Cour d'appel de Paris, 13 novembre 2013, n° 11/23246

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 13 nov. 2013, n° 11/23246
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/23246
Décision précédente : Tribunal de commerce de Meaux, 21 novembre 2011, N° 2009/01659

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2013

(n°312, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/23246

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 22 Novembre 2011 par le Tribunal de Commerce de MEAUX – RG n° 2009/01659

APPELANTE

SAS GAUTIER LOGISTIQUE NORD Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

XXX

XXX

Représentée et assistée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

INTIMÉES

SA X FRANCE

XXX

XXX

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée de Me Sandrine MINNE avocat au barreau de LILLE

SAS KUEHNE+NAGEL prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Xavier FRERING de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de PARIS, toque : J133

Assistée de Me Franck HAMONIER, plaidant pour la SELARL H2C HARMONIER Conseil et Contentieux, avocat au barreau de ROUEN.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Octobre 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise COCCHIELLO, Président, chargée d’instruire l’affaire et Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Président, rédacteur

Madame Irène LUC, Conseiller

Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Président et par Madame Denise FINSAC, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

****

Vu le jugement rendu le 22 novembre 2011, dans lequel le Tribunal de commerce de Meaux a « dit la société Gautier Logistique Nord irrecevable en sa demande à l’encontre de la société Kuehne + Nagel ; reçu la société Gautier logistique Nord en sa demande à l’encontre de la société X France au fond la dit mal fondée et l’en a débouté ; reçu la société Kuehne + Nagel en ses demandes, au fond les dit en partie fondées ; reçu la société X France en ses demandes, au fond les dit en partie fondées ; débouté la société Kuehne + Nagel de sa demande d’article 700 du Code de procédure civile ; débouté la société X France de sa demande au titre de l’amende civile et de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ; condamné la société Gautier Logistique Nord à payer à la société Kuehne + Nagel la somme de 2.000 euros TTC (deux mille euros TTC au titre de l’article 700 du Code de procédure civile » ;

Vu l’appel interjeté le 29 décembre 2011 par la société Gautier Logistique Nord et ses conclusions du 20 juillet 2012, dans lesquelles elle demande à la Cour de dire et juger Gautier Logistique Nord recevable et fondée en son appel ; en conséquence, infirmer le jugement attaqué, et statuant à nouveau, condamner Kuehne + Nagel ou le cas échéant X à lui payer la somme de 37 277,89 €, majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2008, date de la première réclamation ainsi que celle de 3.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions du 21 mai 2012 de la société Kuehne + Nagel, dans lesquelles elle demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner la partie succombant à payer à Kuehne+Nagel la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions du 29 mai 2012 de la société X France dans lesquelles elle demande à la Cour de confirmer le jugement et débouter la société Gautier Logistique Nord de l’ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire, le confirmer par substitution de motifs, et condamner la société Gautier Logistique Nord, à payer à X France la somme de 6.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant qu’il résulte de l’instruction les faits suivants :

La société Gautier Logistique Nord est spécialisée dans la logistique et le transport. Dans le cadre de ces activités, elle est amenée à livrer des produits palettisés à la société X. Ces produits sont directement confiés à la société Gautier Logistique Nord par les clients de la société X ou par l’intermédiaire d’autres prestataires de transport. Pour sa part, X confie la logistique et le transport de ses biens à la société Kuehne + Nagel notamment sur le site Libercourt. Une fois les produits palettisés acheminés par la société Gautier Logistique Nord, ceux-ci sont remis à la société Kuehne + Nagel. Cette dernière doit restituer à la société Gautier Logistique Nord les palettes livrées avec les produits destinés à la société X.

