Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 6 mai 2010, n° 08/03038

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 6, 6 mai 2010, n° 08/03038
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 08/03038
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Évry, 12 décembre 2007, N° 2004F00252
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRÊT DU 06 MAI 2010

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 08/03038

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2007 -Tribunal de Commerce d’EVRY – RG n° 2004F00252

APPELANT:

Monsieur Z Y

XXX

XXX

représenté par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour

dépôt du dossier de Maître Magali TARDIEU-CONFAVREUX, avocat au barreau de PARIS, toque R010

INTIMÉE:

S.A.S. SIXT

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège XXX

XXX

représentée par la SCP MONIN – D’AURIAC DE BRONS, avoué à la Cour

assistée de Maître Gaëlle-Anne DE LABRIOLLE, avocat au barreau de PARIS, toque

R 188, plaidant pour HW& H et substituant Maître Fabrice BAUMAN, avocat au barreau de Paris, toque R 188 (HW & H)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23 Février 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Claude APELLE, Président

Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller

Madame Caroline FEVRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT

ARRÊT :

— contradictoire

— rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président et par Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 29 juillet 2002, la société ABBG, dont Monsieur Z Y est le gérant et l’associé majoritaire, a conclu avec la société Sixt un contrat de franchise autorisant la société ABBG à exploiter une activité de location de véhicules.

Par jugement du 3 février 2003, le tribunal de commerce de Meaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société ABBG et a nommé Maître X en qualité d’administrateur judiciaire . Par jugement du 7 avril 2003 la période d’observation a été prorogée jusqu’au 3 septembre 2003.

Par acte sous seing privé du 17 juillet 2003, la société Sixt a consenti à la société ABBG un prêt d’un montant de 50.000 euros sans intérêt pour une durée de huit mois remboursable par 5 mensualités égales de 10.000 euros payable chacune le 15 de chaque mois à compter du 15 octobre 2003 jusqu’au 15 février 2004 dont Monsieur Z Y s’est porté caution solidaire.

Par jugement du 3 novembre 2003, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société ABBG;

Par jugement du 13 décembre 2007, le tribunal de commerce d’Evry a condamné Monsieur Z Y à payer à la société Sixt la somme de 50.000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2003 au titre de son engagement de caution et la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

La déclaration d’appel de Monsieur Z Y a été remise au greffe de la Cour le 12 février 2008.

Dans ses dernières écritures, au sens de l’article 954 du code de procédure civile, déposées le 12 juin 2008, Monsieur Z Y demande l’infirmation du jugement déféré et à la Cour statuant à nouveau de :

— dire qu’en consentant un prêt à la société ABBG qui se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise et en ne sollicitant pas l’autorisation du juge commissaire, la société Sixt a commis une faute qui est de nature à engager sa responsabilité,

— dire que cette faute lui a causé un préjudice,

— condamner la société Sixt à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts,

— ordonner la compensation entre les créances réciproques,

et subsidiairement l’octroi de délais de paiements lui permettant de s’acquitter de sa dette en 24 mois et sans intérêts ,

— condamner la société Sixt à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l’article 954 du code de procédure civile, déposées le 4 novembre 2008, la SAS Sixt demande la confirmation du jugement déféré et y ajoutant la condamnation de Monsieur Y à lui payer la somme de 10.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Considérant que Monsieur Z Y soutient que la société ABBG a eu un comportement fautif de nature à engager sa responsabilité en consentant un prêt à une société dont la situation était irrémédiablement compromise, ce que la société Sixt savait parfaitement; que le prêt a été consenti sans l’autorisation du juge commissaire en violation de l’article L.622-17 du code de commerce de sorte que s’il l’avait refusé ou bien accordé avec un privilège de remboursement, il n’aurait pas été poursuivi dans les mêmes proportions et qu’il a perdu une chance de ne pas être appelé en paiement, ce qui lui cause un préjudice ; que sa situation personnelle justifie de lui accorder des délais de paiement ;

Considérant que la société Sixt fait valoir qu’elle a consenti un prêt pendant la période d’observation à un moment où Monsieur Y était confiant dans les chances de redressement de son entreprise et que l’administrateur laissait espérer un apurement du passif au 1er septembre 2003 ; qu’elle n’a pas soutenu abusivement la société ABBG qui n’était pas dans une situation irrémédiablement compromise au moment de l’octroi du prêt ; que même un état de cessation des paiements autorisant l’ouverture d’une procédure collective ne suffit pas à caractériser cette situation alors que Monsieur Y lui-même considérait l’entreprise comme viable avec un chiffre d’affaires en hausse ; qu’elle n’a pas eu connaissance des éléments dont se prévaut Monsieur Y en appel et notamment du bilan économique et social de Maître X ; que la cause de la liquidation judiciaire ne tient pas au prêt et au non paiement de la première échéance mais au fait que les organismes de financement ont dénoncé les contrats de financement de véhicules en l’absence de paiement des loyers et ont récupéré les véhicules ; que Monsieur Y en sa qualité de caution dirigeante ne peut prétendre à des dommages-intérêts;

