Cour d'appel de Paris, 19 décembre 2013, n° 12/12735

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 19 déc. 2013, n° 12/12735
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/12735
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 10 avril 2012, N° 2011001390

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 19 DECEMBRE 2013

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/12735

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Avril 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2011001390

APPELANTE

SA IRON WILL FINANCE, agissant en la personne de ses représentants légaux domicilés en cette qualité au dit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Rémi PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque : J142

Assistée par Me Daniel RICHARD, avocat au barreau de PARIS , toque : D169 et de Me Alain PALLIER, avocat au barreau de NANTES

INTIMEE

SA BNP PARIBAS Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

XXX

XXX

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée de Me Victoria HESSEL, avocat au barreau de PARIS, toque : J008

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame Z A, Conseillère

Madame B C, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRET :

— Contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

****************

Par acte sous seing privé du 25 juillet 2008, la société Iron Will Finance, société holding, a souscrit un prêt d’un montant de 7.200.000 euros destiné au financement partiel de l’achat de 72,06 % du capital de la société CMI, remboursable en sept ans avec intérêts à taux variable sur la base du taux Euribor à 6 mois, auprès de trois banques, dont la BNP-Paribas est le chef de file.

Par acte sous seing privé du 11 août 2008, la société Iron Will Finance a signé, avec la BNP-Paribas, un contrat de couverture de taux dit 'swap bonifié à cliquet’ qui a été annulé et remplacé par un second contrat en date du 3 octobre 2008.

Le 21 août 2008, une convention-cadre FBF a été signée entre la BNP-Paribas et la société Iron Will Finance.

Compte tenu de l’évolution favorable des taux, la société Iron Will Finance a demandé le remboursement anticipé de son prêt sans frais par courrier du 26 janvier 2009, avant de renoncer à son projet en raison de la demande de paiement de pénalités de la BNP-Paribas au titre du contrat de couverture de taux.

Estimant que la BNP-Paribas l’avait mal informée et conseillée, la société Iron Will Finance l’a fait assigner par acte d’huissier en date du 29 décembre 2010 en paiement de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 11 avril 2012, le tribunal de commerce de Paris a débouté la SA Iron Will Finance de ses demandes, débouté les parties de leurs demandes en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, condamné la SA Iron Will Finance aux dépens.

La déclaration d’appel de la SA Iron Will Finance a été remise au greffe de la cour le 9 juillet 2012.

Dans ses dernières écritures, au sens de l’article 954 du code de procédure civile, signifiées le 20 septembre 2013, la société Iron Will Finance demande l’infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et à la cour, statuant à nouveau, de :

— constater que son consentement au contrat de couverture de taux a été surpris par le dol,

— constater que le remboursement anticipé de la convention de prêts entraînait la disparition du contrat de couverture de taux,

— constater que la BNP-Paribas n’était aucunement fondée à se prévaloir à son encontre d’une quelconque somme au titre du solde de résiliation prévu à la clause 8 de la convention cadre FBF du 21 août 2008,

— dire que c’est indûment que la BNP-Paribas a exigé le paiement d’un quelconque solde de résiliation,

— condamner la BNP-Paribas à lui verser la somme de 689.000 euros en réparation du préjudice subi,

et, subsidiairement, de :

— constater la contradiction des clauses relatives au coût de remboursement anticipé existant au sein de l’ensemble indivisible formé par la convention de prêts et le contrat de couverture de taux complété par la convention cadre FBF doit se résoudre par la primauté des stipulations de la convention de prêts,

— dire que c’est indûment que la BNP-Paribas a exigé le paiement d’un quelconque solde de résiliation,

— condamner la BNP-Paribas à lui verser la somme de 689.000 euros en réparation du préjudice subi,

et, infiniment subsidiairement, de :

— constater que la BNP-Paribas s’est rendue responsable de manquements à ses obligations contractuelles de loyauté, de bonne foi, d’information, de conseil et de mise en garde,

— condamner la BNP-Paribas à lui verser la somme de 689.000 euros en réparation du préjudice subi,

et, en tout état de cause, condamner la BNP-Paribas à lui verser la somme de 65.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens ;

Dans ses dernières écritures, au sens de l’article 954 du code de procédure civile, signifiées le 14 octobre 2013, la BNP-Paribas demande la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et la condamnation de la société Iron Will Finance à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 octobre 2013.

