Cour d'appel de Paris, 27 mai 2008

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 27 mai 2008
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision précédente : Autorité des marchés financiers, 28 mars 2007

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

1re Chambre – Section H

ARRÊT DU 27 MAI 2008

(n° 26, 17 pages)

Numéro d’inscription au répertoire AC : 2007/11863

Décision déférée à la Cour : rendue le 29 mars 2007

par l’AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS

DEMANDEURS AU RECOURS :

— M. K A

né le XXX à XXX

de nationalité : Française

actuellement sans emploi

XXX

représenté par la SCP HARDOUIN,

avoué près la cour d’Appel de PARIS

assisté de Maître Claude BENDEL,

AB au barreau de PARIS

toque T 12

XXX

XXX

— M. M C

né le XXX à XXX

de nationalité : Française

profession : Commissaire aux Comptes

demeurant : XXX

représenté par la SCP ARNAUDY BAECHLIN,

avoués associés près la cour d’Appel de PARIS

assisté de Maître Francesca PARINELLO

AB au barreau de PARIS

toque R098

XXX

XXX

— M. O B

né le XXX à XXX

de nationalité : Française

demeurant : XXX

représenté par la SCP LAGOURGUE & OLIVIER,

avoués associés près la cour d’Appel de PARIS

assisté de Maître Pierre CORNUT GENTILLE,

AB au barreau de PARIS

XXX

— M. Q D

né le XXX à XXX

de nationalité : Française

profession : Commissaire aux Comptes

demeurant : XXX

représenté par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY,

avoués associés près la cour d’Appel de PARIS

assisté de Maître Jean THIEFFRY,

AB au barreau de PARIS

Cabinet THIEFFRY & ASSOCIES

XXX

— M. S Y

né le XXX à TOULOUSE

de nationalité : Française

actuellement sans emploi

demeurant : 9, XXX 92100 NEUILLY-SUR-SEINE

représenté par la SCP BERNABE CHARDIN CHEVILLER,

avoués associés près la cour d’Appel de PARIS

assisté de Maître Olivier METZNER,

AB au barreau de PARIS

toque D1596

XXX

— M. U Z

né le XXX à XXX

de nationalité : Française

demeurant : XXX

représenté par la SCP C. BOMMART FORSTER & E. FROMENTIN,

avoués associés près la cour d’Appel de PARIS

assisté de Maître Maurice LANTOURNE,

AB au barreau de PARIS

Fried, X, Harris, XXX

XXX

— La société E AF, S.A.

Prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : XXX

représentée par la SCP BASKAL CHALUT-NATAL,

avoués associés près la cour d’Appel de PARIS

assistée de Maître Jean VEIL,

AB au barreau de PARIS

toque A 53

XXX

EN PRÉSENCE DE :

— M. LE PRESIDENT DE L’AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS

17 place de la bourse

XXX

représenté par Maître Dominique SCHMIDT,

AB au barreau de PARIS

toque G 671

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 avril 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

— Monsieur Didier PIMOULLE, Président

— M. Christian REMENIERAS, Conseiller

— Mme Agnès MOUILLARD, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. AH AI-AJ

MINISTÈRE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. W AA, AB AC, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par M. AH AI-AJ, greffier.

* * * * * *

La société E AF (ci-après E), société anonyme

fondée en 1982 par M. Y et par M. Z et qui a pour activité le conseil en innovation technologique, a été introduite sur le Second marché en 1987 puis transférée sur le Premier Marché d’Euronext Paris en 1998. En 2001 et 2002, cette société était dirigée par M. Y, président du conseil d’administration, ainsi que par M. Z, par M. A et par M. B, directeurs généraux délégués et administrateurs.

Les commissaires aux comptes de la société E étaient alors M. C, associé du cabinet CONCORDE EUROPÉENNE AUDIT FRANCE, et M. D, associé du cabinet ERNST & YOUNG.

Le 30 septembre 2002, le directeur AC de la Commission des opérations de bourse a ouvert une enquête sur l’information financière et le marché du titre E à compter du 31 décembre 2001. Lors de sa séance du 1er juin 2004, après examen du rapport d’enquête, la commission spécialisée du collège de l’AMF a décidé d’adresser une notification de griefs, sur le fondement des articles 1 à 4 du règlement COB n° 98-07 relatif à l’information du public et des articles L.621-14 et L.621-15 du Code monétaire et financier, d’une part à la société E, à M. Y, à M. Z, à M. A et à M. B et, d’autre part, à M. D, et à M. C, tous deux personnellement en charge du dossier E en 2001 et 2002.

Parallèlement, à la suite d’une révélation de faits délictueux faite par les commissaires aux comptes de la société E le 2 décembre 2002, une information judiciaire avait été ouverte le 30 janvier 2003 du chef d’abus de biens sociaux, faux et diffusion de fausses informations de nature à agir sur les cours visant plus particulièrement les comptes d’E pour l’exercice 2001 et le premier semestre 2002.

Après une seconde révélation de faits délictueux intervenue le 7 mai 2003, M. D et M. C ont également été conduits à déposer une plainte avec constitution de partie civile pour délit d’entrave aux fonctions de commissaires aux comptes.

Par décision du 29 mars 2007, la commission des sanctions de l’AMF a décidé de prononcer :

— à l’encontre de la société E, une sanction pécuniaire de 1 500 000 €,

— à l’encontre de M. Y, de M. Z et de M. B une sanction pécuniaire de 100 000 €,

— à l’encontre de M. A, une sanction pécuniaire de 500 000 €,

— à l’encontre de M. D et de M. C, une sanction pécuniaire de 50 000 €.

La commission des sanctions a également décidé de publier sa décision au Bulletin des Annonces Légales Obligatoires ainsi que sur le site Internet et dans la revue mensuelle de l’AMF.

