Cour d'appel de Paris, 21 novembre 2013, n° 11/13100

  • Sociétés·
  • Relation commerciale·
  • Machine·
  • Préavis·
  • Préjudice économique·
  • Activité·
  • Rupture·
  • Fait·
  • Licenciement·
  • Salarié

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 21 nov. 2013, n° 11/13100
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/13100
Décision précédente : Tribunal de commerce de Melun, 26 juin 2011, N° 2010/224

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2013

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/13100

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 juin 2011 – Tribunal de Commerce de MELUN – RG n° 2010/224

APPELANTE

SAS ISEO FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

Ayant son siège social

XXX

XXX

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assistée de Me Richard ARBIB de la SELARL AKA, avocat au barreau du Val de Marne, PC 320

INTIMÉE

SOCIÉTÉ I agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de Me Laurent BINET, avocat au barreau du Val d’Oise

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 octobre 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente, chargée d’instruire l’affaire et Madame J K-L, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame J K-L, Conseillère

Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller

Greffier, lors des débats : M. B C

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL I, créée par M H I et son épouse F E, avait initialement pour activité la fabrication de chaînes de bijouterie.

M. D E, qui détenait 26% du capital de la société I, a créé la société Cavers ayant pour activité la fabrication et la vente de petits mécanismes (cadenas, verrous, serrures).

En 1971, les sociétés I et Iseo France (anciennement Cavers) ont noué des relations commerciales, aux termes desquelles la société Iseo France a confié à la société I des travaux de sous-traitance portant sur la fabrication de cadenas et lui a fourni à cette fin les machines outils.

En 2001, la société Cavers est devenue la filiale du groupe italien Iseo Serrature SPA, pour ensuite devenir la SAS Iseo France.

Le 24 novembre 2008, la société I a reçu un courrier de la société Iseo mettant fin à leurs relations commerciales avec un préavis de quatre mois.

Estimant ce préavis insuffisant, la société I a, par acte du 29 décembre 2009, assigné la société Iseo France devant le tribunal de commerce de Melun en paiement de différentes sommes en réparation des préjudices subis consécutivement à la rupture de leurs relations commerciales.

Par jugement en date du 27 juin 2011, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Melun a :

— condamné la SAS Iseo France à payer à la SARL I la somme de 150 201,77 €, avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2009, date de signification de l’assignation,

— condamné la SAS Iseo France à payer à la SARL I la somme de 288 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2009, date de signification de l’assignation, – débouté la SARL I du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

— condamné la SAS Iseo France à payer à la SARL I la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SAS Iseo France en tous les dépens,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Vu l’appel interjeté le 11 juillet 2011 par la société Iseo France contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 11 octobre 2011 par la société Iseo France, par lesquelles il est demandé à la cour de :

— recevoir la société Iseo France en ses écritures, l’y déclarant bien fondée,

— infirmer en son intégralité le jugement du 27 juin 2011 rendu par le tribunal de commerce de Melun,

Statuant à nouveau,

— dire que la société I n’a subi aucun préjudice de la rupture des relations commerciales entretenues avec la société Iseo France.

— condamner la société I à verser à la société Iseo France la somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

La société Iseo France soutient en premier lieu que le délai de prévenance n’était pas de quatre mois comme allégué par sa contradictrice, et estime rapporter la preuve que la société I savait depuis le mois de septembre 2007 qu’elle entendait reprendre en interne la production qu’elle lui avait confiée, de sorte qu’elle a bénéficié d’un préavis d’au moins 15 mois.

Sur le caractère continu des relations commerciales, l’appelante fait valoir que la société I n’en a pas rapporté la preuve, et que les différents témoignages produits par cette dernière ne sont guère probants.

Sur les modalités des relations de travail, la société Iseo s’inscrit en faux contre toute immixtion dans la gestion de la société I, et refuse également tout caractère d’exclusivité. Elle insiste sur le fait que la société Iseo n’était pas le seul client de la société I, et que cette dernière n’a produit aucun élément de sa comptabilité.

Sur le préjudice retenu par le tribunal, l’appelante indique que les indemnités de licenciement versées aux salariés de l’intimée ne devaient pas être à sa charge. Elle expose qu’elle ne pourrait au mieux être poursuivie qu’en vue de l’obtention de dommages et intérêts compensatoire, si la cour considérait qu’elle s’est rendue coupable d’une 'brusque rupture'.

