Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 10 février 2012, n° 10/15718

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 10 févr. 2012, n° 10/15718
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 10/15718
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 3ème Chambre 1ère Section, 1er mars 2010, N° 07/14007

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 10 FEVRIER 2012

(n° 045, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/15718.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mars 2010 – Tribunal de Grande Instance de PARIS 3e Chambre 1re Section – RG n° 07/14007.

APPELANT :

Monsieur P AU X agissant tant en son nom personnel qu’au nom de sa s’ur, Mme A X épouse Z, et de sa mère Mme B G veuve X

XXX,

représenté par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL, avocats au barreau de PARIS, toque K 111,

assisté de son avocat plaidant, Maître Daphné JUSTER de l’Association DJM, avocat au barreau de PARIS, toque : R227.

INTERVENANTES VOLONTAIRES :

— Madame A X épouse Z

XXX,

— Madame B AR G veuve X

XXX,

représentées par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL, avocats au barreau de PARIS, toque K 111,

assistées de leur avocat plaidant, Maître Daphné JUSTER de l’Association DJM, avocat au barreau de PARIS, toque : R227.

INTIMÉE :

Monsieur N O

XXX

représenté par Maître Bruno NUT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0351.

assisté de son avocat plaidant, Maître David FOUCHARD de la SCP DOREY PORTALIS PERUELLE FOUCHARD AG, avocat au barreau de DIJON.

INTIMÉE :

SA PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE – PUF

prise en la personne de son Président du directoire,

ayant son siège XXX,

représentée par la SELARL RECAMIER Avocats Associés en la personne de Maître Véronique de la TAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque K 148.

assistée de son avocat plaidant, Maître Elisabeth JEANNOT plaidant pour le Cabinet BAYARD Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : R 072.

INTIMÉE :

SA H I

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège XXX,

représentée par la SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocats au barreau de PARIS, toque : L0050.

assistée de son avocat plaidant, Maître Louis MOREL L’HORSET, avocat au barreau de PARIS, toque : R242.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 4 janvier 2012, en audience publique, devant Monsieur Eugène LACHACINSKI, Président, magistrat chargé du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,

Monsieur Benjamin RAJBAUT, présidente de chambre,

Madame Sylvie NEROT, conseillère.

Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

Est paru en 1974 un ouvrage intitulé 'Dictionnaire Universel de la Franc-Maçonnerie’ réalisé sous la direction de N O et avec les mentions suivantes sur la première page 'Conception et réalisation N X et R S’ 'I DE NAVARRE I DU PRISME’ ;

Une édition refondue est parue en 1987 sous le titre 'Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie’ avec la mention 'sous la direction de N O’ et citant les I de Navarre aux I Presses Universitaires de France (PUF) ;

Des rééditions de cet ouvrage ont eu lieu en 1987, 1991, 1997 et 2006 ;

Estimant qu’en publiant ce Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie sans la mention du nom de N X la société PUF portait atteinte aux droits patrimoniaux et moraux de l’auteur, P X agissant tant en son nom personnel qu’en celui de A X sa s’ur, et de B X sa mère a assigné le 2 octobre 2007 la société PUF devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon des droits de N X son père décédé le XXX ;

Le 16 avril 2008, P X a assigné N O en intervention forcée devant cette même juridiction ;

La société H I venant aux droits des I de Navarre est intervenue volontairement à l’instance ;

Par jugement du 2 mars 2010, le tribunal a :

— déclaré recevable l’intervention volontaire de la société H I,

— déclaré P X irrecevable en ses demandes formées au nom de B X et A X,

— déclaré P X irrecevable à titre personnel en ses demandes en contrefaçon,

— condamné P X agissant tant en son nom personnel qu’au nom de A X et de B X à payer à N O , à la société PUF et à la société H I la somme de 3.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

Appel a été interjeté par P X, A X et B X le XXX ;

Vu les dernières conclusion signifiées le 10 février 2011 par lesquelles H I prie la cour de :

— constater que A X et B X n’étaient pas parties à la première instance et donc de déclarer leur appel irrecevable,

