Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 23 septembre 2009, n° 2007/20549

  • Atteinte à la valeur patrimoniale de la marque·
  • Régime spécifique de responsabilité·
  • Similarité des produits ou services·
  • Exploitation d'un nom de domaine·
  • Atteinte à l'image de marque·
  • Atteinte au nom de domaine·
  • Détournement de clientèle·
  • Editeur du site internet·
  • Contrefaçon de marque·
  • Concurrence déloyale

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La société Sedo exerce une action déterminante sur le contenu des pages parking qu’elle héberge : elle intervient dans le choix des mots-clé, entretient une relation de partenariat avec le fournisseur de liens publicitaires, procède à l’exploitation commerciale des pages litigieuses, perçoit une rémunération des annonceurs sur les liens publicitaires. Ces choix revêtent pour elle un intérêt commercial direct. Elle a donc la qualité d’éditeur au sens des dispositions de la loi pour la confiance dans l’économie numérique et sa responsabilité est entièrement engagée à raison des contenus hébergés. L’usage du nom de domaine euridile.fr pour diriger le public vers des sites offrant des services similaires à ceux de l’INPI via le nom de domaine euridile.com constitue un acte de concurrence déloyale. La sélection du mot-clé INPI inséré au site euridile.fr. ouvrant l’accès à des sites pornographiques porte atteinte à l’image de l’Institut dont l’exploitant du site doit répondre.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5, 23 sept. 2009, n° 07/20549
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2007/20549
Publication : Propriété industrielle, 4, avril 2010, p. 24-26, note de Jacques Larrieu ; PIBD 2009, 908, IIIM-1553
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 13 novembre 2007, N° 05/11735
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 14 novembre 2007, 2005/11735
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : EURIDILE ; INPI
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1450351 ; 94532435
Classification internationale des marques : CL09 ; CL16 ; CL35 ; CL38 ; CL41 ; CL42 ; CL45
Référence INPI : M20090495
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2009

Pôle 5 – Chambre 1 (n° 134, 10pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 07/20549

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 05/11735

APPELANTE Société SEDO GMBH agissant poursuites et diligences de son représentant légal Im.Mediapark 6 50670 COLOGNES ALLEMAGNE représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour assistée de Me Ilène C, avocat au barreau de Nice, plaidant pour SELARL CAPRIOLI et associés

INTIMEES INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE prise en la personne de son représentant légal Im Mediapark 6 50670 Cologne Allemagne représentée par la SCP DUBOSCQ – PELLERIN, avoués à la Cour assistée de Me Bertrand W, avocat au barreau de Paris, toque K28, plaidant pour FWPA SELARL

Société LANTEC CORPORATION prise en la personne de son représentant légal […] 92200 NEUILLY SUR SEINE

Société SAFENAMES LTD prise en la personne de son représentant légal Safenames House Sunrise Parkway LInford Wood Milton Keynes BUCKINGHAMSHIRE MK 14 6 LS ROYAUME UNI ANGLETERRE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Juin 2009, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Didier PIMOULLE, Président Madame Dominique ROSENTHAL, Conseiller Mme Brigitte CHOKRON, Conseiller qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL

ARRET : CONTRADICTOIRE

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mme Jacqueline VIGNAL, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Vu l’appel interjeté le 6 décembre 2007 par la société SEDO GMBH, d’un jugement rendu le 14 novembre 2007 par lequel le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que la société SAFENAMES LTD, en réservant le nom de domaine « euridile.fr », a commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque dénominative française « EURIDILE » n° 1 450 351 dont l’INPI est p ropriétaire,

— dit que la société LANTEC CORPORATION et la société SEDO GMBH, en exploitant le nom de domaine « euridile.fr » pour faire de la publicité pour des sites offrant des prestations dans le domaine économique, a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque « EURIDILE » précitée,

— dit que la société SEDO, en exploitant le site « euridile.fr » et la marque « INPI » pour envoyer à des sites pornographiques a porté atteinte à l’image de l’INPI,