Vu les dernières conclusions signifiées le 12 décembre 2011 par la société I, par lesquelles il est demandé à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf celles concernant le montant de l’indemnisation du coût des licenciements,

— condamner la société Iseo France à payer à ce titre la somme de 230 703,08 € avec intérêts de droit à compter de la date de l’assignation de première instance,

— a titre subsidiaire, condamner la société Iseo France à payer à ce titre la somme de 176.628,08 € avec intérêts de droit à compter de la date de l’assignation de première instance,

— débouter la société Iseo France de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la société Iseo France à payer à la société I la somme de 4 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, outre les entiers dépens.

La société I expose qu’aux termes des dispositions de l’article L442-6 du code de commerce, les relations qu’elle a entretenu avec la société Cavers devenue Iseo France peuvent être qualifiées de relations commerciales établies, ayant débuté en 1971 et qu’elles ont été rompues de façon brutale.

Elle soutient que son activité pour le compte d’Iseo a très rapidement représenté l’intégralité de sa production, la société Iseo devenant son seul partenaire et insiste sur le fait qu’Iseo avait fourni les machines, les instructions et documentations, les matières premières, et disposait du pouvoir de décider des conditions financières des relations entre les deux entreprises.

Elle fait valoir que les critiques dirigées contre les attestations versées au débat sont infondées.

Elle expose n’avoir été informée de la rupture des relations établies entre les parties que par un courrier du 24 novembre 2008, fixant un préavis de trois mois, et insiste sur le fait que les machines installées dans son atelier lui permettant de travailler ont été retirées dès le mois de janvier 2009, soit près de trois semaines avant l’expiration du délai de préavis.

Sur le préjudice lié aux licenciements de son personnel, elle soutient que la société Iseo doit être considérée comme le réel employeur, et indique avoir dû débourser une somme de 230.703,09 € au titre des indemnités de licenciement économique.

Sur le préjudice financier lié au caractère brutal de la décision prise par la société Iseo, l’intimée expose que la somme de 288 000 € fixée par le tribunal doit être confirmée.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Considérant que la société Iseo France n’a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d’une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière,

Considérant que la socété Iseo expose qu’à la fin de l’année 2007, son actionnaire unique, la société Iseo Serrature a décidé d’une restructuration qui a commencé par l’acquisition du site de Vaux Le Pénil et s’est poursuivie avec la fusion des sociétés Holding Cavers et Iseo France puis celle des sociétés Levasseur et Iseo France et que, dès la fin de l’année 2007, elle a prévenu la société I de la fin de leurs relations commerciales ;

Qu’elle prétend en justifier par le fait que la gérante de la société I a remis à son conseil le 1er octobre 2007 la liste des salariés de la société et leurs bulletins de paye afin de convenir d’une indemnisation amiable en vue de la rupture de leurs relations commerciales, ce que conteste la société I qui fait valoir que cette pièce confirme seulement l’accès qu’avait la société Iseo aux données concernant son personnel et le fait que l’évolution des salaires était décidée par la société Iseo ;

Que, si le groupe Iseo a a fait l’objet de restructurations et si celle-ci a informé la société I par courrier du 1er octobre 2007 de la fusion absorption des sociétés Cavers et Iseo, elle a écrit « conforté par une progression satisfaisante de notre activité dont vous êtes, cher partenaire, l’un des principaux protagonistes, notre projet s’inscrit dans la durée en s’adaptant aux perspectives des prochaines années » ; que, par ailleurs, la société I fait état de ce que la société Iseo était alors leader sur son marché ; qu’en conséquence, la société I n’avait alors aucune raison de penser qu’il serait mis fin à ses relations commerciales avec la société Iseo du fait de cette restructuration ;

Considérant que la société Iseo ne conteste pas la longévité des relations commerciales qui, selon la société I ont débuté en 1971 ; que celle-ci produit une attestation de son expert comptable faisant état de ce qu’entre 1971 et 1987 la société I a eu pour seule activité la fabrication de cadenas pour le compte de la société Cavers devenue Iseo ; que, si en 1987, la société I a exploité une seconde activité de restauration et d’hôtellerie, elle n’en a pas moins poursuivi ses relations avec la société Cavers devenue Iseo ; qu’elle produit des attestations d’anciens salariés qui sont corroborées par des bulletins de salaires portant les dates d’embauche des salariés ; qu’ainsi elle compte des salariées engagées depuis les années 1970, dont Mme Y, ouvrière qualifiée entrée en octobre 1976, Mme Z entrée en décembre 1973, Mme X entrée en janvier 1972, Mme A entrée en février 1968 et dont certaines étaient encore présentes au 1er octobre 2007 ; que c’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu une relation établie de 37 ans ;

