Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 29 novembre 2013, n° 2012/14553

  • Volonté de profiter des investissements d'autrui·
  • Volonté de profiter de la notoriété d'autrui·
  • Pratiques commerciales trompeuses·
  • Activité identique ou similaire·
  • Chiffre d'affaires du demandeur·
  • Perte de chiffre d¿affaires·
  • Atteinte au nom commercial·
  • Atteinte au nom de domaine·
  • Situation de concurrence·
  • Atteinte à l¿enseigne

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5, 29 nov. 2013, n° 12/14553
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2012/14553
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 4 juin 2012, N° 2011057856
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de commerce de Paris, 5 juin 2012, 2011/057856
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : SOFRIGAM ; LA BOUTIQUE DU FROID
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 98717933 ; 3266873
Classification internationale des marques : CL11 ; CL16 ;CL20 ; CL21
Référence INPI : M20130763
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 – Chambre 2 ARRET DU 29 NOVEMBRE 2013

(n° 274, 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/14553.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juin 2012 – Tribunal de Commerce de PARIS 1re Chambre A – RG n° 2011057856.

APPELANTE :

SAS LISOTHERME

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social […] – ZI des Marais 78310 COIGNIERES, représentée par Maître Marie-Laure BONALDI-NUT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936, assistée de Maître Cécile M de l’AARPI BAILLY MONTPELLIER, avocat au barreau de LILLE.

INTIMÉE :

SA SOFRIGAM

prise en la personne de son représentant léga,

ayant son siège social […],

représentée par Maître André MEILLASSOUX du Cabinet ATM Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : E0261,

assistée de Maître Nathalia M substituant Maître André M, avocat au barreau de PARIS, toque : E0261.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, Madame Véronique RENARD, conseillère, Madame Evelyne GIL, conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur T Lam NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur T Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Vu le jugement du 5 juin 2012 rendu par le tribunal de commerce de Paris, Vu l’appel interjeté le 30 juillet 2012 par la SAS Lisotherme, Vu les dernières e-conclusions de la SAS Lisotherme appelante en date du 13 février 2013,

Vu les dernières conclusions de la SA Sofrigam, intimée et incidemment appelante en date du 21 décembre 2012,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 12 septembre 2013,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

La société Sofrigam créée en 1980.est une société spécialisée notamment dans la conception et la fabrication d’emballages isothermes et réfrigérants standards ou sur mesure en particulier pour les industries pharmaceutiques, chimiques, biotechnologiques et agroalimentaires.

Elle a enregistré respectivement les 5 novembre 1997 et 14 novembre 2003 les noms de domaine sofrigam.com exploité pour le site institutionnel, et laboutiquedufroid.com exploité pour le site marchand.

Elle est également titulaire de la marque sofrigam déposée le 13 février 1998 sous le n° 9871793 et La boutique D u Froid déposée le 6 janvier 2004 sous le n° 3266873.

La société Lisotherme créée en 2007 est également spécialisée dans la production de gels réfrigérants et d’emballages isothermes, standards ou sur mesure à destination de grands groupes industriels

et pharmaceutiques et dans le secteur agro-alimentaire et des hautes technologies.

La société Lisotherme a acheté des mots clefs dans le système Google Adwards sur les signes Sofrigam, la Boutiquedufroid et sur certaine de leurs variantes dont Sofigram qu’elle a exploités.

Cette exploitation a été constatée par procès verbaux d’huissier des 21 et 22 juin 2011.

La société Sofrigam a mis en demeure le 22 juillet 2011 la société Google et la société Lisotherme, cette dernière en qualité d’annonceur, de cesser de faire paraître ses annonces sur les mots clés Sofrigam et Laboutiquedufroid.

Par courriel du 5 août 2011 la société Google a informé la société Sofrigam de la suppression des annonces litigieuses et par lettre du 27 juillet 2011, réceptionnée le 1er août 2011, la société Lisotherme, tout en contestant l’existence d’une contrefaçon, indiquait à la société Sofrigam qu’elle avait obtempéré à sa demande.

C’est dans ces circonstances que la SA Sofrigam a, selon actes d’huissier du 12 août 2011, fait

assigner à bref délai la société Lisotherme et la société Google France en concurrence déloyale et parasitisme et publicité trompeuse par l’utilisation de mots clés correspondant à sa dénomination sociale, ses noms commerciaux et noms de domaine dans le cadre du programme Adwords de Google.

En cours de procédure devant le tribunal, la société Sofrigam s’est désistée de son instance à l’égard de la société Google.

Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :

— dit que la SAS Lisotherme a commis des actes de concurrence déloyale en acquérant auprès du prestataire de référencement Google les termes Sofrigam et laboutiquedufroid ainsi que certaines de leurs déclinaisons afin de faire apparaître un lien commercial à son profit sans s’identifier clairement,

— condamné la SAS lisotherme à verser à la SA Sofrigam la somme de 10.000 euros au titre du préjudice subi,

— ordonné des mesures d’interdiction et de suppression des signes litigieux,

— débouté la SA Sofrigam de sa demande de publication,

— condamné la société Lisotherme à payer à la SA Sofrigam la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire de la décision,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes.