— condamné la société SAFENAMES LTD à payer à l’INPI la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi des suites du dépôt du nom de domaine contrefaisant,

— condamné in solidum les sociétés LANTEC CORPORATION et SEDO GMBH à verser à l’INPI la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour les actes de contrefaçon , la société LANTEC CORPORATION n’étant tenue qu’à hauteur de la somme de 15 000 euros,

— condamné la société SEDO GMBH à payer à l’INPI la somme de 20 000 euros pour l’atteinte portée à son image,

— interdit aux sociétés SAFENAMES LTD, LANTEC CORPORATION et SEDO GMBH de reproduire et d’utiliser, directement ou indirectement, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, tous signes pouvant constituer une contrefaçon de la marque « EURIDILE », sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la signification du jugement,

— ordonné aux sociétés SAFENAMES LTD, LANTEC CORPORATION et SEDO GMBH de publier le dispositif du jugement en français, en anglais, en allemand, sur la page d’accueil des sites dont elles sont respectivement titulaires, sur une période de 1 mois à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours après la signification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai,

— autorisé la publication du dispositif du jugement dans 3 journaux au choix de l’INPI, aux frais in solidum des sociétés SAFENAMES LTD, LANTEC CORPORATION et SEDO GMBH dans la limite d’un coût de 4500 euros par insertion,


- dit se réserver la liquidation des astreintes prononcées,

— ordonné l’exécution provisoire,

— rejeté le surplus des demandes,

— condamné in solidum les sociétés SAFENAMES LTD, LANTEC CORPORATION et SEDO GMBH à payer à l’INPI la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles et à supporter les dépens de la procédure ;

Vu les dernières conclusions, signifiées le 2 juin 2009, aux termes desquelles la société SEDO GMBH demande à titre principal à la Cour de saisir la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) de la question préjudicielle ci-après formulée : Les articles 12 et 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de l’information et notamment, du commerce électronique dans le marché intérieur dite « directive sur le commerce électronique », doivent-ils être interprétés en ce sens que le prestataire d’un service de parking de noms de domaines doit être qualifié d ' hébergeur au sens de la directive de sorte que lui soit applicable le régime favorable subséquent, à titre subsidiaire, sur le fond, de :

— lui donner acte de ce qu’elle se désiste de son appel à l’égard des sociétés SAFENAMES LTD et LANTEC CORPORATION,

— dire qu’elle n’est pas éditeur et l’admettre au statut de fournisseur d’hébergement,

— déclarer en conséquence mal fondées les demandes, fins et prétentions de l’INPI et les rejeter,

— l’autoriser à procéder à la publication de tout ou partie de la décision dans 3 revues de son choix aux frais de l’INPI dans la limite d’une somme de 5000 euros HT par insertion qui sera consignée entre les mains du Bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Paris dans les 8 jours de la signification de l’arrêt,

— ordonner en outre la publication de l’intégralité de l’arrêt, dans un délai de 8 jours à compter de sa signification sous peine d’une astreinte de 1000 euros par jour de retard, sur la page d’accueil du site internet de la partie intimée pendant 3 mois,

— condamner l’INPI à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, la somme de 20 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, enfin, aux dépens avec le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code précité ;

Vu les ultimes écritures, signifiées le 9 juin 2009, par lesquelles l’Institut national de la propriété industrielle prie la Cour, pour l’essentiel, de :

— lui donner acte de ce qu’il se désiste de son appel incident à rencontre des sociétés SAFENAMES LTD et LANTEC CORPORATION,

— débouter la société SEDO GMBH de l’ensemble de ses demandes,

— dire et juger que les sociétés LANTEC CORPORATION et SEDO GMBH, co-éditeurs du site parking « euridile.fr », ont commis à son préjudice des actes de contrefaçon de la marque « EURID1LE » outre des actes de concurrence déloyale,

