Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 12 janvier 2005, n° 2003/13047

  • Aggravation du préjudice résultant de la contrefaçon·
  • Circuits de distribution identiques ou similaires·
  • Reproduction des caractéristiques protégeables·
  • Quantité importante des produits incriminés·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Faits distincts des actes de contrefaçon·
  • Impression visuelle d'ensemble identique·
  • Protection au titre du droit d'auteur·
  • Titularité des droits sur le modèle·
  • Imitation de la gamme de produits

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Ne saurait bénéficier de la protection au titre du droit des dessins et modèles un modèle de pull dont le revers des poignets, qui, au demeurant, n’est pas visible sur le certificat de dépôt, constitue un détail insignifiant ne permettant pas de le différencier des antériorités retenues. En revanche, peut bénéficier de cette protection un modèle constitué de la combinaison d’une torsade – motif d’agrément connu pour un pull – et d’un pull à col roulé d’une texture différente, combinaison qui ne se retrouve dans aucun vêtement antérieur. La contrefaçon est établie dès lors qu’est reproduit, selon la même combinaison, l’ensemble des éléments qui confèrent au modèle son originalité et sa nouveauté, la seule différence, qui réside dans l’épaisseur de la torsade, étant sans effet sur la contrefaçon à défaut d’affecter l’impression d’ensemble et l’aspect esthétique qui s’en dégage. Aux termes d’un protocole d’accord conclu avant l’ouverture de la procédure judiciaire, les sociétés défenderesses s’engageaient à ne pas copier les produits commercialisés par la société demanderesse. Il s’avère qu’outre le modèle contrefait, les défenderesses ont également reproduit les caractéristiques du modèle non protégeable. Dès lors, en mettant en vente des articles reproduisant ces deux modèles, moins de trois mois après la conclusion du protocole d’accord, les défenderesses ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 12 janv. 2005, n° 03/13047
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2003/13047
Publication : PIBD 2005, 808, IIID-326
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 26 juin 2003, N° 2002/07220
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de commerce de Paris, 27 juin 2003
  • 2002/07220
  • Cour de cassation, 23 janvier 2007
  • 2005/13189
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 006031 ; 004880
Classification internationale des dessins et modèles : CL02-02
Référence INPI : D20050007
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS 4e Chambre – Section A ARRET DU 12 JANVIER 2005 (n° ,13 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 03/13047

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2003 Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2002/07220

APPELANTES S.A. SOCIETE CAMAÏEU ayant son siège […] 59100 ROUBAIX représenté par son Président du Directoire domicilié audit siège représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour assistée de Me A. P avocat au barreau de PARIS, toque : K 24 plaidant pour S Pascal WILHELM,

S.A.S. SOCIETE CAMAÏEU INTERNATIONAL ayant son siège […] 59100 ROUBAIX agissant poursuites et diligences de son Président domicilié audit siège représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour assistée de Me A. P avocat au barreau de PARIS, toque : K 24 plaidant pour S Pascal WILHELM,

STE CAMAÏEU INTERNATIONAL ayant son siège […] 75006 PARIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour assistée de Me A. P avocat au barreau de PARIS, toque : K 24 plaidant pour S Pascal WILHELM,

STE CAMAÏEU INTERNATIONAL ayant son siège […] 75006 PARIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour assistée de Me A. P avocat au barreau de PARIS, toque : K 24 plaidant pour S Pascal WILHELM,

STE CAMAÏEU INTERNATIONAL ayant son siège […] 75009 PARIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour assistée de Me A. P avocat au barreau Je PARIS, toque : K 24 plaidant pour S Pascal WILHELM,

STE CAMAÏEU INTERNATIONAL ayant son siège Forum des Halles Porte Pierre Lescot 3e niveau 75001 PARIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour assistée de Me A. P avocat au barreau de PARIS, toque : K 24 plaidant pour S Pascal WILHELM, INTIMEES

S.A. SOCIETE CREATIONS NELSON exerçant sous l’enseigne COMPTOIR DES COTONNIERS ayant son siège […] 75116 PARIS prise en la personne de ses représentants légaux représentée par la SCP NARRAT – PEYTAVI, avoués à la Cour assistée de Me Philippe B, avocat au barreau de PARIS, toque : E 804