En cause d’appel la société Lisotherme demande essentiellement dans ses dernières e-écritures du 13 février 2013 de :

— réformer le jugement,

— débouter la société Sofrigam de l’ensemble de ses demandes,

— condamner la société Sofrigam à lui payer la somme de 10.000 euros pour procédure abusive et celle de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir à cet effet que :

— elle a immédiatement déféré à la mise en demeure du 22 juillet 2011 d’avoir à cesser les faits litigieux, avant l’introduction de la présente instance,

— elle n’a commis aucun acte de concurrence déloyale car elle pouvait utiliser les signes litigieux en tant que mots clés dès lors que son annonce ne reproduisait pas les signes litigieux, pas plus que dans sa page d’accueil de son site vers laquelle cette annonce renvoyait, et ne générait donc pas de risque de confusion dans l’esprit de la clientèle et ce d’autant qu’il s’agit majoritairement d’une clientèle de professionnels avertis,

— son annonce reproduisait en effet par deux fois le terme Lisotherme qui correspond à sa marque déposée le 8 janvier 2008 sous le n° 3547734, à sa dénomination sociale et au nom de domaine qu’elle a enregistré le 7 décembre 2006, et l’identifiait parfaitement,

— son annonce qui définit son activité de producteur ne revêtait aucun caractère équivoque,

— le terme Lisotherme est un terme de fantaisie évocateur du caractère des produits mais en aucun cas générique,

— la société Sofrigam n’a subi aucun préjudice.

La SA Sofrigam demande dans ses dernières écritures du 21 décembre 2012 de :

— prononcer sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile, la radiation de l’affaire,

— confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la société appelante a commis des actes de parasitisme et de concurrence déloyale et ordonner des mesures d’interdiction et de suppression des signes litigieux,

— le réformer pour le surplus,

— dire et juger que les agissements de la société appelante sont également constitutifs du délit de pratiques commerciales déloyales et trompeuses,

— condamner la SAS Lisotherme à lui payer :

* la somme de 100.000 euros au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,

* la somme de 100.000 euros au titre des pratiques commerciales trompeuses,

— assortir les mesures d’interdiction et de suppression des signes litigieux d’une astreinte,

— ordonner la publication de la décision,

— condamner la société appelante à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose à cet effet que :

— elle dispose de droits sur son nom commercial, sa dénomination sociale et ses noms de domaine,

— la reprise à l’identique de ses signes par la société Lisotherme dans le cadre de sa campagne google Adwords à titre lucratif, de façon injustifiée générant un risque de confusion dans l’esprit de l’internaute en raison du caractère vague de son annonce résultant du caractère générique, descriptif et non distinctif du nom commercial de l’appelante, est constitutive de concurrence déloyale et parasitaire et de publicité mensongère,

— ces agissements déloyaux ont entraîné une baisse de son chiffre d’affaires en 2011 de 26,1%.

******

Sur la procédure :

Il est justifié par les documents communiqués par la société Lisotherme que celle-ci connaît d’une situation de trésorerie très difficile l’ayant conduite a être condamnée pour arriéré de loyers. Il convient dès lors de rejeter la demande de radiation de l’affaire formée par la société intimée sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile.

Sur le fond :

La société Sofrigam qui a pour nom commercial et enseigne commerciale le terme Sofrigam a enregistré respectivement les 5 novembre 1997 et 14 novembre 2003 les noms de domaine 'sofrigam.com’ exploité pour son site institutionnel', et 'laboutiquedufroid.com’ exploité pour son site marchand.

La société Lisotherme a acheté des mots clés dans le système google Adwords sur ces mêmes signes Sofrigam, Laboutiquedufroid et sur certaines de leurs variantes dont Sofrigam, à l’évidence pour l’internaute trop pressé dans la frappe du nom de domaine.

Ainsi il ressort du procès verbal d’huissier en date des 21 et 22 juin 2011 que lorsque l’internaute effectuait une requête sur ces mots clefs dans le moteur de recherches Google.fr, un lien commercial www.lisotherme.com, exploité par la société Lisotherme, apparaît sur la première page de résultat, au-dessus des liens renvoyant vers le site institutionnel ou le site web marchand de Sofrigam, avec l’annonce publicitaire suivante :

'votre solution isotherme/ lisotherme.com

producteur de réfrigérants et emballages professionnels

www.lisotherme.com'

La cour de justice européenne a dit pour droit dans les arrêts des 23, 25 et 26 mars 2010 dans les affaires C-236/08 et C-238/08 que 'le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur internet, de la publicité pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou au contraire, d’un tiers.'.