Qu’elle ajoute que l’article L.622-17 du code de commerce issu de la loi du 26 juillet 2005 n’est pas applicable en l’espèce car la loi n’est pas applicable aux procédures en cours ; que l’article L.622-32 du code de commerce dans sa rédaction antérieure n’est matériellement pas applicable car elle n’est pas un établissement de crédit mais un loueur de véhicules et que le prêt en cause n’est pas un acte qui dépasse la gestion courante n’ayant emporté aucun dessaisissement immédiat et définitif, qu’il a apporté une rentrée de fonds au profit de la société ABBG et n’a pas eu pour effet de diminuer l’actif de l’entreprise, qu’il n’avait pas être autorisé ; que Monsieur Y n’avait pas chance sérieuse de ne pas être poursuivi en paiement et que le montant du préjudice subi n’est pas établi ; que Monsieur Y ne justifie pas de sa situation financière et qu’il n’est ni un débiteur malheureux ni un débiteur de bonne foi ;

Considérant qu’il est acquis que la société Sixt, qui est une société de loueur de véhicules sans chauffeur et non un établissement de crédit, a octroyé une avance de trésorerie de 50.000 euros sans intérêts à la société ABBG qui est son franchisé à un moment où l’entreprise était en période d’observation après l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire du 3 février 2003 ;

Considérant que l’ouverture d’un redressement judiciaire, s’il caractérise un état de cessation des paiements, ne suffit pas à établir que la situation de l’entreprise était irrémédiablement compromise laquelle aurait entraîné la liquidation judiciaire ; qu’il suppose au contraire qu’il existe une possibilité de redressement exclusive d’une situation définitivement obérée ;

Considérant que Monsieur Y ne peut arguer du jugement de liquidation judiciaire du 3 novembre 2003 et du rapport de l’administrateur du 21 juillet 2003 qui sont postérieurs à l’acte de prêt du 17 juillet 2003 et des éléments qu’ils contiennent dont la révélation est également ultérieure à l’octroi du prêt ;

Considérant qu’il résulte par ailleurs du bilan économique et social établi conformément à l’article L.621- 54 ancien du code de commerce par Maître X en sa qualité d’administrateur le 21 juillet 2003 que les difficultés de la société ABBG proviennent principalement de ses relations contractuelles avec la société Budget qui était son précédent franchiseur et de la faillite de la société Budget, et notamment du financement du parc automobile acquis par la société ABBG au moment où elle a cessé d’être un agent commercial de la société Budget pour conclure avec elle un contrat de franchise en 2001 qui a mis à sa charge le financement des véhicules mettant en évidence que Monsieur Y impute à tort à la société Sixt la charge financière des crédit-baux contractés par la société ABBG antérieurement à ses relations contractuelles avec la société Sixt ;

Considérant que Maître X relève dans son rapport qu’il est dans l’attente des comptes de la société ABBG qui clôturait habituellement ses exercices comptables le 3 décembre de chaque année et qui en a reporté la clôture au 30 juin 2003 par assemblée générale du 23 décembre 2002 et être également dans l’attente d’une situation intermédiaire arrêtée à la date d’ouverture de la procédure ;

Considérant que si Maître X relève que le chiffre d’affaires réalisé par la société ABBG au cours de la période d’observation, au vu des chiffres communiqués par l’entreprise dans l’attente d’un compte de résultat, est inférieur aux prévisions établies en début de procédure par la société et son expert-comptable, que les conditions d’exploitation apparaissent dégradées et que les tensions de trésorerie ont entraîné la constitution d’un nouveau passif substantiel lequel est constitué par les loyers dûs aux loueurs de véhicules et non par le prêt en cause contrairement à ce que prétend Monsieur Y, il indique également que les prévisions d’exploitation et de trésorerie élaborées par la société ABBG et son expert-comptable laissent espérer la possibilité d’apurer la totalité de la dette au 1er septembre et de dégager une trésorerie excédentaire à hauteur de 19 Keuros ; que le franchiseur dont la lettre d’accord est annexé au rapport s’est par ailleurs engagé à consentir une avance de trésorerie de 50 Keuros ; que c’est seulement si les objectifs prévus n’étaient pas atteints au 31 juillet 2003 qu’il demanderait la conversion en liquidation judiciaire ;

