Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 1, 31 mars 2010, n° 09/06299

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 1, 31 mars 2010, n° 09/06299
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 09/06299
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 19 février 2009, N° 2007037650
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de commerce de Paris, 20 février 2009
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 1 janvier 2023
Référence INPI : D20100038
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 31 MARS 2010

(n° , 08 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 09/06299

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Février 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2007037650

APPELANTES

La société DESIGN SPORTSWEARS, S.A.S.

Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 4]

Madame [A] [Y] épouse [O]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

représentées par la SCP BERNABE – CHARDIN – CHEVILLER, avoués à la Cour

assistées de Me Stéphanie ROUBINE, avocat au barreau de Paris, toque : D 1097

plaidant pour la société d’avocats J. BENAZERAH, avocats au barreau de Paris

INTIMÉES

La société CARACTERE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par la SCP GOIRAND, avoués à la Cour

assistée de Maître Antoni MAZENQ, avocat au barreau de Paris, toque P 51,

substituant Maître Philippe MASSONI, avocat au barreau de Paris, toque : P51

La société LUNA

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour

assistée de Maître Marianne GABRIEL, avocat au barreau de Paris, toque K 177,

plaidant pour la SELAS CASALONGA, avocats au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Février 2010, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Didier PIMOULLE, Président, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Christelle BLAQUIERES

ARRÊT :- contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

LA COUR,

Vu l’appel relevé par la s.a.s. Design sportswear et Mme [A] [Y] du jugement du tribunal de commerce de Paris (15ème chambre, n° de RG : 2007037650), rendu le 20 février 2009 ;

Vu les dernières conclusions des appelantes (9 février 2010) ;

Vu les dernières conclusions (5 janvier 2010) de la s.a.r.l. Caractère, intimée ;

Vu les dernières conclusions (2 février 2010) de la s.a.r.l. Luna, intimée et incidemment appelante ;

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 9 février 2010 ;

* *

SUR QUOI,

Considérant que la société Design sportswear et Mme [Y], ayant appris que des sacs reproduisant le sac connu dans le public sous le nom de « [N] », sur lequel elles revendiquent des droits d’auteur, étaient mis en vente dans la boutique exploitée par la société Caractère, [Adresse 2], après une saisie-contrefaçon qui avait permis d’identifier la société Luna comme le fournisseur de ces sacs, ont assigné ces deux sociétés sur les fondements de la contrefaçon et de la concurrence déloyale ; que le tribunal, par le jugement dont appel, ayant :

— débouté la société Luna de sa demande de nullité des opérations de saisie-contrefaçon,

— retenu que Mme [Y] était la créatrice du sac [N] et recevable à agir en contrefaçon de son droit moral d’auteur,

— dit que la société Design sportswear, qui avait divulgué et exploité sous son nom le sac en cause et bénéficiait dès lors de la présomption de titularité des droits patrimoniaux d’auteur sur celui-ci, était recevable à agir en contrefaçon,

— jugé que le modèle de sac en cause était original et éligible à la protection instaurée par le livre I du code de la propriété intellectuelle,

— écarté la contrefaçon en estimant que l’impression générale dégagée par les sacs fournis par la société Luna et mis en vente par la société Caractère était nettement différente de celle des produits proposés par la société Design sportswear,

a débouté les demanderesses de toutes leurs prétentions et rejeté les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive présentées par les défenderesses ;

Considérant que, devant la cour, les appelantes reprennent leurs demandes fondées sur la contrefaçon et la concurrence déloyale, réclament une provision, la désignation d’un expert et autres mesures réparatrices ;

Que la société Caractère conteste la qualité à agir de Mme [Y], conclut au mal fondé des prétentions de la société Design sportswear, demande reconventionnellement la condamnation des appelantes à lui payer des dommages-intérêts pour procédure abusive et réclame la garantie de la société Luna ;

Que la société Luna demande à la cour de prononcer la nullité des opérations de saisie-contrefaçon, la nullité du modèle déposé à l’INPI le 23 septembre 2004 et du modèle communautaire déposé le 6 septembre 2005 par la société Design sportswear, de débouter cette dernière et Mme [Y] comme irrecevables, à tout le moins mal fondées et de les condamner à lui payer des dommages-intérêts pour procédure abusive ;