— les déclarer également irrecevables en leur intervention en cause d’appel,

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— déclarer P X irrecevable en ses demandes fondées au nom de A X et de B X,

— déclarer les consorts X irrecevables en l’ensemble de leurs demandes et les en débouter,

— condamner les consorts X à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 24 janvier 2011 par lesquelles N O demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné P X à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner in solidum P X, A X et B X à lui payer la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile appliqué en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Vu l’ordonnance du magistrat de la mise en état du 19 mai 2011 qui a notamment rejeté la demande présentée par la société PUF aux fins de voir déclarer irrecevable l’appel du jugement entrepris interjeté par P X agissant au nom de A X et de B X et qui a déclaré irrecevable l’appel du jugement entrepris interjeté en leur nom personnel par A X et de B X ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 8 décembre 2011 par lesquelles P X agissant tant en son nom personnel qu’en celui de A X et de B X demande à la cour de :

— les déclarer recevables et bien fondés en leur demandes, subsidiairement de déclarer A X et B X recevables en leur intervention volontaire devant la cour,

— réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

— déclarer recevable et bien fondée l’action en contrefaçon des héritiers de N X à l’encontre de la société PUF, N O et de H I en réparation du préjudice patrimonial et moral par eux subi,

— dire qu’en publiant sans autorisation de N X le Dictionnaire universel de la franc-maçonnerie alors que l’oeuvre a été divulguée sous la mention de son rôle de concepteur et réalisateur et donc de sa qualité d’auteur, la société PUF, N O et de H I se sont rendus coupables d’actes de contrefaçon par violation du droit patrimonial,

— dire qu’en publiant sans autorisation de N X le Dictionnaire universel de la franc-maçonnerie et en se faisant concéder des cessions de droits dans ces circonstances et en s’attribuant la paternité exclusive de l’oeuvre, alors que l’oeuvre a été également divulguée sous la mention de son nom en sa qualité de concepteur et réalisateur et donc de sa qualité d’auteur, la société PUF, N O et de H I se sont rendus coupables d’actes de contrefaçon par violation du droit moral,

— dire qu’en publiant le Dictionnaire universel de la franc-maçonnerie sans autorisation de N X, fondateur des éditions du Prisme et sans mention du nom de la maison d’édition, en modifiant le titre par la suppression du mot Universel et en s’attribuant le copyright et l’initiative de la conception et de l’élaboration du Dictionnaire, la société PUF avec le concours de N O et de H I se sont rendus coupables d’actes constitutifs de contrefaçon par violation du droit moral,

— déclarer B X en sa qualité d’usufruitière de la succession de son époux décédé bien fondée à solliciter la condamnation in solidum de la société PUF, de N O et de H I à lui verser la somme de 40.000 euros en réparation du préjudice patrimonial et 20.000 euros au titre de la réparation du préjudice moral,

— déclarer A X et P X en leur qualité d’héritiers de leur père décédé bien fondés à solliciter la condamnation in solidum de la société PUF, de N O et de H I à leur verser chacun la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice moral subi,

— ordonner la conclusion d’un contrat d’édition pour l’avenir dans les mêmes termes que celui conclu avec N O et le respect du nom de N X en sa qualité de concepteur et de réalisateur et de la mention de sa maison d’éditions, les éditions du Prisme en qualité d’éditeur pour les prochaines éditions à paraître au PUF et la communication de tous documents d’imprimerie et de comptabilité permettant de vérifier et contrôler le respect de cette mention lors des réimpressions et ce sous astreinte de 1.000 euros à dater de la signification de l’arrêt à venir,

— ordonner la publication de la décision dans trois parutions au choix des demandeurs sans que le montant total des parutions ne puisse excéder la somme de 7.000 euros hors taxes, dont l’intégralité des frais seront supportés solidairement par la société PUF, N O et H I,

— condamner in solidum la société PUF, N O et H I à leur verser chacun la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 septembre 2011 par lesquelles la société PUF demande à la cour de :

— confirmer le jugement frappé d’appel en toutes ses dispositions,

— condamner in solidum P X, A X et B X à lui payer la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile appliqué en cause d’appel,

— condamner in solidum P X, A X et B X aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

La lettre datée du 4 janvier 2012 adressée à la Cour par les consorts X après la clôture des débats ne sera pas prise en considération comme ne répondant pas aux conditions visées à l’article 445 du Code de procédure civile.