LA COUR

Vu les recours en annulation et subsidiairement en réformation déposés au greffe de la cour, respectivement :

— le 10 juillet 2007 par M. A,

— le 18 juillet 2007 par M D,

— le 20 juillet 2007 par M. C,

— le 25 juillet 2007 par M. Y,

— le 26 juillet 2007 par M. B ,

— le 30 juillet 2007 par M. Z,

— le 27 juillet 2007 par la société E,

Vu le mémoire déposé le 10 juillet 2007 par M. A, soutenu par son mémoire en réplique, déposé le 12 mars 2008 ;

Vu le mémoire déposé le 1er août 2007 par M. D, soutenu par son mémoire en réplique, déposé le 17 mars 2008 ;

Vu le mémoire déposé le 20 juillet 2007 par M. C, soutenu par son mémoire en réplique, déposé le 8 avril 2008 ;

Vu le mémoire déposé le 25 juillet 2007 par M. Y, soutenu par son mémoire en réplique, déposé le 17 mars 2008 ;

Vu le mémoire déposé le 26 juillet 2007 par M. B , soutenu par son mémoire en réplique, déposé le 14 mars 2008 ;

Vu le mémoire déposé le 10 août 2007 par E ;

Vu le mémoire déposé le 30 juillet 2007 par M. Z, soutenu par son mémoire en réplique, déposé le 8 avril 2008 ;

Vu les observations déposées le 30 janvier 2008 par l’AMF tendant au rejet du recours ;

Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties à l’audience ;

Ouï à l’audience publique du 8 avril 2008, en leurs observations orales, les conseils de la société E et de M. Y, de M. Z, de M. A, de M. B, de M. D et de M. C, qui ont été mis en mesure de répliquer, ainsi que le conseil de l’AMF et du ministère public ;

SUR CE,

Sur le moyen d’annulation tiré du défaut de base légale et sur la responsabilité des dirigeants

Considérant que M. Y, M. A et M. Z poursuivent l’annulation de la décision attaquée en prétendant qu’alors qu’ils sont mis en cause en qualité de dirigeants de la société E pour «un manquement (…) relatif à l’obligation d’information du public», les dispositions relatives à la responsabilité des dirigeants ont, après les faits et avant le prononcé de la décision par la commission, été abrogées, puisque l’article 221-1 du règlement AC de l’AMF dans sa rédaction issue de l’arrêté du 4 janvier 2007 ne comportait plus l’alinéa suivant: « les dispositions de la présente section sont également applicables aux dirigeants de l’émetteur, de l’entité ou de la personne morale concernée», et que cet alinéa n’a été rétabli qu’en vertu d’un arrêté du 26 février 2007, sans effet rétroactif ; que le contentieux relatif aux manquements en matière d’information du marché étant soumis au principe de la légalité prévu par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’abrogation du texte fondant l’incrimination doit conduire à l’extinction des poursuites ; que, de son côté, M. B fait valoir qu’en raison de cette abrogation, un manquement à l’obligation d’information résultant de sa qualité de dirigeant ne peut plus lui être imputé et qu’il appartenait à l’AMF d’établir, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, qu’il est personnellement intervenu dans la communication incriminée ;

Mais considérant qu’il résulte de la combinaison des articles L. 621-14 et L. 621-15 du Code monétaire et financier, de l’article 632-1 du règlement AC de l’AMF et de l’article 1er du règlement n° 98-07 de la COB, alors applicable, qu’une sanction pécuniaire peut être prononcée à l’encontre de toute personne, physique ou morale, ayant manqué aux obligations d’information du public définies par ce règlement ;

Que, dès lors, il importe peu, au cas d’espèce, que le règlement AC de l’AMF homologué par l’arrêté ministériel du 4 janvier 2007 ait omis de mentionner que les obligations mises à la charge de l’émetteur s’imposent également aux dirigeants de l’émetteur, de l’entité ou de la personne morale concernée ;

Sur la demande de sursis à statuer

Considérant que la société E demande à la cour de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de l’instruction en cours, dès lors que les faits sur lesquels elle porte sont identiques à ceux qui ont été soumis à la commission des sanctions, le dossier examiné par celle-ci comportant de surcroît des pièces issues de la procédure pénale en cours qui tendent à la mettre hors de cause ; que M. B soutient, pour sa part, que le rejet par la commission des sanctions de sa demande de sursis à statuer a fait obstacle à l’exercice des droits de la défense;

Mais considérant que le résultat de la procédure pénale n’ayant pas d’incidence sur l’affaire soumise à la cour, la demande de sursis à statuer doit être rejetée ;

Qu’au surplus, c’est à juste titre que la commission des sanctions, qui était saisie d’une demande identique, l’a également écartée en relevant, de son côté, qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours à une appréciation portant sur des éléments du dossier d’instruction pour caractériser le manquement de fausse information au sens de l’article 632-1 du règlement AC de l’AMF ;

Sur les moyens tendant à l’annulation de la procédure ou de la décision déférée

En ce qui concerne la communication de certaines pièces du dossier d’instruction et la notification de griefs complémentaires à M. Y

Considérant que l’article L.621-15-1 du Code monétaire et financier dispose :

«Si l’un des griefs notifiés conformément au deuxième alinéa du I de l’article L.621-15 est susceptible de constituer un des délits mentionnés aux articles L.465-1 et L.465-2, le collège transmet immédiatement le rapport d’enquête ou de contrôle au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris.

Lorsque le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris décide de mettre en mouvement l’action publique sur les faits, objet de la transmission, il en informe sans délai l’Autorité des marchés financiers.

Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris peut transmettre à l’Autorité des marchés financiers, d’office ou à la demande de cette dernière, la copie de toute pièce d’une procédure relative aux faits objets de la transmission.» ;

Considérant, en premier lieu, que le président de l’AMF a adressé le 22 décembre 2004 une demande de transmission de pièces au procureur de la République de Paris ainsi formulée: «J’ai l’honneur de vous demander (…) de transmettre à l’AMF la copie des pièces de la procédure pénale relatives à ce dossier, susceptibles de caractériser l’implication personnelle de M. Y et de M. Z quant à la qualité de l’information donnée au public» ;

Qu’en réponse à cette demande, le Parquet de Paris à transmis 20 procès-verbaux qui ont été communiqués à M. F, rapporteur alors en charge de ce dossier, auquel la commission spécialisée du collège de l’AMF a indiqué que des notifications de griefs complémentaires avaient été délivrées le 14 avril 2005 à M. Y et à M. Z «sur ce fondement» ;

Considérant que la société E, M. B et M. Y prétendent que la demande de transmission de pièces et la transmission elle même sont irrégulières et portent atteinte aux droits de la défense, ces formalités ayant été effectuées en violation des dispositions de l’article L.621-15-1 du Code monétaire et financier qui imposent que la transmission du rapport d’enquête par l’AMF précède la mise en mouvement de l’action publique, condition qui n’était précisément pas réunie en l’espèce, puisqu’une information était ouverte ; que M. Y et M. Z soutiennent aussi qu’en raison de sa partialité, ressortant de sa formulation même, la demande de transmission de pièces est intervenue en violation du principe d’impartialité et du droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, M. Y demande également à la cour de déclarer nulle la notification complémentaire de griefs qui lui a été adressée ;

Mais considérant que les griefs formulés par les requérants sont inopérants dès lors, d’une part, que la commission des sanctions a décidé d’écarter des débats les pièces en question, dont la transmission était de toute façon intervenue dans des conditions régulières au regard des dispositions de l’article L.621-15-1 du Code monétaire et financier, qui n’imposent pas la condition revendiquée par les requérants en ce qui concerne la mise en mouvement préalable de l’action publique et dès lors, d’autre part, que la commission des sanctions a écarté la notification complémentaire de griefs ;

Considérant, en second lieu, que M. Z, M. D et M. A ont demandé et obtenu de leur côté les 10 mai 2005, 24 août 2005, 21 août 2006 et 12 mars 2007 des copies d’autres pièces du dossier pénal, dont le rapport de MM. G et Bruyas, experts commis par le juge d’instruction, qui ont été versées au dossier de la commission des sanctions;

Que, contrairement à ce qu’ils soutiennent, M. D et M. C ont été mis en mesure de discuter ces pièces qui, à la différence des précédentes, ont été visées et examinées par la commission des sanctions et qu’aucune atteinte n’a ainsi été apportée aux droits de la défense ;

En ce qui concerne l’établissement du rapport

Considérant que la société E, d’une part, M. Z, M. B et M. Y, d’autre part, poursuivent également l’annulation de la décision de la commission des sanctions en ce que le rapport qui lui a été soumis a été élaboré dans des conditions contraires aux principes d’impartialité et d’indépendance ; qu’ils font valoir que l’un des rapporteurs, M. H, dirigeant de la société AXA INVESTMENT MANAGERS, se trouvait en situation de conflit d’intérêt dès lors que, dans le courant du mois d’octobre 2006, cette société a décidé d’augmenter sensiblement sa participation dans le capital d’E et que, même si M. H a finalement décidé de se déporter, son successeur, M. P. AE, ne pouvait se contenter de reprendre son rapport à son compte ;

Considérant qu’il est vrai que la société MATIGNON DEVELOPPEMENT 3, contrôlée indirectement par la société AXA INVESTMENT MANAGERS, société dont M. H, rapporteur ayant succédé à M. F courant 2006, était administrateur et vice-président, possédait depuis le mois de novembre 2005 une participation dans le capital d’ E, inférieure à 5 % et qu’elle a franchi ce seuil à la hausse le 19 octobre 2006 ;

Que les critiques formulés par les requérants à l’encontre de ce rapporteur sont cependant vaines dès lors, d’une part, que M. H, qui avait déposé son rapport le 19 octobre 2006, déclarant avoir appris par la presse l’existence de ces participations, a aussitôt demandé à être déchargé du dossier et d’autre part, que M. P. AE, qui l’a remplacé, a indiqué qu’il s’appropriait les termes du rapport de son prédécesseur;

Qu’au demeurant, les requérants ne font pas état d’appréciations figurant dans le rapport de M. H qui pourraient laisser présumer de sa part une attitude partiale à l’égard de la société E et de ses dirigeants ;

En ce qui concerne le respect des droits de la défense de M. B

Considérant que M. B demande à la cour d’annuler la décision attaquée en raison de la violation des droits de la défense qui résulte du refus opposé par le rapporteur à sa demande d’audition de témoins et de complément d’information ;

Mais considérant que la commission des sanctions a justement relevé que, compte tenu de la nature des manquements reprochés à M. B ainsi que des indications ressortant déjà du dossier, le rapporteur avait régulièrement refusé de donner suite aux demandes d’auditions de tiers qui n’étaient pas de nature à assurer une meilleure information de la commission des sanctions ;

Que la cour observe pour sa part, de surcroît, que le requérant s’abstient de préciser quels éléments en relation avec la caractérisation des manquements poursuivis les auditions demandées seraient susceptibles d’apporter ;

Que, dans ces conditions, les moyens d’annulation seront rejetés ;

Sur le fond

Considérant, s’agissant des textes applicables devant la cour, que le règlement COB n° 98-07 relatif à l’obligation d’information du public énonce :

* en son article 1er : «Les dispositions du présent règlement s’appliquent à l’ensemble des instruments financiers mentionnés à l’article 1er de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 […].

Les dispositions du présent règlement sont également applicables aux dirigeants de l’émetteur ou de la personne morale concernés».

* en son article 2 : «L’information donnée au public doit être exacte, précise et sincère».

