Cour d'appel de Paris, 4e chambre section b, 28 mars 2003

  • Concurrence déloyale à l'égard du licencié exclusif·
  • Consentement du titulaire·
  • Détournement de clientèle·
  • Épuisement des droits·
  • Professionnel averti·
  • Trouble commercial·
  • Contrefaçon·
  • Importation·
  • Exception·
  • Tolérance

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch. sect. b, 28 mars 2003
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Publication : Propriété industrielle, 10, octobre 2003, p. 31-32, note de Joanna Schmidt-Szalewski ;
Décision(s) liée(s) :
  • TGI Paris, 18 mai 2001
  • 2000/06746
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : LEVI'S ; 501
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1714281 ; 1243900 ; 1246583
Classification internationale des marques : CL25; CL26
Référence INPI : M20030202
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE LEVI STRAUSS & Co est titulaire des marques suivantes :

-L EVI’S enregistrée sous le n° 1 714 281 pour désigner des produits compris en classes 25 et 26, renouvelée en dernier lieu le 27 août 2001,
- 501, enregistrée sous le n° 1 243 900, renouvelée en dernier lieu le 19 mai 1993, pour désigner des produits de la classe 25,
- LEVI’S, enregistrée sous le n° 1 246 583, marque semi-figurative, désignant également des vêtements, produits de la classe 25, renouvelée en dernier lieu le 19 mai 1993. LEVI’S S CONTINENTAL est bénéficiaire d’une licence exclusive d’exploitation de ces marques en France, selon contrat du 1er décembre 1988 inscrit au registre national des marques le 27 mai 1991. LEVI STRAUSS & CO, ayant appris qu’EUROFASHION offrait à la vente des jeans « LEVI’S » importés des Etats Unis et du Mexique et mis dans le commerce, selon elle, sans son autorisation, a fait pratiquer une saisie contrefaçon dans les locaux de cette société le 5 avril 2000, et l’a fait assigner en contrefaçon de marques ; LEVI STRAUSS CONTINENTAL s’était jointe à LEVI STRAUSS & CO, sur le fondement de la concurrence déloyale. Elles réclamaient, outre des mesures d’interdiction, de confiscation et de publication, paiement de dommages et intérêts (400 000 francs pour la contrefaçon, 500 000 francs au titre de la concurrence déloyale), ainsi que paiement de la somme de 30 000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. EUROFASHION avait conclu au rejet des demandes, faisant valoir que les produits en litige étaient des produits authentiques mis dans le commerce sur le territoire européen avec l’accord tacite de LEVI STRAUSS & CO, et à titre subsidiaire, que LEVI STRAUSS & CO, en créant un réseau de distribution sélective, avait violé les dispositions de l’article 81 du traité de Rome et de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986. Elle demandait paiement d’une somme de 300 000 francs pour procédure abusive et de 50 000 francs par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Par le jugement déféré, le tribunal a :

- dit qu’en offrant à la vente et en vendant des jeans revêtus des marques n° 1 243 000, 1 714 281, 1 246 583, importés des Etats-Unis sans l’autorisation de LEVI STRAUSS & CO qui en est titulaire, EUROFASHION a commis des actes de contrefaçon au préjudice de LEVI STRAUSS & CO et des actes de concurrence déloyale au préjudice de LEVI STRAUSS CONTINENTAL,
- interdit à EUROFASHION la poursuite de tels agissements sous astreinte de 1000 francs par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
- condamné EUROFASHION à verser à titre de dommages et intérêts la somme de 60 000 francs à LEVI STRAUSS & CO et celle de 250 000 francs à LEVI STRAUSS

CONTINENTAL ou leur contre-valeur en euros,
- autorisé les demanderesses à faire publier le dispositif aux frais d’EUROFASHION dans trois journaux ou revues de leur choix sans que le coût global de ces insertions n’excède la somme de 60 000 francs,
- débouté EUROFASHION de sa demande reconventionnelle,
- ordonné l’exécution provisoire de la mesure d’interdiction,
- condamné EUROFASHION à verser à chacune des demanderesses la somme de 9000 francs ou sa contre-valeur en euros, sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. EUROFASHION, appelante, par ses dernières écritures du 6 février 2003, demande à la cour de :

- vu notamment les articles L. 713-4 du CPI, L. 420-1 du Code de commerce,
- constater que LEVI STRAUSS & CO titulaire des trois marques invoquées a mis « dans le commerce, dans la Communauté Economique Européenne ou de l’espace Economique Européen, les articles litigieux revêtus de l’une ou l’autre des marques, avec son consentement tacite et défait antérieurement à la saisie contrefaçon pratiquée au détriment d’EUROFASHION, sans la moindre mise en demeure préalable, des articles prétendument contrefaits qui ont été acquis régulièrement », en conséquence,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter les sociétés LEVI STRAUSS de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- à titre subsidiaire, si la cour confirmait le jugement sur la commission d’actes de contrefaçon et de concurrence déloyale,
- constater que les intimées sont à l’origine du préjudice invoqué,
- à défaut, dire que la preuve des préjudices comme celle du quantum des réparations sollicitées ne sont pas rapportées,
- en conséquence,
- débouter les intimées de toutes leurs demandes aux fins d’indemnisation,
- vu l’appel du jugement rendu par le JEX le 12 février 2002, pendant devant la 8e chambre B de la Cour,
- débouter les intimées de leur demande de confiscation,
- débouter les intimées de leur demande de publication de l’arrêt à intervenir dans 2 autres journaux, en tout état de cause,
- débouter les intimées de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- les condamner au paiement de la somme de 4573, 47 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Les sociétés LEVI STRAUSS, par leurs dernières écritures du 13 février 2003, prient la cour de :

