Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 7 mars 2001

  • Article 562 alinéa 2 nouveau code de procédure civile·
  • Tribunal compose d'un nombre pair de magistrats·
  • Article 430 nouveau code de procédure civile·
  • Suppression inopérante de la lettre, voyelle·
  • Utilisation d'un nom commercial anterieur·
  • Effet dévolutif de l'appel pour le tout·
  • Jugement du tribunal de grande instance·
  • Denomination sociale et nom commercial·
  • Imitation d'un modèle de soutien gorge·
  • Dépôt anterieur de la premiere marque

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 7 mars 2001
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision(s) liée(s) :
  • TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS DU 22 SEPTEMBRE 2000 (REF M20000640)
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : BERLEI
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1287547
Liste des produits ou services désignés : Soutien-gorge
Référence INPI : M20010168
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE Se prévalant de droits antérieurs sur le nom commercial et la dénomination sociale « J. BERLE » et reprochant aux sociétés COURTAULDS TEXTILES de faire usage des marques « BERLEI » et de commercialiser sous ce signe, un modèle de soutien-gorge inspiré de son modèle dénommé « Délinéator », la société BERLE a saisi le tribunal de grande instance de Paris d’une action en concurrence déloyale, en nullité de marques et en paiement de dommages-intérêts. Les sociétés COURTAULDS, invoquant un dépôt de marque remontant au 5 novembre 1929 et régulièrement renouvelé, ont formé une demande reconventionnelle en contrefaçon de marque. Par jugement du 22 septembre 2000, le tribunal a :

- dit que la société BERLE, en faisant usage du nom B à titre de dénomination sociale et de nom commercial a commis des actes de contrefaçon de la marque « BERLEI » dont est titulaire la société COURTAULDS TEXTILES LIMITED,
- interdit à la société BERLE de faire usage de la dénomination BERLE sous astreinte de 500 F par infraction constatée à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la signification du présent jugement,
- ordonné l’exécution provisoire de cette mesure,
- condamné la société BERLE à verser à la société COURTAULDS TEXTILES (HOLDING) LIMITED la somme de 100.000 F à titre de dommages-intérêts,
- autorisé la société COURTAULDS TEXTILES (HOLDING) LIMITED à faire publier le dispositif du jugement dans deux journaux ou revues de son choix, aux frais de la société BERLE, sans que le coût total des insertions n’excède à la charge de celle-ci la somme de 40.000 F,
- condamné la société BERLE à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 3.000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Vu l’appel de cette décision interjeté le 12 décembre 2000 par la société BERLE et l’ordonnance du 20 décembre 2000 l’autorisant à assigner à jour fixe pour l’audience du 31 janvier 2001 ; Vu les conclusions signifiées le 8 février 2001 par lesquelles la société BERLE, invitée par la Cour à l’audience du 31 janvier 2001, à présenter ses observations sur l’irrégularité affectant le jugement entrepris, invoque la nullité de celui-ci au motif que le tribunal était composé de quatre magistrats, et sur le fond, faisant valoir que :

— qu’elle porte depuis sa création en 1948 le patronyme de son fondateur, Joseph B, lequel exerçait depuis 1917 la même activité sous son nom,
- la chaîne des droits sur la marque « BERLEI » N 1.287.547, telle que reconstituée par la société COURTAULDS TEXTILES HOLDING LIMITED, n’établit pas avec certitude de droits antérieurs en France à l’adoption de sa dénomination sociale et de son nom commercial,
- la marque « BERLEI » n’est exploitée en France que depuis la fin des années 1990, et par l’effet dévolutif de l’appel, demande à la Cour de :