— dire et juger que les sociétés LANTEC CORPORATION et SEDO GMBH, en s’abstenant de faire procéder à leurs frais aux formalités de transfert du nom de domaine « euridile.fr » à son profit lui ont causé un préjudice en le contraignant à mettre en oeuvre une procédure à rencontre du nouveau titulaire du nom de domaine,

— dire et juger que la société SEDO GMBH a commis à son préjudice des actes de parasitisme et porté atteinte à son image,

— interdire aux sociétés SAFENAMES LTD, LANTEC CORPORATION et SEDO GMBH de reproduire et d’utiliser, directement ou indirectement, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, tous signes pouvant constituer une contrefaçon de la marque « EURIDILE », sous astreinte de 5000 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société SAFENAMES LTD à lui verser la somme de 5000 euros en réparation du préjudice subi des suites du dépôt du nom de domaine contrefaisant,

— le confirmer encore en ce qu’il a condamné in solidum les sociétés LANTEC CORPORATION et SEDO GMBH à verser à l’INPI la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour les actes de contrefaçon, la société LANTEC CORPORATION n’étant tenue qu’à hauteur de la somme de 15 000 euros,

— condamner par infirmation du jugement entrepris : * les sociétés LANTEC CORPORATION et SEDO GMBH à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de la concurrence déloyale, la société LANTEC CORPORATION n’étant tenue qu’à hauteur de 10 000 euros, *la société SEDO GMBH à lui payer la somme de 100 000 euros au titre du parasitisme et de l’atteinte à l’image,

— ordonner aux sociétés SAFENAMES LTD, LANTEC CORPORATION et SEDO GMBH de publier le dispositif du jugement en français, en anglais, en allemand, sur la page d’accueil des sites dont elles sont respectivement titulaires, sur une période de 6 mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard,

— autoriser la publication du dispositif du jugement dans 5 journaux au choix de l’INPI, aux frais in solidum des sociétés SAFENAMES LTD, LANTEC CORPORATION et SEDO GMBH dans la limite d’un coût de 5000 euros par insertion,

— rejeter les demandes reconventionnelles de la société SEDO GMBH,

— condamner la société SEDO GMBH à lui verser une indemnité de 35 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 9 juin 2009,

Vu la note en délibéré déposée à la demande de la Cour le 23 juin 2009 par l’Institut national de la propriété industrielle qui, confirmant s’être désisté, par les conclusions précédemment visées du 9 juin 2009, de son appel incident à rencontre des sociétés SAFENAMES LTD et LANTEC CORPORATION, précise que c’est par suite d’une erreur matérielle, qu’il entend rectifier, qu’apparaissent aux tenues du dispositif de ses écritures des demandes, dont il n’y a pas lieu de faire cas, dirigées contre ces sociétés ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que :

— l’Institut national de la propriété industrielle (TNPI) est un établissement public doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, investi d’une mission de service public consistant, notamment, à pourvoir à la délivrance, au rejet ou au maintien des titres de propriété industrielle, à centraliser le registre du commerce et des sociétés, le répertoire des métiers et le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales,

— il est titulaire des marques dénominatives françaises « INPI » n° 94/ 532435 déposée le 10 août 1994, renouvelée le 14 février 2005 et « EURIDILE » n° 1 450 351 déposée le 17 février 1988, renouvelée le 4 février 1998 les deux pour désigner notamment dans les classes de produits et services 16, 35, 38 et 42 les produits de l’imprimerie, publicité, services de télécommunications, services télématiques, communications par terminaux d’ordinateurs, renseignements commerciaux, communication et notamment diffusion par voie télématique et tous autres moyens d’information dans le domaine des affaires, bases et banques de données, consultations, recherches et documentations techniques, juridiques et économiques,

— il est en outre réservataire des noms de domaine internet « inpi.fr » et « euridile.com » qui ouvrent l’accès, le premier aux informations relatives aux titres de propriété industrielle, le second au Registre national du commerce et des sociétés,

