Cour d'appel de Paris, 20 novembre 2013, n° 12/05813

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 20 nov. 2013, n° 12/05813
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/05813
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 15 mars 2012, N° 2011014911

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2013

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/05813

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 16 Mars 2012 par le Tribunal de Commerce de Paris – 15° Chambre – RG n° 2011014911

APPELANT

Monsieur LE PRESIDENT DE L’AUTORITE DE LA CONCURRENCE

XXX

XXX

Représenté et assisté par Me Julien MAROTTE de l’Association DM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0708

INTIMÉES

SAS MA LISTE DE COURSES

XXX

XXX

Représentée par Me Sylvain JUSTIER de la SDE WHITE AND CASE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : C0477

Assistée de Me Sylvain JOSTIER, plaidant pour le Cabinet MAGENTA, avocat au barreau de PARIS, toque C 0477

SA X CO 3.O

XXX

XXX

SA X CO DATA

XXX

XXX

Représentées par Me Alain FISSELIER de la SCP FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistées de Me Hugues VILLEY DESMESERETS, plaidant pour BCTG et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque L044

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 Octobre 2013, en audience publique, après qu’il ait été fait rapport par Madame Y, conformément aux dispositions de l’article 785 du Code de procédure civile devant la Cour composée de :

Madame Françoise Y, Président, rapporteur

Madame Véronique RENARD, Conseiller

Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Françoise Y, Président et par Madame Denise FINSAC, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Ma Liste De Courses ( MLDC) a été créée en janvier 2008 et exploite depuis mai 2008 le site internet www.malistedecourses.net dont l’objet est d’adresser aux consommateurs préalablement inscrits à son service des coupons de réduction électroniques (e-coupons), ciblés en fonction de leurs besoins, sur les produits proposés par les annonceurs partenaires de la société MLDC. Les sociétés X Co Data et Sogec Marketing gèrent le traitement des coupons de réduction et des e-coupons en France.

Le 28 octobre 2008, les sociétés X Co Data et Sogec Marketing ont annoncé la création du standard Webcoupon, ayant pour objet de normaliser tous les e-coupons de réduction. Ce standard a été défini sans que les annonceurs industriels et les émetteurs d’e-coupons, comme la société MLDC, ne participent aux travaux.

En raison des conditions de mise en 'uvre de cette norme, la société MLDC, conjointement avec l’Institut de Liaison et d’ Etudes des industries de Consommation (ci-après l’ILEC) a saisi l’Autorité de la Concurrence ( l’Autorité) d’une plainte. Les défenderesses ont alors proposé des engagements à l’Autorité, laquelle les a acceptés et rendus obligatoires par sa décision n° 10-D-20 du 25 juin 2010.

Suivant assignations à bref délai en date des 14,15 et 16 février 2011, autorisées par le Président du Tribunal de commerce de Paris par ordonnance du 9 février 2011, signifiées à personnes se déclarant habilitées, la société MLDC a assigné la société X Co Data, X Co 3.0, Sogec Marketing et Sogec Gestion devant le Tribunal de commerce de Paris en exposant que si la décision rendue par l’Autorité le 25 juin 2010 a mis un terme à la plupart des pratiques anticoncurrentielles dénoncées, les différents chefs de préjudice qu’elle a subis de leur fait doivent être réparés. Elle a également demandé au tribunal d’enjoindre à l’Autorité de communiquer des pièces du dossier d’instruction, relatif à la procédure qui a donné lieu à sa décision du 25 juin 2010.

Par jugement du 24 août 2011, le tribunal de commerce de Paris a enjoint à l’Autorité de lui communiquer les versions non-confidentielles de plusieurs pièces énumérées dans la demande présentée à titre subsidiaire. Ce jugement à été signifié à l’Autorité le 21 octobre 2011.

En application des dispositions de l’ article 141 du Code de procédure civile et des articles L 461-4 et R461-1 du Code de commerce, le Président de l’Autorité a demandé, par courrier du 24 octobre 2011, au Président du tribunal de commerce de rétracter le jugement du 24 août 2011.

Par jugement prononcé le 16 mars 2012, le Tribunal de commerce de Paris a :

— débouté les défendeurs et l’Autorité de la Concurrence de leur demande de rétractation de l’injonction de communiquer décidée par jugement de ce tribunal en date du 24 août 2011 ;

— enjoint l’Autorité de la Concurrence de lui communiquer au plus tard le 3 avril 2012 les pièces visées dans le jugement de ce tribunal en date du 24 août 2011 ;

— renvoyé la cause à l’audience collégiale publique du 13 avril 2012 ' 15e chambre ' 14 heures , pour réattribution au juge rapporteur.