Sur l’année 2008, la société Gautier Logistique Nord a ainsi remis 47.309 palettes à la société Kuehne + Nagel. Pour la même période, celle-ci n’en a restitué que 44.429. Selon la société Kuehne + Nagel, le différentiel s’explique par le fait que la société Gautier Logistique Nord remet parfois des palettes cassées au moment de la livraison. Ces palettes ne seraient donc pas comptabilisées et non restituées par la société Kuehne + Nagel. Au cours de l’année 2008, la société Gautier Logistique Nord a sollicité des explications et a demandé à la société Kuehne + Nagel de lui restituer 2.880 palettes par courrier du 27 octobre 2008. A défaut de restitution des palettes, la société Kuehne + Nagel était informée que celles-ci seraient facturées à hauteur de 7,20 euros HT chacune.

Le 6 novembre 2008, la société Kuehne + Nagel soulignait que la gestion des palettes dans ses établissements était plus stricte et que les échanges de palettes étaient soumis aux critères d’échanges EUR/EPAL. En l’occurrence, la société Gautier Logistique Nord aurait été à l’origine d’une remise importante de palettes « non conformes » empêchant la société Kuehne + Nagel de les restituer. Concomitamment une facture d’un montant de 24.800,26 euros était émise à l’encontre de la société Kuehne + Nagel.

Par courrier en date du 13 novembre 2008, la société Kuehne + Nagel indiquait à la société Gautier Logistique Nord qu’elles n’étaient pas liées contractuellement, que l’échange des palettes devait se faire selon les critères définis par l’EPAL, que le nombre de palettes facturées ne serait pas justifié et que la facturation établie par la société Gautier Logistique Nord serait excessive.

Le 5 décembre 2008, la société Gautier Logistique Nord rappelait à la société Kuehne + Nagel que, pour l’année 2008, elle avait reçu de la société Gautier Logistique Nord 47.309 palettes et n’en avait restitué que 44. 929, soit un différentiel de 2.880 qui a été facturé. La société Gautier Logistique Nord précisait aussi que les décisions d’EPAL n’avaient pas de valeur normative et que le prix facturé était identique à celui déjà pratiqué antérieurement auprès de l’agence concernée (qui avait déjà payé une facture similaire) et même inférieur à celui que la société Kuehne + Nagel elle-même facturait en cas de non restitution de palettes.

La société Kuehne + Nagel rejetait à nouveau les demandes de la société Gautier Logistique Nord le 16 décembre 2008, par courrier stigmatisant l’absence de lien de droit entre la société Gautier Logistique Nord et la société Kuehne + Nagel.

Le 6 janvier 2009, la société Gautier Logistique Nord indiquait à la société Kuehne + Nagel que celle-ci intervenait en qualité de dépositaire des palettes remises et qu’à ce titre leur restitution était à sa charge. Par suite, de nombreux échanges ont eu lieu entre les parties, mais aucune solution amiable n’a pu être trouvée. Une facture complémentaire d’un montant de 12.477,63 euros était par ailleurs émise, correspondant à un solde non restitué de 1.449 palettes pour la période du 10 novembre 2008 au 21 février 2009.

C’est dans ces conditions que, par actes des 5 et 13 août 2009, la société Gautier Logistique Nord a fait assigner les sociétés Kuehne + Nagel et X devant le Tribunal de commerce de Meaux en paiement de la somme de 37 277,89 euros.

Considérant que la société Gautier Logistique Nord fonde sa demande en paiement des palettes non restituées sur les dispositions légales relatives au dépôt et considère que ses demandes sont recevables dans leur intégralité, dans la mesure où le délai de prescription applicable en l’espèce n’est pas le délai de prescription annal prévu en matière de transport par l’article L.133-6 du Code de commerce, mais celui de droit commun de l’article 2224 du Code civil ; qu’elle prétend également être recevable et fondée à mettre en cause la société X et à la voir supporter le coût des palettes non restituées, en raison du contrat de mandat conclu entre les sociétés Kuehne+Nagel et X ;