S.A. SOCIETE MONTRICO ayant son siège 1 […] 42300 ROANNE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège représentée par Me Michel BLIN, avoué à la Cour assistée de Me C. T, avocat au barreau de Lyon, substituant Me F. R plaidant pour SELAFA MAGELLAN

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 786 du nouveau code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 novembre 2004, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie- Gabrielle MAGUEUR, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur CARRE-PIERRAT, président Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, conseiller Madame Dominique ROSENTHAL-ROLLAND, conseiller qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame Jacqueline VIGNAL

ARRET:
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Monsieur Alain C PIERRAT, président
- signé par Nous, Alain CARRE-PIERRAT, président et par Nous Jacqueline VIGNAL, greffier présent lors du prononcé.

Vu l’appel interjeté par la société CAMAÏEU SA et la société CAMAÏEU INTERNATIONAL du jugement rendu le 27 juin 2003 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

- sursis à statuer sur le modèle BADI dans l’attente de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris,
- débouté la société CREATIONS NELSON, exploitant sous l’enseigne COMPTOIR DES COTONNIERS, de toutes ses demandes relatives au modèle « DANLOUX »,
- dit que le modèle "MESANGE]' est une copie servile du modèle DRAP,
- interdit aux sociétés CAMAÏEU et MONTRICO de détenir ou vendre le modèle « MESANGE » sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, à compter du lendemain de la signification du jugement,
- condamné les sociétés CAMAÏEU et CAMAÏEU INTERNATIONAL à garantir la société MONTRICO de toutes condamnations financières,
- condamné solidairement les sociétés CAMAÏEU, CAMAÏEU INTERNATIONAL et MONTRICO à payer à la société CREATIONS NELSON : * 30.000 euros au titre de la contrefaçon, * 1.500 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné solidairement les sociétés CAMAÏEU à verser à la société CREATIONS NELSON la somme de 60.000 euros au titre de la concurrence déloyale,
- ordonné la publication du jugement dans trois journaux au choix de la société CREATIONS NELSON et aux frais des sociétés défenderesses dans la limite de 2.000 euros HT par insertion,
- condamné solidairement les sociétés défenderesses aux dépens ; Vu les dernières écritures signifiées le 15 novembre 2004 par lesquelles la société CAMAÏEU et la société CAMAÏEU INTERNATIONAL, poursuivant l’infirmation du jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la société CREATIONS NELSON de ses demandes relatives au modèle « DANLOUX », demandent à la Cour de : * à titre principal

— déclarer irrecevable les demandes formées à rencontre de la société CAMAÏEU SA,
- déclarer irrecevables et mal fondées les demandes de la société CREATIONS NELSON au titre du modèle « BADI »,
- dire que le dépôt du dessin « DRAP », le 23 août 2000, auprès de l’INPI sous le N°004880, est nul et de nul effet,
- dire la société CRÉATIONS NELSON mal fondée en son action en contrefaçon du modèle « DRAP » et l’en débouter,
- dire que l’action en concurrence déloyale au titre du modèle « DRAP » n’est établie par aucun fait distinct, la dire mal fondée et débouter la société CREATIONS NELSON de ce chef, * à titre subsidiaire
- dire que le modèle « BADI » est dépourvu d’originalité et non protégeable au titre du droit d’auteur,
- dire la société CREATIONS NELSON mal fondée en son action en contrefaçon du modèle « BADI » et l’en débouter,
- constater que le préjudice allégué par la société CREATIONS NELSON au titre de la contrefaçon des modèles « DRAP », « DANLOUX » et « BADI » et de la concurrence déloyale n’est démontré ni dans son principe, ni dans son quantum,
- condamner la société CREATIONS NELSON à leur verser chacune la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 5 novembre 2004 aux ternies desquelles la société MONTRICO demande à la Cour de : * à titre principal
- déclarer irrecevable l’action en contrefaçon de la société CREATIONS NELSON à son encontre,
- dire que la concurrence déloyale et parasitaire invoquée à son encontre n’est établie par aucun fait distinct,
- débouter la société CREATIONS NELSON de l’ensemble de ses demandes, * à titre subsidiaire
- dire que les sociétés CAMAÏEU et CAMAÏEU INTERNATIONAL doivent la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, * à titre reconventionnel
- condamner la société CREATIONS NELSON à lui verser la somme de 470.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures signifiées le 10 novembre 2004 par lesquelles la société CREATIONS NELSON sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a déclaré le modèle « MESANGE » contrefaisant et constituant une copie servile du modèle « DRAP », sur les mesures d’interdiction, de publication et les condamnations prononcées, et son infirmation pour le surplus, demandant à la Cour de : * à titre principal
- dire que les sociétés CAMAÏEU, CAMAÏEU INTERNATIONAL et MONTRICO se sont rendues coupables de : * contrefaçon des droits d’auteur lui appartenant relatifs au modèle « BADI », * contrefaçon des droits de propriété lui appartenant relatifs aux droits d’auteur et aux dessins « DANLOUX » et « DRAP »,
- dire qu’il existe des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire dans la mesure où il y a utilisation de la notoriété d’autrui à des fins commerciales,
- condamner in solidum les sociétés CAMAÏEU, CAMAÏEU INTERNATIONAL et MONTRICO à lui verser les sommes supplémentaires suivantes : * 1.420.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la contrefaçon, compte tenu notamment des marges pratiquées par les intimées et du nombre d’articles contrefaisants, * 1.190.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la concurrence déloyale et parasitaire,
- ordonner la parution de l’arrêt à intervenir dans 7 journaux de son choix, aux frais des appelantes dans la limite de 3.000 euros par insertion,
- condamner les intimées in solidum à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

