécessairement la rupture des relations contractuelles.

Elle souligne que la résiliation doit avoir lieu aux torts de la

société bailleresse qui doit l’indemniser de son préjudice s’élevant à 6 000 000 francs.

Répondant à l’argumentation de la société SELECTIPIERRE II, elle conteste que la charge des travaux de désamiantage lui ait été transférée. Elle soutient en effet que le transfert doit être express et dépourvu d’ambigu’té ce qui n’est pas le cas du bail du 10 août 1995 qui a été signé avant la parution du décret du 7 février 1996 et qui laisse les grosses réparations à la charge de la société bailleresse. Elle estime que les travaux de désamiantage n’entraient pas dans les prévisions des parties et que l’avenant du 1er octobre 1996, qui avait pour seul objet d’étendre la location à la totalité de l’immeuble, les clauses du bail étant intégralement maintenues, n’a pu avoir pour effet de mettre ces travaux à sa charge.

Elle conteste l’argumentation de la propriétaire selon laquelle ce n’est pas l’amiante qui empêche l’usage de l’immeuble mais le décret du 7 février 1996, rappelant que le décret n’est qu’une conséquence des dangers de l’amiante et selon laquelle le décret constituerait pour le bailleur un cas fortuit.

Elle conteste avoir renoncé au bénéfice des dispositions de l’article 1721 du code civil, la renonciation ne se présumant pas et devant être expresse.

Elle affirme que l’amiante se trouvant sur les structures métalliques de l’immeuble, les travaux constituent des grosses réparations.

Elle nie toute faute de sa part et indique qu’une expertise est en cours relative à l’incidence des travaux de câblage et de

climatisation sur la dégradation des flocages d’amiante et prétend que lors des travaux, il a été indiqué par l’architecte de la société SELECTIPIERRE qu’il n’y avait pas de poutres métalliques floquées à l’amiante.

*

* *

La société SELECTIPIERRE II conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a dit que les travaux de désamiantage constituaient une grosse réparations au sens de l’article 606 du code civil et étaient à sa charge. Elle demande à la cour de : – dire qu’au vu des conventions liant les parties, les travaux sont à la charge de la société preneuse et que le non respect volontaire des clauses du bail par la société locataire justifie la résiliation du bail à ses torts, – condamner la société SOFRES à la garantir de tous les frais exposés pour mettre l’immeuble en conformité, – dire que la présence d’amiante ne constitue pas un vice au sens de l’article 1721 du code civil et ne peut entraîner la nullité du bail, – subsidiairement dire que la société preneuse a renoncé aux dispositions de l’article 1721 précité et que le décret de février 1996 constitue pour le bailleur un cas fortuit, – dire que les travaux de désamiantage ne constituent pas des grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil, – dire que le défaut de disposition expresse dans le bail visant les travaux de désamiantage n’est pas de nature à exonérer la société preneuse qui a contractuellement à sa charge les travaux de mise en conformité avec la réglementation, – en conséquence, condamner la société SOFRES à la garantir de tous les frais exposés, – dire, en cas de résiliation du bail, que le non respect par la société preneuse des dispositions contractuelles doit entraîner sa condamnation au paiement, à titre de dommages-intérêts d’une somme

équivalente au dernier loyer augmenté des charges jusqu’à l’expiration de la prochaine période triennale, – en ce cas dire le dépôt de garantie acquis à la société bailleresse, – condamner la société SOFRES, outre aux dépens, au paiement d’une indemnité de 100 000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle rappelle qu’aux termes du bail, les travaux requis par les services d’hygiène de police, de sécurité ou de mise en conformité avec toute réglementation sont à la charge de la société preneuse et en tire la conclusion qu’en application de l’article 10 du décret du 7 février 1996, les travaux de désamiantage sont à la charge de la société SOFRES

Elle prétend que la clause du bail mettant ces travaux à la charge de la société locataire est claire et insusceptible d’interprétation, dans la mesure où il s’agit d’un bail « investisseur », le bailleur ayant choisi de faire supporter la totalité des charges et travaux au preneur. Elle ajoute que, si le bail est antérieur à la publication du décret de 1996, l’avenant du 1er octobre 1996 étendant le bail à la totalité de l’immeuble est postérieur.

