Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 5, 6 décembre 2012, n° 10/13678

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 5, 6 déc. 2012, n° 10/13678
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 10/13678
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Évry, 18 mai 2010, N° 2009F00389
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 29 décembre 2022
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Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 06 DECEMBRE 2012

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/13678

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 mai 2010 – Tribunal de Commerce d’EVRY – RG n° 2009F00389

APPELANTE

S.A.R.L. INTERNATIONAL DESIGN agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

Ayant son siège social

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL en la personne de Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée de Me Michel TOURNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E30

INTIMÉE

SOCIETE CARREFOUR FRANCE venant aux droits de la société CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE, prise en la personne de son Président en exercice

Ayant son siège social

[Adresse 10]

[Localité 1]

SOCIETE CARREFOUR HYPERMARCHES prise en la personne de son Présidente en exercice

Ayant son siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE en la personne de Me Jacques PELLERIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0980

Assistée de Me Caroline DEMEYERE, avocat au barreau de LILLE, plaidant pour la SELARL BEDNARSKI CHARLET’Associés

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 octobre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente chargée d’instruire l’affaire

Madame Valérie MICHEL- AMSELLEM, Conseillère

Madame Isabelle ORVAIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

La société International Design a exercé depuis sa création une activité de vente de luminaires, à laquelle elle a adjoint celle de vente de meubles. A l’occasion de la vente de luminaires, elle a noué des relations commerciales avec la société Carrefour Hypermarchés.

Les relations contractuelles se concrétisaient par la signature annuelle d’un contrat de partenariat et par des prestations de services proposées par la société Carrefour Hypermarchés à la société International Design.

Le volume de chiffre d’affaires entre les deux sociétés s’est établi à 2.471.000 euros en 2004, 2.357.000 euros en 2005, 1.645.000 euros en 2006 et 970.000 euros en 2007.

A partir de l’année 2006, la société International Design a prétendu que la société Carrefour Hypermarchés a brutalement procédé, en 2006 puis en 2007, à des déréférencements massifs des produits de son catalogue sans préavis.

Devant les difficultés qui s’accentuaient dans l’exécution du contrat, la société International Design, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 8 décembre 2008, a mis en 'uvre la procédure de règlement amiable prévue par la convention de partenariat signée le 21 février 2008. Cette tentative de conciliation ayant échoué, la société International Design, estimant avoir été victime d’une rupture brutale des relations commerciales, a engagé une action afin d’obtenir réparation des préjudices qu’elle prétend avoir subis.

Par acte du 28 mai 2009, la société International Design a assigné la société Carrefour Hypermarchés devant le Tribunal de commerce d’Évry, aux fins d’obtenir la condamnation de la société Carrefour Hypermarchés pour rupture brutale des relations commerciales.

Par un jugement en date du 19 mai 2010, le Tribunal de commerce d’Évry a :

— débouté la société Carrefour Hypermarchés de sa fin de non recevoir fondée sur l’irrecevabilité,

— débouté la société International Design de l’intégralité de ses demandes,

— débouté la société Carrefour Hypermarchés de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamné la société International Design à payer à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et débouté cette dernière pour le surplus de sa demande.

Vu l’appel interjeté le 2 juillet 2010 par la société International Design contre cette décision.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 4 octobre 2012, par lesquelles la société International Design demande à la Cour de :

A titre liminaire,

— déclarer la société Carrefour France mal fondée en ses demandes tendant à l’irrecevabilité et à la nullité de l’appel interjeté par la société International Design,

En conséquence,

— déclarer l’appel du jugement du 19 mai 2010 du Tribunal de commerce d’Évry, interjeté par la société International Design le 2 juillet 2010 recevable,

— déclarer la société International Design bien fondée en son appel,

— réformer la décision entreprise,

Et statuant à nouveau,

— dire et juger que la société Carrefour Hypermarchés a rompu brutalement et unilatéralement les relations commerciales qu’elle entretenait depuis 35 ans avec la société International Design,

En conséquence,

— condamner la société Carrefour Hypermarchés à payer à la société International Design les sommes de :

. 1.659,775,20 euros en réparation de la perte de marge brute non réalisée pendant deux ans de préavis,

. 200.892,49 euros en réparation de la perte de stock de marchandises préprogrammées,

. 180.469,48 euros en réparation de la perte des investissement dédiés et taxe,

. 55.855 euros en réparation du contentieux social.

— ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans 3 journaux, Les Echos, La Tribune et LSA, aux frais de la société Carrefour Hypermarchés sans que le coût global de ses insertions puisse excéder la somme de 20.000 euros, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard pendant 30 jours,

— ordonner la publication du dispositif de l’arrêt à intervenir aux frais de la société Carrefour Hypermarchés sur la page d’accueil de son site Internet accessible à l’adresse URL : http : //www.carrefour.fr pendant une période d’un mois à compter du 8ème jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et ce pendant trente jours,

— débouter la société Carrefour Hypermarchés de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la société Carrefour Hypermarchés à payer à la société International Design la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société International Design soutient qu’en soulevant les moyens de nullité et d’irrecevabilité, la société Carrefour France tente de tirer avantage d’une erreur matérielle affectant la déclaration d’appel de la société International Design, erreur matérielle qui ne lui cause aucun grief et qu’elle a elle-même provoquée.

Elle prétend qu’il y a rupture brutale et unilatérale des relations commerciales dans la mesure où existait une relation commerciale établie au sens de l’article L.442-6-5° du code de commerce, relation qui a été brutalement rompue à la seule initiative de la société Carrefour Hypermarchés.

Elle fait également valoir que cette rupture doit être sanctionnée par l’allocation de dommages et intérêts compensant le préjudice par elle subi de ce fait. Elle estime qu’elle doit être indemnisée de la totalité des postes de préjudice du fait des agissements de la société Carrefour Hypermarchés, sans que cette dernière ne puisse tenter d’éluder ses obligations en se prévalant de la situation financière de la concluante.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 9 octobre 2012, par lesquelles la société Carrefour France, venant aux droits de la société Carrefour Hypermarchés France, et la société Carrefour Hypermarchés demandent à la Cour de :

A titre liminaire et principal,

— dire nul et à tout le moins irrecevable l’appel interjeté par la société International Design selon déclaration remise au Greffe de la Cour le 2 juillet 2010,

— mettre à néant par voie électronique l’ordonnance rendue par Mme le Conseiller de la mise en état en date du 29 septembre 2011,

— constater le dessaisissement de la Cour en déboutant par là même la société International Design de toutes ses demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire,

— constater, dire et juger que la société International Design ne justifie d’aucune relation commerciale établie pour son activité luminaire,

— constater, dire et juger que la société International Design ne justifie pas plus d’une rupture brutale desdites relations du fait de la société Carrefour Hypermarchés,

— constater in fine que la société International Design ne justifie d’aucun préjudice en relation avec la prétendue rupture brutale dont elle se prévaut et en conséquence :

— débouter la société International Design de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce d’Évry en date du 20 mai 2010 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la société Carrefour Hypermarchés de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamner la société International Design à payer aux sociétés Carrefour France et Carrefour Hypermarchés la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— à tout le moins et si par impossible la Cour considérait qu’il existe une rupture brutale des relations commerciales établies :

— constater, dire et juger qu’un délai de préavis a été respecté à hauteur de 15 mois,

— constater, dire et juger qu’un chiffre d’affaires de 350.000 euros a été expressément convenu pour 2008,

— dire et juger que la société International Design ne justifie d’aucun taux de marge brute moyen supérieure à 41.97% et par conséquence,

— en tirer toutes conséquences que de droit quant au préjudice revendiqué par la société International Design en la déboutant de toute demande de ce chef.