'… lorsque l’annonce, tout en ne suggérant pas l’existence d’un lien économique, reste à tel point vague sur l’origine des produits ou

services en cause que l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif n’est pas en mesure de savoir, sur la base d’un lien promotionnel et du message commercial qui y est joint, si l’annonceur est un tiers par rapport au titulaire de la marque, ou bien au contraire, économiquement lié à celui-ci, il conviendra de conclure qu’il y a atteinte à ladite fonction de la marque'.

Le nom commercial et le nom de domaine en regard de sa valeur commerciale, constituent des signes distinctifs bénéficiant d’une protection juridique autonome dès leur premier usage public, de sorte que la société Sofrigam dont il n’est pas contesté qu’elle a exploité ces signes distinctifs disponibles avant la société Lisotherme, est fondée à en solliciter la protection.

La reprise, sans nécessité technique, de deux noms de domaine et du nom commercial et de l’enseigne, à l’identique, sous la même orthographe sans espace, d’une société directement concurrence disposant sur ces signes distinctifs une antériorité, pour déclencher à son profit une annonce publicitaire en ligne, caractérise, un comportement parasitaire à l’égard de la société concurrente.

La société Lisotherme bénéficiant de ce fait, à un moindre coût des investissements et de la notoriété de l’entreprise plus ancienne présente sur le même secteur d’activité.

La mention à deux reprises dans le corps de l’annonce du nom de domaine www.lisotherme.com ne permet pas à un internaute d’attention moyenne de déterminer si les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement car ces deux sociétés proposent à la vente les mêmes types de produits isothermes et l’adjonction de la seule lettre L non qualifiante, ne lui permet pas, en raison du caractère très proche du terme générique isotherme s’appliquant aux produits recherchés, d’identifier des sociétés distinctes, de sorte qu’il existe avec l’emploi de ce lien promotionnel et le message qui y est joint, un risque réel de confusion sur les liens économiques pouvant exister entre ces sociétés.

C’est donc à bon droit que le tribunal a dit que la société Lisotherme de par ces faits a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme.

Ces faits qui génèrent une confusion sur l’origine des produits, sont également constitutifs de pratiques commerciales trompeuses au sens de l’article L 121-1 I 1° du code de la consom mation et il convient, ajoutant au jugement de faire droit à la demande formée à ce titre par l’intimée.

La société Sofrigam soutient avoir subi une perte de son chiffre d’affaires de 26,1% en 2011 par rapport à 2010 soit 787.486 euros ;

cependant rien n’établit que cette baisse serait exclusivement la conséquence des actes de commerce déloyaux de la société Lisotherme et que les frais d’investissements promotionnels dont elle justifie aient été uniquement consacrés à ces deux sites.

Il convient en regard de l’arrêt de l’usage des liens litigieux en juillet 2011, et de l’annonce qui y était jointe, de fixer, réformant le jugement de ce chef, en regard du compte Adwords de la société

Lisotherme pour la période du 1er janvier 2009 au 31 juillet 2011 émanant de la société Google et pertinent faisant état de 94 clics pour les mots clés dont s’agit, à la somme de 15.000 euros le préjudice subi par la société intimée pour l’ensemble de ces agissements fautifs.

Il convient en tant que de besoin de confirmer le jugement en ce qu’il a interdit à la société Lisotherme d’utiliser à quelque titre que ce soit les signes litigieux et de les supprimer de ses campagnes adwords et de les assortir, dès lors que la société appelante les a simplement mis en sommeil, d’assortir ces mesures d’une astreinte de 500 euros par utilisation de ces signes constatée.

Le préjudice étant suffisamment réparé par l’ensemble de ces indemnités et mesures, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de publication de la décision.

La demande de la société appelante pour procédure abusive, non fondée en regard des dispositions de la présente décision, doit être écartée.

L’équité commande d’allouer à la société intimée la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande à ce titre de la société appelante.

Les dépens resteront à la charge de la société appelante qui succombe et qui comprendront les frais de constats des 21 et 22 juin 2011.

PAR CES MOTIFS,

Rejette la demande de radiation de l’affaire formée par la société intimée sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile,

Déboute la société appelante de l’ensemble de ses demandes,

Réforme le jugement en ce qu’il a accordé à la société Sofrigam une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Le confirme pour le surplus, Y ajoutant, Dit que la SAS Lisotherme a commis des actes de publicité trompeuse,

Condamne la Sas Lisotherme à payer à la SA Sofrigam la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l’ensemble de ses agissements fautifs,

Assortit les mesures d’interdiction et de suppression ordonnées par le tribunal d’une astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision,

Condamne la société Lisotherme à payer à la société Sofrigam la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes de la société intimée,

Condamne la société appelante aux entiers dépens qui comprendront les frais de constats d’huissier des 21 et 22 juin 2011.

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