— la société de droit allemand SEDO GMBH, ci-après SEDO, créée en 2001, met à la disposition du public deux types de services consistant à offrir, pour l’un, une plate-forme d’intermédiation entre vendeurs et acheteurs de noms de domaines, pour l’autre, un espace de domain parking destiné à héberger les noms de domaine en

vue de les rentabiliser au moyen de liens publicitaires dans l’attente de leur exploitation dans le cadre d’un projet économique à finaliser,

— la société de droit anglais SAFENAMES LTD, ci-après SAFENAMES, exerce l’activité de prestataire d’enregistrement de noms de domaine, accréditée à ce titre par l’association française pour le nommage Internet en coopération (AFNIC),

— ayant découvert l’existence d’un site internet « euridile.fr », l’INPI a fait constater par huissier de justice le 19 juillet 2005, la présence en page d’accueil du site sous la mention, mise en exergue, « campagne publicitaire pour le thème EURIDILE », d’une liste de mots-clé référencés, notamment, « info financière », « bilan entreprise », « rapports annuels gratuits », « infos sur les sociétés » renvoyant vers d’autres sites internet tels que « www.verif.fi », « www.euroland.com », « www.bilan.net », « www.infobilan.fr », « www.cote-credit.com », ainsi que d’une rubrique intitulée « autres liens » au sein de laquelle l’activation du mot-clé « INPI » donne accès à une autre page écran où s’affiche une énumération de thèmes divers, dont « erotique », ce dernier proposant une ouverture sur une série de sites pornographiques,

— les recherches menées par l’INPI auprès de PAFNIC ont révélé que le nom de domaine « euridile.fr » a été enregistré le 19 mai 2004 par la société SAFENAMES qui l’a cédé le 28 juin 2005 à la société LANTEC CORPORATION, ci-après LANTEC, dont le siège social est à BELIZE, elles ont aussi établi que les pages litigieuses ont été mises en ligne dans le cadre du service « sedoparking » proposé par la société SEDO aux réservataires de noms de domaine,

— c’est dans ces circonstances que l’INPI a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris les 3 et 4 août 2005 les sociétés SEDO et LANTEC, puis le 14 novembre 2005 la société SAFENAMES, pour répondre des griefs de contrefaçon de ses droits de marque sur les signes « euridile » et « INPI »', de concurrence déloyale, d’atteinte à l’image ;

Sur les limites du litige,

Considérant que les désistements respectifs, précédemment évoqués, de la société SEDO et de l’INPI emportent à l’égard des sociétés SAFENAME et LANTEC, non constituées en cause d’appel, l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la Cour en sorte que le litige oppose désormais l’INPI à la seule société SEDO ;

Considérant que par ailleurs, l’INPI ne remettant pas en cause la décision du tribunal en ce qu’il a jugé non caractérisée en l’espèce la contrefaçon de la marque opposée « INPI », le débat est circonscrit aux demandes formées par l’INPI à rencontre de la société SEDO en contrefaçon de la marque « EURIDILE », concurrence déloyale et atteinte à l’image ;

Sur le fond,

- sur la nature du service offert par la société SEDO,

Considérant que la société SEDO fait valoir en défense qu’elle relève, en ce qu’elle développe un service d’hébergement des « pages parking » créées et exploitées par les réservataires de noms de domaine, destinataires de ce service, du régime de responsabilité attaché au statut de prestataire technique tel qu’institué par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, ci-après LCEN, transposant dans l’ordre interne la directive 2000/31 CE du parlement et du conseil du 8 juin 2000 dite « directive commerce électronique », qu’ à ce titre, sa responsabilité ne saurait être encourue sur le fondement de la contrefaçon, pas plus que sur celui de la concurrence déloyale, ou encore de l’atteinte à l’image dès lors qu’elle s’est acquittée des obligations lui incombant à savoir la mise en place, à l’intention des utilisateurs, de dispositifs d’information et de mise en garde quant aux droits des tiers, le retrait immédiat du contenu litigieux dès lors qu’elle a eu connaissance de son caractère illicite ;