CELA ETANT

LA COUR

Considérant que la société IWF soutient que le montage contractuel comprend quatre conventions qui sont interdépendantes ; que c’est le contrat de prêt qui est le contrat principal lequel prévoit l’obligation pour l’emprunteur de souscrire un engagement en matière de couverture de taux et que le remboursement anticipé du prêt n’entraînera aucune pénalité, ce qui était un élément essentiel et déterminant de son consentement ; que la convention de couverture de taux a été conclue ultérieurement et n’existe qu’en raison du prêt ; qu’elle est accessoire au contrat principal et est dépourvu d’objet sans le contrat de prêt, ce qui les rend indivisibles ; que la convention de couverture de taux, qui prévoit une pénalité en cas de résiliation anticipée du contrat par le biais de la convention-cadre FBF signée postérieurement, est contraire au contrat de prêt qui n’en prévoit pas et à la volonté des parties ; qu’elle estime que cette contradiction doit se résoudre par référence à la commune intention des parties qui est d’exclure toute pénalité en cas de remboursement anticipé ; qu’elle ajoute, par ailleurs, que la BNP-Paribas ne peut pas se prévaloir de pénalités au titre du contrat de couverture qui est un contrat d’application du contrat cadre et que toute contradiction doit être interprétée dans un sens qui lui est favorable ; qu’elle prétend que le contrat de couverture est nul pour dol du fait de la tromperie commise par la banque qui a inséré une clause contraire à la clause essentielle de remboursement anticipée sans pénalité figurant dans le contrat principal de prêt depuis l’origine dans un contrat signé postérieurement venu modifier à son insu l’économie de l’opération dans l’intérêt de la BNP-Paribas ; qu’elle estime que le contrat de couverture de taux est également devenu caduque par la disparition de son objet par l’effet du remboursement anticipé du prêt puisqu’il doit suivre le sort du contrat principal et que la clause de la convention-cadre FBF relative au solde de résiliation n’est pas applicable ; qu’elle prétend aussi que l’article 8 de cette convention-cadre ne porte pas sur le contrat de prêt et que le remboursement anticipé du crédit ne correspond à aucun des cas de résiliation du contrat de couverture ouvrant droit à indemnité lesquels sont énumérés par une clause contractuelle qui n’envisage que la défaillance de l’une des parties ou bien des circonstances nouvelles emportant un bouleversement de l’économie de la convention; que cette convention-cadre FBF est conclue pour une durée indéterminée et comporte une faculté de dénonciation avec un préavis sans indemnité ; qu’elle soutient enfin que la banque a manqué à ses obligations de conseil d’information et de mise en garde en lui faisant signer une convention-cadre, constituant un contrat d’adhésion qu’elle ne peut pas modifier, laquelle venait modifier l’équilibre contractuel convenu et rendait la convention inadaptée à l’opération ; qu’elle estime que le comportement de la BNP-Paribas a été déloyal et emprunt de mauvaise foi ; que le rapport de Monsieur X, qui est un expert reconnu, rapporte la preuve que le contrat de couverture de taux était inadéquat et très onéreux, rendant le remboursement anticipé du prêt impossible ;