à titre subsidiaire
- condamner les sociétés CAMAÏEU aux mêmes sommes sur le fondement des articles 1142 et 1147 du Code civil, du fait de la violation des termes du protocole d’accord signé entre les parties le 19 novembre 2001 ; SUR CE, LA COUR Considérant que la société CREATIONS NELSON, exerçant sous l’enseigne COMPTOIR DES COTONNIERS, invoque des droits de propriété intellectuelle sur les trois modèles suivants :

- un tee-shirt dénommé « BADI » qui a fait l’objet d’un dépôt sous la forme d’une enveloppe SOLEAU N° 61233 201299, du 23 décembre 19 99,
- un pull dénomma « DANLOUX », déposé à l’INPI, le 12 octobre 2000, enregistré sous le N°00 6031,
- un tee-shirt dénommé « DRAP », déposé à l’INPI le 23 août 2000, enregistré sous le N°00 4880. Que reprochant aux sociétés CAMAÏEU et CAMAÏEU INTERNATIONAL d’offrir à la vente des produits reprenant les caractéristiques de ces trois modèles, la société CREATIONS NELSON a fait pratiquer des saisies contrefaçon les 27 décembre 2001, 7 janvier 2002 et 5 février 2002 dans des magasins à l’enseigne

CAMAÏEU, aux sièges sociaux des sociétés CAMAÏEU à Roubaix, et le 3 janvier 2002 dans les locaux de la société MONTRICO à Roanne ; qu’au vu des renseignements ainsi recueillis, elle les a assignées en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire ;

- Sur la recevabilité des demandes de la société CREATIONS NELSON au titre du modèle « BADI » Considérant que les premiers juges ont sursis à statuer jusqu’à une décision définitive sur le caractère protégeable du modèle « BADI » ; que l’arrêt de la Cour d’appel de Paris a été rendu le 12 décembre 2003 ; Considérant que la société CREATIONS NELSON, se fondant sur les dispositions de l’article 568 du nouveau Code de procédure civile, estime qu’il est de l’intérêt d’une bonne justice de donner une solution définitive au litige en évoquant les demandes relatives au modèle « BADI » ; Mais considérant que les sociétés CAMAÏEU soulèvent à bon droit l’irrecevabilité des demandes formées par la société CREATIONS NELSON au titre de ce modèle ; qu’en effet, d’une part, la Cour n’est saisie de l’appel ni d’un jugement ayant ordonné une mesure d’instruction, ni d’un jugement qui, statuant sur une exception de procédure, avait mis fin à l’instance, comme le prévoit l’article 568 du nouveau Code de procédure civile et d’autre part, il ne s’agit pas d’un jugement de sursis à statuer entrant dans le champ d’application de l’article 380 du nouveau Code de procédure civile ;

