Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 13 décembre 2011, n° 09/11305

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 8, 13 déc. 2011, n° 09/11305
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 09/11305
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 7 avril 2009, N° 2007071545

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRET DU 13 DECEMBRE 2011

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 09/11305

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2007071545

APPELANTS

Monsieur F Z

domicilié pour les besoins de la présente chez XXX

XXX

représenté par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN, avoués à la Cour

assisté de Me F. MENGES, avocat au barreau de PARIS, D284

Société Civile BAYARD MONTAIGNE

prise en la personne de son gérant, M. F Z

ayant son siège XXX

XXX

représentée par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me F. MENGES, avocat au barreau de PARIS, D284

INTIMES

S.A COMPAGNIE EUROPEENNE D’HOTELLERIE

prise en la personne de son Président Directeur Général

ayant son siège Le Médicis

XXX

XXX

représentée par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour

assistée de Me Sandra DOS SANTOS, avocat au barreau de PARIS, L211

(SELARL HUET & Associés

Monsieur P X

XXX

LUXEMBOURG

décédé

Madame H B

XXX

XXX

représentée par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour

assistée de Me Sandra DOS SANTOS, avocat au barreau de PARIS, L211

(SELARL HUET & Associés

Monsieur N Y

XXX

BELGIQUE

représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour

assisté de Me Sandra DOS SANTOS, avocat au barreau de PARIS, L211

(SELARL HUET & Associés

Monsieur D C

XXX

représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour

assisté de Me Sandra DOS SANTOS, avocat au barreau de PARIS, L211

(SELARL HUET & Associés

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 octobre 2011, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame DELBES, Conseillère, faisant fonction de Présidente, et Monsieur BOYER, Conseiller, chargés d’instruire l’affaire,

Un rapport a été présenté à l’audience conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Evelyne DELBES, Conseillère faisant fonction de Présidente

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

Monsieur Edouard LOOS, Conseiller désigné en application de l’article R 312-3 du Code de l’Organisation judiciaire

Greffier, lors des débats : Madame Marie-J HOUDIN

ARRÊT :

— contradictoire

— rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Evelyne DELBES, Conseillère, faisant fonction de Présidente, et par Madame HOUDIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La SA Compagnie Européenne d’Hôtellerie (CEH) est filiale à 55 % de la société de droit luxembourgeois Continental Investment and Management (CIM) et à 45% de la SCI Bayard Montaigne, dont le capital est lui-même détenu par M. F Z. M. Z et la société Arcade Investissement Conseil détiennent, en outre, chacun, deux actions de la société CEH. Celle-ci gère trois sociétés en nom collectif, la SNC Antibes Jules Grec, la SNC Resideal Grande Motte et la SNC Cannes L AB, qui sont ses filiales et qui exploitent, chacune, une résidence de tourisme. Les propriétaires des murs de ces résidences sont trois SAS de droit français, la SAS Louicannes, la SAS Antibes Piscine et la SAS Bernard de Ventadour, toutes trois filiales du groupe luxembourgeois GMH, actionnaire principal de la société CIM.

Le 9 janvier 1996, la société Continental Cargo, devenue CIM, et M. Z ont conclu un pacte d’actionnaires arrêtant les termes de leur partenariat. Ce pacte fixe à trois, le nombre de représentants de la société CIM au conseil d’administration de la société CEH (groupe A : Mme H B, M. Y et M. C, remplacé ensuite par M. X) et à deux, le nombre de représentants de la société Bayard Montaigne au dit conseil d’administration (groupe B : M. Z et la société Arcade Investissement Conseil représentée par M. J K).

Le 1er février 1996, M. Z a été nommé président du conseil d’administration et directeur général de la société CEH. Il a été révoqué de ces fonctions de président, par décision du conseil d’administration en date du 22 mars 2007, et de ses fonctions de directeur général, par décision du conseil d’administration du 17 avril 2007, tout en restant administrateur.

M. Z a été remplacé par M. C, au poste de président du conseil d’administration, et par M. X, à celui de directeur général.