Considérant qu’en réponse, la BNP-Paribas fait valoir qu’elle a exécuté toutes ses obligations envers la société IWF lors de la conclusion du contrat de couverture de taux ; qu’elle s’est renseignée sur le niveau de connaissance de la société sur les produits et marchés financiers, sur son expérience et sur ses objectifs en matière d’investissement ; que les deux dirigeants des sociétés IWF et CMI sont expérimentés et aptes à comprendre les mécanismes des conventions financières, qui, pour complexes qu’elles soient, sont courantes dans le monde des affaires, qu’ils les ont acceptées après les avoir analysées et pris le temps de la réflexion ; que Monsieur Y, qui a signé le contrat de swap le 11 août 2008, a reconnu avoir la compétence nécessaire pour apprécier les risques pris ; qu’elle estime avoir rempli son obligation d’information, de conseil et de mise en garde ; qu’elle souligne qu’elle n’a pas imposé une couverture de taux pour la durée et le montant du prêt et que c’est la société IWF qui a choisi cette option parmi d’autres souhaitant se couvrir au maximum du risque de hausse des taux dans un contexte de crise ; que le rapport de Monsieur X, qui est partial, fait une analyse a posteriori qui n’était pas possible lors de la signature du contrat incriminé ; qu’elle ajoute que si le contrat de couverture est lié au contrat de prêt, son objet est de couvrir le risque de taux et que les deux contrats sont distincts et indépendants en ce qu’ils obéissent à leurs propres stipulations contractuelles ; que l’absence de pénalités en cas de remboursement anticipé du prêt n’exclut pas l’indemnité de résiliation en cas de rupture anticipée du contrat de swap ; que c’est le mécanisme de la convention d’échange de taux qui impose une indemnité de résiliation quelqu’en soit la cause, même en cas de caducité, sauf à faire supporter à la banque le risque sur ses fonds propres ; que la convention de couverture de taux a été conclue sous réserve de la signature de la convention-cadre FBF imposée par la Confédération des Banques Françaises pour régler les rapports entre les parties d’un contrat portant sur des opérations sur instruments financiers à terme ; que la société IWF en a lu le contenu, l’a accepté et a confirmé la convention de couverture de taux le 3 octobre 2008 après avoir signé la convention FBF ; que le contrat d’échange de taux peut être résilié, en dehors des cas prévus, en contrepartie d’une soulte calculée selon les conditions du marché au jour du débouclage de l’opération ; que la société IWF regrette de n’avoir pas profité à la fois de la baisse des taux, alors qu’elle a choisi de se garantir contre le risque de hausse des taux, et du remboursement gratuit et par anticipation de son crédit ; qu’elle ne rapporte la preuve d’aucune manoeuvre ou réticence dolosive ayant pu tromper son consentement compte tenu des informations qu’elle a eues avant de signer les conventions nécessaires au montage de la LBO qu’elle a construit pour racheter la société CMI ;

Considérant qu’aux termes de l’article 12.2 de la convention de prêts signée le 25 juillet 2008, l’emprunteur s’engage à se couvrir du risque de taux dans les trois mois au plus suivant la date d’utilisation respective des tranches A et B des prêts, représentant la totalité des-dits prêts, de telle sorte qu’il soit protégé sur 60 % au moins du montant respectif des tranches A et B jusqu’au 28 février 2013 inclus contre les conséquences d’une hausse de l’Euribor 6 mois de plus de 150 points de base par rapport à sa valeur à la date de la signature de la convention ;

Considérant qu’il est établi que le 11 août 2008, la BNP-Paribas et la société IWF ont signé un document intitulé 'Confirmation d’une opération d’échange de conditions d’intérêt et de garantie de taux plafond ' ayant pour objet de couvrir les risques de taux liés au contrat de financement signé le 25 juillet 2008, dont les conditions sont régies par la convention-cadre FBF fin août 2001relative aux opérations de marché à terme, laquelle doit être signée dans un délai de trois mois, portant sur un montant notionnel de 7.2000.000 euros à échéance au 28 février 2016 avec sur un swap bonifié à 4,72 % avec un taux garanti de 5,85 % à la hausse et versement des différentiels par période d’application tous les six mois ; que la convention-cadre FBF a été signée le 21 août 2008 ; que, le 3 octobre 2008, les mêmes parties ont signé une nouvelle confirmation d’une opération d’échange de conditions d’intérêt et de garantie de taux plafond annulant et remplaçant la précédente dans les mêmes termes ;

Considérant qu’il résulte des pièces produites que la société IWF a eu toutes les informations utiles et nécessaires avant la signature du contrat de couverture de taux signée le 3 octobre 2008, ayant mis plus de cinq mois avant de finaliser le montage financier de la LBO sur la société CMI avec la BNP-Paribas qui lui a fait des propositions de couverture de taux très précises et détaillées comprenant plusieurs options avec leurs avantages et leurs inconvénients au regard des données connues du marché et de l’évolution prévisible du marché des taux, en l’état de la conjoncture économique et financière du moment après une forte crise ; qu’elle a clairement indiqué que le risque de taux n’a pas besoin d’être couvert pendant toute la durée du prêt, que les données fournies sont à réajuster selon les nouvelles données des marchés financiers postérieures au 11 août 2008 et que, préalablement à toute opération, il est nécessaire de procéder à la signature d’une convention-cadre FBF régissant les opérations de couverture ; que le contrat de prêts ne prévoit lui-même qu’une couverture à hauteur de 60 % du capital emprunté et une durée de cinq ans ;

