CA Paris du 11 septembre 2013 n° 11/15476 , Pôle 05 ch. 03

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 05 ch. 03, 11 sept. 2013, n° 11/15476
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/15476
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 23 mai 2011, N° 08/06496

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3


ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2013

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/15476

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2011 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 08/06496

APPELANTE

La SARL DES ETABLISSEMENTS ARRIBART, représentée par ses représentants légaux,

6 rue Bailleul

75001 PARIS

représentée par Me Laurence TAZE BERNARD de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042, avocat postulant

assistée de Me Philippe Hubert BRAULT de l’AARPI CABINET BRAULT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J082, avocat plaidant

INTIMÉE

La SNC ILOT SAINT HONORE, prise en la personne de ses représentants légaux,

16 rue du Louvre

75001 PARIS

représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148, avocat postulant

assistée de Me François DUFFOUR de la SCP NEVEU SUDAKA & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0043, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 Mai 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente

Mme Odile BLUM, Conseillère

Mme Isabelle REGHI, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Alexia LUBRANO


ARRÊT :

— contradictoire.

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.

* * * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

La sarl Etablissements Arribart exploite un fonds d’ébénisterie et vente de meubles dans les locaux objet de deux baux consentis par la société des grands magasins de la Samaritaine le 24 juin 1998 pour une durée de 9 années à compter du 1er juillet 1998 pour expirer le 30 juin 2007, la désignation du premier bail portant sur une boutique au rez de chaussée et une réserve au sous sol accessible par une trappe, sis à Paris 1er, 123 rue Saint Honoré , et la désignation du second bail portant sur un local au fond de la cour et une cave accessible par les parties communes au premier sous sol sis Paris 1er 6 rue de Bailleul .

Par exploit du 26 mars 2008, la société Ilot saint Honoré devenue propriétaire des locaux a assigné la locataire devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de fixer les indemnités d’éviction et d’occupation auxquelles les parties sont respectivement en droit de prétendre par l’effet des deux congés délivrés par le propriétaire le 19 mars 2007 avec refus de renouvellement au 30 septembre 2007 pour les locaux objet de deux baux dans lesquels est exploité un fonds unique.

Par jugement du 24 mai 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :

— fixé l’indemnité d’éviction due par la société Ilot saint Honoré à la somme de 132 659 €, somme à laquelle il conviendra le cas échéant d’ajouter les frais de licenciement sur justificatifs,

— désigné en qualité de séquestre le service juridique de l’ordre des avocats de Paris afin de recevoir entre ses mains cette indemnité à défaut d’accord des parties,

— fixé l’indemnité d’occupation annuelle des locaux du 123 rue saint Honoré imputables à la sarl Etablissements Arribart à compter du 1er octobre 2007 et jusqu’à complète libération à la somme de 23 823 € ,

— fixé l’indemnité d’occupation annuelle des locaux du 6 rue Bailleul imputable à la société Etablissements Arribart à compter du 1er octobre 2007 et jusqu’à complète libération à la somme de 11 340 € ,

— rejeté le surplus des demandes,

— condamné chacune des parties par moitié aux dépens.

La société Etablissements Arribart a relevé appel du jugement et par ses dernières conclusions en date du 5 juillet 2012, elle demande à la Cour de :

Infirmer la décision,

Sur la valeur du droit au bail,

Dire que les premiers juges ont retenu à tort une modification notable des caractéristiques des lieux loués 123 rue saint Honoré , fondée sur les indications d’un plan non conforme à la désignation des lieux loués et à la commune intention des parties selon les deux baux conclus simultanément en vue de l’exercice des activités commerciales de la sarl Etablissements Arribart,

Dire qu’en l’absence de toute modification, de la distribution intérieure du rez de chaussée donné à bail à usage de boutique, l’argumentation adverse ne peut prospérer à l’appui de la demande de déplafonnement, l’en débouter,