1. Sur la demande de nullité des opérations de saisie-contrefaçon :

Considérant que la société Luna, s’emparant de la phrase suivante, tirée des dernières écritures (page 4) des appelantes : « L’huissier a soumis, selon la procédure habituelle, à la gérante, les deux sacs : le modèle original commercialisé par la sas design sportswears et le modèle contrefaisant commercialisé par la s.a.r.l caractère, en précisant que ces deux sacs avaient été présentés à l’appui de la requête », soutient que l’huissier a excédé le cadre de l’ordonnance autorisant la saisie, agi sans autorisation et ainsi entaché les opérations de saisie-contrefaçon d’une nullité de fond ;

Mais considérant que la lecture du procès-verbal de saisie-contrefaçon fait apparaître que M. [T] [M], l’huissier instrumentaire, s’étant transporté à l’adresse de la boutique exploitée par la société Caractère, a déclaré à la gérante qu’il allait procéder, en vertu de l’ordonnance l’y autorisant, aux opérations de saisie et de recherches et constatations prévues et qu’à cet instant (page 4 du procès-verbal) Mme [V], gérante, lui a déclaré qu’elle était prête à lui donner tous renseignements utiles concernant l’objet de sa mission ; qu’il n’est nullement fait mention, dans ce procès-verbal, d’une présentation à la gérante du modèle de sac supposé contrefait ; qu’il en résulte que le premier moyen de nullité manque en fait ;

Considérant que la société Luna soutient encore que les opérations de saisie-contrefaçon devraient être annulées au motif que l’huissier requis a fait une description erronée du modèle saisi en mentionnant notamment que les sacs référencés 8210208 auraient des anses qui « sont constituées de trois parties reliées par des rivets métalliques » ;

Mais considérant que le procès-verbal indique : « Ces sacs sont constituées (sic) de trois parties reliées par des rivets métalliques » et ajoute  : « Chaque anse comporte deux boucles en métal » ; qu’il n’est pas contesté que ces éléments de la description se rapportent au modèle de sac saisi et non à un autre, dont la configuration, spécialement celle des anses, est précisément l’objet du débat sur la réalité de la contrefaçon invoquée ; que l’inexactitude alléguée n’est en toute hypothèse pas de nature à justifier la nullité des opérations de saisie-contrefaçon ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société Luna tendant à l’annulation des opérations de saisie-contrefaçon ;

2. Sur la recevabilité à agir de Mme [Y] :

Considérant que la personne qui entend se prévaloir des droits de l’auteur doit rapporter la preuve d’une création déterminée à une date certaine ; que les intimées contestent à juste titre la recevabilité à agir de Mme [Y] faute, pour cette dernière, de rapporter cette preuve dont la charge lui incombe ;

Considérant que Mme [Y] soutient que, dès lors qu’elle agit aux côtés de la société Design sportswear, laquelle bénéficie de la présomption qui accorde aux personnes morales la protection au titre du droit d’auteur pour la divulgation, la commercialisation ou la distribution d’une 'uvre originale, en l’espèce le sac [N], elle doit, de ce seul fait, être également présumée titulaire du droit moral d’auteur sur la même 'uvre ;

Mais considérant que la présomption de titularité des droits d’auteur dont bénéficie la personne morale qui est la première à faire connaître une 'uvre au public ne dispense pas la personne physique qui prétend se prévaloir de droits sur la même 'uvre de prouver sa qualité d’auteur ;

Considérant, par ailleurs, que les multiples éléments produits au débat à titre subsidiaire par Mme [Y] sont, pour certaines, dépourvues de pertinence, tandis que les autres comportent des invraisemblances, imprécisions ou contradictions telles que leur addition, loin d’emporter la conviction, ne fait que nuire à leur force probante ;

Que c’est ainsi, en premier lieu, et au contraire de ce qu’a retenu à tort le tribunal, que l’attestation (pièce 22) datée du 3 février 2005 que Mme [Y] s’est faite à elle-même est inopérante, nul n’étant admis à se constituer une preuve à soi-même ;