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la recevabilité à agir de A X et de B X :

Dans ses dernières conclusions, P X agissant tant en son nom personnel qu’au nom de sa mère B X et de sa s’ur A X demande à la cour de reconnaître ces dernières recevables et bien fondées en leurs demandes en réparation de leur préjudice patrimonial et moral du fait des actes de contrefaçon imputés à la société PUF, à N O et à la société H I ;

Mais les premiers juges ont exactement considéré que les termes des mandats rédigés respectivement par A X et par B X les 21 et 26 février 2007 sont trop généraux et ne précisent pas devant quelle juridiction, pour quelle action et pour quelle procédure ils ont été donnés à P X ;

Le jugement déféré qui a déclaré P X irrecevable en ses demandes formées au nom de B X et de A X devra donc être confirmé ;

En l’absence de nouvelles pièces produites pour justifier de la qualité à agir et en présence des mêmes mandats que ceux produits en première instance, l’appel formé par P X au nom de B X et de A X est également irrecevable ;

Par ordonnance du 19 mai 2011 et sur le fondement de l’article 546 du code de procédure civile, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré irrecevable l’appel interjeté en leur nom personnel par B X et par A X contre le jugement déféré aux motifs notamment qu’elles n’étaient pas parties à l’instance devant les premiers juges dans la mesure où elles n’y figuraient qu’en qualité de mandantes prétendues, qu’elles ne sont pas intervenues volontairement à l’instance à titre personnel et qu’il a été considéré que les mandats donnés à P X ne lui permettaient pas d’agir en leur nom ;

S’étant vu refuser la qualité de parties par l’ordonnance sus-visée et n’ayant pas été représentées en première instance en dépit de leur tentative infructueuse mais ayant intérêt à faire valoir leurs droits moraux et patrimoniaux dans la présente affaire, B X et A X sont fondées à invoquer les dispositions de l’article 554 du code de procédure civile ;

Leur demande d’intervention volontaire en cause d’appel doit donc être déclarée recevable ;

Sur la chronologie des faits :

Aux termes d’un contrat signé le 3 décembre 1971, N O qualifié d’auteur cédait à la société Librairie-I de Navarre éditrice représentée par R S un ouvrage destiné à l’édition en librairie et désigné provisoirement sous le nom de 'ENCYCLOPÉDIE MAÇONNIQUE’ ;

L’article 1er stipulait notamment que l’auteur aura toute faculté, afin de réaliser l’ouvrage commandé dans les meilleurs conditions, de s’adjoindre une équipe de collaborateurs de son choix avec l’agrément de l’Editeur et fera son affaire personnelle de la rétribution de ses collaborateurs, l’éditeur se réservant par ailleurs expressément le droit d’accepter ou de refuser tout article de l’auteur ou de ses collaborateurs ;

L’article 5 du contrat prévoyait également que l’oeuvre était commandée à l’auteur par l’éditeur qui se réservait le droit d’apprécier, lors de la remise du manuscrit si elle convenait au public et au but visé ; dans la négative, des modifications ne pourront être refusées par l’auteur et l’éditeur pourra même pendant une période de 6 mois commençant à courir à compter de la remise du manuscrit demander une nouvelle rédaction du texte ;

L’article 6 du contrat mentionnait que l’éditeur s’engageait à faire figurer le nom de l’auteur sur chacun des exemplaires et avait la faculté de faire mentionner sur une page intérieure les noms de collaborateurs qui ont contribué à la réalisation de l’ouvrage ;