M. Z a mis en oeuvre, à l’encontre de la société CIM, l’option de cession forcée de ses parts aux actionnaires majoritaires que le pacte d’actionnaires lui offrait, en cas de révocation. Ce processus est toujours en cours.

Ces événements sont intervenus dans le cadre d’un conflit qui s’est élevé entre les administrateurs du groupe A et ceux du groupe B sur le point de savoir qui, des propriétaires bailleurs (le groupe luxembourgeois et ses trois filiales, les SAS), ou des titulaires des baux commerciaux (la société CEH et ses filiales, les SNC), devait entreprendre et payer les travaux de réparation et de remise à niveau des résidences, notamment celle de Cannes.

Sur la demande de M. Z et par un arrêt du 4 mai 2007, cette cour a désigné Maître A en qualité d’administrateur provisoire de la société CEH. La mission de cet administrateur a pris fin le 28 avril 2008.

Le 23 novembre 2006, soit avant sa révocation, M. Z, agissant en qualité de président et de directeur général de la société CEH, a fait pratiquer des saisies conservatoires, entre les mains des SNC locataires, sur les loyers dus aux SAS propriétaires des murs, qu’il estimait redevables d’indemnités compensatrices des préjudices causés par leur refus de prendre en charge les travaux de rénovation des résidences et par les manoeuvres par elles déployées pour détourner le fonds de commerce de la SNC Cannes L M et résilier, sans bourse déliée, le bail commercial dont celle-ci bénéficiait, pour le transformer, à leur bénéfice, en une résidence de luxe.

Ensuite de ces saisies et, par acte du 22 décembre 2006, la société CEH, toujours représentée par M. Z, la SNC Antibes Jules Grec, la SNC Resideal Grande Motte et la SNC Cannes L AB ont assigné la SAS Louicannes et M. X devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir le paiement de dommages et intérêts, en réparation de la perte du fonds de commerce de Cannes et la validation des saisies des loyers. Les deux autres bailleresses, les SAS Antibes Piscine et Résidence Bernard de Ventadour, sont intervenues volontairement dans cette instance.

La société CEH, dotée d’un nouveau président et d’un nouveau directeur général après la révocation de M. Z, ont fait signifier, dans cette procédure, des conclusions de désistement. Maître A, ès qualités d’administrateur provisoire de la société CEH, d’une part, M. Z, la SCI Bayard Montaigne et la société Arcade Investissements Conseil, représentée par M. J K, sont, alors, intervenues volontairement dans l’instance, prétendant exercer l’action sociale, selon eux, abandonnée, au mépris de ses intérêts, par la société CEH.

Par ailleurs, selon acte du 23 avril 2007, M. Z, agissant en qualité d’administrateur de la société CEH et de gérant de la SCI Bayard Montaigne, et M. J K, agissant en qualité de représentant légal de la société Arcade Investissement Conseil, prise en sa qualité d’administrateur de la société CEH, ont assigné M. C, M. Y, Mme B et M. X devant le tribunal de commerce de Paris pour voir dire nulles les décisions prises par les conseils d’administration des 22 mars et 17 avril 2007 ayant révoqué M. Z de ses mandats et désigné M. C et M. X pour le remplacer.

Ces deux instances ont donné lieu au prononcé, par le tribunal de commerce de Paris, d’un jugement en date du 1er juillet 2009 à l’encontre duquel M. Z, la SCU Bayard Montaigne et la société Arcade Investissements Conseil ont interjeté appel.

Par actes d’huissier de justice en date des 13, 14 et 27 septembre 2007, M. Z, agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de gérant de la SCI Bayard Montaigne, a assigné Maître A, ès qualités d’administrateur provisoire de la société CEH, M. N Y, M. P X, Mme H B et M. D C devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir le paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices que les révocations vexatoires et sans juste motif dont il a été l’objet lui ont causés.