Elle précise que la société locataire, par dérogation aux articles 1719 et 1720 du code civil s’est obligée d’une part à prendre les lieux en l’état et d’autre part à faire, en cours de bail, toutes réparations qu’elles soient grosses ou petites.

Elle conteste que la clause mettant la charge des travaux de désamiantage à la charge du locataire doive être expresse s’agissant d’une simple mise en conformité avec la réglementation. Elle nie

qu’une quelconque novation ait été opérée du fait que les travaux de recherche d’amiante aient été faits à son initiative.

Soutenant que ce n’est pas la présence d’amiante qui empêche l’usage de l’immeuble mais le décret du 7 février 1996, elle estime que cette présence ne constitue pas un vice au sens de l’article 1721 du code civil. Elle rappelle que l’interdiction du flocage en France ne résulte que du décret du 20 mars 1978, alors que l’immeuble a été construit en 1973 et argue que, antérieurement au décret de 1996, la présence d’amiante dans un immeuble n’en empêchait pas l’usage. Elle croit ne pas devoir garantie pour des faits antérieurs.

Elle prétend que la réglementation de 1996 constitue pour le bailleur un cas fortuit.

Elle avance que la société preneuse a renoncé au bénéfice des dispositions de l’article 1721 du code civil par une clause du bail contenant renonciation à tout recours en cas de perte de l’immeuble par vétusté ou toute autre cause indépendante de la volonté du bailleur.

Elle nie que les travaux de désamiantage constituent des grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil, l’énumération contenue à ce texte étant selon elle limitative.

Elle ajoute que la SOFRES est responsable du fait que les travaux de désamiantage doivent être entrepris dans la mesure où ce sont les travaux de climatisation entrepris par cette société qui sont à l’origine de l’état visuel de dégradation ayant abouti à la cotation « score 3 ». Elle affirme que l’appréciation de l’architecte selon

laquelle il n’y avait pas de poutres floquées à l’amiante n’engage que son auteur. Sur ce, la Cour,

Considérant que le décret n° 96/97 du 7 février 1996 relatif « à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis » impose aux propriétaires des immeubles, sous peine de sanctions pénales, de rechercher dans ces immeubles la présence de calorifugeages et de flocages contenant de l’amiante et de faire, en fonction du résultat du diagnostic, soit des contrôles, soit une surveillance du niveau d’empoussièrement, soit, dans les cas les plus graves et comme en l’espèce, des travaux appropriés, ceux-ci devant être engagés dans un délai de douze mois ;

Que l’article 10 de ce décret est ainsi rédigé :

« Lorsque les obligations de réparation du propriétaire ont été transférées à une personne physique ou morale en application d’une loi ou d’une convention, les obligations édictées par les articles 2 à 9 sont à la charge de cette personne » ;

Considérant que les opérations de diagnostic de présence de l’amiante dans l’immeuble propriété de la société SELECTIPIERRE II et loué à la société SOFRES ont abouti à un « score 3 » imposant la mise en oeuvre de travaux de désamiantage dans le délai d’un an ; que ces travaux impliquent l’évacuation totale de l’immeuble et sont estimés à 10 à 14 millions de francs ;

Considérant que le litige porte, à titre principal, sur la question de savoir, compte tenu des dispositions du décret et des clauses du bail, qui du bailleur ou du preneur doit assumer le coût des travaux

de désamiantage et de leurs conséquences ;

Considérant que le bail a été signé le 10 août 1995 ; que, par avenant du 1er octobre 1996, la location a été étendue à la totalité de l’immeuble sans que les clauses et conditions du bail, autres que le montant du loyer et du dépôt de garantie, soient modifiées ; que ce bail met à la charge du preneur, au chapitre « entretien-travaux » et dans des clauses numérotées 2.1 à 2.6, les obligations suivantes :

« 2.1 Prendre les locaux loués dans l’état où ils se trouveront lors de l’entrée en jouissance, sans pouvoir exiger du bailleur aucun travaux de remise en état ou de réparation, et ce par dérogation aux articles 1719 et 1720 du code civil »

« 2.2 Faire exécuter, tant au début du présent bail, que pendant son cours, toutes les réparations petites ou grosses. Les réparations prévues à l’article 606 du code civil restent à la charge du bailleur. »