* en son article 3 : «Constitue, pour toute personne, une atteinte à la bonne information du public, la communication d’une information inexacte, imprécise ou trompeuse.

Constitue également une atteinte à la bonne information du public sa diffusion faite sciemment.»

Que le règlement AC de l’AMF, homologué par arrêté du 12 novembre 2004, contient les dispositions suivantes:

«Chapitre II-information permanente

Section 1-Obligation d’information du public

Article 222-1 : ( …) Les dispositions de la présente section sont également applicables aux dirigeants de l’émetteur, de l’entité ou de la personne morale concernés.

Article 222-2 : L’information donnée au public doit être exacte, précise et sincère.

[…]

Chapitre II- Manquement aux obligations d’information

Section unique-Diffusion d’une fausse information

Article 632-1 : Toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers émis par voie d’appel public à l’épargne au sens de l’article L.411-1 du Code monétaire et financier, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait, ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses» ;

Que le rapprochement de ces textes révèle que, si les dispositions antérieures ne sont pas reproduites mot pour mot, les dispositions nouvelles n’en modifient pas substantiellement la teneur, sauf à y ajouter la connaissance établie ou présumée, par l’auteur de l’infraction poursuivie, du caractère fallacieux de l’information communiquée ;

Considérant qu’en l’espèce, il est reproché à la société E ainsi qu’à M. Y, à M. Z, à M. B et à M. A, d’une part des irrégularités comptables ayant engendré un gonflement fictif du chiffre d’affaires au 31 décembre 2001 et 30 juin 2002 et, d’autre part, une déficience de la communication financière;

Considérant, en premier lieu, que les irrégularités comptables, qui affectent les comptes consolidés au 31 décembre 2001 et au 30 juin 2002 et dont la matérialité n’est d’ailleurs pas contestée par les mis en cause, résultent :

— d’un mécanisme de gonflement fictif du chiffre d’affaires mis en place dans plusieurs filiales de E pour l’arrêté des comptes au 31 décembre 2001 et au 30 juin 2002 et qui consistait en une majoration artificielle du chiffre d’affaires et du résultat par l’enregistrement de factures à établir fictives, qui ne recouvraient aucune réalité économique en l’absence de prestation correspondante ;

— de plusieurs enregistrements comptables irréguliers relatifs aux relations de E avec diverses filiales (ILYAD VALUE, DR PARTNERS, YSIDRO et E AF BV) auxquels la direction générale et la direction financière du groupe E avaient procédé pour donner une meilleure image des comptes ;

Qu’il est ainsi constant :

— qu’entre le 26 et le 31 décembre 2001, trois sociétés du groupe E ont vendu des études et des formations pour un montant total de 5 M €, intégralement enregistré en chiffre d’affaires, à la société ILYAD VALUE qui avait été créée par un ancien cadre de E, le 24 décembre 2001 ; que, toutefois, au cours de l’exercice suivant, la majeure partie des créances ainsi détenues par les sociétés en cause sur ILYAD VALUE a été partiellement provisionnée dans la première version publiée des comptes consolidés au 30 juin 2002 et entièrement provisionnée lors de l’arrêté définitif après l’audit complémentaire des commissaires aux comptes d’E ; que les requérants ne contestent pas les appréciations de la décision déférée selon lesquelles «la réalité même des formations facturables et facturées in fine peut être sérieusement mise en doute»; que cette situation a concouru d’autant à l’amélioration de l’image des comptes d’E pour 2001 ;

— qu’une créance de 770 000 €, détenue par E sur la société E-CONSULTING GROUP (ci-après ECG), société de «consulting» par internet à laquelle E a apporté son soutien logistique et financier à la fin de l’année 2000, a été cédée le 30 juillet 2001 à la société DR PARTNERS, créée pour l’occasion, et dirigée par un ancien cadre d’E ; que la société ECG, qui a déposé son bilan le lendemain, n’avait manifestement plus les moyens d’honorer cette dette ; qu’il apparaissait ainsi illusoire que DR PARTNERS puisse recouvrer cette créance; qu’alors qu’au 31 décembre 2001, aucune provision correspondante n’a été enregistrée, ce transfert a concouru à l’amélioration de l’image des comptes d’E pour 2001 ;

— que la société YSIDRO, filiale anglaise d’E , sans activité propre, et créée pour mener un projet d’opération de croissance externe sous forme d’une offre publique d’échange, a acquis à cette fin, au début de 2001, 539 100 titres SEMCON et 114 000 titres E ; qu’après une baisse du cours de ces titres, elle les a revendus en juin 2001 à la banque DEGROOF à leur prix de revient, la banque recevant concomitamment des options lui permettant d’obtenir le rachat de ces actions au prix de leur acquisition (contrat «d’equity swap») ; que les titres ainsi portés par la banque DEGROOF ont été soustraits des comptes d’E, de telle sorte que les pertes latentes n’ont pas été provisionnées, alors que les cours de bourse des actions étaient inférieurs à leur coût d’acquisition ; qu’au 31 décembre 2001, la moins-value latente était de 8,1 M € ; que cette situation a également concouru à l’amélioration de l’image des comptes d’E pour 2001 ;

— que la société E INTERNATIONAL BV, filiale néerlandaise d’E et holding des principales filiales d’E à l’étranger, a été achetée le 7 août 1997 ; que 5 % de son capital a été cédé le 29 août de la même année à M. B ; que, lors des consolidations intervenues chaque année depuis le 31 décembre 1997, la part détenue par M. B n’a pas été prise en compte ; que cette omission, dont la prise en considération en 2003 a minoré les comptes d’E au 30 juin 2003 de 1,7 M €, avait concouru auparavant à l’amélioration de l’image des comptes de la société E, notamment pour 2001 ;