Qu’elle entend à cet égard corriger la présentation, selon elle fallacieuse, faite par l’INPI du service incriminé en précisant que celui-ci permet à tout utilisateur, titulaire d’un nom de domaine :

- d’insérer la combinaison de lettres composant ce nom de domaine dans un espace « parking » ouvert à sa demande,
- de créer dans cet espace une « page-parking » dont il choisit l’architecture, le design et le script,
- d’inscrire sur cette page les mots-clés de son choix et qu’il pourra modifier à loisir, qui détermineront les liens publicitaires qui s’afficheront sur la page lorsqu’elle sera visionnée par un internaute ;

Qu’elle veut en outre souligner :

- que le nom de domaine a été créé et enregistré auprès de l’AFNIC antérieurement à son hébergement dans la plate-forme,
- que les liens publicitaires automatiquement générés par les mots-clés sélectionnés par l’utilisateur sont fournis au moyen du moteur de recherche de la société partenaire GOOGLE, dit « fournisseur de liens publicitaires de premier degré » pour avoir traité directement avec les annonceurs désireux d’être référencés, elle-même n’étant qu’un fournisseur « de second degré » c’est-à-dire un intermédiaire passif ;

Qu’elle fait observer qu’elle ne dispose, dans un tel contexte opérationnel, d’aucun pouvoir de contrôle ni d’intervention sur les contenus mis en ligne qui relèvent de l’entière liberté éditoriale de l’utilisateur ;

Qu’elle soutient répondre en conséquence à la définition du prestataire technique au sens de l’article 6-1-2 de la LCEN qui regarde comme tel les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services et conteste en tout état de cause, dès lors qu’elle n’a pas le pouvoir de déterminer les contenus introduits dans sa plate-forme, relever du statut de l’éditeur que la partie intimée entend lui attribuer pour la voir supporter la responsabilité qui en résulte ;

Considérant que l’INPI oppose en réplique que loin de se limiter à fournir les outils nécessaires à la confection des pages parking" en cause, la société SEDO intervient

directement dans le contenu de ces pages puisqu’elle participe, au côté du réservataire de nom de domaine utilisateur du service, à la sélection des mots-clés appelés à générer des liens publicitaires sur lesquels elle perçoit, quoique pour partie reversée à l’utilisateur, une rémunération, qu’elle est en conséquence mal fondée, en ce qu’elle déploie une activité qui relève manifestement de l’édition de contenus, à prétendre bénéficier du régime spécial de responsabilité attaché au statut de prestataire technique tel que défini par la LCEN ;

Considérant ceci étant posé, que les parties invoquent de concert la LCEN, tout en convenant que celle-ci distingue au sein des services de communication au public en ligne entre le service hébergeur, qui répond à la définition précitée de l’article 6-1-2 d’où il résulte que sera tenu comme tel le prestataire technique qui assure le stockage, en vue de les mettre à la disposition du public, des contenus fournis par les usagers du service et le service éditeur, qui détermine les contenus mis à la disposition du public en sorte que, le critère du partage ainsi opéré réside dans la capacité d’action du service sur les contenus mis en ligne ;

Considérant que c’est dès lors à raison que le tribunal n’a pas jugé nécessaire à la solution du litige de poser à titre préjudiciel à la CJCE la question de savoir si un service de parking de noms de domaines est un prestataire d’hébergement au sens de la directive « commerce électronique » précédemment évoquée, la réponse à cette question procédant d’une analyse des faits de l’espèce et non d’une interprétation de la règle de droit applicable ;