Par acte sous seing privé daté du 21 décembre 1971, la société Librairie-I de Navarre et la société Paris-Standing représentée par N X formaient une association en participation ayant pour objet l’édition en commun d’un ouvrage d’équipe sous la direction de N O intitulé DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA FRANC-MAÇONNERIE lequel a fait l’objet d’un contrat d’édition passé entre l’auteur et les I de Navarre le 3 décembre 1971, la page de titre devant porter les noms I DE NAVARRE / CERCLE A.B.I ;

L’article 2 au contrat précisait que le Cercle A.B.I (cercle des amis de la bibliothèque initiatique) faisait partie de la librairie LIBRI-FRANCE, qui elle-même faisait partie de la société Paris-Standing ;

Par avenant daté du 1er septembre 1972 au contrat d’association en participation, N X es qualités de gérant de la société Paris-Standing déclarait souhaiter participer à raison de 50 % dans l’édition et l’exploitation commerciale en commun du dictionnaire et transférait ses droits de participation à la société I du Prisme à l’enseigne commerciale A.B.I ;

L’article 6 de cet avenant stipulait en outre que le contrat d’association daté du 21 décembre 1971 ne pouvait avoir aucune influence à quelque titre que ce soit sur les conventions passées entre la société I de Navarre et N O ;

L’ouvrage intitulé 'DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA FRANC- MAÇONNERIE’ était publié en 1974 avec les mentions suivantes : 'Hommes illustres – Pays – Rites – Symboles’ et les indications suivantes ' Sous la direction de N O Conception et réalisation N X et R S I DE NAVARRE – I DU PRISME ;

Au verso de cette page était également portée la mention © Copyright 1974 by I de Navarre et I du Prisme – Printed in France. Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et d’exécution réservés pour tous pays ;

Le contrat portant la date du 22 janvier 1985 conclu entre N O es-qualités de directeur de la publication et les Presses Universitaires de France, ci-après les PUF indiquait que l’ouvrage 'DICTIONNAIRE DE LA FRANCE -MAÇONNERIE’ qualifiée d’oeuvre collective, reprenait et enrichissait le texte d’une première édition parue aux I de Navarre laquelle société avait signé le 5 décembre 1984 une lettre-contrat aux termes de laquelle les PUF lui réglaient un droit proportionnel de 5% sur le prix de vente relié hors taxes du dictionnaire, tandis qu’elles rétrocédaient 50% du montant total de ces droits à N O ;

L’ouvrage a ensuite à nouveau été édité par les PUF en 2006 dans la collection Quadrige Dicos-Poche, après qu’aient été renégociés les droits patrimoniaux avec les I Juridiques Associés venant aux droits de la société Edition de Navarre et N O suivant contrat daté du 16 mars 2004 ;

Cette nouvelle édition du Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie porte la mention suivante :

'Le dictionnaire de la franc-maçonnerie publié sous la direction de N O aux Presses Universitaires de France (1987) est la nouvelle édition revue et augmentée du Dictionnaire universel de la franc-maçonnerie de N O publié en 1974 aux I de Navarre’ et reproduit le nom des collaborateurs au dictionnaire ;

C’est dans ces conditions que les consorts X font grief à la société PUF d’avoir publié depuis 1987 sans l’autorisation de N X le Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie et de s’être ainsi rendue coupable d’actes de contrefaçon par violation du droit patrimonial et du droit moral de leur époux et père présentés comme l’auteur de l’édition originelle du dictionnaire ;

Sur la qualification juridique de l''uvre :

Les PUF et N O soutiennent en cause d’appel que le Dictionnaire Universel de la Franc-Maçonnerie constitue une 'uvre de collaboration tandis que la société H I maintient comme l’a jugé le tribunal qu’il s’agit d’une 'uvre collective ;

Il résulte de l’article 5 du contrat daté du 3 décembre 1971 que l''uvre a été commandée à l’auteur par l’Editeur, ce que N O confirme lorsqu’il écrit dans la préface : 'Lorsque, voici maintenant trois ans, les éditeurs nous proposèrent de prendre la direction d’un Dictionnaire Universel de la Maçonnerie, nous ne nous sommes pas cachés d’un sentiment d’être inférieurs à la tâche gigantesque qui nous était proposée’ ;

