Cour d'appel de Paris, 29 octobre 2013, n° 11/12558

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 29 oct. 2013, n° 11/12558
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/12558
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Créteil, 20 octobre 2011, N° F09/03229

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRÊT DU 29 Octobre 2013

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 11/12558

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Octobre 2011 par le Conseil de prud’hommes – Formation de départage de CRETEIL RG n° F 09/03229

APPELANTE

SARL Y

XXX

XXX

représentée par Me Martine AUBIGEON TACCHELLA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0301,

En présence de M. D E, Gérant

INTIME

Monsieur F X

XXX

94500 CHAMPIGNY-SUR-MARNE

représenté par Me Claude FAUCARD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 59 substitué par Me Salima LOUAHECHE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Septembre 2013, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Christine ROSTAND, Présidente du pôle 6-9

Madame B C, Conseillère

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Z X a été engagé par la société Y SARL , une première fois, du 15 septembre 2008 au 31 janvier 2009. Il est engagé à nouveau par la même société le 9 février 2009 en qualité d’assistant-junior suivant un contrat de travail à durée indéterminée, non écrit.

Le 15 novembre 2009, il est convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour faute grave fixé au 27 novembre 2009, avec mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 2 décembre 2009, Z X est licencié pour des motifs ainsi énoncés :

' Je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave.

Je vous rappelle en effet que pour l’exercice de vos fonctions d’assistant-manager, vous avez été formé à l’utilisation de notre outil informatique et à notre logiciel de commandes. Il vous appartient également de former les membres de l’équipe placée sous votre autorité à l’utilisation de notre programme et de vous assurer que les règles d’utilisation et de passation des commandes soient respectées.

A ce titre, vous n’ignorez pas que notre procédure permet aux salariés de commander des pizzas avec application d’un tarif préférentiel, tarif dont la mention apparaît par l’inscription d’un code particulier ( 799 ) après avoir enregistré cette commande selon la procédure de commande appliquée habituellement à nos clients.

Comme nos clients, vous devez régler votre commande avant de l’emporter.

Or, il apparaît que vous n’avez pas respecté cette procédure.

Le 14 novembre dernier, hors ma présence et alors que vous n’étiez pas de service, vous vous êtes présenté au magasin, êtes passé derrière le comptoir et avez directement enregistré et validé votre commande de cinq grandes pizzas en violation de la procédure existante puisque seuls les équipiers en service peuvent enregistrer et valider les commandes.

Vous êtes ensuite revenu rechercher vos pizzas.

Constatant à la sortie de votre commande que vous l’aviez d’une part validée seul et, d’autre part, que vous n’aviez pas appliqué le tarif préférentiel en vigueur mais décidé de leur gratuité, j’ai donc sollicité vos explications.

Vous m’avez indiqué que la commande que vous aviez passée avait été validée par une des salariées en service ; ce qui était contraire à la réalité.

Je vous ai donc demandé de modifier votre commande et de la coder selon le tarif préférentiel en vigueur.

Contre toute attente en dépit de mes directives précises, vous n’avez enregistré au tarif préférentiel que deux pizzas sur les cinq à emporter et êtes parti sans procéder à leur règlement.

Contrairement aux explications que vous avez pu me fournir lors de l’entretien préalable, vous n’avez jamais indiqué procéder au règlement le lendemain ni n’avez reçu l’autorisation d’enregistrer cette commande à zéro. Ceci est d’autant plus vrai que vous n’avez réglé les pizzas que dans le courant de l’après -midi du 16 novembre après la notification de votre convocation à entretien préalable et votre mise à pied à titre conservatoire intervenue pourtant à 10 heures.

Le fait qu’après réflexion vous ayez décidé de régler l’ensemble de votre commande au tarif en vigueur ne vous exonère ni de la violation de notre procédure ni de l’insubordination dont vous avez fait preuve à mon égard.

Le comportement que vous avez adopté est en contradiction avec ce que je suis en droit d’attendre d’un collaborateur de votre niveau et s’avère au demeurant inadmissible à plus d’un titre:

* il enfreint nos procédures dont vous avez eu connaissance et que vous devez faire appliquer et respecter ;

* il va à l’encontre des valeurs et comportements attendus au sein de notre entreprise et selon les valeurs défendues sous notre enseigne commerciale Domino’s Pizza;

* Il est d’autant plus inacceptable au regard de votre fonction que vous devez montrer l’exemple.'

Considérant que son licenciement était non fondé, Z X va saisir, le 23 décembre 2009, la juridiction prud’homale de diverses demandes.

Par jugement contradictoire et de départage du 21 octobre 2011, le conseil de prud’hommes de Créteil a :

— condamné la société Y à payer à Z X les sommes suivantes :

* 911,98 € salaire correspondant à la période de mise à pied, outre 91,19 € pour les congés-payés afférents,

* 1 609,40 € préavis, outre 160,94 € pour les congés-payés afférents,

* 321,88 € indemnité légale de licenciement,

* 3 500 € dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 000 € article 700 du code de procédure civile,

— enjoint également à la société défenderesse de remettre au demandeur un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent jugement,

— rejeté pour le surplus toutes demandes contraires ou plus amples.

Appel de cette décision a été interjeté par la société Y SARL, suivant une déclaration électronique du 15 décembre 2011.

Par des conclusions visées le 16 septembre 2013 puis soutenues oralement lors de l’audience, la société Y SARL demande à la cour de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de dire et juger le licenciement pour faute grave légitime, de dire et juger que le salarié a été rempli de ses droits ; en conséquence, de débouter Z X de toutes ses demandes.