Considérant que dans son rapport du 6 octobre 2003, Maître X a indiqué que la société n’a pas réussi à résorber son retard de règlement des loyers de location de véhicules et qu’elle est en situation de création de nouvelles dettes, que les crédit-bailleurs de véhicules qui ne sont pas payés dénoncent les contrats de financement et récupèrent les véhicules, ce qui ne permet pas à l’activité de se poursuivre et le conduit à demander la conversion en liquidation judiciaire ;

Considérant qu’enfin il est établi que c’est seulement le 24 octobre 2003 que Monsieur Y en tant que gérant de la société ABBG a communiqué le compte de résultat provisoire et l’évolution du chiffre d’affaires de l’entreprise sur la période du redressement judiciaire, ce qui lui interdit de soutenir que la société Sixt en a eu connaissance de tous les chiffres auparavant;

Considérant qu’en outre les éléments d’information contenus dans les lettres et rapports adressés par l’administrateur au tribunal de commerce en septembre et octobre 2003 n’ont pas pu être portés à la connaissance de la société Sixt au moment de l’octroi du prêt du 17 juillet 2003 et ne démontrent pas que cette avance de trésorerie consentie sans intérêts a causé la ruine de la société ABBG due à des causes antérieures au contrat de franchise conclu entre les parties, ni qu’elle a pu constituer un soutien abusif ayant permis de retarder la liquidation judiciaire ; qu’elle est au contraire présentée comme un moyen qui a été donné à la société ABBG au même titre que le gel du passif pour l’aider à rétablir sa situation et à présenter un plan de redressement;

Considérant qu’en conséquence il n’est pas démontré qu’au moment de l’octroi du prêt la société ABBG était irrémédiablement compromise et que la société Sixt avait des informations sur la situation de l’entreprise, ses facultés de redressement ou de manière plus générale des informations sur l’évolution prévisible de l’entreprise que son dirigeant aurait ignorées alors même que c’est Monsieur Y en sa qualité de gérant et associé qui a fourni les éléments nécessaires à la société Sixt pour qu’elle accorde à la société l’avance de trésorerie sollicitée sur la base d’un prévisionnel établi par lui-même et de son expert- comptable de la société dans le cadre de la période d’observation, ce qui exclut que Monsieur Y puisse rechercher la responsabilité de la société Sixt à ce titre;

Considérant que les dispositions de l’article L.622-17 du code de commerce issues de la loi du 26 juillet 2005 ne sont pas applicables en la cause s’agissant d’une loi entrée en vigueur le 1er janvier 2006 qui n’a pas prévu d’exception pour l’article susvisé de sorte que le présent litige est régi par la loi du 25 janvier 1985 ;

Considérant que Monsieur Y ne peut se prévaloir de la disposition susvisée inapplicable en la cause et exciper d’une situation qui lui aurait évité d’être poursuivi en tant que caution sur le fondement de cet article ;

Considérant qu’au demeurant même sous l’empire de la loi ancienne en admettant que l’acte de prêt en cause soit un acte de disposition soumis à autorisation, Monsieur Y ne peut reprocher à la société Sixt de ne pas avoir sollicité l’autorisation du juge commissaire pour consentir le prêt alors que d’une part la société Sixt n’est pas un établissement de crédit et que d’autre part c’est au chef d’entreprise et/ou à l’administrateur de solliciter cette autorisation de sorte qu’il ne peut imputer à faute à la société Sixt un manquement à une obligation qui lui incombait et qu’il n’aurait pu ignorer ;

Considérant que Monsieur Y est ainsi mal fondé à rechercher la responsabilité de la société Sixt et le jugement sera confirmé ;

Considérant que pour la première fois en cause d’appel, Monsieur Y sollicite des délais de paiement sur le fondement de l’article 1244-1 du code civil;

Considérant que Monsieur Y qui a déjà bénéficié d’un délai de paiement depuis l’assignation du 12 mai 2004 ne produit aucun justificatif sur sa situation patrimoniale et financière ; qu’il ne peut être fait droit à sa demande de délais de paiement;

Considérant qu’il est inéquitable de laisser à la charge de la société Sixt le

montant de ses frais irrépétibles ; qu’il convient de condamner Monsieur Y à lui payer la somme de 2.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;

Considérant que Monsieur Y qui succombe supportera ses frais irrépétibles et les dépens d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du tribunal de commerce d’Evry en date du 13 décembre 2007,

Y ajoutant,

Déboute Monsieur Z Y de sa demande de délais de paiement,

Le condamne à payer à la société Sixt la somme de 2.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne Monsieur Z Y aux dépens d’appel avec distraction au profit de la SCP Monin-d’Auriac de Brons dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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