Considérant, en second lieu, que les manquements dénoncés consistent également en des inexactitudes affectant les communiqués de l’année 2002, dans lesquels E a fourni une information inexacte, imprécise et trompeuse en ce qui concerne le taux d’activité des consultants, le taux de croissance du chiffre d’affaires et du résultat, les cessions de créances professionnelles et les 'earn out’ (compléments de prix) relatifs à des rachats de sociétés ;

Qu’il est en effet établi par le dossier et non sérieusement contesté par les requérants :

— qu’alors que compte tenu de la nature des activités d’E, le «taux d’inactivité» (ou inter-contrat) des consultants du groupe constitue un indicateur essentiel des résultats à venir, M. A, a annoncé de manière erronée lors de l’assemblée générale de juin 2002 que ce taux était de 5 % était stable par rapport à l’exercice précédent ; qu’il résulte toutefois du dossier qu’en réalité, ce taux, qui se dégradait, était, à l’époque, aux alentours de 15 % ;

— que, pendant l’année 2002, la société E a annoncé des prévisions de croissance de chiffre d’affaires et de résultat d’au moins 30 % et a maintenu ces prévisions le 23 juillet 2002, en annonçant des perspectives de croissance de chiffre d’affaires au 31 décembre 2002, de l’ordre de 25 – 30 % ; qu’en réalité, l’augmentation du chiffre d’affaires consolidé a été de 7 % par rapport au chiffre d’affaires arrêté en 2001 ; que le résultat d’exploitation est passé de 233,2 M € en 2001 avant corrections, à 67,4 M € en 2002 ; que le résultat net avant amortissement et survaleurs et corrections d’erreurs est passé de 134,3 M € en 2001 à 20,1 M € en 2002 ; que le résultat net est devenu négatif passant de 120,8 M € en 2001 à – 109,3 M€ en 2002 ;

— que le communiqué du 9 avril 2002 présentant les résultats au 31 décembre 2001 a omis de signaler que la diminution des besoins en fonds de roulement du groupe au 31 décembre 2001 provenait d’éléments exceptionnels liés à une cession de créances professionnelles pour 53 M € en indiquant, à l’opposé, que : «L’amélioration de la variation du besoin en fonds de roulement provient essentiellement de l’amélioration du compte client. Cette amélioration a un caractère récurrent » ;

— qu’alors que le recours à un mécanisme de compléments de prix («earn out») implique, pour qu’il soit satisfait à l’obligation d’information, que les précisions appropriées soient apportées sur la manière dont il est mis en oeuvre, la communication du groupe en 2002 au sujet des compléments de prix versés au titre des sociétés acquises, a précisément été caractérisée par un défaut de transparence, dès lors qu’il était impossible de connaître le coût des acquisitions pour une année donnée ; que c’est ainsi que n’était pas justifié un écart pourtant significatif entre les compléments de prix provisionnés en 2000 et les compléments de prix versés en 2001 et que le montant futur des compléments de prix manquait de visibilité ; que, dans ces conditions, l’information délivrée au marché sur les compléments de prix («earn out») et sur leurs modalités de financement n’a pas permis au public de percevoir précisément leur impact sur les cash-flow;

Qu’il est acquis que ces éléments ont contribué à donner une image erronée de la situation et de l’évolution financière du groupe ;

Considérant qu’il est ainsi établi qu’a été communiquée au public une information non conforme aux exigences d’exactitude, de précision et de sincérité fixées par les textes susvisés;

En ce qui concerne l’imputabilité des manquements à la société E et à ses dirigeants

Considérant que la société E prétend que ces manquements ne lui sont pas imputables dès lors qu’il n’est pas démontré que ses dirigeants ont agi pour son compte et dans son intérêt, en faisant de surcroît observer qu’elle a pris ensuite des initiatives pour remédier aux dysfonctionnements constatés dont, de toute façon, elle n’a tiré aucun avantage ;

Que M. Y sollicite sa mise hors de cause en prétendant qu’ayant pris avec M. Z du «recul dans la gestion opérationnelle» du groupe et que la direction opérationnelle exécutive ayant été déléguée à M. B qui avait pris l’initiative, avec M. I, de donner aux salariés concernés des instructions en vue de comptabiliser de fausses factures dans le chiffre d’affaires du groupe , il ignorait l’existence des irrégularités comptables, qui lui avaient été dissimulées ;

Que M. Z soutient, de son côté, d’une part, que n’assurant pas la direction opérationnelle et financière du groupe E, n’ayant pas participé personnellement aux irrégularités comptables dénoncées et n’ayant pas en charge la communication financière du groupe, l’élément matériel des manquements poursuivis n’est pas caractérisé, et d’autre part, qu’en raison du rôle joué par M. B, l’élément moral des manquements fait également défaut dans la mesure où il n’avait pas la possibilité de savoir que l’information communiquée était inexacte ;

Que M. A prétend que les manquements dénoncés ne peuvent pas lui être imputés dans la mesure où il ignorait l’existence des fraudes commises et que, sauf pour les auteurs de celles-ci, les difficultés d’E n’étaient pas perceptibles, étant de surcroît précisé que la commission des sanctions n’a pas retenu à son encontre le grief tenant à la majoration artificielle du chiffre d’affaires au 31 décembre 2001 et au 30 juin 2002 ;

Que M. B précise que pour apprécier sa responsabilité, ou, à tout le moins pour réduire le montant de la sanction qui lui a été infligé, il convient de prendre en considération :

— en ce qui concerne les circonstances ayant conduit à «améliorer l’image des comptes par comptabilisation de chiffre d’affaires fictif» que s’il ne conteste pas avoir, lors de l’arrêté des comptes annuels de l’exercice 2001 et de la situation du premier semestre 2002, «confirmé des objectifs volontaristes qui ont pu conduire à comptabiliser de manière anticipée des factures à établir», il n’a toutefois fait que «relayer les décisions de performance commerciales du comité de direction (CODIR)» et qu’il n’a pas joué un rôle plus actif que d’autres membres de ce comité ;