Or considérant que les pièces versées au débat, notamment les captures d’écran extraites du site internet www.sedo.fr, laissent apparaître que la société SEDO présente ainsi la finalité de sa prestation: Gagnez de l’argent avec vos noms de domaines inutilisés! Nous insérons des liens publicitaires ciblés sur les pages de vos noms de domaines- Vous pouvez gagner entre 0,02 euros et 0,75 euros par clic sur ces bannières – Selon le thème publicitaire et avec de bons noms de domaine vous pouvez gagner plusieurs centaines d’euros par an! , qu’elle indique dans une rubrique intitulée « quelques conseils »: Les annonceurs paient pour chaque visite générée sur leur site depuis l’un de ces liens et une partie des revenus est reversée au titulaire du nom de domaine. Le parking doit être considéré comme un aspect de la publicité en ligne. Il permet à des annonceurs qui souhaitent vendre un produit ou un service d’attirer des consommateurs potentiels vers leur site web. La page de parking peut donc être considérée comme un espace publicitaire loué aux annonceurs, qu’elle propose enfin aux utilisateurs d’ « optimiser » les avantages offerts par le service par la recommandation suivante : En termes de parking de noms de domaine le choix de mots-clés adaptés est la base de votre succès … Plus votre choix de mot-clé est pertinent, plus les bénéfices tirés du programme parking sont importants ;

Qu’il ressort par ailleurs de l’attestation, non contestée, en date du 30 mars 2007 de Simon M, représentant en France de la société LANTEC que celle-ci, devenue titulaire du nom de domaine www.euridile.fr , a demandé à la société SEDO de le « mettre en parking », que cette dernière lui a proposé trois options quant à la sélection des mots-clé :

- sélection automatique par SEDO, le titulaire appuie, dans ce cas, sur le bouton OPTIMIZATION,

— sélection manuelle de mots-clé par SEDO,
- sélection par le réservataire, l’approbation de SEDO étant, dans cette dernière hypothèse, requise, à défaut de laquelle le mot-clé choisi ne serait pas inséré, qu’en l’espèce, LANTEC a opté pour la sélection automatique des mots-clés par SEDO.;

Qu’il s’évince de ces éléments que la société SEDO, contrairement à ce qu’elle soutient, exerce une action déterminante sur le contenu des « pages parking » constituées exclusivement de mots-clés appelés à produire des liens commerciaux, d’une part en intervenant dans le choix des mots-clés mis en ligne soit en l’effectuant elle-même, peu important à cet égard qu’il s’agisse d’une sélection manuelle ou automatique, soit en soumettant à une validation préalable tout choix fait par l’utilisateur, d’autre part en assurant la fourniture des liens publicitaires, peu important encore que cette fourniture soit « de second degré » dès lors qu’elle entretient avec le fournisseur « de premier degré », GOOGLE en l’occurrence, une relation de partenariat à laquelle elle a consenti, qu’elle procède en tout état de cause à l’exploitation commerciale des pages litigieuses en percevant des annonceurs une rémunération sur les liens publicitaires qui y apparaissent, qu’elle retire au surplus de cette exploitation un profit corrélé à la capacité des mots-clés insérés dans ces pages à générer des liens publicitaires de telle manière que la pertinence des choix opérés dans la sélection de ces mots-clés revêt pour elle un intérêt commercial direct ;

Qu’en l’état de ces observations, les premiers juges ont retenu à bon droit que la société SEDO fait oeuvre d’éditeur, au sens des dispositions de la LCEN, du service de parking de noms de domaine incriminé en la cause, que sa responsabilité est par voie de conséquence pleinement engagée à raison des contenus hébergés au titre du service dont elle est prestataire ;

— Sur les responsabilités encourues,

* au titre de la contrefaçon,

Considérant, étant observé que les constatations, précédemment rapportées, de l’huissier de justice GOUGUET en date du 19 juillet 2005 ne sont pas discutées, que l’utilisation sur les pages parking exploitées par la société SEDO du signe « EURIDILE » dans le cadre d’une « campagne publicitaire pour le thème EURIDILE » visant à promouvoir des sites offrant des services d’informations économiques et financières similaires à ceux visés à l’enregistrement de la marque « EURIDILE » précitée, dont l’INPI est titulaire, est de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé, qui serait fondé à attribuer aux services en cause, une origine commune ;

