Cour d'appel de Paris, 13 décembre 2012, n° 10/06816

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 13 déc. 2012, n° 10/06816
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 10/06816
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale, 8 juillet 2010, N° 08-02025/B

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 13 Décembre 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 10/06816 MAS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Juillet 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de X RG n° 08-02025/B

APPELANTE

SA F

XXX

XXX

représentée par Me Sabine LEYRAUD, avocat au barreau de B

INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE B (CPAM 38)

XXX

38045 B CEDEX 06

non comparante – non représentée

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

XXX

XXX

avisé – non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseillère, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Jeannine DEPOMMIER, Président

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mlle Nora YOUSFI, lors des débats

ARRÊT :

— réputé contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller faisant fonction de Président, la Présidente étant empêchée et par Madame Michèle SAGUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

******

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société F fabrique des connecteurs coaxiaux pour l’industrie.

Elle a employé Monsieur H D pensant 11 ans en qualité de tourneur sur métaux entre le 11 août 1960 et le 22 juillet 1972.

Monsieur D a intégré l’établissement de VOIRON en cette qualité le 4 septembre 1972.

Le 7 mars 2008 Monsieur D effectuait une déclaration de maladie professionnelle sur la foi d’un certificat médical dressé par le Docteur Y constatant : « un cancer au lobe droit à petites cellules- exposition béryllium de 72 à 2000- métaux durs (nickel, chrome/tungstène cobalt ) amiante de façon épisodique entre 1972 et 1985. Avis CRMMP ».

Parallèlement le docteur Y adressait un courrier au docteur E indiquant : « il paraît licite de faire une demande de reconnaissance en maladie professionnelle tout en sachant que nous n’avons pas de tableau qui corresponde réellement ( ') dans ces conditions il faut donc faire reconnaissance au comité régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles au titre de l’article 461 alinéa 4 pour reconnaissance hors tableaux».

Le dossier était transmis à la CRMMP le 15 juillet 2008 ;

Monsieur D décédait le XXX et le 28 août 2008 le CRMMP de LYON reconnaissait l’origine professionnelle de la maladie de Monsieur D au vu de l’exposition durant toute la carrière de Monsieur D au béryllium et au carbure de tungstène permettant de retenir un lien direct et essentiel avec la maladie.

Le 13 octobre 2008 la société F saisissait la Commission de Recours Amiable aux fins de contester l’opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle.

Lors de sa réunion du 27 octobre 2008 la Commission de Recours Amiable a confirmé l’opposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle.

La société F a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de X le 21 novembre 2008 et par jugement du 8 janvier 2010, celui-ci ordonnait la saisine d’un deuxième CRMMP en application de l’article R 142-24-2 du code de la sécurité sociale à l’effet de vérifier l’existence d’un lien direct entre la maladie déclarée le 7 mars 2008 par Monsieur D et son travail habituel au sein de la société F.

Le CRMMP de la région NORD PAS DE CALAIS désigné à cette fin établissait son rapport le 31 mars 2010 concluant, au vu des cancérogènes retrouvés dans les différentes professions exercées par l’assuré tout le long de sa carrière professionnelle de 1960 à 2000, à l’existence d’un lien direct et essentiel entre l’affection présentée et l’ensemble des expositions professionnelles.

Par un jugement du 9 juillet 2010 le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de X, déclarait opposable à la société F la décision de la Commission de Recours Amiable de la CPAM de B tendant à la reconnaissance de la maladie déclarée par Monsieur D le 7 mars 2008.

Ce jugement a été notifié à la société F par lettre recommandée avec accusé de réception reçu le 27 juillet 2010 et celle-ci en a interjeté appel par déclaration reçue au Greffe le 30 juillet 2010.

A l’audience par l’intermédiaire de son conseil la SA F a développé les conclusions déposées au greffe le 10 septembre 2012.

Elle demande à la Cour à titre principal, de constater l’absence d’exposition, d’infirmer en conséquence le jugement entrepris et en tout état de cause de déclarer la décision de prise en charge émise au bénéfice de Monsieur D inopposable à la SA F.

A titre subsidiaire elle demande à la Cour de désigner un expert avec pour mission :

de se faire communiquer le dossier de Monsieur D,

de se transporter sur les lieux de travail de Monsieru D lorsqu’il était en activité

de se prononcer sur le lien entre l’affection de Monsieur D et ses conditions de travail au sein de la société F.

La SA F soutient que le certificat médical du Docteur Y contient une contradiction puisqu’il indique que l’exposition la plus importante est le béryllium pour lequel le cancer n’est pas reconnu.

Elle précise que le Tableau 33 des maladies professionnelles dues au béryllium et à ses composés que le broyage, l’usinage la fabrication de poudre à base de celui-ci peuvent générer des manifestations locales d’allergie ou des manifestations générales de type broncho-pneumopathie ou fibrose pulmonaire diffuse mais pas de cancer broncho pulmonaire.

Selon la SA F la classification comme étant un produit cancérogène pour l’homme repose sur des études réalisées exclusivement sur des sites de production du béryllium or Monsieur D a travaillé sur différents matériaux et le béryllium n’a été manipulé par lui que de manière particulièrement réduite entre 1989 et 1996 puisqu’il usinait principalement de l’inox et du laiton.

S’agissant de l’exposition au cobalt selon le tableau 70 ter des maladies professionnelles celui-ci ne reconnaît les affections cancéreuses broncho pulmonaires causées par l’inhalation de poussières de cobalt associées au carbure de tungstène que dans le cadre de la fabrication des carbures métalliques avant usinage or Monsieur D ; toutefois la SA F n’est pas une usine de fabrication de métaux et l’activité de monsieur C était une activité d’usinage des métaux après frittage de sorte que le lien de causalité entre le cancer et son activité professionnelle n’est pas établi.