Par jugement du 8 avril 2009, le tribunal de commerce de Paris a mis Maître A, ès qualités, hors de cause, sa mission ayant pris fin le 28 avril 2008, a débouté M. Z pris tant à titre personnel qu’en qualité de gérant de la SCI Bayard Montaigne et cette dernière de toutes leurs demandes, a condamné les intéressés à payer, chacun, 1 000 euros à M. X, à Mme B, à M. Y, à M. C et à la société CEH, chacun, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 18 mai 2009, M. Z, agissant tant à titre personnel qu’en qualité de gérant de la société Bayard Montaigne, et ladite société, ont interjeté appel de cette décision, intimant toutes les parties présentes en première instance, à l’exception de Maître A, ès qualités.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 23 juin 2011, les appelants demandent à la cour de constater que M. Z a été révoqué de ses fonctions de président de la société CEH dans des conditions brusques et vexatoires et de ses fonctions de directeur général sans juste motif, en conséquence :

— sur la demande de M. Z, à titre personnel, de condamner la société CEH à lui payer la somme de 458 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,

— sur la demande de la SCI Bayard Montaigne et de M. Z exerçant, au nom de la société CEH l’action sociale, de condamner solidairement Mme B et MM. Y et C, ou l’un à défaut de l’autre, à garantir et rembourser à la société CEH la somme qu’elle aura payée, à titre de dommages et intérêts, à M. Z, ou à payer directement à celui-ci, au lieu et place de la société CEH, le montant de toutes les condamnations mises à sa charge et, notamment, la somme de 458 000 euros,

— sur la demande de la société Bayard Montaigne en réparation de son préjudice personnel, distinct de celui de la société CEH, de condamner solidairement Mme B et de MM. Y et C, ou l’un à défaut de l’autre, au paiement de la somme de 550 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter 'de ce jour',

— sur la demande de M. Z en réparation de son préjudice personnel, distinct de celui de la société CEH, par lui subi du fait des manoeuvres de Mme B et MM. Y et C, de condamner ces derniers, solidairement ou l’un à défaut de l’autre, au paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,

et de condamner solidairement les intimés au paiement de la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 30 septembre 2011, la société CEH, Mme B, M. Y et M. C demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que M. Z a été révoqué de ses mandats de président et de directeur général de la société CEH dans des conditions qui n’ont été ni vexatoires ni abusives et pour de justes motifs et en ce qu’il a débouté M. Z et la SCI Bayard Montaigne de toutes leurs demandes formulées à l’encontre de la société CEH, de Mme B et de MM. Y et C, en leur qualité d’administrateurs de la société CEH, de l’infirmer en ce qu’il a rejeté leurs demandes reconventionnelles, statuant à nouveau de ce chef, de condamner M. Z et la SCI Bayard Montaigne à verser, chacun, à chacun d’eux, la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement d’une amende civile.

SUR CE

Considérant que M. X, intimé, est décédé le XXX, soit antérieurement à la déclaration d’appel, de sorte que celle-ci est nulle en ce qu’elle vise l’intéressé ;

Considérant que par jugement du 1er juillet 2011, M. Z a été débouté de sa demande en nullité des décisions des conseils d’administration des 22 mars et 17 avril 2007 l’ayant révoqué ; que dans l’instance d’appel par lui engagée à l’encontre de cette décision, il n’a pas maintenu sa demande en nullité ; que dans ladite instance la cour rend, ce jour, un arrêt qui prenant acte de la position de M. Z, confirme le jugement déféré ;