- prononcer la nullité des marques françaises et de la partie française de la marque communautaire « BERLEI » déposée par la société de droit anglais COURTAULDS TEXTILES (HOLDING) Limited, respectivement enregistrées sous les numéros 1.287.547, 92/426.993 et EM 447 490 dans la classe 25,
- interdire aux sociétés COURTAULDS TEXTILES d’utiliser la dénomination « BERLEI » à quelque titre et de quelque manière que ce soit, dans le délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 10.000 F par jour de retard et/ou par infraction constatée, la Cour se réservant la liquidation de cette astreinte,
- ordonner, en tant que de besoin, à la société de droit anglais COURTAULDS TEXTILES (HOLDING) Limited de procéder à la radiation pure et simple de ses marques françaises et de sa marque communautaire, dans un délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 10.000 F par jour de retard, la Cour se réservant la liquidation de cette astreinte,
- condamner in solidum les sociétés COURTAULDS TEXTILES (HOLDING) Limited à lui payer la somme de 500.000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 40.000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
- ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans trois journaux ou magazines de son choix, aux frais des sociétés COURTAULDS TEXTILES sans que le coût global de ces insertions excède la somme de 200.000 F H.T.,
- subsidiairement, dire que la société BERLE ne saurait être condamnée pour contrefaçon des marques « BERLEI » et qu’elle est recevable à solliciter une coexistence aménagée avec celles-ci, dans un graphisme conforme à ses dépôts successifs afin de réduire le risque de confusion ; Vu les écritures signifiées le 12 février 2001 aux termes desquelles les sociétés COURTAULDS TEXTILES s’en rapportent à justice sur la nullité du jugement entrepris et, invoquant le premier dépôt français de la marque « BERLEI » effectué le 5 novembre 1929 et relevant qu’aucune pièce n’établit de manière certaine que le nom B aurait été dès 1917 le nom commercial d’une entreprise ou d’un fonds de commerce de lingerie féminine, le seul document probant remontant à 1948, sollicitent la confirmation du

jugement entrepris sauf sur le montant des dommages-intérêts réparant les faits de contrefaçon commis au préjudice de la société COURTAULDS TEXTILES (HOLDING) Limited qu’elles demandent à la Cour de porter à la somme de 200.000 F, réclamant en outre chacune l’allocation d’une somme de 100.000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile et leur mise hors de cause à l’exception de la société COURTAULDS TEXTILES (HOLDING) Limited.

DECISION I – SUR L’EXCEPTION DE NULLITE Considérant que l’article 430 du nouveau code de procédure civile prévoit que la juridiction est composée, à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l’organisation judiciaire ; Qu’aux termes de l’article L 311-7 du Code de l’organisation judiciaire, les jugements sont rendus par des magistrats délibérant en nombre impair ; que l’article L 311-8 du même code précise que lorsque les membres du tribunal siégeant dans une affaire sont en nombre pair, le dernier des juges dans l’ordre du tableau doit s’abstenir ; Considérant qu’il ressort des mentions du jugement déféré que le tribunal était composé de quatre magistrats ; qu’il n’est pas indiqué que l’un d’entre eux s’est abstenu de participer au délibéré ; Qu’il s’ensuit que le jugement déféré doit être annulé ; Que par application de l’article 562 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, l’effet dévolutif de l’appel s’opère pour le tout ; II – SUR LES DROITS RESPECTIFS DES PARTIES Considérant que la société BERLE prétend que Joseph B dit B a créé en 1917 la Maison BERLE qui avait pour objet la création et la commercialisation de corsets et sous- vêtements féminins, qu’il a apporté son nom et son fonds de commerce à l’actuelle société du même nom, constituée en 1948, avec le même objet social ; qu’elle estime que les sociétés COURTAULDS ne justifient de droits sur la marque « BERLEI » qu’à compter du 28 octobre 1959 et se prévaut sur le nom commercial et la dénomination sociale BERLE de droits antérieurs à ce dépôt et ce, quelle que soit la date retenue pour son dépôt initial en France ;