Dire qu’en ce qui concerne l’usage du sous sol, l’accès à partir de la trémie existante a fait l’objet d’un aménagement réalisé par le preneur sous forme d’une structure mobile et démontable, non incorporée au gros uvre et susceptible comme tel d accession au profit du bailleur qui ne peut donc en invoquer le bénéfice à l’appui d’une demande de déplafonnement avec l’incidence que cela suppose sur la détermination de la valeur du droit au bail,

Dire que les références citées par l’expert dans son rapport s’avèrent peu représentatives du marché, d’autant que le préjudice subi par le locataire évincé doit être estimé à une date aussi proche que possible de l’éviction effective, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante de la cour de cassation, tandis par ailleurs que la société intimée tente d’argumenter à partir des décisions précédemment obtenues dans le cadre d’instances étrangères à l’appelante tout en se gardant bien de produire la justification de la relocalisation effective des locaux devenus vacants selon le prix du marché,

Dire en conséquence la société appelante bien fondée à solliciter l’appréciation de la valeur locative de la boutique 123 rue Saint Honoré, sur la base d’un prix unitaire de 1000 € le m² au regard d’un loyer plafonné impliquant un différentiel annuel de 38 706 € soit pour les deux locaux considérés, en retenant un coefficient unique eu égard à l’unité d’exploitation du fonds, soit 47,5 une appréciation de la valeur du droit au bail à la somme de 387 300 € avec les conséquence qui en découlent,

Sur l’indemnité d’éviction,

Dire qu’en réponse à la demande d’indemnisation du preneur évincé, c’est au bailleur intimé qu’il incombe d’établir que le préjudice serait inférieur au montant découlant des critères énoncés par l’article L 145 -14 du code de commerce, en infirmant la décision entreprise,

Dire qu’eu égard à la présence d’une boutique constituant un point de vente et aux difficultés notoires rencontrées par les menuisiers ébénistes ou autres activités artisanales pour se rétablir à proximité des locaux dont ils sont évincés, la société intimée n’apporte pas la preuve requise de nature à l’affranchir de l’obligation de payer une indemnité inférieure à celle due dans le cadre de la perte du fonds de commerce,

Constater que l’intimée ne peut en tout état de cause établir que l’indemnité due dans le cadre d’un transfert hypothétique de l’entreprise dans le périmètre des lieux loués serait d’un montant inférieur aux sommes dues dans le cadre d’une indemnité de remplacement,

Constater de même que la bailleresse, propriétaire d’un important patrimoine immobilier dans le secteur, s’abstient de proposer le moindre local de remplacement et ne peut donc valablement argumenter en soutenant contre toute évidence que l’indemnité due à l’appelante serait d’un montant inférieur à celle découlant des critères légaux,

Dire que les intérêts au taux légal seront dus par l’intimé à compter de l’arrêt à intervenir et ce jusqu’à la consignation de ladite indemnité entre les mains du séquestre,

Voir désigner en qualité de séquestre le service de séquestre juridique de M. L. de l’ordre des avocats au barreau de Paris,

Très subsidiairement,

Infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a écarté toute indemnisation au titre des frais de réinstallation et de la perte de clientèle,

Voir fixer à la somme de 617 565 € le montant global de l’indemnité d’éviction due à l’appelante en ce compris le remboursement par le bailleur des indemnités versées aux salariés sur justificatifs,

Déclarer la société Ilot saint Honoré infondée en ses différentes prétentions, l’en

débouter,

Sur l’indemnité d’occupation,

Infirmer de ce chef la décision entreprise et fixer à 33 210 € le montant global de l’indemnité d’occupation due annuellement à compter du 1er octobre 2007 et ce jusqu’à libération des locaux par l’appelante,

Sur l’indemnité due en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile,

Dire que le preneur évincé à l’initiative du bailleur, qui ne formule à son encontre aucun grief de nature à contester le droit à indemnisation, est fondé à solliciter une indemnité en raison des frais irrépétibles qu’il se trouve contraint d’exposer dans le cadre des opérations d’expertise,

Condamner en conséquence l’indemnité au paiement d’une somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner l’intimée en tous les dépens.