Que, par ailleurs, le contrat de travail versé au débat montre Mme [Y] comme salariée de la société Organdi qui, pour être une filiale de la société Design sportswear, n’en a pas moins une personnalité juridique distincte ; que l’attestation de la société d’expertise comptable Amperex du 14 novembre 2006 (pièce 28), suivant laquelle la société Design sportswear prenait à sa charge les dépenses du bureau de style de la société Organdi, se rapporte à l’année 2005 ; qu’il ne peut être déduit de ce document que Madame [Y] aurait été salariée de la société Design sportswear et aurait, dans le cadre de ses relations de travail, créé, comme elle l’atteste, le sac en cause en octobre 2003 ;

Que l’attestation du gérant de la société Création Delphine (pièce 24), outre qu’elle ne satisfait pas aux conditions de forme de l’article 202 du code de procédure civile, n’établit nullement la qualité d’auteur de l’appelante puisqu’elle se borne à relater que le signataire, M. [U], a reçu, par l’intermédiaire de Mme [O] [A], styliste et responsable de la ligne maroquinerie au sein de la société Gérard Darel (nom commercial de la société Design sportswear,) un croquis et fiche technique d’un sac référencé U806 en octobre 2003 et ne donne aucune précision sur les circonstances de la création ;

Que les croquis et fiche technique versés aux débats (pièce 3) ne sont pas plus probants dès lors qu’ils ne comportent pas de mention relative à Mme [Y] ;

Que les courriels produits par les appelantes n’établissent pas davantage le rôle que s’attribue Mme [Y], s’agissant pour la plupart de messages émanant de [A] [C] ou destinés à cette dernière qui ne font aucune référence au sac en cause ; que les documents de travail, dont il n’est pas démontré qu’ils seraient de la main de Mme [Y], relatifs à la collection cuir pour la période automne-hiver 2004, les devis et factures qui se réfèrent également à des vêtements ne donnent pas plus de précision sur la réalité de la création revendiquée par Madame [Y] ;

Que les attestations de Mmes [G], [W], [I] et [C], toutes collaboratrices ou en lien de subordination avec la société Design sportswear, outre le fait que les deux premières s’arrogent tout comme Mme [Y], la qualité de responsable de collection, contiennent des erreurs qui ne les rendent pas plausibles ; que Mme [G] se réfère ainsi à une date de création entre juillet et septembre 2003 alors que Mme [Y] a accouché au début du mois d’août 2003 tandis que d’autres éléments situent cette date en octobre 2003 ; que ces pièces montrent essentiellement que Madame [Y] avait un rôle dans la transmission et le suivi des collections, que cette fonction est encore confirmée par l’article du Figaro de juin 2007 (pièce 46) dans lequel elle est qualifiée de directrice de la création de la maroquinerie sans toutefois associer son nom de manière plus précise au sac [N] alors que l’article en question mentionne ce sac comme un virage de Darel ;

Qu’il ne peut enfin être tiré argument de la mention du nom de Mme [Y] en qualité de créatrice lors du dépôt du modèle communautaire, qui n’est que déclaratif de droit et qui est en contradiction avec le dépôt du modèle effectué auparavant à l’INPI au nom de la société Design sportswear ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme [Y] échoue à rapporter la preuve de sa qualité d’auteur et doit en conséquence être déclarée irrecevable en son action ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;

3. Sur les demandes de la société Luna tendant à la nullité des modèles :

Considérant que la société Luna demande à la cour de prononcer la nullité du modèle n° 04 4536 déposé à l’INPI le 23 septembre 2004 la nullité du modèle communautaire n° 000395660 déposé le 6 septembre 2005 ;

Mais considérant que les appelantes fondent expressément leurs demandes sur les livres I et III du code de la propriété intellectuelle, se rapportant au droit d’auteur, et non sur les dispositions du livre V du même code relatif aux dessins et modèles ; que la société Luna est dès lors irrecevable à solliciter à titre reconventionnel la nullité de modèles déposés qui ne lui sont pas opposés ; qu’elle ne développe en outre expressément aucun moyen spécifique à l’appui de sa demande de nullité du modèle n° 04 4536 déposé à l’INPI ; que ces demandes seront en conséquence écartées ;

4. Sur l’originalité du sac «  [N] » :

Considérant, dès lors que les appelantes revendiquent la protection du droit d’auteur relativement au sac « [N] » dont les intimées contestent l’originalité, qu’il y a lieu de rechercher si celui-ci constitue ou non une création originale ;