— qu’il n’est pas personnellement intervenu dans le traitement des diverses opérations comptables incriminées et que n’étant pas responsable de la communication financière de la société E, il n’est pas non plus possible de lui imputer un manquement dans la communication de certains indicateurs (taux d’activité des consultants du groupe E et taux de croissance annoncés au marché) opérée par M. A ou encore d’autres griefs tirés de l’absence de précisions dans les documents comptables communiqués sur les mécanismes de complément de prix ou encore de la cession de créances professionnelles pour un montant de 53 millions d’euros au 31 décembre 2001, opération pour laquelle il ignorait que les informations communiquées étaient inexactes ;

Mais considérant, tout d’abord, que la société E, engagée par les actes de ses dirigeants dans la mesure où ils agissent dans l’exercice de leurs fonctions, n’allègue pas qu’ au cas d’espèce M. Y, M. Z, M. B et M. A auraient agi en leur nom propre et pour leur compte personnel et qu’il importe peu, en outre, que l’émetteur n’ait pas tiré profit des manquements constatés, cette circonstance n’étant pas requise pour les caractériser ;

Considérant, ensuite, s’agissant de l’imputabilité des manquements aux dirigeants de l’émetteur, que s’il est vrai que le principe d’application immédiate de la loi pénale plus douce commande de vérifier si, conformément à l’article 632-1 du règlement AC de l’AMF, moins sévère sur ce point, ces dirigeants savaient ou auraient dû savoir que les informations communiquées étaient inexactes, imprécises ou trompeuses, il n’en demeure pas moins que M. Y, président-directeur AC, d’une part, M. A, M. Z, M. B, directeurs généraux délégués et administrateurs, d’autre part, étaient tous dans l’obligation, relevant nécessairement de leur fonctions, de veiller au respect des dispositions du code monétaire et financier et du règlement COB 98-07 sur la qualité de l’information communiquée au public par la société ;

Qu’il suit de là que lorsque, comme en l’espèce, des informations inexactes, imprécises ou trompeuses sont communiquées au public, ils doivent en répondre à moins que des circonstances particulières, qui ne sont pas alléguées ici, ne les aient privés de l’exercice, total ou partiel, de ces fonctions, justifiant qu’ils aient légitimement ignoré le caractère fallacieux de ces informations ;

Considérant, enfin, que les objections des requérants concernant le rôle particulier qui aurait été joué par M. B sont vaines, puisque l’organisation de la direction du groupe E reposait sur un comité de direction (CODIR)se réunissant chaque semaine qui était présidé par MM. Y et Z et qui associait MM. A et B ;

Que ce comité avait pour objet d’examiner les questions relatives au groupe et à sa gestion, dont le développement, le chiffre d’affaires, les comptes et la communication et que la réunion hebdomadaire était suivie de «boards» auxquels participaient non seulement les directeurs opérationnels du groupe mais encore M. Y et M. Z et que M. B, dont les déclarations n’ont pas été démenties par les autre requérants, a précisé aux enquêteurs:

«Les aspects financiers et le contrôle de gestion relevaient de M. AG I qui était, avec M. Z, l’homme des chiffres. M. Z faisait un point hebdomadaire avec les deux trésoriers successifs du groupe, MM.[…], sur les aspects financiers, cash et chèques. M. I faisait le point journalier avec le PDG, M. Y, et rendait compte au comité de direction, qui prenait collégialement les décisions pour le groupe.» ;

Qu’il résulte de ce qui précède que M. Y, M. Z , M. B mais aussi M. A, quelles que soient, en ce qui concerne ce dernier, les appréciations de la commission des sanctions, devaient normalement savoir, d’une part, que le chiffre d’affaires au 31 décembre 2001 et au 30 juin 2002 avait été artificiellement majoré du fait d’enregistrement de factures à établir fictives et de divers enregistrements comptables irréguliers et, également, que ces dirigeants, d’autre part, que l’information communiquée au public, relative au taux d’activité des consultants, au taux de croissance du chiffre d’affaires et du résultat, aux cessions de créances professionnelles et aux «earn out» relatifs à des rachats de société, était inexacte ;

Que, dans ces conditions, c’est à juste titre que la décision relève que les manquements sont imputables à la société E et à ses dirigeants ;

En ce qui concerne l’imputabilité des manquements aux commissaires aux comptes

Considérant que la notification de griefs du 23 juillet 2004 visant M. C est ainsi rédigée :

«L’enquête montre d’une part que des irrégularités comptables graves auraient été commises, améliorant fictivement l’image des comptes de la société E au 31décembre 2001 et au 30 juin 2002, et d’autre part que la communication financière de la société E au titre de l’année 2002 aurait été déficiente.

Dans ce contexte, il apparaîtrait que c’est seulement après que la société vous ait confié un contrôle complémentaire sur les comptes du groupe, et non dans le cadre de vos travaux d’examen limité sur les comptes au 30 juin 2002, que vous avez décelé 30 M € d’ajustements relatifs à des annulations de chiffre d’affaires à effectuer suite à la comptabilisation de factures à établir fictives dans des filiales du groupe E. Ces corrections sont à mettre en rapport avec des ajustements d’un montant total de 36 M€ comptabilisés finalement dans les comptes d’E au 30 juin 2002.

En outre, il apparaîtrait que postérieurement à votre contrôle, un audit du cabinet Ricol a mis à jour 28 M€ d’ajustements complémentaires sur les comptes au 31 décembre 2001, non décelés dans le cadre de vos diligences.

Il apparaîtrait par ailleurs que lors des travaux d’audit sur les comptes au 31 décembre 2001, vos équipes auraient décelé des ajustements importants dans des filiales du groupe E , dont aucun n’aurait été comptabilisé par décision de Monsieur I, directeur financier d’E à l’époque de ces faits, à laquelle vous vous seriez rangé en signant les comptes consolidés.