A titre subsidiaire, il est demandé , si la cour décidait de confirmer le jugement entrepris, de réformer partiellement le jugement entrepris et de fixer la moyenne des salaires à la somme de 1 305,19 € brut, de constater que M. X compte moins d’un an d’ancienneté, de débouter le salarié de sa demande formulée au titre de l’indemnité de licenciement, de rapporter les indemnités légales liées à la rupture à la somme de 1 305,19 € à titre de préavis et 130,51 € pour les congés-payés afférents.

En tout état de cause, il est demandé à Z X de rembourser la somme indûment perçue au titre de l’exécution provisoire de droit augmentée des charges sociales, soit 3 956,25 € avec intérêts de droit à compter du 28 décembre 2011, date de réception du paiement, outre l’octroi de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions visées le 16 septembre 2013 puis soutenues oralement lors de l’audience, Z X demande à la cour de le recevoir en son appel incident et, statuant à nouveau, de confirmer le jugement entrepris , sauf à réévaluer l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 10 000 € , outre l’octroi de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement du 2 décembre 2009 fixe, par les motifs qu’elle énonce, les limites de ce litige. S’agissant ici d’une rupture fondée sur une faute grave, il appartient à l’employeur de prouver son existence. Il est reproché à Z X d’avoir, le 14 novembre 2009, emporté cinq pizzas sans respecter la procédure spéciale prévue pour les employés de la pizzeria DOMINO’S dont il fait partie, celle-ci étant gérée par la société Y SARL.

La cour relève, après le premier juge, que les affirmations contenues dans la lettre de licenciement sur la manière dont Z X , assistant-junior au sein de la Pizzeria gérée par la société Y, a fait l’acquisition pour son usage personnel, le 14 novembre 2009, de plusieurs pizzas, ne sont aucunement étayées si ce n’est par des attestations de salariés toujours présents dans l’entreprise. Contrairement à ce qui est avancé par l’employeur, il n’existe pas de règlement intérieur fixant avec précision le processus d’achat et les avantages tarifaires accordés aux salariés de cette pizzeria. La cour constate cependant que contrairement aux dires de l’employeur et aux termes de la lettre de licenciement, Z X est venu personnellement à la pizzeria, le 14 novembre 2009, pour se procurer 5 pizzas, au vu et au su de tout le personnel et des caméras de surveillance dont des images sont versées aux débats. Il est constant que ce même jour ( et non pas le lendemain comme le soutient l’employeur ), Z X a effectué le paiement de 15,98 € avec sa carte bancaire ( voir les justificatifs versés aux débats ), le ticket de caisse portant le code 799 qui, selon la société Y SARL elle-même, serait le code qui correspondrait à un achat à tarif préférentiel consenti à un employé de la pizzeria, le gérant ne contestant pas ces dispositions qui incluraient la gratuité. C’est donc à bon droit que le premier juge, par des motifs que la cour adopte pour le surplus, a décidé que le licenciement ainsi prononcé était illégitime, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur l’indemnisation du licenciement illégitime :

Formant appel incident à ce titre, Z X réclame désormais une somme de 10 000 €.

La cour relève la faible ancienneté du salarié et le fait qu’il a retrouvé un emploi stable (entrée à l’école de police le 13 décembre 2010 ) après une période de chômage indemnisé d’une année. Les circonstances de la rupture ont été brutales et vexatoires, notamment du fait de l’exploitation inappropriée d’une caméra de surveillance par ses images versées aux débats alors que le salarié était dans un espace de travail ouvert au public, sans volonté de dissimulation, en présence de ses collègues et effectuant au grand jour un paiement par carte bancaire des pizzas qu’il avait commandées à titre personnel alors qu’il n’était pas en service. Il y a donc lieu de porter l’indemnisation du licenciement illégitime à la somme de 7 000 € de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L.1235-5 du code du travail.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés-payés afférents :

Z X sollicite la confirmation du jugement entrepris sur ces points.

La société Y SARL soutient subsidiairement que le salaire moyen à retenir est de 1 305,19 € en le calculant sur une moyenne de onze mois.

Il y a lieu de considérer que le premier juge a retenu à bon droit la moyenne des trois derniers mois de salaire et fixé à 1 609,40 € l’indemnité compensatrice de préavis due à Z X, outre la somme de 160,94 € pour les congés-payés afférents.

Sur l’indemnité légale de licenciement :

C’est à juste titre que l’employeur invoque, sur ce point, les dispositions de l’article L.1234-9 du code du travail, applicable au moment de la rupture, en ce qu’il subordonne l’octroi de cette indemnité au constat d’une année d’ancienneté au service ininterrompu de l’entreprise ; ceci n’est pas le cas ici et conduit la cour à réformer le jugement entrepris et à rejeter cette demande.

Sur le rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied :

La mesure conservatoire étant désormais non avenue en l’absence de faute grave, il y a lieu de confirmer la décision déférée sur ce point en ce qu’elle a alloué la somme de 911,98 € à titre de salaire et celle de 91,19 € pour les congés-payés afférents.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts pour licenciement illégitime et la condamnation au titre de l’indemnité légale de licenciement,

Statuant à nouveau sur ces deux points,

Condamne la société Y SARL à payer à Z X la somme de 7 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L.1235-5 du code du travail,

Déboute Z X de sa demande au titre de l’indemnité légale de licenciement,

Ajoutant,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Y SARL à payer à Z X la somme de 800 € à ce titre,

Laisse les dépens de la procédure à la charge de la société Y SARL.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT FF

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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