Considérant que la société Design sportswear expose que le sac « [N] » se caractérise par les éléments suivants :

— sac rectangulaire réalisé avec un fond,

— sur le devant et le dos du sac existent des bandes de cuir qui sont dans la prolongation des anses constituées de trois parties et reliées par des rivets en métal,

— chaque anse a deux boucles en métal,

— chaque côté du sac est coulissé avec un cordon en cuir ou en coton passé dans des rivets métalliques,

— l’intérieur du sac est entièrement doublé en coton,

— il y a une poche intérieure zippée et le sac est fermé par une pression en métal intérieure,

et précise que son originalité réside dans la combinaison des trois caractéristiques ci-après :

'' anse tripartite,

' effet bourse de chaque côté du sac,

' prolongation des anses sur chaque face du sac ;

Qu’elle indique que ce modèle a été fabriqué dans une première version dite « sac 24 heures » sous la référence U0806 U370 pour la saison d’été 2004 ; qu’aucun élément du débat ne permet de retenir une date de divulgation antérieure plus précise, laquelle n’est au demeurant pas discutée par les intimées ;

Considérant que, pour contester l’originalité revendiquée, la société Luna fait valoir que « l’élément 'drapé’ existait bien antérieurement au sac « [N] », de sorte que les appelantes ne sauraient valablement se l’approprier ni même revendiquer un quelconque monopole sur le genre que constituent les 'sacs drapés’ » ; que la société Caractère soutient pour sa part que « 'l’effet bourse’ ou 'sac drapé’ ne sauraient être considérés comme une création originale en terme de sac. La bourse étant, évidemment, l’ancêtre du sac ! » ;

Mais considérant que ces arguments, qui isolent, pour la banaliser, la caractéristique sur laquelle, il est vrai, la société Design sportswear a fait principalement porter ses efforts de promotion du modèle, sont inopérants en ce qu’ils négligent le fait que cet aspect drapé ou effet bourse n’est qu’un des éléments constitutifs de l’originalité revendiquée, laquelle ne peut se dissocier des deux autres caractéristiques avec lesquelles elle se combine, soit les anses en trois parties et leur prolongation sur chacune des faces du sacs ;

Considérant que la société Luna présente en outre deux modèles qui, selon elle, présentent une combinaison identique de caractéristiques détruisant l’originalité du sac «[N] » ;

Considérant, s’agissant en premier lieu du modèle « Theda » apparu en 2003, que si, en effet, celui-ci présente, in abstracto, les trois éléments de la combinaison revendiquées, la cour, après avoir examiné les pièces présentées, estime que ce modèle offre une physionomie toute différente de celle du sac « [N] », lequel s’en distingue notamment par la proportion générale plus allongée, la forme rectangulaire et non pas en trapèze et la souplesse de la matière ; que la société Luna tente vainement, pour rendre son argumentation plus démonstrative, de présenter ce modèle « Theda » en retirant les signes par lesquels il se recommande particulièrement à l’observateur, à savoir un système de fermeture mis en évidence par la présence d’une grosse boucle centrale et les initiales 'LV’ (Louis Vuitton) ;

Que s’agissant, en second lieu, du modèle n° 41004 de la société italienne nuova hxh, que celui-ci comporte bien un effet drapé aux deux extrémités et la prolongation des anses sur chacune des faces, mais ne reproduit pas la combinaison caractéristique du sac «[N] » puisqu’il présente des anses plates et en une seule partie et n’offre pas une forme générale de nature à banaliser la physionomie particulière du sac « [N] » ;

Considérant enfin que les reproductions de modèles présentées par les appelantes en pièce 4 « antériorités diverses », soit ne sont pas datées, soit remontent seulement à 2005 ou à une période postérieure et sont donc dépourvues de pertinence ;

Considérant, en synthèse, que le jugement entrepris mérite confirmation en ce qu’il a décidé que la combinaison des éléments revendiqués par la société Design sportswear confère au sac « [N] » une originalité qui traduit un parti pris esthétique qui porte l’empreinte de la personnalité de son auteur, de sorte que ce modèle bénéficie de la protection instaurée par le livre I du code de la propriété intellectuelle ;