La société Ilot Saint Honoré par ses dernières conclusions en date du 9 mai 2012, demande à la Cour de :

La recevoir en son appel incident et ce sur la question du coefficient de situation rapporté pour la boutique à 6,5 et pour l’atelier à 4, et évaluer l’indemnité de droit au bail en conséquence, et voir encore rapporter l’indemnité accessoire dite de trouble commercial à la somme de 7 355 €,

Voir fixer le montant de l’indemnité d’éviction due pour les locaux à la seule valeur du droit au bail en l’état d’une activité transférable et ce, à concurrence de la somme de 65 000 € à titre d’indemnité principale, portée à la somme de 86 865 € toutes causes confondues, indemnités accessoires incluses,

Voir donner acte à la société Ilot saint Honoré de son accord sur le paiement de la dite somme,

Voir désigner le séquestre juridique de l’ordre des avocats de Paris en qualité de séquestre pour recevoir ladite indemnité sitôt sa fixation effective et définitive,

Voir fixer le montant de l’indemnité d’occupation due à compter du 1er octobre 2007 à la somme de 35 163 € HT et HC globale et annuelle, soit dans le détail : 23 823 € pour la boutique, 11 340 € pour l’atelier,

Voir ordonner la compensation entre les sommes dues au titre de l’indemnité d’éviction et d’occupation,

Voir ordonner le partage des dépens.


SUR CE,

Les locaux dont s’agit sont situés pour partie 123 rue Saint Honoré présentée par l’expert comme ayant uniquement une commercialité de quartier et pour partie 6 rue Bailleul, petite artère étroite reliant la rue du Louvre à la rue de l’arbre sec, dépourvue de toute commercialité à la différence de la rue Saint Honoré toute proche.

Sur l’indemnité d’éviction :

La réparation du préjudice résultant pour le preneur du refus de renouvellement doit en principe correspondre à la valeur marchande du fonds perdu en application de l’article L 145-14 du code de commerce, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre, en démontrant notamment que l’activité peut être transférée sans perte importante de clientèle.

L’expert fait observer qu’il n’a pu disposer, malgré sa demande expresse, de la totalité des factures de clients qui lui auraient permis de connaître précisément l’origine de la clientèle du fonds mais que des documents en sa possession, il a pu relever que celle ci se compose essentiellement outre de particuliers résidant dans le quartier pour des menus travaux, de professionnels du bâtiment, architectes, décorateurs et entreprises parisiennes pour les ouvrages d’envergure ; il en déduit que la boutique de la rue Saint Honoré ne constitue qu’un show room et un bureau d’études et que la possibilité d’un transfert du fonds sans perte significative de clientèle ne peut être écartée ;

La société Etablissements Arribart soutient pour sa part qu’en aucun cas elle n’exerce l’activité de grossiste en fournissant à d’autres entreprises des produits en série destinés à la revente dans le cadre d’un commerce de détail, que par conséquent son activité artisanale ne peut être présumée transférable contrairement à ce qu’a retenu l’expert, compte tenu au surplus de la difficulté de trouver dans Paris intra muros des locaux pour l’installation d’ateliers relativement bruyants.

Les locaux sont loués à destination d’une activité de menuiserie, ébénisterie, serrurerie , travaux tous corps d’état et plus généralement tout ce qui se rapporte au bâtiment, aux meubles et à la décoration ; il résulte tant du rapport d’expertise judiciaire que des attestations produites aux débats par la locataire qu’elle dispose d’une clientèle locale ; toutefois eu égard au faible volume mensuel des transactions qui sont importantes en valeur, l’essentiel de l’activité de la société est tournée vers les professionnels du bâtiment, architectes et décorateurs qui ne constituent pas une clientèle de proximité immédiate, qui sont davantage attachés à la compétence et au savoir faire développé par la société qu’à l’emplacement des locaux ; quoique cet emplacement soit relativement prestigieux, il n’est donc pas établi que la société des établissements Arribart subira une perte significative de clientèle en transférant son fonds ; la cour adoptera ainsi l’avis de l’expert selon lequel l’éviction n’entraînera pas la perte du fonds de commerce et confirmera à cet égard la décision du premier juge ; l’indemnité principale est donc une indemnité de déplacement fondée essentiellement sur la valeur du droit au bail ;