Plus spécifiquement, il apparaît que des montants considérables de trésorerie étaient logés au sein de la société YSIDRO au 31 décembre 2000 (de l’ordre de 11 M £), qui ont servi à financer des achats de titres, opérations qui n’ont pas été reflétées dans les comptes consolidées de la société E (…). Il semblerait que vous n’ayez procédé à aucune diligence au 31 décembre 2000 et au 31 décembre 2001 relativement au montant important de trésorerie logé dans la société YSIDRO.

Il semblerait également que vous n’ayez pas effectué les diligences nécessaires lors de l’entrée de la société E INTERNATIONAL BV dans le périmètre de consolidation au 31 décembre 1997, ce qui vous aurait conduit, à tort, à ne pas identifier les intérêts minoritaires relatifs à la participation de M. B dans cette société.

Ces éléments pourraient conduire à mettre en cause la qualité de vos diligences sur le groupe E. L’ensemble de ces faits a pu avoir pour conséquence les effets mentionnés à l’article L.621-14 du Code monétaire et financier. S’ils sont avérés, ces faits paraissent de nature à caractériser un manquement aux obligations énoncées par les articles 2 à 4 du règlement COB n° 98-07 relatif à l’obligation d’information du public.

En votre qualité de commissaire aux comptes de la société E AF, signataire des comptes, ils pourraient vous être directement imputés à titre personnel et sont susceptibles de donner lieu, à votre encontre, à une sanction sur le fondement des articles 1 à 4 du règlement COB n° 98-07 relatif à l’obligation d’information du public, maintenu en vigueur par l’article 47 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière, et des articles L.621-14 et L.621-15 du code monétaire et financier» ;

Qu’une notification pratiquement identique a été adressée à la même date le 23 juillet 2004 à M. D, sous les seules modifications suivantes :

«(…)Il apparaîtrait par ailleurs que lors des travaux d’audit sur les comptes au 31 décembre 2001, les équipes de votre confrère auraient décelé des ajustements importants dans des filiales du groupe E (J SEGIME), dont aucun n’aurait été comptabilisé par décision de Monsieur I, directeur financier d’E à l’époque de ces faits, à laquelle vous vous seriez rangé en signant les comptes consolidés. Dans le cadre de vos diligences de co-commissaires aux comptes et de la revue des dossiers de votre confrère, vous auriez dû avoir connaissance de ces ajustements. (…)»

Considérant que pour conclure que M. C et M. D avaient commis un manquement en certifiant les comptes au 31 décembre 2001 alors qu’ils auraient dû savoir que l’information communiquée était inexacte, imprécise et trompeuse, la commission des sanctions relève :

«Considérant (…)qu’il résulte des pièces du dossier (…) qu’il ya lieu pour apprécier le comportement des commissaires aux comptes de tenir compte de la façon dont la direction d’E et notamment M. I d’une part, entendaient constituer un écran entre les filiales et les commissaires aux comptes, et d’autre part ont eu recours à des dissimulations ;

Considérant toutefois que ce n’est qu’après que l’existence d’irrégularités dans la comptabilité d’E a été évoquée que M. D et M. C ont pris l’initiative de demander à M. Z que leur soit confiée une mission de contrôle complémentaire de certaines filiales ; que si, quels que fussent les liens de confiance qu’ils pouvaient avoir à l’égard de M. I, lequel avait appartenu au cabinet dont faisait partie M. C, ils avaient fait preuve d’une vigilance normale à l’égard des indications que celui-ci leur donnait et avaient recouru à des vérifications et vigilances appropriées, ils auraient été à même de déceler l’existence de certaines au moins des irrégularités comptables» ;

Considérant qu’il est vrai qu’à la suite de la publication d’un article relatif au groupe E dans le quotidien Le Monde du 10 octobre 2002, M. D et M. C ont pris l’initiative, leurs travaux sur les comptes au 30 juin 2002 n’étant pas achevés, d’effectuer une revue approfondie sur les comptes de certaines filiales françaises ou étrangères et que ces travaux complémentaires ont conduit M. D à demander des ajustements sur le résultat avant impôt s’élevant à 35,9 M €, dont 5 M € relatifs à des opérations antérieures au 31 décembre 2001 et que les comptes ont été modifiés en conséquence sur décision du conseil d’administration d’E ;

Considérant, toutefois, qu’il ne peut être reproché aux commissaires aux comptes, qui , à la suite de cette intervention ont procédé à une révélation de faits délictueux au Procureur de la République de Paris et qui, à la suite de la découverte de nouvelles irrégularités comptables, ont procédé ensuite, le 7 mai 2003, à une deuxième révélation portant à la fois sur les comptes semestriels au 30 juin 2002 et sur les comptes annuels au 31 décembre 2001, et dont les dossiers de travail n’ont, à l’exception de documents isolés, pas été examinés dans le cadre de l’enquête, de ne pas avoir accompli auparavant d’autres diligences que celles qu’ils avaient conduites jusqu’alors ;

Considérant, en effet, qu’il ressort du dossier que les dirigeants de l’émetteur avaient veillé à ce que les relations des commissaires aux comptes au sein du groupe se limitent à M. I, directeur financier, afin que les salariés en charge de la comptabilité au sein des filiales n’aient pas à communiquer avec les commissaires aux comptes et n’aient pas ainsi l’occasion de leur révéler les anomalies comptables, comme l’ont confirmé, d’une part, la directrice financière d’J, filiale d’E, qui a déclaré aux enquêteurs : «Nous avions en effet pour instruction de livrer le moins possible d’informations aux commissaires aux comptes» et, d’autre part, le directeur administratif de SEGIME, une autre société du groupe, qui a indiqué, de son côté, qu’un amalgame était effectué entre des documents et des factures existantes, afin de servir de justificatifs aux commissaires aux comptes (cote 4074) ;