5. Sur la contrefaçon :

Considérant qu’il est constant que l’existence de la contrefaçon s’apprécie par les ressemblances et non par les différences, ce que les parties admettent ;

Considérant, en l’espèce, qu’il est exact que le sac « Sabrina » commercialisé par la société Caractère et fourni par la société Luna ressemble au sac « [N] » en ce qu’il présente un effet drapé aux extrémités et une bande surpiquée prolongeant les anses sur chacune des faces ; que les deux modèles présentent encore des dimensions voisines dans des proportions analogues ;

Mais considérant que ces ressemblances sont insuffisantes à caractériser la contrefaçon alléguée dès lors qu’elles portent sur des caractéristiques prises isolément, telles que l’effet drapé ou la bande rapportée prolongeant les anses, lesquelles figuraient dans des modèles antérieurs au sac « [N] » et peuvent, à ce titre, être regardées comme appartenant au fond commun de l’univers du sac à main, en tout cas très peu discriminantes ;

Que la société Design sportswear affirme contre la vérité que le sac « Sabrina » reproduit à l’identique la combinaison des caractéristiques dont le sac « [N] » tire son originalité puisque, tout au contraire, les anses du modèle argué de contrefaçon ne sont pas en trois parties, mais d’une seule pièce, et que leur système d’attache sur le haut du sac présente un aspect qui le distingue sensiblement ;

Considérant que l’absence de ressemblance concernant une caractéristique particulièrement distinctive du modèle supposé contrefait ne permet pas de retenir la contrefaçon alléguée ;

Considérant, en outre, que la comparaison des deux modèles fait apparaître des différences, exactement relevées par le tribunal, qui achèvent de démontrer que l’impression globale qu’ils donnent chacun permet de les distinguer et conduit à la conclusion que le sac « Sabrina » n’est pas la contrefaçon du sac « [N] » ; que le jugement entrepris sera encore confirmé de ce chef ;

6. Sur la concurrence déloyale :

Considérant que la société Design sportswear reproche aux sociétés Luna et Caractère d’avoir commercialisé, à moindre prix, une copie servile du sac « [N] » ;

Mais considérant que si ces griefs sont susceptibles d’aggraver le préjudice résultant de la contrefaçon, ils ne constituent pas des faits distincts de concurrence déloyale ;

Que la pratique d’un prix dérisoire n’est pas établie puisque, selon les propres écritures de la société Design sportswear, les sacs incriminés ont été vendus au prix moyen de 145 euros, les sacs originaux étant proposés au prix de vente de 220 à 340 euros suivant la taille ;

Considérant que le parasitisme économique est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ;

Qu’une telle circonstance n’est pas démontrée en l’espèce dès lors que la société Design sportswear se borne à affirmer qu’elle consacre des sommes importantes au fonctionnement de son bureau de style, à la conception de ses catalogues, à sa participation à des salons professionnels, à la conception de ses créations, ou à la rémunération de Mademoiselle [N] [R], en ajoutant, non sans contradiction, qu’il n’est nul besoin de préciser sur l’importance de ces sommes ;

Considérant que le jugement sera en conséquence encore confirmé en ce qu’il a rejeté les prétentions de la société Design sportswear fondées sur la concurrence déloyale ;

7. Sur les autres demandes :

Considérant qu’il résulte du sens de cet arrêt que la demande de garantie présentée par la société Caractère à l’encontre de la société Luna est sans objet et doit être rejetée ;

Considérant qu’il n’est pas établi que les appelantes auraient abusé de leur droit d’agir en justice ; que les intimées ne démontrent pas qu’elle auraient subi, du fait de la procédure, un préjudice distinct de la nécessité dans laquelle elles se sont trouvées d’avoir à exposer des frais pour sa défense, ce qui donnera lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions fixées au dispositif ; que leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive seront en conséquence rejetée ;

* *

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a déclaré Mme [A] [Y] recevable à agir ;

Le RÉFORMANT et STATUANT à nouveau de ce seul chef,

DÉCLARE Mme [A] [Y] irrecevable en son action,

DÉBOUTE les parties de toutes leurs demandes contraires à la motivation,

CONDAMNE Mme [A] [Y] et la société Design sportswear aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile et à payer, par application de l’article 700 du code de procédure civile, 10.000 euros à la société Caractère et 30.000 euros à la société Luna.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

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