La valeur du droit au bail sera calculée selon la méthode dite du différentiel de loyer résultant de la comparaison entre le loyer qui aurait été payé si le bail avait été renouvelé et le loyer dit de marché ;

La société des établissements Arribart estime que les loyers des entiers locaux auraient bénéficié du plafonnement en cas de renouvellement du bail, le bailleur ne pouvant invoquer un déplafonnement au motif des aménagements réalisés par elle dans une partie des locaux dans la mesure où il s’agit d’aménagements soit sommaires concernant la courette soit ne s’incorporant pas à l’immeuble et

n’opérant aucun changement de distribution concernant l’escalier d’accès non conforme au sous sol, qu’ils ne sont destinés qu’à mettre les lieux en conformité avec leur destination contractuelle et n’avaient donc pas à être autorisés, la société Ilot saint Honoré nouvellement propriétaire ne pouvant du reste lui reprocher le défaut d’autorisation ; elle fait plaider subsidiairement qu’il s’agit d’améliorations qui ne peuvent être prises en compte lors du premier renouvellement des baux.

L’expert a indiqué dans son rapport ce qui est repris par la bailleresse qu’il y eu au cours du bail expiré une suppression de l’atelier du rez de chaussée et son intégration à la boutique et une transformation de la réserve en show room destiné à la clientèle par la création d un accès ;

Le bail du 123 rue Saint Honoré seul concerné par les aménagements réalisés par le preneur prévoit que les locaux se composent d’une boutique au rez de chaussée et d’une réserve au sous sol, accessible par une trappe depuis le rez de chaussée, les plans annexés à l’acte confortant cette désignation, les locaux du rez de chaussée étant toutefois distingués sur les plans en deux parties : boutique et atelier, celui ci étant relié par une trappe au sous sol figurant comme une réserve.

Les photographies prises par l’expert démontrent que le sous sol du 123 rue Saint Honoré qualifié de réserve dans le bail est désormais accessible par un escalier et se compose de trois pièces, l’une étant destinée à la présentation des produits à la clientèle, une autre étant à usage de bureau et une autre plus réduite servant de réserve. Les aménagements réalisés par le preneur au cours du bail expiré (éclairage encastré, murs doublés et décoration soignée) ont permis à la clientèle d’accéder, fut ce dans des conditions de confort restreint, la norme requise n’étant pratiquement jamais appliquée dans les locaux commerciaux anciens, à la quasi totalité du sous sol pour y voir les produits offerts à la vente ; ils constituent non des travaux destinés à permettre l’exploitation conforme des locaux qui disposaient à l’origine d’une boutique et d’un atelier au rez de chaussée mais des travaux modifiant de façon notable les caractéristiques d’origine des lieux loués et qui pouvaient ainsi être invoqués par le bailleur comme motifs de déplafonnement lors du premier renouvellement, le jugement étant également confirmé sur ce point ;

L’expert a proposé une valeur locative de renouvellement de 26 470 € pour les locaux de la rue saint Honoré (loyer déplafonné) et de 8 066 € pour les locaux de la rue de Bailleul (loyer plafonné) dont les montants ne sont en eux mêmes contestés ni par la bailleresse ni par la locataire subsidiairement ;

S’agissant de la valeur locative de marché en revanche, les parties s’opposent ; l’expert a proposé une valeur de 31 764 € pour les locaux de la rue saint Honoré correspondant à un prix de 600€ /m² et de 15 400 € pour les locaux de la rue de Bailleul correspondant à un prix unitaire de 220 € /m². La société des Etablissements Arribart retient sur la base d’éléments de comparaison concernant des locaux loués par la société Ilot saint Honoré une valeur de 1000 € /m² soit une valeur globale de 52 940 € pour les locaux de la rue saint Honoré et, sur la base d’un rapport d’expertise non contradictoire, une valeur de 300 €/m² soit une valeur globale de 21 000 € pour les locaux de la rue de Bailleul.