Considérant que le droit sur un nom commercial s’acquiert par l’usage ; que pour conférer des droits, le nom doit être effectivement utilisé pour identifier le fonds de commerce dans l’exercice de son activité ; Considérant qu’il ressort du journal d’annonces légales « Le quotidien Juridique » daté du 6 au 9 novembre 1948 que la S.A.R.L. Etablissements J. BERLE, ayant pour objet la fabrication, la vente en gros et la vente au détail de soutiens-gorge, de corsets, maillots et lingerie et tous appareillages de la femme, a été constituée le 4 novembre 1948 ; que ci cette annonce mentionne l’apport par Joseph B d’un fonds de commerce exploité par lui […], le seul document antérieur est un article intitulé « Pour la beauté du corps féminin », extrait d’un ouvrage intitulé « XX è siècle illustré médical et scientifique », daté d’août 1934, qui fait état de la Maison J. BERLE en vantant les qualités du soutien-gorge ajusté et adapté individuellement qu’elle présente à sa clientèle ; Que Joseph B, qui ne justifie pas de la date à laquelle il a adopté le pseudonyme « B », écrit, dans une lettre datée du 11 décembre 1970 : « Je dirige les destinés des Ets J.B. depuis 1932 » ; Que les trois brevets d’invention relatifs à des soutiens-gorge et des perfectionnements apportés aux soutiens-gorge, produits aux débats, ont été déposés en juillet 1932, octobre 1933 et avril 1936, sous le nom de Melle Chaja B dite LAURE B ; Que les attestations produites aux débats, établies par des clientes de la société BERLE, outre le fait qu’elles ne répondent pas aux prescriptions de l’article 202 du nouveau code de procédure civile, sont imprécises et dépourvues de caractère probant pour établir un usage public et non équivoque du nom commercial J. BERLE avant 1934 ; Considérant qu’au vu de ces éléments, la société BERLE ne peut se prévaloir de droits sur le nom commercial BERLE pour désigner un fonds de commerce ayant pour activité la lingerie féminine qu’à compter de l’année 1934 ; Considérant que la société COURTAULDS TEXTILES (HOLDING) LIMITED se prétend titulaire d’une marque dénominative « BERLEI » déposé, le 5 novembre 1929, par la société BERLEI Limited, enregistrée sous le numéro 156 607 et renouvelée pour la dernière fois le 19 octobre 1994, pour désigner des corsets et soutiens-gorge ; Considérant qu’il ressort des pièces versées aux débats que cette marque, déposée en France le 5 novembre 1929, par la société BERLEI Limited ayant son siège social en Australie, a fait l’objet d’une cession à la société de droit anglais BERLEI (UK) Limited, et a été renouvelée le 6 août 1945 sous le numéro 374 994 ; que le 28 octobre 1959, la société BERLEI (UK) Limited a procédé au dépôt de la marque avec la mention « Renouvellement de dépôt – Déclaration du déposant » sous le numéro 133.566 pour le mêmes produits, corset et soutien-gorge, comme l’établit le BOPI du N 3014 ; Considérant que si l’extrait du BOPI ne comporte pas le numéro de la marque dont le renouvellement est opéré, l’article 3 de la loi du 23 juin 1857 et l’article 11 du décret du

27 février 1891, applicables en l’espèce, n’exigent aucune mention spéciale, la seule indication qu’il s’agit d’un renouvellement de dépôt étant suffisante au regard de ces textes ; Que la société BERLE ne peut tirer argument de la mention sur la traduction française de l’acte de cession de marques du 10 mars 1986 d’un dépôt antérieur remontant au 10 octobre 1978 pour en conclure que la marque « BERLEI » n’a pas été régulièrement renouvelée ; qu’en effet, sur la copie de l’acte de cession en langue anglaise produit aux débats figure la date du 5 novembre 1929, qui est reprise sur l’annexe récapitulant la chaîne des renouvellements déposée à l’Institut National de la Propriété Industrielle ; Considérant que la société BERLE ne critique ni les renouvellements de la marque opérés le 30 octobre 1974 et le 19 octobre 1994, ni la cession intervenue au profit de la société COURTAULDS TEXTILES (HOLDING) Limited ; Considérant que la société COURTAULDS TEXTILES Limited justifie donc de droits sur la marque « BERLEI » remontant au 5 novembre 1929 ; Considérant que la société BERLE demande à titre subsidiaire à la Cour de la faire bénéficier des dispositions de l’article L 713-6 du Code de la Propriété Intellectuelle en l’autorisant à utiliser la dénomination BERLE ; Mais considérant d’une part que la société BERLE ne justifie pas d’une utilisation de cette dénomination antérieurement à l’enregistrement de la marque « BERLEI » ; Que d’autre part, les sociétés intimées rappellent à juste titre que la dénomination litigieuse n’est pas un nom patronymique mais le pseudonyme de Joseph B, qui contrairement au premier est choisi par son titulaire ; Qu’au surplus, la société BERLE subordonne la coexistence de la marque et de sa dénomination à l’utilisation par les sociétés COURTAULDS TEXTILES de la marque « BERLEI » selon un graphisme particulier ; Qu’il s’ensuit que les dispositions de l’article L 713-96 du Code de la Propriété Intellectuelle ne sont pas applicables ; III – SUR LA CONTREFAÇON Considérant que la société BERLE reconnaît que les deux dénominations BERLE et BERLEI présentent une similitude visuelle et phonétique ; que ces deux signes servant à désigner des articles de lingerie féminine, il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public quant à l’origine des produits ; Que la dénomination BERLE constitue donc la contrefaçon par imitation de la marque « BERLEI » dont est titulaire la société COURTAULDS TEXTILES (HOLDING) Limited ;