- confirmer le jugement sur le principe de condamnation en contrefaçon et concurrence déloyale et des mesures d’interdiction,
- l’infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau,
- débouter EUROFASHION de son appel et de l’ensemble de ses demandes, fins et

conclusions,
- lui interdire de mettre dans le commerce, sans le consentement de LEVI STRAUSS & CO, sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 762, 25 euros par infraction commise à compter de la signification de l’arrêt,
- la condamner à payer à LEVI STRAUSS & CO la somme de 60 979, 61 euros en raison de l’atteinte portée à ses marques et de la perte de redevances qu’elle a subie,
- la condamner à verser à LEVI STRAUSS CONTINENTAL la somme de 76 224, 51 euros à titre de réparation des actes de concurrence déloyale,
- ordonner la remise de tous les articles contrefaisants aux sociétés intimées en vue de leur réexpédition aux Etats Unis aux frais exclusifs d’EUROFASHION et ce, sous astreinte définitive de 762, 25 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt,
- dire que la cour se réservera la liquidation des astreintes ordonnées,
- ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues français ou étrangers, au choix des sociétés intimées et aux frais exclusifs d’EUROFASHION à concurrence de 3811, 23 euros hors taxes par insertion et ce, au besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires,
- condamner EUROFASHION à verser à chacune des sociétés LEVI STRAUSS la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

DECISION Considérant qu’il est constant que les produits proposés en vente par EUROFASHION sont des produits authentiques LEVI’S acquis par cette société auprès de sociétés française et belge (DENIM UNION et RASIEL) ; Considérant qu’EUROFASHION soutient que, par suite d’un changement de politique de LEVI STRAUSS & CO, cette dernière a souhaité que les approvisionnements se fassent auprès de sociétés agréées sur le territoire européen et non plus par des commandes passées par des grossistes européens auprès de fabricants hors territoire européen ; Qu’elle estime qu’alors que plusieurs sociétés (notamment des grandes surfaces) avaient été avisées par LEVI STRAUSS de ce changement de politique, elle-même n’en a pas été avertie et qu’elle fait la preuve de ce que LEVI STRAUSS & CO en tolérant durant plusieurs années des importations parallèles a autorisé de telles importations et qu’elle ne pouvait y renoncer, sans la prévenir ; que dans ces conditions, elle ne peut être poursuivie en contrefaçon, la renonciation à la tolérance de LEVI STRAUSS & CO ne pouvant avoir d’effet que pour l’avenir ; Qu’elle expose, en outre, que différentes juridictions saisies dans les mêmes conditions ont admis la bonne foi des prétendus contrefacteurs ;

Considérant cela exposé que la limitation prévue par l’article L. 713-4 du CPI au droit de propriété conféré au titulaire d’une marque, suivant lequel ce droit de propriété ne peut s’exercer que jusqu’à première mise dans le commerce du produit dans un Etat membre de l’Espace Economique Européen (EEE) par le titulaire de la marque ou avec son consentement, suppose que le titulaire de la marque ait donné son consentement à l’introduction du stock litigieux sur le territoire de l’EEE ; qu’une autorisation donnée par le titulaire de la marque ne vaut que pour les produits visés et non pas de manière générale ; qu’en outre, c’est à celui qui est poursuivi en contrefaçon de rapporter la preuve de ce que les produits litigieux ont été introduits dans l’EEE avec l’accord du titulaire de la marque ; Considérant que, de ce point de vue, les premiers juges ont, par des motifs pertinents que la cour fait siens, retenu que la tolérance, dans la mesure où aucun texte ne le prévoit, n’était pas créatrice de droits et ne valait pas renonciation du titulaire de la marque de son droit d’agir à rencontre des contrefacteurs ; que le consentement implicite à une commercialisation dans l’EEE de produits mis dans le commerce en dehors de celle-ci ne saurait résulter d’un simple silence du titulaire de la marque, le consentement devant être exprimé d’une manière qui traduise de façon certaine une volonté de renoncer à ce droit, et résulter d’éléments et de circonstances antérieurs, concomitants ou postérieurs à la mise dans le commerce en dehors de l’Espace Economique Européen ; qu’à cet égard, le changement de politique de LEVI STRAUSS, et dont la presse s’est faite largement l’écho dès 1998, soit antérieurement aux actes incriminés (la facture la plus ancienne de la livraison des jeans incriminés à EUROFASHION étant datée de février 1999), démontre que LEVI STRAUSS & CO entendait précisément lutter contre les réseaux d’importation parallèles ; qu’EUROFASHION, qui n’avait, au surplus, aucune relation commerciale directe avec les sociétés LEVI STRAUSS n’avait pas à être mise en demeure par le titulaire de la marque avant d’être poursuivre en contrefaçon ; qu’EUROFASHION ne rapporte pas la preuve de l’autorisation de commercialisation dans l’EEE des jeans incriminés ; Qu’il convient, en outre, de relever qu’EUROFASHION, dont l’activité concerne la vente de vêtements est, en ce domaine, particulièrement avisée, et ne pouvait ignorer, compte tenu des informations transmises dans la presse, la nouvelle politique de LEVI STRAUSS et aurait dû, à tout le moins, s’assurer auprès de ses fournisseurs établis sur le territoire de l’EEE de ce qu’ils avaient reçu l’autorisation du titulaire de la marque ; qu’enfin les décisions judiciaires rendues en faveur de sociétés autres que celle actuellement poursuivie n’ont pas d’incidence sur le présent litige qui est relatif à d’autres parties, dans des circonstances de fait différentes ; Considérant qu’EUROFASHION se réfère également dans le dispositif de ses dernières écritures à l’article L. 420-1 du Code de commerce mais ne développe aucun moyen sur les pratiques anticoncurrentielles des intimées ; qu’il sera relevé, au surplus, que LEVI STRAUSS & CO n’agit en contrefaçon qu’en raison du droit exclusif qui lui est conféré par l’article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle, une telle exclusivité étant compatible avec le droit de la concurrence ;

