Cour d'appel de Paris, 26 novembre 2013, n° 12/12244

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 26 nov. 2013, n° 12/12244
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/12244
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 2 mai 2012, N° 2010054455

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRET DU 26 NOVEMBRE 2013

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/12244

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n°2010054455

APPELANTE

SAS SOGASI agissant poursuites et diligences de son président domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Maître Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Maître Alexandra BOURGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261

INTIMEE

SAS KERLAND

ayant son siège XXX

XXX

Représentée et assistée par Maître Olivier LAUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : R144

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Z A, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Céline LITTERI

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Violaine PERRET, greffière présente lors du prononcé.

Le 31 octobre 2007, la société B Y, holding créée spécialement à cet effet, a acquis 100 % des titres composant le capital de la société Bongrain Gastronomie, holding des activités de traiteur du groupe Bongrain. Cette cession s’est effectuée dans le cadre d’une acquisition avec effet de levier (LBO).

Pour participer à cette opération, les dirigeants et cadres historiques de la société Bongrain Gastronomie se sont regroupés au sein de la société Compagnie des Amis de Chaillot qui est devenue actionnaire de la société B Y.

Au terme de l’opération de LBO, le capital de la société B Y était détenu à hauteur de 77 % par trois fonds d’investissement (21 CP III FCPR, 21 CP Team III FCPR et 21 CP P&C FCPR) et à hauteur de 4 % par la société La Compagnie des Amis de Chaillot, les 20 % restants étant acquis par le groupe Bongrain.

M. D-E X s’est vu confier la présidence de la société B Y.

L’intéressé a lui-même participé à l’opération de LBO par l’intermédiaire de la SAS Kerland, dont il détenait 95 % du capital, laquelle a acquis 299 999 titres de la société Compagnie des Amis de Chaillot représentant 40 % du capital de celle-ci.

L’une des sociétés du groupe Bongrain, la SAS Sogasi, a pris, quant à elle, une participation de 5 % dans le capital de la société Kerland.

Aux termes d’une convention en date du 26 octobre 2007, la société Sogasi a consenti à la société Kerland une avance en compte courant d’un montant en principal de 148 000 euros outre intérêts précisés à l’article 3. A la garantie du remboursement de cette avance, la société Kerland a consenti à la société Sogasi un nantissement sur 148 000 de ses 299 999 actions de la société Compagnie des Amis de Chaillot.

Le 31 octobre 2007, concomitamment à l’opération de LBO, un pacte d’actionnaires a été conclu pour régir les rapports entre les actionnaires de la société B Y. L’article 14 de ce pacte prévoyait qu’en cas de départ de M. X de la société B Y, la société Kerland bénéficierait, de la part des investisseurs majoritaires, les fonds 21 CP, d’une promesse d’achat de la totalité des actions qu’elle détenait dans le capital de la Compagnie des Amis de Chaillot.

M. X a été révoqué de ses fonctions de président de la société B Y le 6 février 2010.

Le 25 mai 2010, la société Kerland a exercé la promesse d’achat de ses 299 999 titres de la société Compagnie des Amis de Chaillot à elle offerte par les trois fonds 21 CP aux termes du pacte d’actionnaires en cas de départ de M. X.

Le 30 juin 2010, la société Sogasi a notifié à la société Kerland la résiliation de leur convention du 26 octobre 2007 et l’a mise en demeure de lui rembourser l’avance en compte courant à elle consentie sous dix jours.

Cette mise en demeure étant restée sans effet, la société Sogasi a, par acte du 26 juillet 2010, assigné la société Kerland devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir le paiement de la somme de 174 173,90 euros en principal et intérêts au 30 juin 2011 en remboursement de son avance.