Qu’il s’ensuit que les demandes relatives au modèle « BADI » doivent être déclarées irrecevables ; - Sur la recevabilité des demandes formées à rencontre de la société CAMAÏEU Considérant que les appelantes soulèvent l’irrecevabilité des demandes formées à l’encontre de la société CAMAÏEU au motif que société holding, elle n’exerce aucune activité commerciale et ne joue aucun rôle dans la fabrication et la commercialisation des modèles ; Mais considérant que la société CREATIONS NELSON fonde à titre subsidiaire son action sur la violation du protocole d’accord du 19 novembre 2001 conclu entre elle et les sociétés CAMAÏEU SA et CAMAÏEU INTERNATIONAL de sorte qu’elle justifie d’un intérêt à agir à rencontre de la première ; Que ce moyen d’irrecevabilité sera donc rejeté ; - Sur le caractère protégeable du modèle « DANLOUX » Considérant que ce modèle est caractérisé, selon la société CREATIONS NELSON, par un pull corps et manches en fines côtes et grosses côtes pour le col et les

poignets, gros poignets retournés ; que le dessin joint au certificat de dépôt fait apparaître en outre un léger cintrage du pull ; Considérant que pour contester la nouveauté et l’originalité de ce modèle, les sociétés CAMAÏEU produisent les catalogues 3 SUISSES 96-97 et LA REDOUTE 97-98, des extraits des catalogues de tendance de la société PECLERS plus particulièrement celui printemps/été 1995, deux photographies du modèle de pull de Yohji YAMAMOTO créé en 1998, un modèle de pull Balenciaga daté d’avril 1998 et un modèle déposé à l’INPI le 17 septembre 1998 ; Considérant que si les pulls présentés sur les catalogues de vente par correspondance des sociétés LA REDOUTE et LES 3 SUISSES sont amples de sorte que la forme ajustée à la taille du modèle revendiqué n’est pas divulguée, le pull en cachemire du couturier Yohji YAMAMOTO, illustrant la couverture du magazine ELLE daté du 9 novembre 1998, et celui diffusé sous le nom BALENCIAGA présenté dans l’Officiel Guide des collections hiver 98-99, comportent ses caractéristiques ; qu’ainsi, se retrouvent dans chacun de ces deux modèles dont la forme est cintrée, le contraste entre la maille fine du corps et des manches et les grosses côtes du col roulé et des poignets ; que la société CREATIONS NELSON prétend à tort que sur ces deux modèles, les poignets ne sont pas retournés, la longueur excessive des bords côtelés des manches, qui recouvrent presque entièrement les mains des mannequins, permettant leur revers ; Qu’elle fait valoir vainement que le dos du pull n’est pas visible sur les photographies alors que son propre modèle n’est présenté que de face et qu’elle ne revendique pas une forme particulière du dos ; qu’en tout état de cause, ce simple revers des poignets, qui au demeurant n’est pas visible sur le certificat de dépôt, constitue un détail insignifiant qui ne permet pas de le différencier des deux antériorités retenues ;

Que le modèle dénommé « DANLOUX » ne revêt donc pas le caractère de nouveauté requis pour bénéficier de la protection au titre du livre V ; que le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point ; Qu’il ne porte pas davantage l’empreinte de la personnalité de son créateur de sorte qu’il n’est pas protégeable au titre du droit d’auteur ;

- Sur le caractère protégeable du modèle "DRAP' Considérant que la société CREATIONS NELSON caractérise le modèle « DRAP », intitulé « tee-shirt » sur le certificat de dépôt, dans les termes suivants : "un petit pull avec manches longues, les manches longues et le corps du pull sont en maille fine tandis que les poignets et col roulé sont en grosses côtes tricotées. Sur le devant du pull en son milieu, une grosse torsade en maille a été découpée et appliquée" ; Considérant que la société MONTRICO prétend que la société CREATIONS NELSON ne justifie pas être titulaire des droits sur ce modèle ; Mais considérant qu’il ressort d’une attestation établie par Georgette E, styliste, datée du 28 janvier 2002 que celle-ci a cédé ses droits d’auteur sur le modèle dénommé