Considérant qu’il est ainsi établi que la BNP-Paribas n’a pas trompé la société IWF sur la nécessité de signer une convention-cadre FBF régissant les relations des parties sur l’opération de couverture envisagée, ce qui a été fait le 21 août 2008 avant de signer la nouvelle lettre de confirmation de l’opération d’échange d’intérêt du 3 octobre 2008 annulant et remplaçant la précédente affectée d’une erreur matérielle ;

Considérant que la société IWF ne peut pas, en conséquence, soutenir qu’elle n’a pas eu connaissance de la convention-cadre FBF avant de signer le document relatif à l’opération de couverture, ni qu’elle ne l’a pas comprise, dès lors qu’elle ne revêt aucun caractère technique complexe et qu’elle est aisément compréhensible par toute personne initiée au monde des affaires, comme c’est le cas de Monsieur Y qui est le président directeur général de la société IWF et a monté une LBO avec effet de levier pour éviter de mobiliser les fonds propres de la société en recourant à un emprunt bancaire pour financer partiellement l’opération de rachat de la société CMI ;

Considérant qu’il est justifié que, dès le 18 juillet 2008, avant la signature de toute convention, la BNP-Paribas a adressé à la société IWF tous les documents concernant les produits financiers de nature à couvrir le risque de taux et a demandé à la société IWF lui retourner le document relatif à son profil financier ; que, par courrier du 31 juillet 2008, la société IWF a reconnu avoir reçu et pris connaissance de toutes les brochures concernant les produits dérivés, les supports et produits de placements publiées par la banque et la politique d’exécution applicable aux activités de marchés conformément à la directive européenne des marchés d’instruments financiers ; que, par ce même courrier, elle s’est engagée à signer, dans les plus brefs délais et au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la signature de la lettre d’opération sur instruments financiers la convention-cadre FBF relative aux instruments financiers à terme ; qu’elle n’a adressé à la banque son profit financier que le 28 novembre 2008 duquel il ressort qu’elle recherche la sécurité et qu’elle a une expérience des marchés financiers par le biais des OPCVM ;

Considérant que ces éléments suffisent à démontrer qu’il n’y a ni dol, ni réticence dolosive imputable à la BNP-Paribas au moment de la signature du contrat de couverture, ce d’autant moins que la société IWF qui a reconnu disposer 'de l’expérience et de la connaissance nécessaires pour évaluer les avantages et les risques encourus au titre de la transaction (opération de couverture de taux) après avoir fait sa propre analyse des aspects financiers, juridiques, fiscaux, comptables et réglementaires jugés nécessaires pour cela et ne s’en est pas remise pour cela à l’autre partie’ sous la signature de Monsieur Y, es qualité, dès la première lettre de confirmation de l’opération sur instruments financiers à terme convenue entre les parties le 11 août 2008 ; qu’elle savait depuis l’origine qu’une convention-cadre FBF régissant les rapports entre les parties dans le cadre des opérations sur instruments financiers visées par l’article L.211-1-1- 4 du code monétaire et financier devait être signée, ce qu’elle a fait le 21 août 2008 en toute connaissance de cause et qu’elle a confirmé une seconde fois l’opération d’échange de conditions d’intérêt et de garantie de taux plafond le 3 octobre 2008 après avoir signé la convention-cadre FBF ;

Considérant que la société IWF ne peut pas se prévaloir de l’avis de Monsieur X, qu’elle a consulté en qualité d’expert, qui trouve anormal que l’opération de couverture ait été signée avant la convention-cadre, alors qu’il n’a pas su qu’elle avait signé une seconde lettre de confirmation de l’opération le 3 octobre 2008 après la signature de la convention-cadre FBF, ce qu’elle ne lui a manifestement pas dit ;