La société bailleresse demande pour sa part confirmation du jugement qui a retenu une valeur de marché de 600 €/m² pour le bail boutique ce qui correspond selon le premier juge à la moyenne des fixations judiciaires de loyers sur le même trottoir de la rue saint Honoré et sur ce tronçon qui est le moins bon en terme de commercialité et de 220 €/m² pour le bail atelier ;

La seule référence pertinente produite par la société bailleresse est celle concernant le fonds de commerce de restaurant Chez Gabriel dont la valeur locative de marché a été retenue pour 550 €/m² et la valeur locative de renouvellement pour 500 €/m² pour une surface pondérée de 96,52 m² par un jugement du 27 novembre 2008 du tribunal de grande instance de Paris, les autres décisions citées et produites ayant été réformées soit en ce qui concerne le calcul de l’indemnité d’éviction (jugement du Tgi Paris du 26 octobre 2006 réformé par arrêt du 6 février 2008), seule la valeur locative de renouvellement ayant été confirmée pour un montant de 550 € /m², soit en ce qui concernent

l’indemnité d’occupation (jugement Tgi de Paris du 30 juin 2011) ;

La valeur locative de marché proposée par l’expert judiciaire, pour les locaux situés rue saint Honoré notamment, résulte d’éléments de comparaison portant sur des renouvellements, des locations nouvelles ou des fixations judiciaires relativement anciennes par rapport à la date d’effet du congé ; la référence dont la date de prise d’effet du bail est la plus proche de celle de la fin du bail du 123 rue Saint Honoré concerne un local d’une surface pondérée de 63 m² situé 129 rue Saint Honoré abritant un fonds de vente de produits diététiques dont le loyer a été arrêté à la somme de 914 € /m² ; les références citées par l’expert C. à la demande de la locataire ne concernent pratiquement pas de locaux situées rue Saint Honoré de sorte qu’elles ne sont pas appropriées pour apprécier la valeur locative de marché des lieux loués ;

En conséquence, compte tenu des caractéristiques des locaux boutique présentant une surface pondérée de 52,94 m² , en bon état, situés dans un immeubles de bonne facture et de leur emplacement, la valeur locative de marché doit être plus justement fixée à la somme de 700 €/m² ;

Les locaux de la rue de Bailleul sont quant à eux situés dans une artère dépourvue de toute commercialité ; ils sont à destination d’atelier et développent une surface de 70 m² qu’il n’est pas d’usage de pondérer ; leur valeur locative de marché a été justement appréciée au prix de 220 m² telle que proposée par l’expert et confirmée par le premier juge ;

Il s’ensuit que le différentiel des valeurs locatives s’établit ainsi qu’il suit :

Locaux rue saint Honoré : 700 € x 52,94 = 37 058 € – 26 470 € = 10 588 €

Locaux de la rue Bailleul : 220 € x 70 = 15 400 € – 8066 € = 7 334 €

La société locataire demande la confirmation du coefficient de capitalisation à 7,5 appliqué par le tribunal tandis que la société bailleresse conteste pour sa part ce coefficient au regard de la nature des locaux d’atelier sur cour situés dans une rue étroite et peu fréquentée ; elle demande de le voir fixer à 4 ;

Si la boutique quoique située dans le tronçon de la rue saint Honoré de moindre commercialité, doit être considérée comme bénéficiant d’une très bonne situation qui justifie l’application d’un coefficient de 7, l’atelier situé rue Bailleul de médiocre commercialité, quoique proche de la rue Saint Honoré, est cependant facilement accessible et situé en un lieu adapté à sa destination ; il est justifié d’appliquer un coefficient de capitalisation de 5.