« 2.3 Entretenir les lieux loués pendant toute la durée du bail en bon état de réparations locatives et d’entretien »…

« 2.5… Le preneur renonce expressément à tout recours en responsabilité contre le bailleur au cas où les lieux loués viendraient à être endommagés ou détruits par vétusté, vice de construction, ou toute autre cause indépendante de la volonté du bailleur, le présent bail étant résilié de plein droit et sans indemnité. »

« 2.6 Faire exécuter à ses frais et au lieu et place du bailleur tous travaux concernant les lieux loués et requis par les services d’hygiène, de police, de sécurité ou de mise en conformité avec toute réglementation » ;

Considérant que la société bailleresse prétend que les travaux de désamiantage sont à la charge de la société preneuse en application de la clause, conforme aux prescriptions du décret, mettant à sa charge les travaux de mise en conformité avec la réglementation et du fait qu’elle a accepté de prendre les lieux en l’état sans pouvoir exercer de recours ; que, de son côté, la société preneuse soutient que les travaux sont à la charge de la société preneuse dans la mesure où la présence d’amiante constitue un vice caché rendant l’immeuble impropre à sa destination et où les travaux de désamiantage constituent de grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil ;

Considérant qu’aucune des clauses du bail ci-dessus énumérées n’est illicite ; que, s’agissant de clauses exorbitantes du droit commun, elles sont cependant d’interprétation stricte ;

Considérant que, si la clause 2.6 met clairement à la charge du preneur les travaux de mise en conformité avec toute réglementation, il convient de rappeler que le bail a été signé le 10 août 1995, à une date antérieure à la publication du décret du 7 février 1996 ; qu’ainsi n’ont pu entrer dans les prévisions des parties la charge des travaux de désamiantage imposés par la réglementation postérieure pas plus que leur coût nécessairement très élevé compte tenu des mesures de sécurité à prendre ni que leurs conséquences sur l’occupation de l’immeuble et l’état de ce même immeuble après travaux ; que cette situation n’a pu être modifiée par l’avenant du 1er octobre 1996, qui ne fait qu’étendre l’assiette du bail sans modifier aucune de ses clauses autres que celles relatives au montant du loyer et du dépôt de garantie ;

Considérant que, si les travaux de mise en conformité avec la réglementation sont à la charge du preneur, les grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil restent à celle du bailleur ; qu’en l’état de leur contradiction apparente, il convient d’interpréter ces deux clauses en faveur de celui qui s’oblige et de décider que, si les travaux de mise en conformité constituent de grosses réparations au sens de l’article 606, ils doivent être assumés par le bailleur ;

Considérant, ainsi que l’a justement analysé le premier juge, qu’il résulte des pièces versées au dossier (rapports de visite de la société DEP PARASITIS, rapport de la société COTEBA MANAGEMENT) que l’ensemble des structures métalliques de l’immeuble a été floqué avec un produit à base de fibres d’amiante ;

Qu’en raison de l’intercommunication importante des étages au droit des poteaux de façade créant un risque réel de pollution lors des travaux, les entreprises spécialisées ont recommandé de vider le bâtiment de ses occupants pour réaliser les travaux de traitement de l’amiante ;

Qu’il ressort, à titre d’exemple, du devis de la société SAMI relatif au lot 01A « déshabillage et traitement de l’amiante » que les travaux imposent notamment, avant confinement, la dépose des sols souples, des trappes, portes, cloisons amovibles, appareils d’équipement sanitaire et, après confinement, la dépose et le stockage pour remploi des cloisons amovibles, des habillages de poteaux de façade, du capotage des impostes et des meneaux, le déshabillage, la dépose et l’évacuation des habillages et encoffrements, des doublages et maçonneries ainsi que des réseaux techniques ;

Qu’en introduction du Cahier des Charges Particulières de la société COTEBA MANAGEMENT en date du 11 décembre 1998, il est indiqué:

« Le projet …. concerne des travaux de traitement de l’amiante et de reconstitution de la stabilité au feu des structures métalliques. L’intégralité des travaux se déroulera dans un établissement vide de ses occupants.

