Cour d'appel de Paris, 13 novembre 2013, n° 12/22045

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 13 nov. 2013, n° 12/22045
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/22045
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 8 mai 2012, N° 09/16455

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2013

(n° 250 , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/22045

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mai 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 09/16455

APPELANTE

Madame H A veuve Y

née le XXX à XXX

XXX

Z (ALGÉRIE)

Représentée par Me Dalila DJIDJELLI BOURKAIB, avocat au barreau de la SEINE-SAINT-DENIS, toque : 82, postulant

assistée de Me Amina GARNAULT, avocat au barreau de SAINT-DENIS (REUNION), plaidant

INTIMÉS

1°) Maître F X

XXX

XXX

Représenté et assisté de Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS,

toque : E0435

2°) C DE FRANCE

agissant en la personne de ses représentants légaux

XXX

XXX

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, postulant

assistée de Me Emilia BULICH de la SCP FOIN BULICH, avocat au barreau de PARIS, toque : P0326, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral et en application des dispositions de l’article 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 octobre 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Dominique REYGNER, président et Madame Monique MAUMUS, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique REYGNER, président

Madame Nathalie AUROY, conseiller

Madame Monique MAUMUS, conseiller

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l’arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Dominique REYGNER, président et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

D A, né le XXX à Z (Algérie), docteur en médecine, est décédé le XXX à Z, laissant pour lui succéder sa soeur, H A veuve Y, et son frère, Ismaël dit Smaïn A, lui-même décédé le XXX en laissant comme héritier sa soeur, H A.

Par testament olographe du 15 mai 2000, D A a institué la C DE FRANCE en qualité de légataire universelle, à charge pour elle de créer une C individualisée avec dotation gérée par elle ayant pour objet de soutenir les organisations humanitaires apportant une aide aux populations du tiers monde.

Par actes reçus par Maître F X, notaire à Orléans, il a consenti à la C DE FRANCE deux donations, la première le 17 octobre 2000, portant sur des biens et droits immobiliers évalués à la somme de 193 000,45 euros et la seconde le 23 janvier 2003, portant sur des biens et droits immobiliers évalués à la somme de 359 780 euros.

Le 26 mai 2006, il a fait à la C DE FRANCE un don manuel de valeurs mobilières figurant sur un compte titre ouvert à la banque HSBC Paris Ile de France pour un montant global de 422 789,61 euros , affecté à la C abritée portant son nom.

Par délibération du 13 décembre 2007, le conseil d’administration de la C DE FRANCE a refusé le legs universel que lui avait consenti D A, la succession étant déficitaire.

Par acte d’huissier du 13 octobre 2009, Mme A a assigné la C DE FRANCE, Maître X et la SCP F X-L M-N M, notaires associés, devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins, en substance, de voir condamner la C DE FRANCE à lui verser la somme de 422 789,61 euros indûment perçue et les notaires les intérêts légaux sur cette somme à compter du jour du décès de D A.

Par jugement rendu le 9 mai 2012, ce tribunal a débouté Mme A de toutes ses demandes et l’a condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à la C DE FRANCE d’une part, à Maître X et à la SCP F X-L M-N M d’autre part, la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme A a interjeté appel de ce jugement à l’encontre de la C DE FRANCE par déclaration reçue le 5 décembre 2012, puis à l’encontre de C DE FRANCE et de Maître X par déclaration reçue le 6 décembre 2012, les deux procédures ayant été jointes par ordonnance du 11 juin 2013.

Dans ses dernières conclusions du 24 juillet 2013, elle demande à la cour de :

— dire son appel recevable et bien fondé, y faire droit,

— infirmer le jugement entrepris,

— juger que la loi applicable à la succession mobilière de D A est la loi algérienne,

Par conséquent

A titre principal

— juger que la donation de la somme de 422 789,61 euros au bénéfice de la C DE FRANCE effectuée le 26 mai 2006 par D A est nulle et de nul effet,

— condamner la C DE FRANCE à lui verser la somme de 422 789,61 euros correspondant à la libéralité irrégulièrement perçue,

A titre subsidiaire

— juger que la donation de la somme de 422 789,61 euros au bénéfice de la C DE FRANCE effectuée le 26 mai 2006 par D A doit être tenue pour un legs, et être régie par le droit algérien relatif au testament,