Qu’il s’ensuit que la société BERLE doit être déboutée de ses demandes de nullité de marques et d’interdiction d’usage de ces signes ; IV – SUR LA CONCURRENCE DELOYALE Considérant que la société BERLE reproche aux sociétés intimées d’avoir modifié le graphisme de leur signe pour se rapprocher de celui utilisé pour illustrer le nom commercial J. BERLE et d’avoir apposé cette griffe sur un soutien-gorge de type réducteur de poitrine à l’instar du modèle « Délineator » qu’elle commercialise depuis plusieurs décennies ; Mais considérant que les sociétés COURTAULDS TEXTILES justifient de l’exploitation de la marque « BERLEI » dans une calligraphie évoquant une signature, depuis 1950 ; qu’elles font valoir en outre que ce graphisme est couramment utilisé par les marques désignant des produits de lingerie ; Qu’il n’est donc pas établi que ce graphisme a été adopté par les sociétés COURTAULDS TEXTILES par référence à la Maison BERLE dans l’intention de susciter la confusion ; Que ce grief n’est donc pas fondé ; Considérant que si le savoir-faire de la société BERLE dans le domaine de la corsetterie est attesté par les trois brevets sus-visés, les extraits de presse versés aux débats sont insuffisants pour établir que le modèle de soutien-gorge commercialisé sous la dénomination « Délinéator » est largement connu du public et associé par celui-ci à la Maison J. BERLE ; que la société BERLE ne revendique en outre aucun droit privatif sur ce modèle ; Que la commercialisation sous la marque « BERLEI » d’un soutien-gorge dénommé « MINIMIZER », dont ni la forme, ni la matière qui le compose ne constituent l’imitation du modèle « Délinéator », ne revêt donc aucun caractère déloyal ; Que la société BERLE doit en conséquence être déboutée de sa demande au titre de la concurrence déloyale ; V – SUR LES MESURES REPARATRICES Considérant que le préjudice subi par la société COURTAULDS TEXTILES (HOLDING) Limited du fait de l’atteinte portée à sa marque par l’utilisation du nom commercial et de la dénomination sociale « J. BERLE » sera entièrement réparé par l’allocation d’une indemnité de 100.000 F ; Qu’il sera fait droit à la mesure d’interdiction sollicitée dans les termes précisés au dispositif de l’arrêt ;

Considérant que les dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile doivent bénéficier aux sociétés intimées ; qu’il leur sera alloué chacune la somme de 30.000 F à ce titre ; Que la société BERLE qui succombe en son appel doit être déboutée de sa demande sur ce même fondement ; PAR CES MOTIFS Annule le jugement déféré, Vu l’article 562 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, statuant en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, Déboute la société BERLE de l’ensemble de ses demandes, Dit qu’en faisant usage de la dénomination sociale et du nom commercial « J. BERLE », la société BERLE a commis des actes de contrefaçon de la marque « BERLEI » renouvelée le 19 octobre 1994 enregistrée sous le N 1.287.547, dont est titulaire la société COURTAULDS TEXTILES (HOLDING) Limited, Interdit à la société BERLE de faire usage de la dénomination BERLE, sous astreinte de 500 F par infraction constatée, passé un délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt, Condamne la société BERLE à payer à la société COURTAULDS TEXTILES (HOLDING) Limited la somme de 100.000 F à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon, Autorise la société COURTAULDS TEXTILES (HOLDING) Limited à faire publier le dispositif du présent arrêt en entier ou par extraits dans deux journaux ou revues de son choix, aux frais de la société BERLE, sans que ceux-ci puissent excéder la somme de 40.000 F H.T. à sa charge, Rejette le surplus des demandes, Condamne la société BERLE à payer à chacune des sociétés intimées la somme de 30.000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, Condamne la société BERLE aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

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