Cour d'appel de Paris, 13 novembre 2013, n° 12/23212

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 13 nov. 2013, n° 12/23212
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/23212
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 7 novembre 2011, N° 09/09124

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2013

(n° 252, 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/23212

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 09/09124

APPELANTE

Madame G Z épouse Y

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, postulant

assistée de Me Yann DELGOVE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1980, plaidant

INTIMÉS

1°) Monsieur M B

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté et assisté de Me Alexandre SECK, avocat au barreau de PARIS, toque : C0586

2°) K D

XXX

XXX

Représentée et assistée de Me Leslie SMIETANA, avocat au barreau de PARIS,

toque : C0950

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral et en application des dispositions de l’article 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 octobre 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Dominique REYGNER, président et Madame Monique MAUMUS, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique REYGNER, président

Madame Nathalie AUROY, conseiller

Madame Monique MAUMUS, conseiller

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l’arrêt : Madame R-France MEGNIEN

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Dominique REYGNER, président et par Madame R-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

E F née PLASSART est décédée le XXX, laissant pour lui succéder des frères et soeurs ainsi que plusieurs neveux et nièces.

Elle avait souscrit plusieurs adhésions au contrat collectif d’assurance sur la vie de l’D dont deux en date du 22 septembre 1992 (n° 08208522 et n° 08755274) dont la bénéficiaire était l’une de ses nièces, Mme G Y née Z.

Le 28 juin 2002, elle avait rédigé, d’une part, un testament aux termes duquel elle déclarait léguer à titre particulier à sa soeur Mme Q-R B ou à défaut au fils de celle-ci, M. M B, une maison située à XXX en révoquant toute disposition antérieure, d’autre part, une lettre destinée au K D, demandant que 'les options’ de Mme Y 'soient transférées et mises au nom’ de son neveu, M. M B.

Par acte d’huissier du 30 juin 2003, M. M B a assigné Mme G Y et le K D devant le tribunal de grande instance de Paris en 'délivrance de legs', aux fins en réalité d’obtenir le versement à son profit des capitaux-décès des contrats d’assurance vie susvisés.

Par assignation du 30 décembre 2003, M. B, venant aux droits de sa mère, Q-R B, elle-même décédée, a également assigné les héritiers d’E F devant le tribunal de grande instance de Bobigny en délivrance du legs consenti à sa mère par E F dans son testament du 28 juin 2002.

Par jugement du 31 janvier 2006, le tribunal de grande instance de Paris a sursis à statuer jusqu’à l’issue définitive de la procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Bobigny.

Par jugement du 18 mai 2006, le tribunal de grande instance de Bobigny a dit nul et de nul effet le testament signé par E F le 28 juin 2002.

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 novembre 2007.

Par arrêt du 25 mars 2009, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. B.

Après reprise d’instance, le tribunal de grande instance de Paris, par jugement rendu le 8 novembre 2011, a :

— dit M. B recevable et fondé en son action,

— constaté que Mme Y ne rapporte pas la preuve de l’insanité d’esprit d’E F qui vicierait le courrier que celle-ci a adressé en date du 28 juin 2002 au K D en vue de modifier la clause bénéficiaire des deux contrats d’assurance-vie souscrits auprès de cet organisme,

— dit en conséquence qu’E F a exprimé la volonté de désigner M. B comme bénéficiaire du capital décès des contrats n° 08208522 et n° 08755274 qu’elle avait souscrits auprès du K D,

— condamné le K D à verser à M. B les capitaux-décès afférents à ces deux contrats, affectés des intérêts à compter du XXX,

— débouté M. B de sa demande à l’encontre du K D,

— débouté Mme Y de ses demandes reconventionnelles,

— condamné Mme Y aux dépens ainsi qu’à payer à chacun de M. B et du K D la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire.

Mme Y a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 20 décembre 2012.