Pat ailleurs selon la société F les deux avis des CRMMP sont laconiques et enfin l’absence d’avis motivé du médecin du travail conformément aux préconisations de l’article D 461-29 du code de la sécurité sociale et le défaut de signature de l’avis du CRMMP de LYON con courent à rendre inopposable la décision de prise en charge à la SA F.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’ISERE n’a pas comparu mais a fait parvenir des conclusions visées par le greffe le 19 octobre 2012.

Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris au motif que les dispositions de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale ont été respectées, que les deux avis des CRMMP parfaitement motivés sont concordants et ont pu, au vu de l’étude d’exposition au risque conduite par l’employeur en 1994, caractériser une exposition au béryllium et au cobalt du fait de l’activité d’usinage.

La CPAM de l’ISERE rappelle la concordance des deux avis des CRMMP ainsi que le défaut de fondement de l’inopposabilité invoquée en raison du défaut d’avis au dossier du médecin au travail, ce défaut d’avis étant sans effet dès lors que la Cour est désormais saisi de l’appel du jugement rendu par le tribunal des affaires de Sécurité Sociale et qu’en outre c’est toute la carrière professionnelle de Monsieur D qui est visée dans l’exposition aux risques ce qui dépasse très largement le cadre de la compétence du médecin du travail.

SUR QUOI,

LA COUR :

En vertu de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant à la durée de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L 434-2 du code de la sécurité sociale au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie près avis motivé d’un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles ( ' ) (CRMMP)

IL résulte de ce texte que lorsqu’une maladie ne figure pas dans un tableau des maladies professionnelles il convient d’établir qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime pour qu’elle soit reconnue comme étant d’origine professionnelle.

En l’espèce la SA F s’appuie sur les constatations du docteur Y et ne conteste pas que tout au long de sa carrière au sein de l’entreprise, de 1972 à 2000, Monsieur D, à son poste de tourneur, travaillait plusieurs matériaux après «frittage» (c’est à dire après agglomération des poudres de métaux afin de leur donner une cohésion et une rigidité suffisante).

A son poste Monsieur D soumettait à l’action d’une machine outil divers matériaux bruts, travail d’ « usinage » qui, selon le témoignage de Monsieur A responsable de l’atelier gros Diamètre, l’amenait à travailler avec une décolleteuse sur du bronze au béryllium, du laiton et des aciers alliés comme l’inox.

Monsieur Z, responsable du service Outillage et G, indique avoir travaillé avec Monsieur D de 1973 à 1989 et que le tungstène (carbure) faisait partie des composants des outils de coupe qu’il affûtait avec une meule diamant sous arrosage et sous huile.

Par ailleurs il ressort de l’étude de l’exposition professionnelle au cobalt et au béryllium dans un atelier de décollage de pièces pour connecteurs, réalisée par la SA F en 1994 et produite par ses soins, que :

Pour le béryllium :

l’atelier comporte un grand nombre de tours semi automatiques et automatiques sous atmosphère d’huile ( ') et que les fumées crées au contact de l’outil et de la barre d’alliage, peuvent participer à la contamination de l’atmosphère de même que les poussières provenant de l’usinage des pièces.

En outre le fluide de coupe utilisé est en partie recyclé(') ce qui peut provoquer un enrichissement dans le temps des concentrations en métaux de l’huile qui est dispersée dans l’atmosphère. Celle-ci peut favoriser la libération du métal dans l’ambiance de travail.

Pour le cobalt :

Le réglage fin ( ') peut faciliter la libération de cobalt dans l’atmosphère , opération qui dure ¼ d’heure à 1 heure et est renouvelée une fois par semaine.

Le réaffutage des outils (') est réalisé environ une fois par semaine et par opérateur ce qui représente environ 10 minutes d’exposition par jour et par opérateur.

Pour les brouillards d’huile :

Ces concentrations d’exposition peuvent être considérées comme acceptables si les conditions qui étaient celles du jour de l’intervention (ouverture de portes et de fenêtres, ventilation,) restent constantes tous les jours de l’année.

Il convient par ailleurs de rappeler que les expositions au cobalt sont visées par les tableaux 70 et 70 bis, de même que l’exposition au béryllium est visé par le tableau 33 et que le tableau 70 fait présumer l’origine professionnelle des cancers broncho-pulmonaires en cas d’association du cobalt et du tungstène, métaux avec lesquels, outre le béryllium, Monsieur D a été régulièrement exposé tout le long de sa carrière.

Il s’en suit que c’est par une exacte appréciation des faits que le premier juge a retenu l’existence d’un risque toxique pour une exposition aux alliages de cobalt, aux carbures de tungstène et aux alliages de béryllium et a, à bon droit, rejeté la contestation de la SA F.

Au surplus il sera observé que le défaut de justification de l’avis du médecin du travail n’est pas sanctionné par l’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle et que ce moyen doit être rejeté.

Enfin la démonstration de l’exposition au risque largement étayée par les éléments médicaux et administratifs du dossier rend inutile le recours à une expertise complémentaire.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé ;

PAR CES MOTIFS,

Déclare la SA F recevable mais mal fondée en son appel ;

Confirme le jugement entrepris ;

Fixe le droit d’appel prévu par les dispositions de l’article R 144-10 du code de la sécurité sociale à la charge de l’appelant qui succombe au dixième du plafond mensuel prévu par l’article L 241-3 du code de la sécurité sociale et condamne la SA F à ce paiement.

Le Greffier, Le Président,

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