Considérant que M. Z soutient que sa révocation de ses fonctions de président de la société CEH est abusive, car intervenue dans des conditions brusques et vexatoires, et que sa révocation de ses fonctions de directeur général n’est pas fondée sur de justes motifs ; qu’il fait plaider que les actionnaires du groupe A, représentant l’actionnaire majoritaire de la société CEH, la société CIM, ont manoeuvré pour priver la société CEH du plus important de ses actifs, à savoir le fonds de commerce de la résidence Cannes L AB, et que c’est, parce qu’en tant que président de la société CEH, il a tenté, dans l’intérêt de celle-ci, de s’opposer à ces menées, qu’il a été révoqué ; que M. Z, représentant la SCI Bayard Montaigne, soutient que celle-ci a subi un préjudice distinct du sien propre, dans la mesure où sa participation de 45 % dans la société CEH se trouve dévalorisée du fait des manoeuvres des intimés et de la fermeture de la résidence de Cannes, qui a privé la société CEH d’une partie de son chiffre d’affaires et, par suite, la SCI Bayard Montaigne de dividendes ; que M. Z fait encore valoir que, du fait de l’abus de majorité des administrateurs et actionnaires majoritaires de la société CEH, il a subi un préjudice personnel distinct de celui lié à sa révocation et sollicite à ce titre l’allocation de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que dans ses dernières conclusions signifiées le 30 septembre 2011, M. Z fonde sa demande relative au caractère abusif de sa révocation de ses fonctions de président du conseil d’administration de la SA CEH sur l’article L 225-47 du code de commerce relatif aux sociétés anonymes et non plus sur l’article L 223-25 du même code, relatif à la révocation du gérant d’une société à responsabilité limitée ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par les intimés à ces demandes, à raison du caractère erroné de leur fondement, doit être rejetée ;

Considérant que la société CEH, Mme B et MM. Y et C répliquent, au fond, que les révocations de M. Z, intervenues à raison des graves fautes de gestion commises par l’intéressé, ont été régulières et justifiées ;

Sur la révocation de M. Z de ses fonctions de président du conseil d’administration

Considérant qu’aux termes de l’article L 225-47 du code de commerce, le conseil d’administration peut révoquer son président à tout moment ; que la révocation peut cependant revêtir un caractère abusif lorsqu’elle est accompagnée de circonstances portant atteinte à la réputation ou à l’honneur du dirigeant révoqué ou lorsqu’elle a été décidée brutalement, sans respecter le principe de la contradiction ; que pour déterminer si l’abus est établi, il y a lieu de tenir compte des seules circonstances de la révocation, à l’exclusion des griefs formulés contre le dirigeant ;

Considérant que M. Z a été révoqué par une décision du conseil d’administration en date du 22 mars 2007 ; que les appelants fustigent les conditions dans lesquelles ce conseil a été convoqué et s’est tenu et arguent d’irrégularités postérieures à cette tenue ;

Considérant que les appelants exposent que le conseil d’administration a été convoqué par lettre d’un seul des trois administrateurs du groupe A, représentant la société CIM, et seulement le 20 mars, alors que le conseil ne peut être convoqué sans délai qu’en cas d’unanimité, ce qui n’a pas permis au second administrateur du groupe B, le leur, d’y être présent ; que ces griefs sont exactement ceux développés par les appelants au soutien de leur demande en nullité de la décision du conseil d’administration visée, dont ils ont été déboutés par le jugement du 1er juillet 2009, confirmé par un arrêt de ce jour ; que la cour ne peut que constater qu’il a été définitivement jugé que les circonstances dénoncées par les appelants ne caractérisent aucune irrégularité ; que ces griefs ne peuvent être retenus ;

Considérant que les appelants exposent que les administrateurs du groupe A ont tout mis en oeuvre pour lui retirer la gestion de la société CEH au moment même où il agissait judiciairement pour défendre les intérêts de celle-ci, contre leurs menées; qu’ils précisent que les intéressés ont malicieusement avancé au 19 mars 2007 la date d’un conseil, initialement convoqué pour le 21 mars 2009, et ce, pour révoquer M. Z avant que le tribunal de commerce de Paris, saisi par ce dernier d’une demande de nomination d’un administrateur provisoire pour la société CEH, rende sa décision et que, le 3 mai 2007, soit la veille de la nomination de d’administrateur par la cour d’appel, en un arrêt du 4 mai 2007, ils ont fait se désister la société CEH de l’action en responsabilité qu’en sa qualité de représentant légal de l’intéressée, M. Z avait engagé contre eux ; que la cour observe qu’il n’a pas été fait échec à la désignation d’un administrateur provisoire, effectivement intervenue, et que les faits dénoncés par les appelants, dont l’un est postérieur de plus d’un mois à la révocation de M. Z, dénotent seulement, de la part de leur auteur, une appréciation différente de celle de M. Z des intérêts de la société et des moyens de les défendre et ne sont pas de nature à caractériser un abus du droit de révocation ;