Dans ses dernières conclusions du 24 septembre 2013, elle demande à la cour de :

— la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit

— infirmer le jugement entrepris,

— constater l’identité de parties, d’objet et de cause dans les procédures engagées devant la juridiction ayant rendu le jugement dont appel et devant le tribunal de grande instance de Bobigny ayant rendu le jugement du 18 mai 2006,

— juger que l’autorité de la chose jugée attachée audit jugement, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 novembre 2007, prohibait qu’il soit statué à nouveau par le tribunal de grande instance de Paris,

— juger M. B irrecevable et subsidiairement mal fondé en ses demandes,

— la juger recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle,

En conséquence

— constater qu’elle est la bénéficiaire des adhésions n° 08208522 et n° 08755274 souscrites par E F,

— condamner en conséquence le K D à lui verser les capitaux afférents à ces deux adhésions, avec intérêts au taux légal à compter du XXX,

— condamner M. B à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 19 septembre 2013, M. B prie la cour de :

— débouter Mme Y de toutes ses demandes,

— confirmer le jugement entrepris,

Y ajoutant

— condamner Mme Y et le le K D à lui payer chacun la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Mme Y aux dépens d’appel.

Suivant dernières conclusions du 18 avril 2013, le K D demande à la cour de :

— lui donner acte de qu’il s’en rapporte à justice sur l’appel de Mme Y,

— lui donner acte de ce qu’il n’est plus détenteur des capitaux décès, pour s’en être dessaisi le 24 janvier 2012 entre les mains de M. B à raison de l’exécution provisoire attachée au jugement dont appel,

— débouter en conséquence, en toute hypothèse, 'Mme B’ (sic) de sa demande tendant à le voir condamner au paiement des capitaux disponibles sur les adhésions souscrites par E F,

— débouter M. B de sa demande à son encontre au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

SUR CE, LA COUR,

Sur la recevabilité de la demande de M. B

Considérant que Mme Y soulève l’irrecevabilité des demandes de M. B au regard de l’autorité de la chose jugée s’attachant selon elle au jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 18 mai 2006 et à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 novembre 2007 ayant reconnu l’état d’insanité d’esprit d’E F ;

Considérant que M. B oppose que les conditions cumulatives de l’article 1351 du code civil ne sont pas réunies ;

Considérant qu’aux termes de l’article 1351 du code civil, 'l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit faite entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité’ ;

Considérant, en l’espèce, qu’il n’y a pas identité entre la demande formée par M. B devant le tribunal de grande instance de Bobigny en délivrance du legs fait par E F à Q-R B dans son testament du 28 juin 2002, et celle formée devant le tribunal de grande instance de Paris et présentement soumise à la cour, dans laquelle il entend obtenir le versement à son profit des capitaux-décès de deux contrats d’assurance vie D auxquels E F avait adhéré ;

Que ces demandes ne sont pas fondées sur la même cause, puisque reposant dans un cas sur l’exécution d’un testament et dans l’autre sur celle de contrats d’assurance-vie ;

Qu’il n’y a pas non plus identité de parties dès lors que Mme Y était partie à l’instance engagée devant le tribunal de grande instance de Bobigny en qualité d’héritière d’E F alors que dans la présente instance, elle l’est en qualité de bénéficiaire des contrats d’assurance-vie d’E F désignée antérieurement à la lettre de modification litigieuse du 28 juin 2002 ;

Qu’enfin, si les parties défenderesses se sont déjà prévalues devant le tribunal de grande instance de Bobigny et la cour d’appel de Paris de l’insanité d’esprit d’E F, ce point n’a pas été tranché dans le dispositif du jugement du 18 mai 2006, confirmé par l’arrêt du 29 novembre 2007 ;

Considérant qu’il s’ensuit que ces décisions n’ont pas l’autorité de la chose jugée sur cette question et que M. B est donc recevable en ses demandes ;

Sur le fond

Considérant qu’à titre subsidiaire, Mme Y soutient que l’analyse des éléments intrinsèques et extrinsèques révèle l’insanité d’esprit d’E F lors de la rédaction de la lettre du 28 juin 2002 à D, tandis que M. B prétend que cette dernière avait toute sa faculté de discernement à cette date et qu’aucune influence n’a été exercée sur sa personne ;

Considérant que selon l’ancien article 489 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2207-308 du 5 mars 2007 applicable en la cause, et repris en termes quasi identiques par l’actuel article 414-1 du même code, 'pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. Mais c’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte’ ;

Considérant, sur les éléments intrinsèques, que si la lettre du 28 juin 2002 par laquelle E F a demandé le 'transfert’ des 'options’ de Mme Y au nom de M. B est un peu décousue dans sa présentation et rédigée d’une écriture tremblée, ceci n’est pas en soi anormal ni étonnant de la part d’une personne alors âgée de 84 ans, alitée depuis plusieurs semaines et en mauvais état de santé physique ;