En toute hypothèse,

— débouter la société International Design de toute demande relative à un prétendu stock dédié, à des prétendus investissements dédiés, ainsi qu’à des prétendus licenciements en lien avec les déréférencements allégués en confirmant le jugement entrepris de ce chef,

— la condamner à payer aux sociétés Carrefour France et Carrefour Hypermarchés la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Carrefour France et Carrefour Hypermarchés soutiennent que l’acte d’appel est nul et à tout le moins irrecevable. Selon elles, l’appel de la société International Design en ce qu’il est dirigé contre la société Carrefour Hypermarchés France, aux droits de laquelle se trouve actuellement la société Carrefour France, est irrecevable comme dirigé contre une personne qui n’était ni partie, ni représentée en première instance. De même, étant donné que la société Carrefour Hypermarchés France a été dissoute avec transmission universelle du patrimoine par décision du 21 janvier 2009, la déclaration d’appel serait nulle pour vice de fond comme dirigée contre une personne morale sans capacité à agir et n’aurait été susceptible d’aucune régularisation.

Au fond, elles font valoir que la société International Design ne démontre pas l’existence d’une rupture de ses relations commerciales établies avec la société Carrefour Hypermarchés. Selon elles, les trois conditions cumulatives de l’article L.442-6 5° du code de commerce de ne sont pas réunies en l’espèce. Tout d’abord, les relations commerciales n’étaient pas durables. Ensuite, la rupture n’était pas brutale, étant donné que la société International Design a marqué son accord sur la réduction du chiffre d’affaires pour 2008, que la société International Design a elle-même décidé d’arrêter son activité luminaire en 2009 et qu’aucune preuve de l’état de dépendance économique n’est apportée par la société International Design. Enfin, la justification d’un préjudice n’est pas établie.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l’acte d’appel :

Considérant que les intimées invoquent la nullité de l’acte d’appel, à tout le moins son irrecevabilité, en ce qu’il a été dirigé contre la société Carrefour Hypermarchés France alors que seule la société Carrefour Hypermarchés, société distincte de la société Carrefour Hypermarchés France qui n’existe plus à la suite d’une opération de fusion absorption, était partie en première instance;

Considérant que la société International Design invoque une erreur matérielle ayant consisté dans l’adjonction du vocable «France», faisant valoir que les conclusions régularisées par acte extra judiciaire du 17 janvier 2011 et la signification à avoué du 4 mai 2011 ont été expressément dirigées contre la société Carrefour Hypermarchés et qu’il ne s’ensuit aucun grief pour cette dernière;

Considérant que devant le tribunal de commerce d’Evry, la société Carrefour Hypermarchés a soulevé que c’était la société Carrefour Hypermarchés France qui avait été assignée alors qu’elle avait été radiée depuis le 21 janvier 2009: que le tribunal a constaté que l’assignation avait été délivrée à la société Carrefour Hypermarchés immatriculée au registre du commerce sous le n° 451 321 335 et que son représentant avait accepté de recevoir l’acte d’assignation sans réserve; que la société Carrefour Hypermarchés n’a pas critiqué cette disposition du jugement ; qu’elle reconnaît ainsi avoir été régulièrement assignée par la société International Design, sa seule critique portant sur l’acte d’appel.

Considérant que l’article 547 du code de procédure civile dispose que «En matière contentieuse, l’appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance»;que la société Carrefour Hypermarchés France n’était pas partie en première instance, l’appel ne pouvait être dirigé à son encontre;

Considérant que l’article 117 du code de procédure civile dispose «Constituent des irrégularités de fond affectant l’acte :

le défaut de qualité à agir

le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice»;

Considérant que la société Carrefour Hypermarchés ne peut se prévaloir d’une irrégularité de fond concernant une société qui n’était pas dans la cause ; que l’irrégularité de l’acte d’appel ne peut s’apprécier qu’au regard de la société Carrefour Hypermarchés dont l’existence n’est pas contestée, ni sa représentation;