Considérant que les appelants font valoir que le conseil du 22 mars 2007 s’est tenu, à la demande de l’associé majoritaire CIM, en présence d’un huissier de justice, qui a omis de joindre au procès-verbal de la réunion la communication de M. Z, présidant de la séance, dénonçant l’irrégularité du conseil, et ajoute que les administrateurs du groupe A se sont contentés d’exposer qu’ils procédaient à sa révocation en tant que président 'en raison du désaccord existant entre les actionnaires majoritaires et Monsieur F Z’ ; que l’on a vu ci-dessus qu’il a été jugé que les irrégularités invoquées n’en étaient pas et qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte des griefs formulés pour déterminer si l’abus du droit de révocation est établi, étant précisé que les termes incriminés par les appelants n’ont rien de vexatoire;

Considérant que les appelants ajoutent que les administrateurs du groupe A ont déposé au greffe du tribunal de commerce un procès-verbal de la réunion du conseil du 22 mars 2007 amputé de leurs réserves écrites concernant les irrégularités par lui dénoncées et que, le 9 avril, un nouvel extrait Kbis de la société CEH, ainsi modifié irrégulièrement, le fait apparaître comme 'Directeur général non administrateur', alors qu’il n’a jamais perdu la qualité d’administrateur ; que le défaut d’annexe au procès-verbal de réserves concernant des irrégularités sans fondement ne permet pas de conférer à la révocation de M. Z une caractère vexatoire ; que les appelants ne démontrent pas que la présence, dans le Kbis de la société CEH, d’une mention indiquant que M. Z n’était pas administrateur, rapidement corrigée, puisse procéder d’une intention maligne et vexatoire des intimés et non pas d’une simple erreur matérielle du greffe du tribunal de commerce ;

Considérant que les appelants n’établissent donc pas le caractère abusif de la révocation de M. Z de ses fonctions de président du conseil d’administration de la société CEH ;

Sur la révocation de M. Z de ses fonctions de directeur général

Considérant que l’article L 225-55 du code de commerce dispose que le directeur général est révocable à tout moment par le conseil d’administration et que, si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts;

Considérant que, dans une lettre du 4 avril 2007, M. C, qui a remplacé M. Z dans ses fonctions de président du conseil d’administration, a indiqué à l’intéressé que, dans sa gestion de la société CEH, il n’avait pas respecté les baux commerciaux liant les SNC, filiales de l’intéressée et gérées par celle-ci, à leurs bailleurs, qu’il n’avait pas réalisé les travaux nécessaire à l’entretien des résidences ni jugé utile de provisionner des travaux ou de commander du matériel nouveau, et a stigmatisé cette méthode de gestion, comme privilégiant la distribution de dividendes aux actionnaires au détriment des intérêts sociaux ; que, dans le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 17 avril 2007, la révocation de M. Z est ainsi justifiée : 'Monsieur Z n’a pas hésité à engager diverses procédures totalement infondées et à retenir des pièces comptables et notamment de trésorerie (relevés de compte bancaire) réclamées depuis plusieurs mois, non seulement par le principal actionnaire, mais également par trois des cinq membres du conseil d’administration et dernièrement, depuis quelques semaines, par le président Monsieur D C. En effet Monsieur F Z, sans requérir l’accord du conseil d’administration, a introduit diverses actions judiciaires et n’a pas hésité à les poursuivre, alors même que la majorité des membres du conseil d’administration lui ont indiqué leur incompréhension concernant lesdites procédures, les jugeant contraires à l’intérêt de la société. Je vous rappelle à cet égard, que Monsieur Z, au cours du dernier conseil d’administration, a été dans l’impossibilité la plus totale de justifier du défaut de renouvellement du matériel et d’entretien et de rénovation des résidences de tourisme gérées par les filiales de la société. Il a entendu maintenir diverses procédures en cours et interjeter appel notamment au nom de la société et de ses filiales de l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 22 mars 2007. L’ensemble des procédures était notamment fondé sur une prétendue détériorations des comptes de la société CEH et de ses filiales’ ;