Considérant que la société Kuehne + Nagel soutient qu’elle agit en tant que mandataire pour le compte de la société X, son client, vis-à-vis de la société Gautier Logistique Nord et n’a, dès lors, aucun lien juridique avec cette dernière, ni dans le cadre d’un contrat de dépôt ni dans le cadre d’un contrat de transport ; que les seules relations contractuelles existantes en l’espèce consistent en un contrat de prestations logistiques conclu entre les sociétés Kuehne+Nagel et X ainsi qu’en un contrat de transport ou contrat cadre de transport entre la société X France, la société Gautier Logistique Transport et l’expéditeur ; qu’il en résulte que la société Gautier Logistique Nord n’aurait aucun intérêt ni aucune qualité pour agir contre la société Kuehne + Nagel en l’absence de faute extra-contractuelle et serait dès lors irrecevable à agir à l’encontre de la société Kuehne + Nagel ; que si, par extraordinaire, la Cour retenait que la société Kuehne + Nagel devait être considérée comme destinataire à un prétendu contrat de transport existant avec la société Gautier Logistique Nord, elle soulève la prescription de la demande de la société Gautier Logistique Nord sur le fondement de l’article L. 133-6 du Code de commerce ;

Considérant que la société X fait valoir, à titre préliminaire, qu’elle a été assignée sans avoir été informée au préalable d’une quelconque difficulté, sans qu’aucune demande ne lui ait été précédemment adressée et sans avoir été préalablement mise en demeure d’exécuter une quelconque obligation ; qu’elle considère également que l’action de la société Gautier Logistique Nord est mal fondée en ce qu’elle n’apporte pas la preuve des faits et droits qu’elle allègue ; qu’elle soutient que le contrat conclu avec la société Kuehne + Nagel est un contrat de dépôt et de prestation de service et non un contrat de mandat et qu’à ce titre, la société Kuehne + Nagel est seule responsable des non-restitutions ou dégradations de palettes sans pouvoir rechercher la garantie d’X à ce titre ; qu’elle souligne que l’action de la société Gautier Logistique Nord est partiellement prescrite puisque toutes les actions en restitution de palettes nées en vertu de transports effectués antérieurement au 13 avril 2008 sont atteintes par la prescription annale et qu’en toute hypothèse, la société Gautier Logistique Nord ne démontre pas l’existence d’un quelconque préjudice et n’en justifie pas son quantum ;

Considérant que les palettes Euro, objet du présent litige sont des palettes multi-rotations, destinées à être réutilisées plusieurs fois après la première livraison des produits " palettisés

«  chez le client ; que la durée moyenne de vie de ces palettes est de l’ordre de six à huit ans et elles sont normalisées et leur fabrication fait l’objet d’un cahier des charges (normes AFNOR, ISO) ; que les palettes du pool Europe (environ 60 % du parc de palettes multi-rotations), de dimension standard 800 sur 1 200 mm, correspondent à un cahier des charges précis ; que les palettes Europe sont blanches et estampillées « EPAL SNCF EUR » ; qu’un industriel qui expédie ses marchandises sur palettes Europe récupère en échange une palette vide chez son client, la restitution étant effectuée directement par le client ou par l’intermédiaire du transporteur ;

Considérant qu’en l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la restitution des palettes des fournisseurs d’X était effectuée au transporteur Gautier Logistique Nord par la société Kuehne + Nagel, gestionnaire de plate-formes X ;

Considérant en effet que si aucun contrat portant sur la gestion des palettes n’a été signé entre les deux sociétés Gautier Logistique Nord et Kuehne + Nagel, chaque livraison effectuée par Gautier Logistique Nord sur la plate-forme Kuehne + Nagel donnait lieu à la rédaction d’un bon d’échange portant sur les palettes europe 80*100, signé des deux parties et mentionnant le nombre de palettes reprises et le nombre de palettes non restituées ; que la société Gautier Logistique Nord verse aux débats une facture du 9 novembre 2007 faisant déjà état, bien avant la période litigieuse, de la non restitution de palettes et en sollicitant le remboursement ;