Que l’irrégularité porte sur la dénomination Carrefour Hypermarchés France au lieu de société «Carrefour Hypermarchés» et donc sur l’existence d’un terme caractérisant la dénomination sociale sous laquelle elle exerce son activité commerciale; qu’il s’agit d’une irrégularité affectant le défendeur par la dénomination sous laquelle celui-ci exerce son activité et qu’il s’agit donc d’un vice de forme;

Que l’article 114 dispose qu'«aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu’à charge par l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public»;

Considérant que le Kbis de la société Carrefour Hypermarchés France en date du 28 avril 2009 mentionne que cette société, ayant son siège social [Adresse 6], a été radiée le 8 avril 2009 à la suite de la transmission de son patrimoine à la société Carrefour France, son associé unique ; qu’il est mentionné qu’à l’adresse de son siège social, elle exploite en location gérance le fonds de commerce, propriété de la société Carrefour Hypermarchés France ; que le Kbis de la société Carrefour Hypermarchés indique que cette société a le même siège social et pour objet un hypermarché de vente et achat véhicules terrestres à moteur et revente tous objets d’occasion à l’enseigne «Carrefour», ayant commencé son activité le 10 janvier 2006; qu’au regard des mentions figurant sur ces deux Kbis subsistent deux sociétés, la sas Carrefour France, la sas Carrefour Hypermarchés ayant toutes deux le même siège social ;

Qu’il résulte des accords commerciaux produits que ceux-ci ont été conclus par la société Carrefour Hypermarchés France, qu’ils précisent «agissant pour son compte et/ou pour le compte de toute entité juridique en France exploitant un magasin, à enseigne dont «Carrefour….Tout site internet Carrefour ou toute autre enseigne exploitée par le groupe Carrefour»et qu’ils mentionnent systématiquement l’entité «Carrefour» comme étant le cocontractant, indiquant «le fournisseur s’engage à informer Carrefour» et sont signés «pour Carrefour» ;

Qu’à l’adresse du [Adresse 6], figurent cinq raisons sociales avec des dénominations sociales similaires dont celle de la société Carrefour Hypermarchés France malgré sa radiation alors que celle de Carrefour France est absente;

Que la confusion entre les sociétés du groupe à la suite des opérations juridiques les concernant subsiste au sein même du groupe puisqu’à l’occasion d’une procédure récente devant le Conseil de Prud’hommes d’Evry, la sas Carrefour Hypermarchés France, défenderesse à l’instance s’est constituée, assistée par son conseil et représentée par son directeur de magasin et n’a soulevé aucune exception de procédure, alors que les débats au fond ont eu lieu;

Qu’en conséquence, la société Carrefour Hypermarchés ne saurait tirer argument de la confusion qu’elle a créée et qui a pu induire en erreur la société International Design alors même qu’elle ne caractérise aucun grief pouvant en découler pour elle dans la mesure où elle a eu parfaitement conscience que l’appel était dirigé à son encontre comme étant seule partie au jugement entrepris ; que la société Carrefour Hypermarchés n’a pu se méprendre sur les demandes de la société Design International qui ont été clairement exprimées à son encontre tant lors de la procédure de première instance que d’appel et qu’elle a été en mesure d’y répondre;

Considérant qu’il y a lieu de constater que l’appel de la société International Design est dirigé contre la société Carrefour Hypermarchés et de débouter les sociétés Carrefour France venant aux droits de la société Carrefour Hypermarchés France et la société Carrefour Hypermarchés de leur demandes tendant à voir déclarer nul, à tout le moins irrecevable l’appel interjeté par la société International Design ;

Au fond, sur la rupture des relations commerciales

Considérant que la société International Design fait valoir qu’il y a eu rupture brutale des relations commerciales, ininterrompue depuis 1973, cette rupture ayant été caractérisée par des déréférencements brutaux , par une baisse substantielle des commandes en 2007 et 2008 et par le recours à des appels d’offres ;

Considérant que la société Carrefour Hypermarchés, soutient qu’elle n’a fait qu’user de sa liberté de choisir son fournisseur et que la société International Design n’a subi aucun préjudice dans la mesure où elle avait prévu de mettre fin à son activité de vente de luminaires pour se consacrer à la vente de meubles;

Considérant qu’aux termes de l’article L442-6-1-5 du code de commerce, l’abus dans le droit de rompre une relation commerciale établie est caractérisé sauf cas de force majeure ou inexécution fautive par l’autre partie de ses obligations, dès lors qu’aucun délai de préavis n’a été notifié par écrit et observé.