Le 28 mars 2012, l’Autorité de la Concurrence a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 29 mars 2013, l’Autorité de la Concurrence demande à la Cour de :

— infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 16 mars 2012 ;

Statuant de nouveau,

— rétracter le jugement du tribunal de commerce du 24 août 2011 ayant fait injonction à l’Autorité de la concurrence de communiquer les pièces visées par ce jugement ;

— condamner la société Ma Liste De Course au paiement, au profit de l’Etat, de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’Autorité de la Concurrence fait valoir qu’il n’y a pas lieu de lui ordonner de communiquer les pièces en cause :

Elle soutient que l’article 138 du code de procédure civile, qui permet au juge d’enjoindre à un tiers de communiquer des pièces que les parties ne sont pas en mesure de produire elles-mêmes pour contribuer à la manifestation de la vérité, ne s’applique pas dans ces circonstances. relevant que la société MLDC plaignante devant l’Autorité dans l’affaire ayant donné lieu à la décision n° 10-D-20 du 25 juin 2010 avant d’introduire une action en réparation contre les sociétés des groupes X Co et Sogec dispose de ces pièces, que l’injonction qui lui a été faite dans les conditions du présent litige a pour effet de lui faire jouer un rôle qui n’est pas le sien, de rendre sans portée l’équilibre obtenu par la récente jurisprudence de la Cour de cassation dans l’arrêt « Semavem » entre les différents impératifs que sont le respect de l’intégrité du secret de l’instruction et l’exercice effectif des droits des parties dans une instance judiciaire ultérieure, que cette injonction a pour effet de méconnaître l’obligation faite à ses agents de respecter le secret professionnel.

Elle considère ainsi que la mise en 'uvre de cette disposition, selon les modalités décidées en l’occurrence par le tribunal se heurte à un empêchement légitime justifiant qu’il soit fait droit à sa demande de rétractation.

Par conclusions du 16 septembre 2013, la société Ma Liste De Courses demande à la Cour de :

— rejeter les demandes présentées par l’Autorité ;

— déclarer l’appel incident introduit par X Co 3.0 et X Co Data irrecevable et par conséquent, de rejeter les demandes présentées par X Co 3.0 et X Co Data ;

— maintenir en conséquence le jugement du Tribunal en date du 16 mars 2012 et faire injonction à l’Autorité de produire les pièces qu’elle vise dans un délai qui ne saurait excéder 15 jours à compter de l’arrêt à intervenir ;

— condamner les sociétés X Co 3.0 et X Co Data à verser chacune à MLDC la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société MLDC soutient que l’argument de rétractation, soulevé par l’Autorité et la société HighCo, tenant au caractère non nécessaire de l’injonction en raison de la faculté qu’a la société MLDC de produire elle-même ces pièces, ne saurait prospérer au regard des conditions fixées par l’article 141 du code de procédure civile pour la rétractation de la décision ordonnant la production de pièces par un tiers.

Elle expose que l’existence d’un empêchement légitime tenant au secret professionnel n’est pas établie lorsqu’est en jeu un intérêt supérieur juridiquement protégé tenant à la manifestation de la vérité et/ou à l’exercice des droits de la défense, et que l’Autorité apparaît mal fondée à invoquer le secret professionnel auquel seraient tenus ses agents en application de l’article L. 463-6 du code de commerce ainsi que l’arrêt Semavem pour caractériser un empêchement légitime à communiquer les pièces demandées, étant observé qu''elle n’a jusqu’à présent jamais refusé une telle communication et qu’au surplus, la Charte de l’Autorité prévoit les hypothèses dans lesquelles les agents, certes soumis au secret professionnel, doivent obtempérer à l’injonction judiciaire.

Par conclusions du 7 août 2012, les sociétés X Co 3.0 et X Co Data demandent à la Cour de :

— accueillir l’appel incident formé par les sociétés X Co 3.0 et X Co Data à l’encontre du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 mars 2012 ;

— réformer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 16 mars 2012 ;

En conséquence,

— rétracter le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 24 août 2011 ;

En toutes hypothèses,

— condamner tout succombant à payer à la société X Co 3.0 et la société X Co Data la somme de 3.000€ chacune au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les sociétés X Co 3.0 et X Co Data soutiennent que les conditions strictes posées par l’arrêt Semavem, qui permettent exceptionnellement de déroger au principe d’interdiction de communication de pièces couvertes par le secret de l’instruction, font défaut en l’espèce dans la mesure où la partie qui réclame la production des pièces en dispose d’ores et déjà. De plus, elles font valoir que la société MLDC dénature la procédure de communication de pièces en fondant sa demande sur les articles 138 et suivants du Code de procédure civile.

Par ailleurs, elles estiment que la demande de communication de pièces non justifiée présentée par la société MLDC est attentatoire aux principes directeurs d’un procès équitable et loyal et vise à dénaturer l’action de l’Autorité et qu’ainsi, la demande de rétractation formulée par l’Autorité est justifiée.

XXX et Sogec Marketing n’ ont pas conclu.