Considérant qu’elle ne peut pas davantage s’en prévaloir pour soutenir que l’opération de couverture conclue était inadaptée dans sa durée, son montant et sur l’option de swap bonifié à cliquet choisie, dès lors que rien ne lui imposait de couvrir le risque de taux pour la durée et le montant du prêt, ni de retenir l’option d’un swap à 4,72 % avec un taux d’activation à 5,85 % qui n’est que l’une des propositions de la BNP-Paribas et qu’elle l’a choisie dans le souci sécuritaire, qui était le sien, de s’assurer au maximum contre un risque de hausse sans opter pour une quelconque protection en cas de baisse des taux, bien que la banque l’ait alerté sur la conséquence de cette option, dans son courriel du 4 juin 2008, dans les termes suivants : 'si vous considérez que nous sommes proches de la fin du cycle de hausse des taux, le choix de cette solution peut ne pas se révéler la solution optimale’ ; qu’il n’est, au demeurant, pas possible d’examiner la pertinence d’un choix à l’aune de l’évolution connue des marchés financiers en 2010;

Considérant qu’il est, par ailleurs, acquis que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 janvier 2009, la société IWF a demandé officiellement, après en avoir discuté avec la BNP-Paribas, officieusement, depuis le mois de décembre 2008, à bénéficier de la faculté de remboursement anticipé de son prêt sans pénalité prévue à l’article 5.2 de la convention de prêts pour un montant de 3.000.000 euros ; que la BNP-Paribas lui a indiqué que toute restructuration relative à la couverture nécessitait le paiement d’une soulte d’annulation laquelle a été fixée par la banque à la somme de 150.000 euros le 1er décembre 2008, puis à la somme de 220.000 le 18 décembre 2008, voire à la somme de 600.000 euros en février 2009, selon la société IWF, bien qu’il n’y ait aucun courrier ou courriel de la BNP-Paribas en ce sens ; qu’à la suite de ce différend entre la société IWF et la banque, la première a suspendu son projet de remboursement anticipé du prêt par courrier du 27 février 2009 et ne l’a pas mis en place à ce jour ;

Considérant que la BNP-Paribas ne conteste pas le lien existant entre la convention de prêts et l’opération de couverture de taux qui lui est subséquente et qu’elle a imposé, dès lors que les deux contrats sont signés par les mêmes parties, le premier le 25 juillet 2008 et le deuxième le 11 août 2008 conformèrent à l’article 12.1 du contrat de prêts ; que le contrat de couverture a pour seul objet de couvrir les risques liés au contrat de financement signé le 25 juillet 2008 et qu’il est construit en parfaite concordance avec le prêt, que dès que la société IWF a envisagé de procéder au remboursement anticipé partiel du prêt pour un montant de 3 millions d’euros, il a été envisagé une restructuration du contrat de couverture qui ne pouvait plus être basé sur un montant notionnel de 7.200.000 euros, puisque le risque à couvrir était modifié, et que l’exigence de cohérence contractuelle imposait de repenser la couverture initialement mise en place, nonobstant l’évolution à la baisse des taux ;

Considérant que ce lien entre les contrats ne fait cependant pas de la convention de prêt le contrat cadre auquel obéissent les autres conventions portant sur des opérations sur instruments financiers à terme qui obéissent à des règles spéciales et ne les rend pas indivisibles ; qu’il ne conduit pas à rendre applicable à l’un des contrats les clauses contractuelles de l’autre compte tenu de la spécificité de chacun d’eux, de sorte que la société IWF ne peut pas prétendre que la clause de remboursement anticipé de prêts sans pénalités s’applique au contrat de couverture qui implique de dénouer les positions prises sur le marché au prix du marché ;

Considérant cependant que la BNP-Paribas ne peut prétendre au paiement d’une indemnité de résiliation au titre du contrat de couverture que si elle est contractuellement prévue ;

Considérant qu’aucune stipulation de la lettre de confirmation d’échange de taux, que ce soit celle du 11 août 2008 ou celle du 3 octobre 2008, ne comporte une telle clause relative au paiement d’une soulte en cas de résiliation anticipée du contrat ;