Considérant que la société Carrefour Hypermarchés ne conteste pas des relations commerciales anciennes, même si elle fait observer qu’aucun élément ne justifie de les faire remonter à 1973, elle affirme que celles-ci étaient précaires et nullement destinées à perdurer ; qu’elle justifie par une étude de marché et par des articles de presse que, dans le secteur du luminaire, les parts de marché des hypermarchés et supermarchés ont connu une baisse au profit des surfaces de bricolage et des magasins spécialisés de sorte qu’elle a connu une baisse de 20% sur ce rayon ; que, toutefois, elle ne démontre pas avoir tenu informé son contractant de cette évolution ni d’une baisse de son chiffre d’affaires sur ce secteur telle qu’elle aurait dû cesser du moins partiellement ses relations avec la société International Design;

Considérant que la société International Design a certes adjoint à son activité de vente de luminaires une autre activité, celle de la vente de meubles ; que pour autant il n’est pas démontré que celle-ci ait eu pour objectif de remplacer celle de vente de luminaires;

Que si la société Carrefour Hypermarchés fournit une attestation d’un de ses salariés qui indique que lors d’un rendez vous s’est tenu le 14 janvier 2009 avec le représentant de la société International Design «nous avons échangé sur la situation actuelle et nous avons essayé de trouver une solution pour poursuivre les relations entre les deux sociétés.

Cette proposition a été immédiatement refusée par le fournisseur puisque celui-ci nous a clairement expliqué pendant l’entretien que l’activité principale et la stratégie de l’entreprise étaient désormais tournées vers le meuble» , il convient de relever qu’encore à cette date la société International Design a poursuivi des discussions avec la société Carrefour Hypermarchés ayant pour objet une proposition faite par Carrefour concernant la vente de luminaires ; qu’il s’ensuit la démonstration que la société International Design cherchait encore à ce moment là, à maintenir cette activité ;

Que si le rapport de gérance de la société International Design à la fin de 2005 relate une baisse de l’activité dans le domaine des luminaires, il indique 'Pour l’année sociale 2004/2005, nous tablons sur une augmentation de notre chiffre d’affaires, liée au développement de nos ventes meubles ; celles-ci sont montées en puissance dans notre activité jusqu’à représenter aux alentours de 30% de nos recettes; cela suffit par conséquent pour compenser la baisse relative de la vente de luminaire, mais aussi pour susciter un accroissement de près de 20% du chiffre d’affaire global', il résulte de ce rapport que l’activité luminaire restait l’activité principale et que la baisse sur le secteur du luminaire est qualifiée de relative, le rapport constatant seulement que le développement de l’activité meuble a compensé la baisse du secteur luminaires sans que soit remise en cause cette activité, ni la part prépondérante qui est la sienne; qu’il convient de noter que cette baisse de 20% correspond à celle invoquée par la société Carrefour Hypermarchés;

Qu’en conséquence, il résulte de ces éléments que les relations des parties portant sur le marché du luminaire étaient établies et que la baisse enregistrée par les deux sociétés sur ce marché n’a pas constitué un facteur de nature à les remettre en cause;

Considérant que la rupture de relations commerciales peut être totale ou partielle; que la société International Design indique que les ruptures brutales et partielles des relations commerciales sont intervenues dès janvier 2007; qu’en conséquence, la rupture ne résulterait pas de son refus de la proposition faite par la société Carrefour Hyermarchés en 2009;