Par jugement du 3 mai 2012, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Sogasi de toutes ses demandes, a débouté la société Kerland de ses demandes reconventionnelles et a condamné la société Sogasi à payer à la société Kerland la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures signifiées le 6 septembre 2013, la société Sogasi demande à la cour de constater qu’en fondant sa décision sur un moyen de droit non évoqué auparavant sans inviter les parties à s’expliquer sur celui-ci, le tribunal de commerce a violé le principe de la contradiction, en conséquence d’infirmer la décision entreprise, de dire que la convention de compte courant était assortie d’un terme et non d’une condition et que les articles 1176 et 1177 du code civil ne sont pas applicables, en conséquence, d’infirmer la décision déférée, statuant à nouveau, de dire que l’avance est dépourvue de terme et qu’elle a valablement notifié à la société Kerland la résiliation de leur convention et réclamé le remboursement de son avance, à titre subsidiaire, de dire que le terme de l’avance est échu, à titre encore plus subsidiaire, de constater que l’avance est devenue sans objet et de prononcer sa caducité, en conséquence, de dire que la société Kerland est irrecevable à se prévaloir de l’absence de validité de la cession des actions de la Compagnie des Amis de Chaillot, de condamner l’intéressée à lui payer la somme de 148 000 euros outre les intérêts au taux contractuel, soit la somme totale de 178 595,13 euros au 30 juin 2013, et la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 26 septembre 2013, la société Kerland demande à la cour de dire qu’aucune violation du principe de la contradiction n’a été commise par le tribunal de commerce, que la convention de compte courant du 26 octobre 2007 est valable en toutes ses dispositions, que la société Sogasi lui a consenti une avance pour une durée déterminée par la survenance d’une cession au sens de ladite convention, que cette cession est un événement dont la réalisation est certaine, que la cession par elle des actions qu’elle détenait dans le capital de la société Compagnie des amis de Chaillot n’est pas une cession au sens de la convention de compte courant du 26 octobre 2007, qu’aucune cession au sens de cette convention n’est intervenue et que les conditions du remboursement de l’avance ne sont donc pas remplies, en conséquence, de confirmer le jugement dont appel et, y ajoutant, de condamner la société Sogasi à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Considérant que la référence faite par les premiers juges à l’article 1177 du code civil n’est qu’une remarque incidente de leur part, formulée au conditionnel et qui n’a en rien été déterminante de leur décision ; que les intéressés n’étaient donc pas tenus de provoquer les explications des parties sur l’application de ce texte, étant précisé que la violation par le juge de l’article 16 du code de procédure civile est susceptible de justifier le prononcé de la nullité de sa décision et non pas son infirmation, seule sollicitée en l’espèce ;

Considérant que la convention de compte courant du 26 juillet 2007 stipule en son article 4, intitulé 'Remboursement’ :

'Les parties conviennent expressément par les présentes que l’Avance effectuée par le Prêteur sur son compte courant d’associé restera bloquée au profit de la Société jusqu’au jour de la Cession tel que ce terme est défini à l’article 1 des présentes.

Au moment de la Cession, l’Avance devra être remboursée en principal et intérêts (…)' ;

Considérant que l’article 1 définit ainsi la Cession : 'l’opération par laquelle l’ensemble des actionnaires de la Holding procédera à la cession ou au transfert, direct ou indirect (notamment par voie de cession ou de contrôle de la Société ou de la Compagnie des Amis de Chaillot), du contrôle de celle-ci en faveur de tiers, ou par laquelle la société cédera le contrôle de Bongrain Gastronomie et ses filiales – les sociétés Potel & Chabot, Potel & Chabot Russie, Saint-Clair Le Traiteur et JJ Kieffer Services – ou de leurs actifs à des tiers, et plus généralement toute opération par laquelle les associés de la Holding procéderont au désinvestissement’ ;

Considérant que dans la convention en cause les termes 'Société’ et 'Holding’ désignent, respectivement, la société Kerland et la société B Y ;

Considérant que la société Sogasi soutient en premier lieu que la convention du 26 juillet 2007 serait dépourvue de terme dès lors que le désinvestissement jusqu’à la survenance duquel son avance est bloquée ne présente aucun caractère de certitude; qu’elle estime être en conséquence en droit d’exiger le remboursement immédiat de son avance, tout associé pouvant, en l’absence de terme, obtenir le remboursement de son compte courant ;

Considérant que l’appelante ne peut pas être suivie dans cette analyse ; que si la convention en litige ne précise pas la date de réalisation de l’événement ('la Cession') qu’elle définit comme mettant fin au blocage de l’avance de la société Sogasi, ce blocage n’en est pas moins à durée déterminée dès lors que cet événement est défini et sa réalisation certaine ; que le terme du blocage ainsi prévu ne rend en rien improbable le remboursement de l’avance ;

Considérant que l’avance a donc un terme, à savoir une cession telle que définie en son article 1 ;

Considérant que la société Sogasi soutient, subsidiairement, que ce terme serait échu dès lors que la société Kerland a procédé au désinvestissement de sa participation dans l’opération de LBO, rappelant que par arrêt confirmatif du 19 mars 2013, cette cour a dit que la société Kerland a valablement exercé le 25 mai 2010, à la suite de la révocation de M. X de ses fonctions de président de la société B Y, la promesse d’achat de ses 299 999 actions de la société Compagnie des Amis de Chaillot à elle consentie, aux termes du pacte d’actionnaires du 31 octobre 2007, par les fonds communs de placement 21 CP III FCPR, 21 CP Team III et 21 P & C FCPR et a ordonné la cession de ces 299 999 actions aux dits fonds et leur achat par ceux-ci pour le prix de 300 000 euros ; qu’elle voit, dans cette cession, celle que la convention de compte courant du 26 octobre 2007 définit comme 'plus généralement toute opération par laquelle les associés de la société B Y procéderont au désinvestissement’ et dont la réalisation impose l’exigibilité immédiate de son avance, laquelle n’avait été consentie à la société Kerland que pour lui permettre de financer sa prise de participation dans le capital de la société B Y via sa participation dans la société Compagnie des Amis de Chaillot ;

