Cour d'appel de Paris, 25 mars 2014, n° 13/13172

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 25 mars 2014, n° 13/13172
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/13172
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 11 juin 2013, N° 2013026418

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 25 MARS 2014

(n° 205 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/13172

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Juin 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2013026418

APPELANTE

SAS CHRONOPOST

XXX

XXX

Représentée et assistée de Me Mariano DI VETTA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0539

INTIMEE

SNC UNITED PARCEL SERVICE FRANCE (U.P.S.) agissant en la personne de ses représentants légaux

XXX

XXX

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Jérôme PHILIPPE et Me Samuel SAUPHANOR de la SDE FRESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J007

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nicole GIRERD, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Madame Odette-Luce BOUVIER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Nicole GIRERD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

La société Chronopost International a pour activité le transport express de plis et colis à destination nationales, européennes et internationales.

Reprochant à la société UPS (United Parcel Service) d’user de sa position dominante sur le marché du transport international pour pratiquer sur le marché des départements d’Outre-Mer (ci après DOM) des prix abusivement bas et de nature à constituer des faits de concurrence déloyale, elle l’a assignée aux fins d’expertise sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile aux fins de rassembler et conserver les preuves du fait que son concurrent propose ou fait usage de prix anormalement bas à destination de l’Outre-Mer en violation de l’article L 420-5 du code de commerce.

Le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, statuant par ordonnance du 12 juin 2013, a retenu que ce texte vise les consommateurs et ne s’applique pas aux clients industriels, et que s’agissant des prix faits aux consommateurs, ces données sont publiques et ne requièrent pas d’expertise, et a rejeté la demande . Il a encore condamné la société Chronopost à payer à la société UPS 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

La société Chronopost a relevé appel de cette décision.

Par dernières écritures du 7 février 2014, auxquelles il convient de se rapporter, elle poursuit l’infirmation de l’ordonnance et la désignation d’un expert avec mission, essentiellement :

— de se faire communiquer par la société UPS les propositions tarifaires et commerciales adressées du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 aux sociétés LDLC, Luxotica, Neanatura, Donneley et Info Distrib relatives à l’offre de transport de colis à destination des DOM, ainsi que toute la correspondance échangée avec ces dernières dans le cadre de cette offre, la facturation adressée à ces sociétés pour la même période, les factures récapitulatives export adressées à la société UPS par les compagnies Air France, Air Austral et Air Caraïbes concernant les colis pris en charge à destination des DOM par ces compagnies et permettant de déterminer le prix au kilogramme,

— de procéder à l’analyse des pièces et de dire qu’il en résulte que la société UPS a proposé, pratiqué ou facturé à destination des DOM des prix inférieurs au seul coût du transport aérien au profit des sociétés LDLC, Luxotica, Neanatura, Donneley et Info Distrib et en établir un tableau comparatif détaillé.

Elle sollicite également la condamnation de la société UPS à lui verser 15.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Chronopost expose qu’elle a constaté que de nombreux clients de la société UPS bénéficiaient de tarifs inférieurs aux seuls coûts résultant du transport aérien, que l’intimée pratique ainsi une politique de prix anormalement bas et porte atteinte au libre jeu de la concurrence, dans le but d’éliminer ses concurrents et leurs produits. Elle soutient qu’au vu de cette violation des dispositions de l’article L 420-5 du code de commerce et de son droit à réparation des conséquences d’une concurrence déloyale sur le fondement de l’article 1382 du code civil, peu important le fondement juridique qu’elle adoptera in fine, elle dispose d’un motif légitime à voir ordonner une expertise in futurum ; que les faits qu’elle invoque sont suffisamment plausibles et pertinents ; que les pièces qu’elle produit constituent un commencement de preuve des pratiques dénoncées, et que seule la mesure d’instruction imposant à la société UPS de communiquer des pièces internes relatives au marché et clients concernés permettra de confirmer ou d’infirmer les faits dénoncés.

Elle ajoute que la mission qu’elle propose est précise et déterminée et n’a aucun caractère de perquisition civile.

La société UPS, intimée, par dernières écritures du 25 novembre 2013, conclut à voir constater que Chronopost ne justifie pas d’un motif légitime ni de la nécessité de conserver ou d’établir des preuves dont peut dépendre la solution d’un éventuel litige, que les mesures d’instruction ne sont pas légalement admissibles, et en conséquence à la confirmation de l’ordonnance, au débouté de Chronopost et à sa condamnation à lui verser 20 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Elle fait valoir que Chronopost ne justifie pas d’un motif légitime à sa demande d’expertise :

— que, sur le premier fondement invoqué, l’article L 420-5 du code de commerce, ce texte relatif aux pratiques de prix abusivement bas n’est pas applicable en ce qu’il vise le prix de vente aux consommateurs, alors que le litige concerné oppose des sociétés commerciales entre elles, agissant pour les besoins de leurs activités ; que le niveau de prix proposé n’est aucunement prouvé et qu’aucun commencement de preuve d’une volonté d’éviction de la part d’UBS n’est apporté alors que Chronopost est au contraire en situation dominante.