Considérant que la société International Design expose que la société Carrefour Hypermarchés a brutalement déréférencé de nombreux produits au cours de l’année 2007 soit 63 le 7 janvier, 21 le 26 février et 2 le 16 mars de sorte que son chiffre d’affaires a diminué de 41% en 2007;

Que la société Carrefour Hypermarchés ne peut contester l’existence de produits référencés dans la mesure où elle a écrit le 20 novembre 2007 'lors de notre entretien je ne vous ai pas confirmé que vous étiez déréférencé sur l’ensemble de vos produits» et indique 'concernant les appliques. Suite à l’évolution du marché, vos appliques ne répondent plus aux tendances du marché', démontrant que ces produits faisaient l’objet de référencements constants; que d’ailleurs, la société Carrefour Hypermarchés indique que la société International Design 'était référencée nationalement’ ; qu’il y a lieu de relever que les observations sur les appliques sont postérieures à la décision de déréférencement alors que la société Hypermarchés Carrefour ne justifie d’aucune remarque antérieure sur l’adaptation des produits de la société International Design aux goûts du marché;

Considérant que la société Carrefour Hypermarchés a ainsi brutalement déréférencé de nombreux produits au cours de l’année 2007, représentant une part significative du marché confié à la société International Design;

Qu’ainsi, la société Carrefour Hypermarchés a rompu une première fois la relation commerciale qu’elle entretenait avec la société Carrefour Hypermarchés sans avoir notifié préalablement par écrit cette décision à son cocontractant et sans lui octroyer un préavis suffisant;

Considérant qu’en octobre 2007, la société Carrefour Hypermarchés a annoncé procéder à des appels d’offres pour la fourniture de lampadaires et de lampes de bureau en 2008, ce qui représentait respectivement 40% et 16% du chiffre d’affaires réalisé en 2007 par la société International Design; que par courriel du 18 octobre, la société Carrefour Hypermarchés a avisé la société International Design que son offre n’était pas retenue ; que, si la société International Design a bénéficié d’un délai de prévenance de 2 mois sur ces deux articles, la perte de ceux-ci ne peut être dissociée des déférencements opérés précédemment et caractérise la rupture mise en oeuvre;

Qu’enfin, la société Carrefour Hypermarché a réduit fin 2007 le prévisionnel de ses commandes pour 2008 de manière substantielle en les fixant à 350 000€ au lieu de 970000€, montant du chiffre d’affaires de l’année précédente, comme il était d’usage entre les parties; qu’au surplus, les commandes n’ont été que de 200 000€ soit une baisse de plus de plus de 80%, soit dix fois moins qu’en 2005 et huit fois moins qu’en 2006;

Que si les gérants de la société International gérance ont indiqué en 2008 «la commercialisation de ces derniers (luminaires et meubles) a encore évolué depuis l’an dernier puisque désormais nous vendons pratiquement 90% de meuble et 10% de luminaire. Il est à peu près sur que, à plus ou moins court terme nous abandonnerons ces derniers qui furent pourtant à l’origine de notre société. les temps changent», il n’est pas démontré que la société International Design a volontairement mis en oeuvre ce changement de stratégie mais seulement que, confrontée à la rupture brutale des relations commerciales initiée par la société Carrefour Hypermarchés au terme de laquelle son activité luminaire est devenue insignifiante, elle a privilégié son autre activité;

Considérant que la société Carrefour Hypermarchés a, tout d’abord par des déréférencements, puis en procédant à des appels d’offres sur deux articles essentiels de la gamme de son fournisseur et par une baisse drastique des commandes, délibéremment rompu brutalement, de manière substantielle ses relations commerciales avec la société International Design sans avoir notifié préalablement par écrit cette rupture et sans avoir laissé à son fournisseur un délai de préavis raisonnable;

Considérant en conséquence qu’il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société International Design de sa demande du chef d’une rupture brutale des relations commerciales.