A l’issue des travaux précités, l’immeuble de bureaux 2/4 rue Chaintron sera restitué au Maître d’ouvrage dans un état « brut béton ». Dans ces conditions, l’utilisation ou la location de l’établissement (immeuble de bureaux) sera impossible, compte tenu de l’absence des équipements réglementaires requis" ;

Qu’il résulte de ces éléments, sans qu’il soit nécessaire de poursuivre l’analyse des documents techniques, que les travaux à réaliser, d’une ampleur telle qu’ils touchent à la structure même de l’immeuble, constituent des grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil et doivent rester à la charge de la société bailleresse ;

Que la société SELECTIPIERRE II en avait d’ailleurs une parfaite conscience puisque elle a pris en charge le coût des travaux de recherche d’amiante et d’analyses de laboratoire et qu’elle a, dans un premier temps, envisagé de supporter le coût des réparations, proposant à la société SOFRES, par courrier du 26 mars 1998, un protocole d’accord dans lequel elle prenait en charge non seulement les travaux de désamiantage mais aussi les frais de déménagement et de transferts ; que, dans ce protocole, il était prévu que les travaux seraient faits avec une évacuation partielle du bâtiment, le

loyer de la société SOFRES étant réduit, tout au long des travaux, en fonction des surfaces demeurant occupées ; que la société SOFRES ne devait prendre à sa charge que 30 % du montant définitif des travaux pour tenir compte de la remise à neuf des revêtements ; que les parties ne précisent pas les raisons pour lesquelles l’accord n’a pas abouti ; qu’il est cependant à noter que les entreprises devant faire les travaux ont à cette époque préconisé une évacuation totale de l’immeuble ;

Que par suite le jugement doit être confirmé en ce qui concerne la charge des travaux sans que les autres moyens de la société SELECTIPIERRE II doivent être examinés ; qu’il suffit de préciser que l’expertise en cours sur les éventuelles responsabilités des entreprises ayant fait dans l’immeuble des travaux de climatisation commandés par la société SELECTIPIERRE II ou des travaux de câblage à l’initiative de la société SOFRES est sans incidence sur la charge des travaux sans préjudice d’éventuelles actions récursoires ;

Considérant que, en l’état de la réglementation actuelle, de la dangerosité du produit, de l’interdiction des flocages dans les bâtiments puis de l’utilisation de l’amiante dans les constructions depuis 1977 et 1978 et des mesures prises par le décret du 7 février 1996, la présence d’amiante dans l’immeuble doit être considérée comme un vice rendant l’immeuble impropre à sa destination alors surtout que l’immeuble doit être évacué et qu’il est rendu, après désamiantage, dans un état « brut béton » ; que d’ailleurs la société SOFRES a dû quitter l’immeuble et trouver à se reloger à compter du 1er janvier 1999 ; qu’il s’agit d’un vice caché dans la mesure où la révélation du dommage est constituée par le diagnostic permettant de connaître le risque de toxicité et les mesures à prendre ;

Considérant que la clause 2.5, ci-dessus citée dans son intégralité, règle les conséquences de cette situation ; qu’elle prévoit que le preneur renonce à tout recours en responsabilité contre le bailleur lorsque les lieux loués sont endommagés par vice de construction, le bail étant alors résilié de plein droit et sans indemnité ; que cette clause est licite, claire et sans ambigu’té ; qu’il convient donc de constater la résiliation de plein droit du bail à la date du 1er janvier 1999 et de rejeter les demandes d’indemnisation formées par la société SOFRES ; que le montant du dépôt de garantie doit lui être remboursé outre intérêts au taux légal à compter du 26 août 1999 ;

Considérant que l’équité commande d’allouer une somme de 20 000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile à la société SOFRES ;

Par ces motifs, et ceux non contraires du premier juge, – confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions à l’exception de celle ayant rejeté la demande de résiliation du bail, – réformant de ce chef, – constate la résiliation de plein droit du bail à la date du 1er janvier 1999, – condamne la société SELECTIPIERRE II à rembourser à la société SOFRES la somme de 575 000 francs, montant du dépôt de garantie, outre intérêts au taux légal à compter du 26 août 1999, – rejette toute autre demande d’indemnisation, – condamne la société SELECTIPIERRE II à payer à la société SOFRES la somme de 20 000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, – la condamne auxté SELECTIPIERRE II à payer à la société SOFRES la somme de 20 000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, – la condamne aux dépens d’appel et admet M° CARETO, avoué, au bénéfice de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

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