« DRAP » à la société CREATIONS NELSON dont elle est la directrice de création ; que la société MONTRICO, tiers à l’acte de cession, est irrecevable à se prévaloir de l’inobservation des conditions de forme prévues par l’article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle ; qu’en outre, ce modèle a été divulgué sous le nom de la société CREATIONS NELSON dans le catalogue « COMPTOIR DES COTONNIERS » collection hiver 2000-2001 de sorte qu’elle est présumée être titulaire des droits de propriété incorporelle sur ce modèle ; Considérant que les sociétés CAMAÏEU et MONTRICO invoquent la banalité de ce modèle faisant valoir que :

- le motif de torsade est une constante des articles vestimentaires en maille,
- l’application d’une torsade unique sur un pull apparaît sur le catalogue LA REDOUTE 97- 98,
- ce motif résulte de l’application du procédé technique mis en oeuvre par les machines à tricoter STOLL en 1998 ; Mais considérant que si la torsade est un motif d’agrément de pull connu, la combinaison de cette torsade unique, épaisse, appliquée sur le milieu à l’avant du tee-shirt pour remonter jusqu’au col roulé, qui contraste avec la maille fine du corps et des manches, et du bord à grosses côtes repliées des poignets, ne se retrouve telle quelle dans aucun des articles vestimentaires antérieurs ; qu’en effet, aucun des modèles présentés sur les catalogues produits aux débats ne comporte une torsade unique, épaisse, appliquée, comme en surimpression, sur le corps d’un pull d’une texture différente ; que le fait que la machine à tricoter STOLL permette de réaliser facilement des torsades est inopérant, la nouveauté du modèle ne résultant pas du choix de ce motif mais de son agencement inédit sur le tee-shirt, dans une matière en opposition avec lui ; Que ce modèle doit donc bénéficier de la protection des dessins et modèles prévue par le livre V du Code de la propriété intellectuelle ;

Considérant que le modèle dénommé « DRAP », par les caractéristiques ci-dessus décrites, résulte d’un processus créatif qui porte bien l’empreinte de la personnalité de son auteur et constitue en conséquence une oeuvre protégeable par le droit d’auteur ;

- Sur la contrefaçon du modèle « DRAP » par le modèle "MESANGE' * Sur la validité des saisies contrefaçon du 27 décembre 2001 Considérant que la société MONTRICO soulève la nullité des 4 procès-verbaux de saisie contrefaçon dressés le 27 décembre 2001 au motif que le nom de l’huissier instrumentaire n’est pas précisé ; Mais considérant que s’il est mentionné en tête des procès-verbaux de saisie contrefaçon « Nous, société civile professionnelle Olivier JOURDAIN et Frédéric DUBOIS, huissiers de justice associés.. », la signification de l’acte comporte le nom de l’huissier instrumentaire, Olivier J, et sa signature de sorte que celui-ci est bien identifiable ;

Que ce moyen d’irrecevabilité sera donc rejeté ; * Sur la validité des saisies contrefaçon des 3 janvier et 5 février 2002 Considérant que la société MONTRICO conteste la validité de ces opérations de saisie au motif qu’elle n’a pas été en mesure d’exercer les voies de recours prévues par l’article L.332-2 du Code de la propriété intellectuelle, faute de mention de ce texte sur l’acte de signification de l’ordonnance sur requête ; Mais considérant que le défaut de mention de cette voie de rétractation de l’ordonnance sur requête ne constitue pas en soi une cause de nullité de la saisie dès lors que l’absence de recours en rétractation ne prive pas le saisi de la faculté de contester au fond la validité de la saisie ; Qu’en outre, la société MONTRICO ne justifie pas du grief que lui a causé cette omission s’agissant d’une saisie descriptive et non d’une saisie réelle ; Que l’exception de nullité sera donc rejetée ; * Sur la contrefaçon Considérant que les sociétés CAMAÏEU contestent le grief de contrefaçon relevant que le modèle « MESANGE » comporte trois petites torsades parallèles qui ne se touchent pas alors que le modèle « DRAP » est orné de six petites torsades elles-mêmes torsadées pour former une grosse torsade, et que la torsade de ce dernier apparaît en relief contrairement à celle du premier ;