Sur le préjudice au titre du préavis

Considérant que le préjudice réparable est celui causé par la rupture brutale et qu’il comprend en premier chef le gain manqué pendant la période de préavis;

Que pour apprécier cette durée, la société International Design fait valoir que trois critères sont à prendre en considération, l’ancienneté de la relation commerciale, le volume d’affaires et l’état de dépendance économique.

Considérant que la société International Design soutient que la durée des relations commerciales a été de 35 ans pour avoir débuté en 1973 avec un volume d’affaires correspondant à 30% de son chiffre d’affaires global: que toutefois, elle ne justifie de relations commerciales établies que depuis 2004;

Considérant que la société Carrefour Hypermarchés fait valoir que dès 2004, la société International a anticipé la baisse du marché du luminaire et a développé son activité sur le meuble de sorte que son chiffre d’affaires a augmenté au cours des exercices 2006/2007 et 2007/2008; que cette seconde activité existait lors de la rupture des relations sur le secteur du luminaire et connaissait déjà une progression ; que si celle-ci a continué permettant d’améliorer le chiffre d’affaires de la société, il n’est pas démontré que celle-ci traduise une politique de compensation instaurée par la société International Design pour compenser la perte de son marché luminaire résultant des décisions brutales de la société Carrefour Hypermarchés et ayant conduit à une évolution telle qu’elle a pu décider de cesser son activité sur ce marché; qu’une telle décision relève de son choix de gestionnaire sans qu’elle soit de nature à la priver d’un délai de préavis raisonnable destiné à lui permettre de se réorganiser et, le cas échéant, de prendre cette décision en connaissance de cause quant à l’évolution prévisible du marché; que, la société Carrefour Hypermarchés n’a pas notifié ses décisions successives prises au cours de l’année 2007 et ayant conduit à la perte d’une partie substantielle de son marché par la société International Design; que, dès lors, même si elle a continué de maintenir des relations commerciales avec la société International Design, elle ne saurait les invoquer pour prétendre que cette dernière aurait bénéficié d’un préavis de 15 mois ayant commencé à courir dès le mois d’octobre 2007, date des appels d’offres sur deux produits alors que ceux-ci ne faisaient que conforter une décision de rupture prise dès janvier 2007 et caractérisée par des déréférencements significatifs;

Considérant que la société International Design indique qu’elle a réalisé, au cours des trois années ayant précédé la rupture, en moyenne 30% de son chiffre d’affaires total avec la société Carrefour Hypermarchés; que ce chiffre ne démontre pas l’existence d’une dépendance économique d’autant que la société International Design avait la possibilité de diversifier ses clients ;

Qu’elle fait valoir qu’elle s’approvisionnait en Chine et qu’elle devait passer ses ordres six mois à l’avance afin de préconstituer son stock;

Considérant qu’il y a lieu, en fonction de ces éléments, de fixer le délai raisonnable de préavis à 6 mois et dont elle aurait dû bénéficier dès le la première rupture en mars 2007;

Considérant que la société International Design produit une attestation de son commissaire aux comptes attestant des taux de marge brute moyenne sur les ventes faites à la société Carrefour au titre des quatre dernières années soit une moyenne de 47,40% ; qu’elle justifie d’un chiffre d’affaires moyen de 1 858 821,43€, soit une marge annuelle de:

1 858 821,43€x47,40% = 881 081,37€ ;

Que la société Carrefour Hypermarchés fait observer que les taux de marge pour l’exercice clos le 31 mars 2006 a été de 41,96% de respectivement 42,37% et de 41, 58% pour les deux suivants soit une moyenne de 41,97%.

Que la différence de calcul entre les deux parties résulte de la prise en compte par la société International Design du taux de marge pour l’exercice 2005 supérieur à celui des trois exercices suivants ; que la cour retiendra la moyenne des trois derniers exercices comme reflétant le taux de gain perdu au titre du préavis, soit 41,97%.