— constater que la C DE FRANCE a refusé le legs universel accordé par D A suivant délibération du conseil d’administration du 13 décembre 2007,

— constater que, venant aux droits d’Ismaël ou Smaïn A, elle est l’unique héritière de D A,

— condamner la C DE FRANCE à lui verser la somme de 422 789,61 euros,

A titre infiniment subsidiaire

— constater que, venant aux droits d’Ismaël ou Smaïn A, dont elle est l’unique héritière, elle doit être considérée comme héritière réservataire pour la moitié de la succession de D A,

— condamner la C DE FRANCE à lui verser la somme de 211 394,81 euros correspondant à la moitié du legs effectué par D A,

Quoiqu’il en soit

— condamner Maître X à lui verser les intérêts légaux sur la somme de 422 789 euros entre le XXX jusqu’à l’arrêt à intervenir,

— condamner solidairement la C DE FRANCE et Maître X à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 25 avril 2013, notifiées à Maître X le 12 juin 2013, la C DE FRANCE prie la cour de :

— la recevoir en ses écritures et l’y dire bien fondée,

A titre principal

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

A titre subsidiaire

Si par impossible la cour considère que la loi algérienne s’applique à la succession ab intestat de D A,

— constater que le don manuel fait par D A à son profit le 26 mai 2006 est parfait au regard du droit algérien,

— constater que ce don n’est pas une disposition testamentaire de nature à l’inclure dans la succession de D A,

— constater que Mme A n’est pas héritier réservataire et qu’elle ne peut solliciter quelque réduction que ce soit,

— constater que le droit civil algérien ne connaît ni la notion de 'rapport’ ni celle de 'réduction’ et qu’en conséquence, D A était libre de disposer de ses biens de son vivant comme il l’entendait, ce qu’il a fait en toute connaissance de cause,

En conséquence

— débouter Mme A de l’ensemble de ses demandes,

A titre encore plus subsidiaire

Si par impossible la cour considère que l’article 776 du code civil algérien s’applique à la succession ab intestat de D A et que Mme A est considérée comme héritier réservataire,

— ordonner à Mme A de communiquer à la procédure la consistance et la valeur du patrimoine mobilier et immobilier de D A situé en Algérie ou ailleurs, outre la France, existant au jour de son décès ou donné notamment à Mme A,

En tout état de cause

— condamner Mme A à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Suivant dernières conclusions du 7 mai 2013, Maître X demande à la cour, confirmant le jugement entrepris, de :

— dire qu’il n’a commis aucune faute pour avoir refusé de communiquer à l’appelante qui ne lui apparaissait pas comme l’assuré ayant-droit du défunt (sic), le testament de celui-ci, sans l’autorisation du président du tribunal, propre à le délier du secret professionnel relativement à cet acte,

— dire qu’il n’a commis aucune faute dans l’établissement des actes qu’il a reçus, pour avoir considéré la succession litigieuse comme entièrement soumise à la loi française,

— dire subsidiairement que l’appelante ne peut avoir subi préjudice du fait d’un retard à percevoir des fonds qui ne lui étaient pas échus,

— débouter Mme A de sa prétention à la responsabilité du notaire,

En tous les cas

— la condamner à leur (sic) payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

SUR CE, LA COUR,

Sur les demande de Mme A à l’encontre de la C DE FRANCE

Considérant qu’au soutien de son appel, Mme A prétend qu’en vertu du droit international privé algérien auquel D A, de nationalité algérienne et décédé en Algérie, est soumis, la loi applicable à sa succession mobilière est la loi algérienne, l’article 720 du code civil français dont se prévaut la C DE FRANCE déterminant seulement le lieu d’ouverture de la succession mais nullement la loi applicable et les accords d’Evian signés en 1962 entre la France et le gouvernement provisoire de la République algérienne étant inapplicables, D A n’étant pas 'ressortissant’ français au sens de ces accords ; qu’elle ajoute que si la cour devait considérer que la succession de D A devait être régie par la loi de son dernier domicile, la loi algérienne serait également applicable puisque le de cujus était domicilié à Z et n’a jamais vécu en France ;

Considérant que la C DE FRANCE fait valoir qu’ayant refusé le legs universel de D A, la succession de celui-ci est ab intestat et que la loi française lui est applicable dès lors que D A était binational français et algérien, domicilié en France et résident français au sens fiscal du terme, qu’en application des accords d’Evian le régime successoral des ressortissants français est régi par la loi française et qu’en tout état de cause, le droit international privé commun ainsi que la jurisprudence française soumettent la succession mobilière à la loi du dernier domicile du défunt, lequel était situé en France ;