Considérant que le caractère probant de cette facture est contesté par la société Kuehne + Nagel, qui prétend qu’elle ne concerne pas la restitution de palettes en mauvais état mais la restitution de palettes en bon état ;

Mais considérant que cette facture corrobore bien l’obligation de restitution pesant sur la société Kuehne + Nagel, corollaire du contrat de dépôt, et portant indifféremment sur des palettes en bon ou mauvais état ;

Considérant, en conséquence, que la remise des palettes a été réciproquement consentie tant par la société Gautier Logistique Nord que par la société Kuehne + Nagel ;

Considérant dès lors que la société Kuehne + Nagel ne peut contester l’existence d’un contrat de dépôt conclu avec la société Gautier Logistique Nord, distinct du contrat de transport, ayant pour but non pas le retour des palettes aux sociétés expéditrices, mais leur restitution au transporteur ;

Considérant qu’il résulte de la nature du contrat de dépôt que le déposant a qualité pour agir en restitution à l’encontre du dépositaire, par application des articles 1932 et 1937 du Code civil, sans que puisse lui être opposée la prescription annale de l’article 133-6 du Code de commerce ;

Considérant que la société Kuehne+Nagel ne pouvait se dispenser de restituer les palettes endommagées, au motif qu’elles ne pouvaient faire l’objet de « circulation » selon le cahier des charges de l’EPAL, celui-ci n’ayant pas de valeur normative, et la circulation s’entendant de la réutilisation de la palette pour une nouvelle rotation (expéditeur-client) et non de la restitution au transporteur ; qu’au surplus, la société Kuehne+Nagel ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnelle en la matière, que des palettes endommagées peuvent faire l’objet de réparations auprès de professionnels agréés ;

Considérant qu’il y a donc lieu de condamner la société Kuehne + Nagel à dédommager la société Gautier Logistique Nord pour ce défaut de restitution de 4 329 palettes ; que les bons d’échange signés des deux parties attestent de ce chiffre, qui n’est pas utilement contesté par la société Kuehne Nagel ; que le montant unitaire de 7,20 euros, correspondant au prix de la palette reconditionnée, donc d’occasion, peut être retenu, car les palettes qui auraient dues être restituées étaient endommagées ; que la société X, qui conteste ce montant ne propose aucun autre mode de calcul pertinent ; que la société Kuehne + Nagel sera condamnée à payer à la société Gautier Logistique Nord la somme de 31 168,89 €, correspondant à 4 329 palettes d’un montant unitaire de 7,20 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2008, date de la première mise en demeure ;

Considérant qu’il ne résulte pas des contrats liant les sociétés Kuehne + Nagel et X (contrat de dépôt et de prestation de service et cahier des charges plate-formes) que celle-ci ait été considérée comme mandataire d’X dans ses relations avec la société Gautier Logistique Nord ; qu’il résulte de la clause 6 du cahier des charges que « le prestataire est financièrement responsable du nombre d’emballages géré par ses soins » ; que l’article 8 du contrat de dépôt et de prestation de service prévoit que « le dépositaire sera seul responsable de la marchandise ainsi que les moyens et les supports à lui confi(és) » ; que la responsabilité de la société X ne saurait donc être engagée au titre de la non restitution litigieuse des palettes ;

Considérant qu’il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de la société X les frais irrépétibles engagés par elle dans la présente instance ;

PAR CES MOTIFS :

— INFIRME le jugement entrepris,

ET,STATUANT À NOUVEAU,

— CONDAMNE la société Kuehne + Nagel à payer à la société Gautier Logistique Nord la somme de 31 168,89 €, majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2008, date de la première mise en demeure,

— MET la société X hors de la cause,

— CONDAMNE la société Kuehne + Nagel aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,

— LA CONDAMNE à payer à la société Gautier Logistique Nord la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile, s’agissant de la demande de la société X.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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