Qu’en conséquence, la marge annuelle brute s’établit à 780 057 € soit sur 6 mois à 390028€

Que la société International Design indique avoir réalisé une marge brute de 102 387,51€ en 2008 qu’il convient de déduire ; qu’en conséquence, il y a lieu de chiffrer à 287 640,49€ le gain perdu au titre du préavis;

Sur les autres chefs de préjudice allégués par la société International Design

Considérant que la société International Design demande que lui soit allouée la somme de 200 892,49€ en réparation de la perte du stock de marchandises programmées, faisant valoir que les ordres d’achat étaient pris 6 mois à l’avance et qu’elle devait préconstituer son stock; qu’en 2007, elle a passé des ordres en fonction du montant des achats prévisionnels de la société Carrefour Hypermarchés annoncé à 1 600 000€; qu’elle fait valoir que la variation des stocks à la fin de l’année 2007 d’un montant de 559 499€ a entrainé pour elle une surcharge de frais de gestion et une absence de trésorerie qu’elle chiffre à la somme de 279 749,50€ 5 (559 499€x6/12).

Considérant que la société Carrefour Hypermarchés conteste ce chef de préjudice, faisant valoir qu’elle ne bénéficait pas d’un stock dédié;

Considérant que les frais dont fait état la société International Design sont inhérents avec l’activité développée et la nécessité de détenir un stock ; qu’elle ne démontre pas avoir détenu un stock constant destiné uniquement à la société Carrefour Hypermarchés et que, même dans ce cas, les frais en résultant participent de la réorganisation nécessaire du fait de la rupture et sont inclus dans le montant alloué au titre du gain manqué résultant du défaut de préavis raisonnable que la cour a réparé;

Que si la société International Design prétend avoir investi dans la location d’entrepôt et justifie d’un changement de locaux dès l’année 2007, elle indique elle-même dans son rapport de gérance que ce changement a eu pour finalité la création d’un showroom; qu’il est donc en relation avec le développement de son activité meubles ; qu’elle ne démontre donc pas de préjudice résultant de ses pertes de marché sur le luminaire;

Considérant que la société International Design demande une somme de 55 855€ en réparation d’un contentieux social; que toutefois, elle ne démontre pas que le licenciement intervenu concerne un salarié lié à son activité luminaire ; que, de plus, elle ne justifie pas des suites données aux demandes contentieuses faites par le salarié concerné.

Sur les mesures de publication

Considérant que la société International Design fait valoir qu’elle a subi un préjudice d’image ce que conteste la société Carrefour Hypermarchés;

Considérant que, par suite de la rupture des relations commerciales avec la société Carrefour Hypermarchés, la société International Design a cessé son activité luminaires; qu’en conséquence, elle ne subit pas de préjudice d’image réparable par la voie de publications dans la presse ; qu’il y a lieu de rejeter cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Carrefour Hypermarchés pour procédure abusive:

Considérant que la société Carrefour Hypermarchés succombe dans sa demande de confirmation du jugement entrepris ; qu’il n’y a pas lieu en conséquence de faire droit à sa demande de dommages et intérêts de la société Carrefour Hypermarchés pour procédure abusive

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Considérant que la société International Design a dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu’il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré,

DECLARE l’appel interjeté par la société International Design du jugement rendu le 2 juillet 2010 par le tribunal de commerce d’Evry recevable,

DIT et JUGE que la société Carrefour Hypermarchés a rompu brutalement et unilatéralement les relations commerciales établies qu’elle entretenait avec la société International Design,

FIXE à 6 mois la durée raisonnable du préavis et chiffre la perte de marge brute non réalisée pendant 6 mois de préavis à la somme de 287 640,49€,

CONDAMNE la société Carrefour Hypermarchés à payer à la société International Design la somme de 287 640,49€,

REJETTE toute autre demande plus ample des parties,

CONDAMNE la société Carrefour Hypermarchés à payer à la société International Design la somme de 7 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Carrefour Hypermarchés aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

E. DAMAREYC. PERRIN

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 5, 6 décembre 2012, n° 10/13678