— que, sur le fondement de la concurrence déloyale, la liberté des prix est un principe fondamental sauf faute établie, qu’aucun commencement de preuve du caractère sérieux des allégations n’est apporté,

— que les tarifs faits aux consommateurs sont publiquement accessibles et sont largement supérieurs aux coûts aériens estimés par Chronopost ;

— qu’aucune nécessité de conserver les preuves dont peut dépendre la solution d’un litige n’est établie, qu’en cas d’inapplicabilité de l’article L 420-5 il est impossible d’invoquer la concurrence déloyale sur le fondement de l’article 1382 du code civil pour 'prix anormalement bas’ ;

— que les mesures d’instruction demandées ne sont pas légalement admissibles, que la mission telle que demandée initialement conduirait à donner à l’expert judiciaire un rôle d’enquêteur dans le seul intérêt de Chronopost; que, telle que modifiée devant la cour, la mesure est indéterminée et illégitime de par le caractère général de la mission, équivaut à une mesure de perquisition civile, et tente de faire dire le droit au technicien.

SUR CE LA COUR

Considérant qu’aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;

Que lorsqu’il statue en référé sur le fondement de ce texte, le juge n’est pas soumis aux conditions imposées par l’article 808 du code de procédure civile, qu’il n’a notamment pas à rechercher s’il y a urgence, que l’existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre de la mesure sollicitée, l’application de cet article n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé ;

Que l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu’il existe un procès « en germe » possible, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui ;

Considérant qu’en l’espèce, la société Chronopost reproche à la société UPS, dont l’activité est le transport international, de confier le fret express à destination des DOM aux mêmes compagnies aériennes que celles qu’elle utilise mais à des tarifs inférieurs aux seuls coûts résultant du transport aérien, et ainsi d’user de sa position dominante sur le marché international en pratiquant sur le marché des DOM des prix abusivement bas, et de nature à constituer des faits de concurrence déloyale ;

Qu’elle prétend au bénéfice d’une mesure d’instruction à des fins probatoires en vue d’en utiliser éventuellement les conclusions dans une action dirigée contre la société UPS au constat d’une violation de l’article L 420-5 du code de commerce, ou encore sur le fondement de la concurrence déloyale et de l’article 1382 du code civil ; qu’il lui appartient toutefois, alors au surplus que, dans l’espèce, la mesure sollicitée tend à obtenir l’examen de données commerciales propres à un concurrent, éléments normalement couverts par le secret des affaires, d’établir des faits de nature à rendre crédibles ses allégations, et qui justifient le recours à une mesure d’instruction ;

Considérant sur les dispositions invoquées de l’article L 420-5 du code de commerce aux termes desquelles 'sont prohibées les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production , de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’éliminer d’un marché ou d’empêcher d’accéder à un marché une entreprise ou l’un de ses produits', et à supposer applicable ce texte aux relations commerciales entretenues par la société IPS avec des sociétés commerciales qui utilisent le frêt aérien pour les besoins de leur activité, que la société Chronopost tire argument de diverses pièces versées aux débats ;

Mais considérant que des tableaux chiffrés, qu’aucun élément ne permet d’authentifier, dont l’origine et la date ne ressortent d’aucune indication, ne sauraient produire un effet probant ;

Que quelques courriels échangés entre les représentants de la société UPS et d’une société LDLC, puis de Chronopost et de la société LDLC, ainsi qu’entre employés de Chronopost à usage interne, toutes pièces à caractère non contractuel et fournissant des informations elliptiques et très imprécises, émanant de la partie appelante elle-même pour plusieurs, ainsi que des copies de factures montrant les tarifs pratiqués pour le frêt aérien dans les DOM sont insuffisants à étayer et rendre plausible l’affirmation de Chronopost quant au caractère anormalement bas des tarifs pratiqués par son concurrent ;

Considérant par ailleurs que ces pièces ne mettent en évidence aucun indice de comportements déloyaux de la part d’UPS ;

Qu’il suit de là que la mesure d’instruction sollicitée, qui imposerait de soumettre aux débats des documents non publics relatifs à la politique commerciale d’un concurrent, ne présente pas de légitimité, à défaut d’éléments au dossier susceptibles d’induire un comportement illicite de la part de la société UPS et de justifier de la nécessité de se ménager des preuves ;

Que ne disposant pas d’un motif légitime de voir ordonner une expertise, et sans qu’il y ait lieu d’examiner si les mesures demandées étaient légalement admissibles, la société Chronopost sera déboutée de ses demandes, et la décision de première instance confirmée ;

Considérant que le premier juge a exactement réglé le sort de l’indemnité de procédure en première instance ; qu’à hauteur de cour, il y a lieu d’allouer à la société UPS, contrainte d’exposer de nouveaux frais irrépétibles, une indemnité complémentaire de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

Considérant que partie perdante, la société Chronopost, ne saurait prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et devra supporter la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Chronopost à verser à la société UPS une indemnité complémentaire de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre prétention des parties,

Condamne la société Chronopost aux dépens et autorise la SCP Lissarague Dupuis Boccon-Gibod-Lexavoué Paris-Versailles, avocat en la cause, à les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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