Il s’ensuit que la valeur de droit au bail s’élève à la somme de 10 588 € x 7 = 74 116 € pour les locaux rue saint Honoré et à celle de 7 334 € x 5 = 36 670 € pour les locaux situés rue de Bailleul , ce qui représente une indemnité principale d’éviction de 110 786 € ;

Sur les indemnités accessoires :

* Les parties s’accordent pour voir fixer à 10 % du montant de l’indemnité principale l’indemnité de frais de remploi soit 11 078 € ;

* L’expert a fixé l’indemnisation du trouble commercial à la somme de 18 242 € soit trois mois d’ebe et un mois de masse salariale ; la société Etablissements Arribart demande la confirmation du jugement qui a entériné cette proposition tandis que la société îlot Saint Honoré demande de réduire l’indemnité à trois mois d’ebe dès lors qu’il n’est pas justifié d’un arrêt de l’activité des 3 salariés durant la période de recherche de locaux et de déménagement ;

La société Etablissements Arribart ne s’explique pas sur ce denier point et ne justifie pas en effet de

l’ampleur exacte de son préjudice résultant de la recherche de nouveaux locaux et de la reinstallation qui sera suffisamment compensé par l’octroi de la somme de 7 355€ représentant trois mois d’ebe.

* Les parties ne s’opposent pas sur les frais de déménagement octroyés pour un montant de 10 000 € par le premier juge ;

* Elles s’opposent en revanche sur l’octroi de frais de réinstallation que la société Etablissements Arribart réclame pour un montant total de 106 800 € sur le fondement de l’expertise non contradictoire de M C. et d’un devis de réfection de l’électricité pour l’atelier ;

La société Ilot Saint Honoré fait justement observer qu’il n’est justifié d’aucun aménagement non amorti à hauteur desdites sommes, spécialement pour la partie boutique ; le devis de travaux d’électricité produit pour un montant de 26 973,03 € ttc permet cependant de fixer de manière forfaitaire le coût des travaux d’installation à réaliser dans un atelier équivalent, compte tenu de l’agencement spécialement requis, à la somme de 30 000 €.

* La société Etablissements Arribart réclame l’indemnisation de la perte de clientèle à hauteur de 30 % d’une somme équivalente à trois années d’ebe : l’expert F. sous l’indication de perte partielle du fonds de commerce’ a estimé celle ci à 10 000 € ;

L’existence d’une clientèle locale n’est pas contestée et la difficulté pour une telle entreprise artisanale de trouver dans Paris des locaux adaptés et de reconstituer une clientèle de proximité est avérée, ce qui justifie l’indemnisation de la perte partielle de clientèle par l’octroi d’une somme limitée à 10 000 € conforme à la proposition de l’expert judiciaire qui n’a pas fait l’objet de discussion en cours d’expertise .

* Les demandes en indemnisation des pertes sur salaires et frais de double loyer ne sont pas justifiées et seront rejetées ;

Sur l’indemnité d’occupation :

Elle a été fixée à la valeur de 26 470 € par an pour les locaux rue Saint Honoré et de 12 600 € par an pour ceux de la rue de Bailleul ; ces valeurs ne sont pas contestées ; la société des établissements Arribart réclame cependant un abattement supérieur à celui de 10 % retenu par le premier juge, soit 15 %, compte tenu de la longueur de la procédure ; or elle ne justifie d’aucune circonstance particulière permettant de porter cet abattement à un pourcentage supérieur à 10 %, et notamment d’aucun abus de procéder imputable à la bailleresse.

L’indemnité d’occupation telle que fixée par le premier juge sera donc confirmée.

Sur les autres demandes :

Les deux parties s’accordent sur la désignation d’un séquestre juridique avec la mission définie par les articles R 145-29 et R 145-30 du code de commerce conformément à la décision déférée.

Les entiers dépens seront supportés par la société Ilot Saint Honoré, seuls les frais d’expertise judiciaire étant partagés par moitié.

La société Ilot saint Honoré paiera à la société Etablissements Arribart une somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement déféré, en ses seules dispositions relatives au montant de l’indemnité

d’éviction et aux dépens, le confirme pour le suplus,

Statuant à nouveau sur les dispositions réformées,

Fixe le montant de l’indemnité d’éviction due par la société Ilot saint Honoré à la société Etablissements Arribart à la somme de 179 219 € , somme à laquelle il conviendra d’ajouter le cas échéant les indemnités de licenciement sur justificatifs.

Met les entiers dépens à la charge de la société Ilot Saint Honoré recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et la condamne à payer à la société Etablissements Arribart la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE



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