SUR CE :

Considérant que selon l’article 141 du Code de procédure civile, « En cas de difficulté ou s’il est invoqué quelque empêchement légitime, le juge qui a ordonné la délivrance ou la production peut sur la demande sans forme qui peut lui en être faite, rétracter ou modifier sa décision. » ;

Considérant que la société MLDC a dénoncé à l’Autorité de la concurrence les pratiques anticoncurrentielles dont elle s’estimait victime de la part des sociétés du groupe Highco et Sogec, qu’elle a ainsi participé à la procédure qui s’est déroulée devant l’Autorité de la concurrence et qui a donné lieu à la décision de l’Autorité en date du 25 juin 2010 ; qu’à ce titre, la société MDLC détient l’ intégralité des pièces du dossier constitué pour l’instruction de sa plainte ; qu’elle a demandé au juge d’enjoindre à l’Autorité de la concurrence de communiquer « les versions non confidentielles de l’ensemble des documents qu’elle a référencés sous les cotes 1 à 3802 dans son dossier d’instriction lors de la procédure ayant abouti au prononcé de la décision n° 10-D-20 du 25 juin 2010 » et subsidiairement, demande la communication d’une liste de pièces ;

Considérant que le premier juge a fait droit à cette demande ; que l’Autorité de la concurrence peut sérieusement contester le bien fondé de l’application à l’espèce des dispositions de l’article 138 Code de procédure civile et que la cour remarque que la loi du 20 novembre 2012 a d’ailleurs modifié l’article L 462-3 du Code de commerce dans le sens de la critique que fait l’Autorité ; que toutefois, comme le souligne la société MLDC, pour ne pas communiquer ces pièces, l’Autorité de la concurrence ne peut opposer qu’ un empêchement légitime ;

Considérant que, pour ce qui concerne les procédures instruites devant l’Autorité de la concurrence, selon l’article L 463-6 du Code de commerce, « Est punie des peines prévues à l’article L 226-13 du Code pénal la divulgation, par l’une des parties des informations concernant une autre partie ou un tiers dont elle n’a pu avoir connaissance qu’ à la suite des communications ou consultations auxquelles il a été procédé » ; que toutefois, la divulgation, dans une instance judiciaire, d’ informations ainsi détenues, ne constitue pas une violation du secret susceptible d’être sanctionnée dès lors que cette divulgation est nécessaire à la reconnaissance judiciaire pour une des parties à l’instance, de ses droits, en l’espèce pour la société MDLC de son droit à réparation ;

Considérant enfin que selon les termes de l’art L 463-6 du Code de commerce, les agents de l’Autorité de la concurrence sont soumis au secret professionnel ; que selon la Charte de déontologie adoptée le 30 mars 2009 par l’Autorité, ce secret couvre le contenu du dossier des affaires traitées par l’Autorité en vertu des dispositions du livre IV du Code de commerce, la conduite des enquêtes et de l’instruction…,

Considérant que les pièces dont la communication est demandée sont couvertes par le secret de l’instruction qui ne tombe que lorsque la divulgation des pièces est nécessaire à l’exercice des droits d’une partie, qu’il incombe dès lors à la société MLDC de justifier de la nécessité de produire de telles pièces pour l’exercice de ses droits dans le litige qui l’oppose aux sociétés Highco 3.0 et Highco. Data, ainsi qu’aux sociétés Sogec Gestion et Sogec Data ; que la société MLDC reconnaît qu’elle dispose déjà de l’ensemble des pièces en cause pour les avoir obtenues lors de la procédure ayant eu lieu devant l’Autorité ;

Considérant que la violation du secret professionnel n’est admise que lorsque celle-ci est nécessaire pour l’exercice des droits de la défense, que l’Autorité et ses agents n’ont pas à assumer le risque d’une violation du secret professionnel aux lieu et place de la partie qui est seule à même de connaître exactement, alors qu’ elle-même en dispose déjà, les pièces nécessaires à l’exercice de ses droits ; que l’Autorité peut donc se prévaloir régulièrement d’un empêchement légitime ;

Considérant qu’une telle solution ne prive nullement la société MLDC du droit au recours effectif devant un tribunal, et l’altère pas son droit de se défendre ; que cette solution respecte également l’ intérêt supérieur de la manifestation de la vérité dans le respect de la conduite du procès qui reste la chose des parties ;

Considérant qu’il y a lieu d’infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 mars 2012 et de rétracter l’injonction faite par jugement du tribunal de commerce de Paris du 24 août 2011 à l ' Autorité de communiquer trois exemplaires de diverses pièces de versions non confidentielles figurant au dossier d’instruction de la plainte de la société MLDC ;

Sur l’appel incident des sociétés Highco 3.1 et et Highco Data :

Considérant que l’appel incident de ces sociétés est, compte tenu de la solution donnée au litige sans objet ;

Considérant que la condamnation à une indemnité pour frais irrépétibles ne peut être prononcée qu’au profit d’une partie à l’instance, qu’ il ne peut en l’espèce y avoir lieu à condamnation au profit du Trésor Public ;

Considérant que la société MLDC supportera les dépens de la procédure, qu’il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit des sociétés Highco3.1 et Highco Data.

PAR CES MOTIFS :

INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 mars 2012,

RÉTRACTE le jugement du tribunal de commerce de Paris du 24 août 2011 qui a enjoint à l 'Autorité de la Concurrence de lui communiquer diverses pièces,

DIT n’ y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles,

CONDAMNE la société MLDC aux entiers dépens de cette procédure.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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