Considérant que la société Kerland réplique qu’il n’y a eu, à ce jour, aucune cession au sens de la convention du 26 juillet 2007 de nature à rendre exigible le remboursement de l’avance et soutient que la cession de ses actions de la société Compagnie des Amis de Chaillot ordonnée par le tribunal de commerce en une décision confirmé par la cour le 13 mars 2013 ne correspond pas à la cession dont la convention de compte courant fait l’un des termes de l’avance dans la mesure où elle n’a opéré aucun désinvestissement de l’ensemble des associés de la holding B Y ;

Considérant que la convention de compte courant définit la cession comme :

— l’opération par laquelle l’ensemble des actionnaires de la société B Y procédera à la cession ou au transfert, direct ou indirect (notamment par voie de cession ou de contrôle de Kerland ou de la Compagnie des Amis de Chaillot), du contrôle de celle-ci en faveur de tiers,

— l’opération par laquelle la société cédera le contrôle de Bongrain Gastronomie et ses filiales – les sociétés Potel & Chabot, Potel & Chabot Russie, Saint-Clair Le Traiteur et JJ Kieffer Services – ou de leurs actifs à des tiers,

— plus généralement toute opération par laquelle les associés de la société B Y procéderont au désinvestissement ;

Considérant que force est de constater que la cession par la société Kerland de ses titres de la société Compagnie des Amis de Chaillot aux fonds 21 CP, actionnaires majoritaires de la société B Y, ne réalise aucune de ces opérations qui se rapportent toutes au désinvestissement de l’ensemble des actionnaires de cette holding, dont aucun n’a, à ce jour, cédé sa participation dans le capital de l’intéressée ;

Considérant que le terme convenu de l’avance de la société Sogasi n’est donc pas advenu ;

Considérant que l’appelante argue encore plus subsidiairement de la caducité de son avance qui n’a, selon elle, plus d’objet dès lors que la société Kerland, dont elle avait pour seul objectif de permettre l’investissement dans la société Compagnie des Amis de Chaillot, à cédé cette participation, ajoutant que l’objet social de l’intimée était d’ailleurs

limité à cette prise de participation ;

Considérant que la cour observe tout d’abord que l’objet social de la société Kerland aux termes de ses statuts, dans leur version du 19 décembre 2008, dont il n’est pas soutenu qu’elle ait été différente de celle en vigueur au jour de l’acquisition par l’intéressée des titres de la société Compagnie de Chaillot, consiste en l’acquisition, la détention et la gestion d’une participation dans le capital de la société Compagnie des Amis de Chaillot et en l’octroi de tous concours en fonds propres et/ou quasi fonds propres et/ou compte courant à la société susvisée, mais aussi, plus généralement, en toutes opérations financières, commerciales, industrielles, mobilières et immobilières pouvant se rattacher directement à cet objet ou à tous objets similaires ou connexes, de nature à favoriser son extension ou son développement ; qu’il ne peut être soutenu, dans ces conditions, que l’objet de la société Kerland aurait été limité à la détention d’actions de la société Compagnie des Amis de Chaillot et qu’il a été réalisé par la cession par l’intimée de cette participation ; qu’en outre, l’objet social de la société Kerland a été étendu le 20 avril 2010, à l’issue d’une assemblée générale dont la société Sogasi, détentrice de 5 % de son capital, n’a pu ignorer la teneur, pour englober le conseil pour les affaires et autres conseils de gestion, tels que le conseil et l’assistance opérationnelle aux entreprises et aux services publics ;

Considérant que l’objet de la convention en litige consiste en l’octroi à la société Kerland par la société Sogasi, qui était et est toujours détentrice de 5 % de son capital, d’une avance en compte courant dont le terme a été contractuellement défini et que ne constitue pas, on l’a vu, la cession de la participation que cette avance a pu permettre à la société Kerland de prendre dans le capital de la société Compagnie des Amis de Chaillot ; que la convention de compte courant a toujours, après cette cession, un objet, à savoir la dette de l’intimée à l’égard de la société Sogasi, son associée ;

Considérant que le moyen tiré par la société Sogasi, à l’appui de sa demande en remboursement de son avance, de la caducité de la convention du 26 octobre 2007 par disparition de son objet doit être écarté ;

Considérant que la mauvaise foi et l’intention de se soustraire à son obligation de remboursement prêtées par la société Sogasi à la société Kerland ne sont pas établis de la part de cette dernière qui se borne à invoquer les termes de la convention qui les lie ;

Considérant que la décision des premiers juges mérite en conséquence confirmation ;

Considérant que l’équité commande de condamner la société Sogasi à payer à la société Kerland la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure

civile, pour la procédure d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré,

Condamne la société Sogasi à payer à la société Kerland la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d’appel,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Sogasi aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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