Que ces circonstances établissent à la charge de la société SEDO, ainsi que l’a exactement retenu le tribunal, une contrefaçon des droits privatifs de marque de l’INPI sur le signe « EURIDILE » au sens des dispositions de l’article L 713-3 a) du Code de la propriété intellectuelle aux termes desquelles Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;

* au titre de la concurrence déloyale,

Considérant que l’utilisation à titre de nom de domaine, qui ne saurait être fortuite, du signe « euridile.fr » pour diriger le public vers des sites offrant des services d’informations économiques et financières comparables à ceux proposés par le site de l’INPI via le nom de domaine « euridile.com » dont il constitue la reproduction quasi-servile, est de nature à brouiller les repères du public en créant un risque de confusion sur l’origine des services concernés ;

Que ces faits, attentatoires à un exercice paisible de la liberté du commerce car susceptibles de provoquer, au moyen d’un procédé déloyal, un détournement de la clientèle au préjudice de l’INPI, sont distincts de ceux articulés au soutien de l’action en contrefaçon et caractérisent à la charge de la société SEDO, une faute au sens des dispositions de l’article 1382, à tort écartée par le tribunal ;

* au titre de l’atteinte à l’image,

Considérant qu’il est établi que la sélection du mot-clé « INPI » inséré au site « euridile .fr » ouvre l’accès à des sites pornographiques ; qu’il s’ensuit, par confirmation du jugement entrepris, que l’INPI est fondé à déplorer une atteinte portée à son image dont la société SEDO, qui exploite le site en cause, doit répondre ;

* sur les autres griefs,

Considérant qu’il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a imputé à faute à la société SEDO d’avoir omis de procéder aux formalités de transfert du nom de domaine litigieux au profit de l’INPI, imposant ainsi à ce dernier d’agir à rencontre du tiers qui s’en est porté acquéreur en juin 2006 ; que la Cour observe toutefois, à l’instar des premiers juges, que l’INPI ne forme aucune demande d’indemnisation pour ce chef de préjudice ;

Sur les mesures réparatrices,

Considérant qu’il appert des éléments de la procédure que l’exploitation illicite du site litigieux par la société SEDO a commencé en juin 2005 après que la société LANTEC en a fait l’acquisition auprès de la société SAFENAMES et a cessé dès réception de la mise en demeure adressée par l’INPI le 26 juillet 2005 par lettre recommandée avec avis de réception ;

Considérant qu’au regard de cette circonstance, les premiers juges ont, s’agissant des actes de contrefaçon, fait une exacte appréciation de l’entier préjudice subi par l’INPI, prenant notamment en compte l’effet de banalisation de la marque et de dépréciation de sa valeur patrimoniale, en lui allouant une indemnité de 50 000 euros ;

Considérant que l’évaluation à 20 000 euros de l’indemnité réparatrice du préjudice subi par ÎTNPI des suites de l’atteinte portée à son image n’appelle pas davantage de critique ;

Considérant que les faits de concurrence déloyale précédemment retenus à la charge de la société SEDO justifient en outre de la voir condamner à verser à l’INPI la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que les mesures d’interdiction et de publication prononcées par les premiers juges apparaissent adaptées aux circonstances de la cause tant dans leur principe que dans leurs modalités et méritent une pleine confirmation ;

Sur les autres demandes,

Considérant que le sens de l’arrêt commande de rejeter la prétention émise par la société SEDO au titre de la procédure abusive ;

Que les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile bénéficieront, en équité, à l’INPI, selon les termes du dispositif ci-après ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté l’INPI de sa demande au titre de la concurrence déloyale,

Statuant à nouveau du chef réformé,

Condamne la société SEDO à payer à l’INPI la somme de 30 000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale commis à son préjudice,

La condamne à verser à l’INPI une indemnité complémentaire de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles et à supporter les dépens de la procédure d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 23 septembre 2009, n° 2007/20549