Considérant que le jugement sera, en conséquence, confirmé sur le principe de condamnation en contrefaçon, dès lors qu’il n’est pas démontré que les produits ont été introduits sur le territoire de l’EEE avec l’accord du titulaire de la marque, et en concurrence déloyale, à l’égard de LEVI STRAUSS CONTINENTAL qui, titulaire d’un contrat de licence exclusive portant sur les marques opposées, commercialise les jeans en France, la vente de produits authentiques non autorisés détournant la clientèle des produits destinés au marché français et lui causant ainsi un trouble commercial illicite ; Considérant sur les mesures réparatrices que les parties demandent toutes deux la modification de la décision ; qu’alors qu’EUROFASHION soutient que le préjudice retenu par les premiers juges est excessif, les sociétés LEVI STRAUSS estiment au contraire que leur préjudice n’a pas été suffisamment pris en compte, LEVI STRAUSS & CO faisant notamment valoir qu’il n’a pas été tenu compte du préjudice lié à la perte des redevances de licence ; Considérant qu’il convient de rappeler que la saisie contrefaçon a mis en évidence que EUROFASHION avait passé commande de 1523 jeans (facture du 25 février 1999) et de 1000 jeans (facture du 2 mars 2000) et que se trouvait dans les locaux un stock de 2300 jeans ; Considérant que, compte tenu de ces éléments tenant à une quantité importante de jeans encore en stock dans les locaux de’EUROFASHION, la cour relève que le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice subi par les sociétés LEVI STRAUSS, aucune des parties n’apportant des éléments nouveaux de nature à modifier le montant des dommages et intérêts ; que le jugement sera confirmé de ce chef ; Considérant que les sociétés intimées réitèrent leur demande de confiscation en faisant notamment valoir qu’EUROFASHION a, après le jugement, continué à proposer à la vente les produits litigieux, ce qui a entraîné une procédure devant le JEX pour obtenir paiement de l’astreinte, procédure en cours en appel ; Considérant que la cour fera droit à cette demande dans les termes du dispositif ci- dessous énoncé pour éviter toute diffusion du stock litigieux sur le marché français ; Considérant que les mesures d’interdiction sous astreinte et de publication seront confirmées, rien ne justifiant une modification du montant de l’astreinte et du montant des publications à la charge d’EUROFASHION ; qu’il sera seulement précisé que les mesures de publication tiendront compte du présent arrêt ; Considérant qu’il n’est pas utile que la cour se réserve la liquidation de l’astreinte ; Considérant que l’équité commande d’allouer aux sociétés intimées une somme globale de 2500 euros au titre des frais complémentaires d’appel non compris dans les dépens ; que la demande formée à ce titre par EUROFASHION qui succombe sera rejetée ; PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf sur la mesure de confiscation ; Le réformant de ce chef, statuant à nouveau et ajoutant ; Ordonne à la société EUROFASHION de remettre entre les mains des intimées, en présence d’un huissier, le stock de jeans contrefaisant se trouvant encore dans ses locaux, ce dans le délai d’un mois de la signification du présent jugement ; Dit que les publications ordonnées tiendront compte du présent arrêt ; Condamne la société EUROFASHION à payer aux sociétés LEVI STRAUSS & CO et LEVI STRAUSS CONTINENTAL la somme complémentaire de 2500 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société EUROFASHION aux entiers dépens ; Autorise la SCP BERNABE CHARDIN CHEVILLER, avoué, à recouvrer les dépens d’appel conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 4e chambre section b, 28 mars 2003