Les I de Navarre sont donc à l’initiative de la création de l’ouvrage et ont gardé tout au long de son élaboration un pouvoir de contrôle sur sa composition, sur sa publication et sur sa divulgation comme stipulé au contrat daté du 3 décembre 1971 ;

Si N O a été qualifié d’auteur dans ledit contrat, il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas démontré qu’il est personnellement l’auteur de ce dictionnaire au sens de l’article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, l''uvre à laquelle ont participé de nombreuses personnes ayant été divulguée sous le nom des éditeurs ;

En effet, pour réaliser cet ouvrage composé de 5.000 articles, N O s’est conformément aux dispositions de l’article 1er du contrat adjoint une équipe de 140 collaborateurs de son choix constituée avec l’agrément de l’éditeur ;

Beaucoup des articles de ce dictionnaire ne sont pas signés, certains ne comportent à la fin que des initiales et d’autres semblent être le fruit d’un travail collectif ;

N O dans sa préface reconnaissait d’ailleurs l’ampleur de la tâche en écrivant : 'A moins de passer trente ans de notre vie sur des fiches, il nous était impossible d’accomplir cette tâche seul, nous nous sommes mis à la recherche de collaborateurs. Nous avons demandé leur participation …… En demandant la collaboration de Maçons……' ;

Mais si les I de Navarre étaient l’éditeur originel, le contrat d’association daté du 21 décembre 1971 passé par celles-ci avec la société Paris-Standing faisait que ces sociétés étaient devenues éditrices communes de l’ouvrage et que les décisions relatives à celui-ci étaient prises d’un commun accord entre les deux associés ;

C’est donc à tort que les premiers juges ont considéré que la société Paris-Standing puis les I du Prisme ne sont intervenues qu’en qualité de co-financeurs et non de co-éditeurs de l’ouvrage ;

Mais il se déduit de l’ensemble des faits et contrats que les contributions des différents collaborateurs participant à l’élaboration de ce dictionnaire se sont fondues dans un ensemble en vue duquel elles ont été conçues sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé, quand bien même certaines contributions sont susceptibles d’être individualisées à l’aide des initiales comme c’est le cas pour les articles rédigés par N X (pages 154 et 713-714), dans la mesure où l’éditeur s’est expressément réservé en vertu du contrat le droit d’apprécier lors de la remise du manuscrit s’il convient au public et au but visé, l’auteur et partant les collaborateurs de l’auteur ne pouvant refuser les modifications suggérées par l’éditeur lequel pouvait au surplus demander une nouvelle rédaction du texte ;

Il apparaît ainsi que les promoteurs du dictionnaire disposaient d’une main-mise totale sur la direction, la conception, le choix des articles et leur acceptation, sur la publication de l’ouvrage qu’ils avaient commandé à N O et qu’ils divulguaient sous leur nom et que N O comme ses collaborateurs n’ont coopéré à l’ouvrage que sous le contrôle constant des sociétés éditrices représentées par N X pour la société Paris-Standing et par R S pour la société Librairie-I de Navarre ;

Les tenants de la thèse d’oeuvre de collaboration ne démontrent pas qu’au delà de l’apport de chacun des collaborateurs, il existait entre eux un travail créatif concerté, chaque collaborateur apportant sa BA à l’édifice sans avoir à se préoccuper du sort réservé aux autres articles qui devaient s’insérer dans le dictionnaire puisque cette activité de coordination était échue à N O es-qualités de directeur et à N X et à R S es-qualités de concepteur et de réalisateur du dictionnaire ;

Cette oeuvre conçue et réalisée à partir de l’année 1971 sous la direction de N O dans les conditions sus-évoquées répond donc à la définition de l’oeuvre collective visée à l’article L.113-2 du code de la propriété intellectuelle ;