Considérant que Mme A conteste uniquement la donation de 422 789,61 euros consentie le 26 mai 2006 par D A à la C DE FRANCE, se prévalant de sa qualité d’unique héritière du de cujus ;

Considérant que les libéralités entre vifs sont soumises à la loi successorale pour tout ce qui concerne les règles protectrices des droits des héritiers ;

Mais considérant que Mme A n’établit pas que la loi algérienne est applicable à la succession de son frère ;

Considérant en effet qu’il n’est pas contesté que D A avait également la nationalité française, qu’il avait conservée lors de l’indépendance de l’Algérie par l’effet d’une déclaration souscrite le 21 octobre 1964 en vertu des articles 1 et 2 de l’ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 et 156 du code de la nationalité française dans sa rédaction alors applicable ;

Que la loi successorale française a donc vocation à s’appliquer à sa succession ;

Que selon la règle générale de conflit française, la succession mobilière est régie par la loi du dernier domicile du défunt, que l’article 720 du code civil désigne comme lieu d’ouverture de la succession, peu important le lieu du décès ;

Or considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que les premiers juges ont estimé que Mme A ne rapportait pas la preuve, qui lui incombe, que D A avait son domicile en Algérie, les documents produits par elle étant insuffisants à caractériser un domicile ;

Qu’il suffit d’ajouter que les pièces complémentaires versées aux débats en cause d’appel par Mme A ne sont pas de nature à remettre en cause l’analyse et l’appréciation faite par le tribunal des éléments de preuve qui lui étaient soumis et à démontrer que D A avait fixé son principal établissement en Algérie, même s’il y avait une résidence et y possédait une exploitation agricole, alors que tant dans son testament olographe du 15 mai 2000 que dans les actes authentiques de donation des 17 octobre 2000 et 23 janvier 2003 il est indiqué comme étant domicilié en France, soit à Grasse (acte du 17 octobre 2000), soit à Orléans, XXX, chez M. B (acte du 15 mai 2000) ou chez Mme B (acte du 23 janvier 2003), les actes authentiques précisant qu’il est de nationalité française et résidant en France ;

Considérant que la donation du 26 mai 2006 est donc soumise à la loi française ;

Considérant que Mme A n’excipant d’aucune cause de nullité au regard de cette loi, la donation en cause n’a pas lieu d’être annulée ni requalifiée en legs par application de la loi algérienne ;

Considérant par ailleurs que comme le fait à juste valoir la C DE FRANCE, Mme A, soeur du de cujus, n’étant pas héritier réservataire au regard de la loi française, ne peut remettre en cause le don manuel fait le 26 mai 2006 par D A au profit de la C DE FRANCE, qui est parfait et ne se retrouve pas dans la succession de D A, devenue ab intestat suite au refus de la C DE FRANCE d’accepter le legs universel dont elle avait été instituée le 15 mai 2000 ;

Considérant, en conséquence, que les demandes de Mme A à l’encontre de la C DE FRANCE sont infondées et ne peuvent prospérer ;

Sur les demandes de Mme A à l’encontre de Maître X

Considérant que Mme A soutient que Maître X a commis une faute au sens de l’article 1147 du code civil en lui donnant volontairement des informations erronées quant à ses droits héréditaires dans une lettre du 2 février 2007 et en refusant de lui communiquer le testament de son frère ;

Mais considérant que Maître X n’a pas manqué à ses obligations en refusant de communiquer à Mme A qui, en l’état des éléments à sa connaissance, n’avait pas la qualité d’ayant droit de D A, le testament de ce dernier avant d’avoir été délié du secret professionnel par ordonnance du président du tribunal de grande instance d’Orléans du 18 mai 2007 ;

Que par ailleurs, le notaire n’a pas donné à Mme A de fausses informations concernant ses droits ;

Considérant qu’il s’ensuit que la demande de Mme A à l’encontre de Maître X n’est pas non plus fondée ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris,

Rejette toutes autres demandes,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme H A veuve Y et la condamne à payer à la C DE FRANCE et à Maître F X la somme de 2 000 euros chacun,

Condamne Mme H A veuve Y aux dépens d’appel, que les avocats postulants des intimés pourront recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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