Mais considérant que le modèle dénommé « MESANGE » fabriqué par la société MONTRICO et commercialisé par la société CAMAÏEU reproduit selon la même combinaison l’ensemble des éléments qui confèrent au modèle « DRAP » son originalité et sa nouveauté, à savoir le contraste de matières entre la maille fine du corps du tee-shirt et des manches, les grosses côtes du col roulé et des poignets, ainsi que l’application sur le devant du tee-shirt en son milieu d’une torsade épaisse ; que la seule différence entre les deux vêtements qui réside dans l’épaisseur de la torsade, est sans effet sur la contrefaçon, à défaut d’affecter l’impression d’ensemble et l’aspect esthétique qui s’en dégage ; Que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a retenu que le modèle dénommé « MESANGE » constitue la contrefaçon du modèle « DRAP » ;

- Sur la concurrence déloyale et parasitaire Considérant que la société CREATIONS NELSON reproche aux sociétés CAMAÏEU et MONTRICO d’avoir commis des faits de concurrence déloyale distincts de la contrefaçon, en ce que les modèles incriminés constituent la copie servile de ses propres modèles, qu’ils sont vendus à des prix inférieurs, en plusieurs coloris

identiques pour créer un effet de gamme, dans un réseau de boutiques rappelant sa propre organisation, et d’avoir détourné sa notoriété et son image de marque ; Mais considérant que si les deux premiers griefs sont susceptibles d’aggraver le préjudice résultant de la contrefaçon, laquelle se définit comme la reproduction intégrale ou partielle d’une oeuvre, ils ne constituent pas des faits distincts de concurrence déloyale ; qu’il n’est ni démontré, ni même allégué que les prix pratiqués seraient vils ou que les ventes seraient réalisées à perte ; Considérant qu’il ressort du procès-verbal de saisie contrefaçon du 5 février 2002 que le modèle « MESANGE » est commercialisé dans les coloris noir et vert kaki alors que le modèle DRAP de la société CREATIONS NELSON est vendu en coloris prune, écru, camel et noir de sorte que l’effet de gamme reproché n’est pas caractérisé, le choix de la couleur noire étant extrêmement banal ; Considérant que le fait de vendre ses produits dans un réseau de boutiques ne saurait davantage traduire un comportement déloyal ; Qu’enfin, la société CREATIONS NELSON ne démontre pas que ce modèle, par la publicité qui en était faite, constituait l’un des produits phares de sa collection, et l’identifiait aux yeux du public de sorte que les sociétés CAMAÏEU et MONTRICO auraient cherché, en l’imitant, à détourner sa clientèle et à tirer profit du succès rencontré par ce produit ; Qu’il s’ensuit que la société CREATIONS NELSON sera déboutée de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

- Sur la violation par les sociétés CAMAÏEU du protocole d’accord du 19 novembre 2001 Considérant que la société CREATIONS NELSON soutient que les sociétés CAMAÏEU ont contrevenu au protocole d’accord du 19 novembre 2001 aux termes duquel elles s’étaient engagées à ne pas copier les produits commercialisés par elle sous la marque COMPTOIR DES COTONNIERS ; Que les sociétés CAMAÏEU répliquent que la société CREATIONS NELSON est irrecevable à agir pour les mêmes faits sur le fondement de la responsabilité délictuelle et contractuelle, que les commandes de produits litigieux ont été passées antérieurement à la signature du protocole et qu’il ne s’agit que d’un engagement moral ; Considérant qu’aux termes de l’article 1.4 du protocole d’accord conclu le 19 novembre 2001 entre, d’une part, les sociétés CAMAÏEU, d’autre part, la société CREATIONS NELSON, la société CAMAÏEU INTERNATIONAL prend l’engagement, en tant que de besoin, de ne pas copier les produits commercialisés par CREATIONS NELSON, sous la marque COMPTOIR DES COTONNIERS ou tout autre marque qu’elle commercialise, II est précisé que l’engagement visé au paragraphe précédent constitue un engagement exclusivement moral, dont tout éventuel manquement ne saurait être considéré comme une inexécution des termes du présent protocole ;