Qu’il convient également de constater qu’en décembre 2003, le groupe E était composé de 170 filiales exerçant des activités de conseil autonome réparties dans 16 pays et que M. C et M. D, commissaires aux comptes en charge de la consolidation, assuraient seulement une revue des travaux des commissaires aux comptes de ces filiales ;

Qu’au surplus, les deux requérants, qui ont été conduits à déposer une plainte pour entrave à l’exercice de leurs fonctions, sont fondés à faire observer, qu’à l’époque des faits, les commissaires aux comptes n’étaient pas encore tenus par leurs normes professionnelles de prendre en considération les risques de fraudes et erreurs dans l’organisation de leur mission ;

Considérant que, dans un tel contexte, caractérisé par la mise en place par la direction d’E d’un écran entre les filiales et les commissaires au comptes et par le recours à des dissimulations et à des manipulations comptables, il n’est pas démontré que les deux requérants savaient ou auraient dû savoir, même au moyen de diligences appropriées, que les informations communiquées au public étaient inexactes imprécises ou trompeuses ;

Que les manquements reprochés à M. C et à M. D n’étant pas caractérisés à leur encontre, il en résulte que la décision déférée doit être réformée en ce qu’elle leur a infligé une sanction pécuniaire de ce chef ;

Sur les sanctions

Considérant que la société E et M. Y prient la cour de réformer la décision entreprise en ce qu’elle a prononcé à leur encontre une sanction pécuniaire manifestement disproportionnée ;

Qu’au soutien de sa demande de réduction de la sanction pécuniaire, M. Z prétend que la commission des sanctions n’a pas caractérisé la gravité des manquements qui lui sont personnellement reprochés et qu’elle n’a pas non plus tenu compte du fait qu’il n’avait retiré aucun profit des communications critiquées ;

Que M. B prie également la cour de réduire sensiblement le montant de la sanction qui lui a été infligée en prétendant, tout d’abord, qu’au regard des fonctions qu’il exerçait au sein de la société E ainsi que du rôle qu’il a effectivement joué dans la réalisation des manquements, la commission n’a pas correctement apprécié la gravité de ces manquements, étant de surcroît précisé que l’information financière critiquée n’a pas eu d’effet sur le cours du titre et en prétendant, ensuite, qu’il convient de tenir compte non seulement de son expérience limitée dans le domaine financier mais également du fait qu’il n’a tiré aucun profit des manquements poursuivis ; qu’il fait enfin valoir que sa situation patrimoniale actuelle est lourdement obérée ;

Que M. A demande à la cour de réformer la décision attaquée au titre du principe de proportionnalité, en réduisant très sensiblement la sanction qui lui a été infligée, qui est en effet «démesurée» pour un manquement involontaire et la communication erronée n’ayant eu au demeurant aucun effet positif sur le cours du titre ni entraîné aucun des effets énumérés à l’article L.621-14 du code monétaire et financier, lui même n’ayant, de surcroît, tiré aucun profit personnel des manquements poursuivis ;

Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles L.621-14 et L.621-15 du code monétaire et financier, dans leur rédaction applicable au moment des faits, que peuvent être sanctionnés les auteurs des pratiques contraires aux règlements de la COB lorsque ces pratiques ont eu pour effet, notamment, de fausser le fonctionnement du marché et de porter atteinte à l’égalité d’information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ;

Qu’il résulte des dispositions de l’article L.621-15 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n°89-531 du 2 août 1989 applicable au moment des faits comme d’ailleurs dans sa rédaction actuelle issue de la loi n°2003-706 du 1er août 2003, que peut être prononcée à l’encontre de tout auteur d’une des pratiques visées à l’article L.621-14 dudit code une sanction pécuniaire qui ne peut excéder 1 500 000 € ou le décuple du montant des profits éventuellement réalisés ;

Que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements et en relation avec les avantages ou les profits qui en ont éventuellement été retirés ;

Considérant, tout d’abord, quelle qu’ait été l’évolution du cours de bourse, que l’information ainsi délivrée était de nature à tromper le marché par son caractère inexact en faussant la connaissance qu’il pouvait avoir de l’état de la société et a ainsi porté atteinte à l’égalité d’information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts;

Considérant, ensuite, que les sanctions prononcées par la commission des sanctions à l’encontre de chacun des requérants ont pris en considération les critères fixés à l’article L.625-15 précité, soit, en l’absence de profits retirés par les requérants, la gravité des manquements à la bonne information du public, commis à de nombreuses reprises pendant une durée significative ;

Que, s’agissant de M. A , il convient, de constater que, dans la limite qui avait été fixée par un abandon partiel du grief, la commission des sanctions a fait, au regard des critères qui viennent d’être énoncés, une juste application du principe de proportionnalité ;

Qu’enfin, M. B n’est fondé ni à invoquer son inexpérience pour tenter d’échapper à sa responsabilité ni à opposer des éléments financiers postérieurs aux manquements sanctionnés ;

Qu’en conséquence, les recours de la société E et de M. Y ainsi que de M. Z, de M. A et de M. B seront rejetés ;

PAR CES MOTIFS

Sur le recours de M. D et à M. C, réforme la décision de la commission des sanctions en ce qu’elle leur a imputé le grief de communication d’une information inexacte et leur a infligé à chacun une sanction pécuniaire,

Rejette les recours de la société E et de M. Y ainsi que de M. Z, de M. A et de M. B,

Condamne la société E et M. Y ainsi que M. Z, M. A et M. B aux dépens,

Dit que en ce qui concerne M. D et M. C, les dépens resteront à la charge du Trésor public,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

AH AI-AJ Didier PIMOULLE

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Cour d'appel de Paris, 27 mai 2008