L’article 2 du contrat daté du 22 janvier 1985 par lequel les PUF envisageaient de reprendre et d’enrichir le texte de la première édition parue aux I de Navarre stipulait d’ailleurs que 'Le professeur N O, ci-après dénommé le Directeur de la publication conduira la mise au point de l’ouvrage qui constitue une oeuvre collective. Son nom apparaîtra à ce titre sur la page de titre du volume’ ; (surlignement de la cour) ;

L’importante bibliographie de N X mentionne également sous la rubrique 'Participations à des ouvrages collectifs’ le Dictionnaire Universel de la Franc-Maçonnerie, démontrant par là que N X était d’avis que cette oeuvre était un travail collectif auquel il avait participé ;

Les PUF qui viennent aux droits de la société I de Navarre sont donc investies des prérogatives tant patrimoniales que morales sur l’oeuvre collective qu’est le Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie qu’elle divulgue et exploite sous son nom ;

Le jugement qui a considéré que l’ouvrage 'Dictionnaire Universel de la Franc-Maçonnerie’ est une oeuvre collective dont les éditions Navarre étaient par application des articles L.113-2 et L.113-5 du code de la propriété intellectuelle investie des droits d’auteurs doit donc être confirmé, adjonction faite de ce que la société Paris-Standing aux droits de laquelle vient la société I du Prisme doit être qualifiée de coéditrice du dictionnaire ;

Sur l’action en contrefaçon des consorts X :

Les consorts X font grief à la décision attaquée de ne pas avoir fait droit à leur demande tendant à voir reconnaître à leur époux et père la qualité d’auteur du Dictionnaire Universel de la Franc-Maçonnerie et de n’avoir pas jugé que les éditions PUF, N O et la société Extenso I s’étaient rendus coupables d’actes constitutifs de contrefaçon par violation du droit patrimonial et moral en publiant sans autorisation cet ouvrage lequel avait été divulgué sans la mention du rôle de N X comme concepteur, réalisateur et auteur ;

Mais les premiers juges ont exactement relevé par une motivation que la cour adopte que faute de démontrer que N X, à titre personnel et en dehors de la rédaction d’articles pour lesquels il est crédité, ainsi que l’originalité de cet apport, P X et donc B X et A X sont irrecevables en leurs demandes en contrefaçon au titre de l’absence de mention du nom de N X en qualité d’auteur et du nom de la société I du Prisme ;

Les attestations versées aux débats par les consorts X (J K, AW-BA BB, V AP, D E, AK G) destinées à démontrer que N X est en vérité à tout le moins le principal concepteur, réalisateur, éditeur et auteur du Dictionnaire Universel de la Franc-Maçonnerie et quand bien même elles décriraient une réalité malheureuse pour N X qu’il ne semble a priori pas possible de contester ne sont cependant pas de nature à contredire le contenu dépourvu d’ambiguïté des contrats que N X a personnellement signés ;

Au surplus, de nombreuses attestations produites par N O (AG AH, V W, XXX, AM AN, Alian Lebihan, AX Saliciti, Marcel Ruby, Andrée Buisine, Vincent O, André Combes, AW-AX AY, AA AB et AI AJ) certifient que ce dernier était en fait le véritable maître d’oeuvre du dictionnaire et que N X n’a pas exercé le rôle que les consorts X tentent de lui attribuer dans la rédaction de l’ouvrage contesté ;

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a déclaré P X irrecevable en ses demandes en contrefaçon ;

Les demandes formées par B X et par A X au même titre seront rejetées dans leur intégralité ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Les frais non compris dans les dépens engagés en cause d’appel par les PUF, N O et la société H I seront mis à la charge in solidum d’P X, de B X et de A X à hauteur de la somme de 3.000 euros pour chacun des intimés ;

P A R C E S M O T I F S,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare les interventions volontaires en cause d’appel de B X et de A X recevables,

Déboute P X, B X et A X de l’ensemble de leurs demandes,

Condamne in solidum P X, B X et A X à verser à la société Presses Universitaires de France, à la société H I et à N O, chacun, la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum P X, B X et A X aux entiers dépens d’appel dont distraction dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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