Considérant que le conflit entre M. Z et les administrateurs du groupe A a débuté en 2005 et trouve sa source dans la question de savoir qui, des bailleurs, les SAS, filiales du groupe de l’actionnaire majoritaire, CIM, ou des preneurs, les SNC, filiales de la société CEH, devaient entretenir les résidences et renouveler le mobilier; que les appelants soutenaient et soutiennent, contre les administrateurs du groupe A, que ces travaux et les investissements correspondant incombaient aux bailleurs, qui y pourvoyaient depuis la conclusion des baux ;

Considérant, cependant, que les appelants ne justifient de l’existence d’aucune convention mettant à la charge des bailleurs les travaux d’entretien des résidences et de leur mobilier ; que les baux commerciaux liant les filiales de la société CEH aux bailleurs, et dont le modèle est annexé au pacte d’actionnaires conclu, le 9 janvier 1996 entre M. Z et la société CIM, mettent clairement à la charge du preneur l’exécution, tant au début du bail que pendant son cours, toutes les réparations d’entretien, à l’exclusion des grosses réparations prévues à l’article 606 du code civil qui sont à la charge du bailleur ; que la phrase du pacte d’actionnaires invoquée par les appelants ainsi rédigée : 'Investment to be by the landlord : As per schedule attached', qu’ils traduisent par : 'Les investissements seront pris en charge par le propriétaire conformément au programme attaché’ et les intimés par : 'Investissement à réaliser par le propriétaire : dans les termes du programme attaché aux présentes', renvoie, en toute hypothèse, à un programme effectivement attaché au pacte, qui figure en dernière page des annexes de celui-ci et qui est intitulé : 'Renovate Investments for Antibes and Cannes (1996 to 1998 and 1999)", lequel limite manifestement dans le temps, la nature et les bénéficiaires (les seules résidences d’Antibes et de Cannes) l’engagement du bailleur aux travaux de rénovation ; que l’obligation ainsi prise par ces deux bailleurs a donné lieu à l’établissement d’un avenant n° 1 à chacun des baux concernant ces résidences ; que, si aux termes du dit avenant, deux bailleurs ont accepté de prendre en charge les travaux de rénovation, ceux-ci sont limitativement énumérés et la période concernée est strictement définie (1996 à 1999) ; que chaque avenant précise qu’il est dérogatoire aux charges et conditions du bail, de sorte que les appelants ne peuvent s’en prévaloir pour exciper d’un usage et d’une obligation permanente et générale de tous les bailleurs aux travaux d’entretien ; qu’ils ne peuvent pas, non plus, inférer l’existence d’une telle obligation, des travaux de mise aux normes d’hygiène et de sécurité et des petits travaux, d’un montant inférieur à 30 000 euros, pris en charge par la SAS Louicannes et la SAS Antibes Piscine, de 2001 à 2004, ni du fait que les bailleurs ont mandaté la société Soludec, en 2005, à l’effet d’établir un rapport technique sur l’état des résidences de Cannes et d’Antibes, étant observé que ledit rapport ne préconise pas de grosses réparations mais la rénovation des installations vétustes ; que la preuve d’une obligation générale des bailleurs aux travaux d’entretien ne saurait enfin résulter, contre les stipulations des baux, du montant des loyers, librement négociés entre preneurs et bailleurs ;

Considérant qu’en s’obstinant à soutenir, contre les stipulations contractuelles connues de lui et jusqu’en justice, que les travaux d’entretien des résidences incombaient aux bailleurs, pour justifier leur absence de réalisation et de financement par la société CEH et ses filiales, M. Z a donné au conseil d’administration un juste motif de révocation ; que leur divergences de vues sur ce point et sur l’appréciation, de ce chef, de l’intérêt social, avaient atteint un degré tel que le fonctionnement même de la société CEH et la confiance en M. Z en étaient affectés ;