Considérant que la société I justifie qu’elle a réalisé les chiffres d’affaires suivants avec la société Iseo :

. 42 0502€ en 2006

. 47 5907€ en 2007

. 40 2429€ en 2008

soit respectivement 51,46%, 55,80% et 52,16% de son chiffre d’affaires total pour chacune de ces années ;

Qu’il convient de relever la durée des relations commerciales mais aussi le fait que la société I réalisait son activité avec des machines outils spécifiques appartenant à la société Iseo, de sorte qu’elle se trouvait dans un état de dépendance concernant la partie de son activité afférent à la fabrication des cadenas pour la société Iseo ; que cette dernière a retiré l’intégralité des machines le 6 mars 2009 soit 3 semaines avant la fin de l’expiration du délai de préavis de 4 mois qu’elle avait elle-même donné ;

Que la société I ne conteste pas que des entretiens ont eu lieu mais après le courrier du 24 novembre 2008 lorsqu’elle a tenté d’obtenir de la société Iseo la prise en charge de ses salariés, la société Iseo ne rapportant aucune preuve contraire ;

Considérant qu’au regard de la durée de la relation commerciale et des conditions très particulières de celles-ci créant de fait un lien de dépendance, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le préavis aurait dû être d’un an et que n’ayant été que de 4 mois il devait être indemnisé à hauteur de 8 mois.

Sur le préjudice lié aux licenciements

Considérant qu’à la suite de la rupture des relations commerciales et de la reprise de l’intégralité de ses machines, la société I a dû cesser son activité au titre de la fabrication des cadenas et licencier les salariés attachés à cette activité et qu’elle ne pouvait manifestement pas reclasser dans son activité d’hôtellerie et de restauration ; qu’elle a par ailleurs été privée des machines sur lesquelles ces salariés travaillaient et ce avant même l’expiration du préavis que lui avait octroyé la société Iseo ;

Que la société I justifie que, dans ces circonstances, elle a dû licencier 12 personnes dont certaines avec une ancienneté importante et avoir déboursé la somme de 230 703,09€;

Que le tribunal a limité le montant de la condamnation de la société Iseo à la somme de 159.210,77€ , retenant que la différence était incluse dans le préjudice économique ;

Que la société I indique avoir engagé des frais auprès de son expert comptable pour la mise en oeuvre des procédures de licenciement notamment par l’établissement des bulletins de salaires et des soldes de tout compte ; que, toutefois, elle ne démontre pas que ces prestations auraient donné lieu à une facturation supplémentaire ;que c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que ces frais étaient inclus dans le préjudice économique, tout comme les sommes versées au titre « des postes classiques de salaires, congés payés et charges afférentes » ; qu’il y a lieu de confirmer la décision entreprise.

Sur le préjudice économique

Considérant que le préjudice économique correspond à la marge brute qu’aurait réalisée la société au cours du préavis dont elle aurait dû raisonnablement bénéficier, le préavis étant destiné à réparer la brutalité de la rupture ; que, dès lors, le fait que la société I n’a plus eu de salaires en raison des licenciements effectués étant postérieurs à la rupture ne saurait avoir d’incidence sur le calcul de son préjudice économique ;

Qu’en conséquence, c’est à juste titre que le tribunal a pris en compte la moyenne des trois derniers chiffres d’affaires annuels réalisés et a fait une exacte appréciation du préjudice de la société I.

Considérant que la marge brute de la société I était égale à 100% de son chiffre d’affaires ce dont dont elle justifie par ses pièces comptables ; que les premiers juges ont donc fait une exacte appréciation de son préjudice au prorata des 8 mois non exécutés.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Considérant que la société I a dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu’il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré,

CONDAMNE la société Iseo France à payer à la société I la somme de 4 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Iseo France aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile

Le Greffier La Présidente

E.DAMAREY C.PERRIN

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 21 novembre 2013, n° 11/13100