Que par ailleurs, il ne peut pour les mêmes raisons être tiré argument de l’emploi par E F de termes juridiquement impropres ou d’un manque de précision alors que les deux contrats concernés ont pu être identifiés sans difficulté ;

Considérant, sur les éléments extrinsèques, que les conclusions de l’expert judiciaire en écritures désigné par le tribunal de grande instance de Bobigny, Mme C, qui a émis l’avis que le testament olographe d’E F du 28 juin 2002 montrait des signes de 'main forcée’ et 'main guidée', ne peuvent être transposées à la lettre litigieuse, qui n’a pas été examinée par l’expert, peu important que les deux documents aient été rédigés le même jour ;

Considérant, sur le plan médical, que si l’état de santé d’E F, hospitalisée le 8 mars 2002 pour le traitement d’un ulcère à la jambe gauche, s’était progressivement dégradé dans les semaines suivantes, notamment au niveau de la fonction cardiaque, et avait nécessité son transfert le 20 juin 2002 au Centre hospitalier MANHES de Fleury-Mérogis, le retour à domicile étant définitivement impossible, les fiches de transmissions infirmières et de suivi kinésitherapique révèlent que cette patiente était en mauvais état général, dyspnéique, très affaiblie par sa pathologie et les soins requis, en particulier des ponctions pleurales régulières, et opposante aux soins, mais nullement qu’elle n’était plus en possession de ses facultés intellectuelles ou mentales, le commentaire porté à la date du 25 juin 2002 indiquant au contraire qu’elle était consciente et répondait aux questions de façon cohérente ;

Considérant que les allégations de Mme Y sont en revanche contredites par plusieurs pièces produites par M. B, à savoir :

— un certificat du docteur A, chef du service de soins de suite au Centre hospitalier MANHES, qui déclare que E F, hospitalisée dans son service du 21 juin au XXX, date de son décès, présentait des fonctions intellectuelles conservées, lui donnant la capacité de ses prises de position,

— une attestation du docteur X, psychiatre, médecin-chef au même Centre hospitalier, qui, après examen exhaustif du dossier médical d’E F, comprenant le dossier infirmier et les différentes observations médicales, conclut à l’absence totale d’élément susceptible de faire craindre un affaiblissement intellectuel, une perturbation affectant l’appareil psychique et la perte de son libre arbitre,

— un rapport d’expertise gériatrique du docteur O-P qui, après consultation notamment du dossier médical complet du Centre hospitalier MANHES, des certificats médicaux du docteur A et de l’attestation du docteur X, conclut que E F ne présentait pas un tableau de confusion ou d’affaissement intellectuel ni de trouble du raisonnement ou du jugement et qu’elle disposait de toutes ses facultés mentales et de son libre arbitre au moment de la rédaction de la lettre en litige ;

Considérant que l’avis ainsi émis par des médecins ayant rencontré E F ou consulté son dossier médical ne saurait être utilement remis en cause par l’argumentaire relatif à la confusion aiguë chez la personne âgée émanant de la Haute Autorité de Santé produit par Mme Y, document d’ordre général dont il ne peut être tiré d’élément concret sur l’état mental d’E F à la date du 28 juin 2002 ;

Considérant que Mme Y ne rapporte donc pas la preuve, qui lui incombe, qu’E F était insane d’esprit lorsqu’elle a rédigé la lettre emportant changement du bénéficiaire des deux contrats d’assurance vie dont elle était précédemment bénéficiaire au profit de M. B ;

Que sa demande tendant à voir dire qu’elle est la bénéficiaire desdits contrats et condamner le K D à lui verser les capitaux y afférents sont dès lors infondées ;

Considérant que le jugement entrepris n’étant pas remis en cause en ses autres dispositions, sera en conséquence purement et simplement confirmé.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne Mme G Y née Z à payer la somme de 2 000 euros à M. B et celle de 1 500 euros au K D, et rejette la demande de Mme G Y née Z et celle du K D à l’encontre de M. B,

Condamne Mme G Y née Z aux dépens d’appel, que les avocats postulants des parties intimées, qui le sollicitent, pourront recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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