Considérant que ce grief étant invoqué à titre subsidiaire par la société CREATIONS NELSON, celle-ci est recevable à agir relativement à la reproduction du modèle DANLOUX ; Considérant que la société CAMAÏEU fait valoir vainement que les commandes de produits litigieux ont été passées antérieurement à la signature du protocole alors qu’il ressort des saisies contrefaçon que les modèles litigieux ont été offerts en vente après la conclusion de cet accord ; Considérant qu’outre le modèle DRAP, il ressort des procès-verbaux de saisie contrefaçon que les sociétés CAMAÏEU ont reproduit les caractéristiques du modèle DANLOUX de la société CREATIONS NELSON dans le modèle dénommé « GLACE » ; Que les différences relevées par les sociétés CAMAÏEU tenant à la dimension des poignets retournés et à la couture des poignets l’un sur l’autre est sans influence sur l’impression d’ensemble identique qui se dégage de l’examen comparatif des deux modèles auquel la Cour s’est livrée ; Qu’en mettant en vente deux articles reproduisant les caractéristiques de deux modèles de la collection de la société CREATIONS NELSON, moins de trois mois après la conclusion du protocole d’accord susvisé, les sociétés CAMAÏEU ont commis une faute au préjudice de la société intimée de nature à engager leur responsabilité ;

- Sur les mesures réparatrices Considérant qu’il ressort des éléments comptables recueillis au cours des opérations de saisies contrefaçon du 5 février 2002 que le modèle dénommé MESANGE a été vendu à 5.900 exemplaires au prix unitaire de 27,29 euros et le modèle GLACE à 18.050 pièces au prix unitaire de 30,34 euros ; Considérant que la mise sur le marché d’un volume important des modèles MESANGE contrefaisant le modèle DRAP, commercialisés à moindre prix, ne peut avoir pour effet que de le dévaloriser en le banalisant et d’inciter la clientèle à s’en détourner ; que la contrefaçon a privé la société CREATIONS NELSON d’une marge bénéficiaire à laquelle elle pouvait légitimement prétendre sur les ventes manquées ; Que le préjudice résultant pour la société CREATIONS NELSON de ces actes a été exactement indemnisé par les premiers juges par l’allocation d’une indemnité de 30.000 euros ; Considérant qu’outre la vente des modèles contrefaisants, la commercialisation dans les mêmes boutiques à l’enseigne CAMAÏEU d’un autre produit de la même collection, de manière à créer l’effet d’une gamme sous la forme d’une déclinaison de modèles, s’est nécessairement réalisée au détriment de la société CREATIONS NELSON ; que ces actes fautifs ont créé à celle-ci un trouble commercial qui sera entièrement réparé par l’allocation d’une indemnité de 60.000 euros, qui sera mise à la charge exclusive des sociétés CAMAÏEU ; Considérant qu’afin de mettre un terme aux agissements illicites, les mesures d’interdiction et de publication prononcées par les premiers juges doivent être

confirmées, sauf à préciser s’agissant de la publication qu’il sera fait mention du présent arrêt ;

- Sur la demande de garantie de la société MONTRICO Considérant que les sociétés CAMAÏEU ne critiquent pas les dispositions du jugement entrepris qui les ont condamnées à garantir la société MONTRICO de sorte qu’elles ne sont pas soumises à l’examen de la Cour ;

- Sur les autres demandes Considérant que les dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société CREATIONS NELSON, la somme complémentaire de 10.000 euros devant lui être allouée à ce titre ; Que la solution du litige commande de rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société MONTRICO et les demandes fondées sur l’article 700 du nouveau Code de procédure civile tant par celle-ci que par les sociétés CAMAÏEU ;

PAR CES MOTIFS Déclare irrecevable les demandes relatives au modèle dénommé « BADI » formées par la société CREATIONS NELSON,

Rejette l’exception d’irrecevabilité formée par la société CAMAÏEU SA, Rejette les exceptions de nullité des procès-verbaux de saisies contrefaçon soulevées par la société MONTRICO, Confirme le jugement entrepris dans ses dispositions soumises à la Cour sauf en ce qu’il a retenu des actes de concurrence déloyale,

Le réformant sur ce point et statuant à nouveau, Déboute la société CREATIONS NELSON de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

Y ajoutant, Condamne in solidum la société CAMAÏEU SA et la société CAMAÏEU INTERNATIONAL à verser à la société CREATIONS NELSON la somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts à raison de leur comportement fautif,

Dit que la publication fera mention du présent arrêt,

Rejette le surplus des demandes, Condamne in solidum la société MONTRICO, la société CAMAÏEU INTERNATIONAL et la société CAMAÏEU SA à verser à la société CREATIONS NELSON la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne in solidum la société MONTRICO, la société CAMAÏEU INTERNATIONAL et la société CAMAÏEU SA aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 12 janvier 2005, n° 2003/13047