Considérant que la seule convention comportant une clause relative à un solde de résiliation est la convention-cadre FBF qui définit à l’article 7 les causes de résiliation ouvrant droit à indemnité et fixe à l’article 8 les modalités de calcul et de paiement de cette indemnité ; qu’elle prévoit uniquement deux cas de résiliation, qui sont la défaillance de l’une des parties en raison de huit événements possibles, dont aucun n’est la résiliation anticipée à la demande d’une des parties, et le cas de circonstances nouvelles ayant trait, d’une part, à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou réglementation rendant la transaction illicite ou modifiant la fiscalité applicable, d’autre part, à la détérioration manifeste et substantielle de l’activité, du patrimoine ou de la situation financière de la partie concernée qui résulterait d’une fusion scission, ou cession d’actif ;

Considérant ainsi que la convention-cadre FBF ne prévoit, pas plus que la lettre de confirmation de la transaction du 3 octobre 2008, la résiliation anticipée du contrat;

Considérant que la BNP-Paribas ne peut pas se prévaloir de la note de présentation de la convention FBF et des additifs techniques établie à la suite des exigences réglementaires consécutives au Règlement UE n°648/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré qui comporte un paragraphe 1.3 relatif à la résiliation anticipée des opérations, hors cas de défaut ou de circonstances nouvelles, qui indique que les opérations régies par cette convention peuvent, si les parties en sont d’accord, être globalement ou partiellement résiliées par anticipation moyennant le paiement d’une soulte par l’une des parties à l’autre 'bien que la convention ne contienne aucune clause spécifique à ce sujet', ni soutenir que le paiement de cette indemnité est inhérente à la convention de couverture qui est distincte du dénouement des opérations ; que cette note postérieure à la convention en cause confirme que l’indemnité de résiliation n’a aucune valeur contractuelle et qu’elle ne peut pas s’imposer à la société IWF ;

Considérant que si la convention cadre FBF d’une durée indéterminée peut être dénoncée à tout moment avec un préavis de cinq jours, l’opération de couverture résiliée avant son terme ne peut l’être qu’en accord entre les parties conformément aux dispositions de l’article 1134 alinéa 2 du code civil ; qu’il n’y a pas eu d’accord entre la société IWF et la BNP-Paribas qui exigeait le paiement d’une soulte pour restructurer le contrat de couverture à la suite du remboursement anticipé partiel des prêts par l’emprunteur ;

Considérant que tant l’économie de l’opération de LBO avec un emprunt à taux variable, garanti du risque de taux par un contrat d’échange d’intérêt, susceptible d’être remboursé de manière anticipée, ce qui est contractuellement prévu par la convention de prêts, que la cohérence contractuelle imposait à la banque, à la fois prêteuse et prestataire de services d’investissement financier, de prévoir les conséquences d’un remboursement anticipé du prêt sur l’opération de couverture mise en place à sa demande ; qu’elle ne l’a pas fait et ne pouvait pas exiger le paiement d’une somme d’argent qui n’a pas été contractuellement prévue par les parties, ce qui engage sa responsabilité ;

Considérant que le préjudice ne peut pas être chiffré, comme l’a fait Monsieur X, à la somme de 689.000 euros, comprenant celle de 600.000 euros, au titre du dédit, non justifié, demandé par la BNP-Paribas, que la société IWF n’a, en toutes hypothèses, pas payée, et celle de 89.000 euros correspondant à la commission perçue par la banque ;

Considérant que la cour dispose des éléments suffisants pour fixer le préjudice subi par la société IWF à la somme de 200.000 euros ;

Considérant que le jugement déféré sera, en conséquence, infirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu’il est inéquitable de laisser à la charge de la partie appelante le montant des frais irrépétibles qu’elle a dû exposer pour la défense de ses intérêts ; qu’il convient de condamner la BNP-Paribas à lui payer la somme de 10.000,00 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la BNP-Paribas, qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne la BNP-Paribas à payer à la S.A.R.L. Iron Will Finance la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision jusqu’à parfait paiement,

Condamne la BNP-Paribas à payer à la S.A.R.L. Iron Will Finance la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la BNP-Paribas aux dépens de première instance et d’appel avec, pour ceux d’appel, distraction au profit de l’avocat concerné dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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