Considérant que M. Z doit donc être débouté de ses demandes de dommages et intérêts formées pour révocation abusive et sans justes motifs ; qu’aucune condamnation n’étant mise à la charge de la société CEH au profit de M. Z, l’action sociale exercée par celui-ci et par la société Bayard Montaigne tendant à voir condamner Mme B et MM. Y et C à rembourser à l’intéressée la somme qu’elle aurait payée à M. Z ou à payer directement celui-ci, au lieu et place de la société, est dépourvue d’objet ;

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts formée par la SCI Bayard Montaigne à titre personnel

Considérant que la société Bayard Montaigne fait grief aux administrateurs intimés d’avoir détourné, de 2006 à 2010, son droit à dividendes au sein de la société CEH, au profit des sociétés propriétaires, indûment déchargées de leur obligation de prise en charge des travaux, et d’avoir encore nui à ce droit en maintenant fermé le fonds de commerce de Cannes entre 2008 et 2010, ce qui a causé à la société CEH une perte importante de chiffre d’affaires sur ces exercice et une perte de fonds propres, du fait du résultat négatif en ayant découlant ;

Considérant que force est de constater que la société Bayard Montaigne ne rapporte pas la preuve que Mme B et MM. Y et C aient commis, à son préjudice, la moindre faute détachable de leurs mandats sociaux ; que le fait de refuser que les travaux d’entretien soient pris en charge par les bailleurs ne constitue pas une faute de gestion ni un abus de majorité, dès lors que les baux mettent ces travaux à la charge des locataires ; qu’il n’est pas démontré que la fermeture, jusqu’en 2010, du fonds de commerce de Cannes, privé de travaux d’entretien et de rénovation mobiliers et immobiliers depuis des années, puisse être imputée à une faute de gestion des administrateurs intimés, alors que M. Z maintenait la procédure visant à voir imposer la prise en charge de ces travaux par le bailleur, et étant observé que le dessein, prêté aux intimés, de vouloir mettre fin à ce bail commercial pour récupérer, sans frais, les locaux et les transformer en hôtel de luxe, n’a connu aucun commencement d’exécution et que cette convention est toujours en cours ;

Considérant qu’il convient donc de débouter la société Bayard Montaigne de sa demande ;

Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. Z au titre d’un préjudice personnel et distinct de celui résultant de sa révocation et de celui de la société

Considérant que M. Z soutient que 'du fait des agissements d’abus de pouvoir des administrateurs et d’abus de majorité de CIM qu’ils représentaient’ il a subi un préjudice, notamment moral, distinct de celui résultant de sa révocation ;

Considérant que le fait pour les administrateurs du groupe A de s’être opposés à la prise en charge par les bailleurs des travaux d’entretien contractuellement à la charge des locataires ne saurait constituer un abus de pouvoir ou de majorité ; que M. Z n’est pas fondé en sa demande et en sera débouté ;

Sur les demandes reconventionnelles des intimés

Considérant que les intimés sollicitent la condamnation de chacun des appelants à leur payer, à chacun, la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que compte tenu du contexte général dans lequel est intervenue la révocation de M. Z, les intimés ne démontrent pas que celui-ci et la SCI Bayard Montaigne ont fait dégénérer en abus leur droit d’agir en justice ; qu’il y a lieu de les débouter de leur demande de dommages et intérêts formée de ce chef ;

Considérant que le jugement déféré sera donc confirmé ;

Considérant que l’équité commande de condamner M. Z, d’une part, la SCI Bayard Montaigne, d’autre part, à payer à la société CEH, Mme B, M. Y et M. C, chacun, la somme de 1 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Dit nulle la déclaration d’appel en ce qu’elle vise M. X, décédé le XXX,

Confirme le jugement déféré,

Condamne M. Z et la SCI Bayard Montaigne à payer, chacun, à la société CEH, à Mme B, à M. Y et à M. C, chacun, la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d’appel,

Rejette toute autre demande,

Condamne M. Z et la SCI Bayard Montaigne aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

M. C HOUDIN E. DELBES

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 13 décembre 2011, n° 09/11305