Cour d'appel de Paris, 12 décembre 2014, n° 13/04344

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 12 déc. 2014, n° 13/04344
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/04344
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 7 février 2013, N° 11/12655

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 12 DECEMBRE 2014

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/04344

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 11/12655

APPELANTE

SARL ZAGTOON, immatriculée RCS de Paris n°Xb 521 477 539, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Jacques BITOUN de la SELARL CABINET BITOUN AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0189

Représentée par Me Alain DE LA ROCHERE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1589

INTIMEE

SA EUROPACORP, immatriculée RCS de Paris n°b 384 824 041, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

93413 SAINT-DENIS CEDEX

Représentée par Me Isabelle WEKSTEIN de la SELARL IWan SELARL, avocat au barreau de PARIS, toque : R058

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 Octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre, chargé du rapport

Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller hors classe

Madame Marie-Annick PRIGENT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, président et par Mme Patricia DARDAS, greffier présent lors du prononcé.

La société Zagtoon, filiale de la holding Univergroup, créee en 2010 par M. Y, a pour activité la production de films et de programmes pour la télévision.

La société Europacorp est une société de production et de distribution de films créée en 2000 par MM. P Q et V-W Le Pogam ; elle a produit les trois volets de la série cinématographique 'X’ composée des trois films d’animation 'X et les Minimoys’ sorti en décembre 2006, 'X et la vengeance de Maltazard’ sorti en décembre 2009 et 'X et la Guerre des deux Mondes’ sorti en octobre 2010.

Au premier semestre 2010, ces deux sociétés ont entamé des négociations en vue d’adapter la série cinématographique 'X’ à la télévision.

Le 26 mars 2010, les parties ont signé une lettre d’Accord aux termes de laquelle il était concédé à la société Zagtoon une période d’exclusivité de 12 mois à compter du 2 avril 2010 pour 'rechercher les financements et lancer la production’ de la série, cette dernière s’engageant pendant cette période à rechercher les financements nécessaires, à financer l’écriture de la bible de la série, à finaliser le plan de financement de la série, à lancer la production effective de la série. En cas de finalisation du plan de financement et de mise en production effective de la série, il était entendu que la société Europacorp céderait à la société Zagtoon les droits d’adaptation et d’exploitation audiovisuelle de la série. A défaut, il était convenu que les droits d’adaptation et d’exploitation audiovisuelle de la série 'X’ redeviendraient l’entière propriété de la société Europacorp.

Le 20 septembre 2010 les deux parties ont conclu trois contrats distincts :

— un contrat d’option sur les droits d’adaptation et d’exploitation audiovisuelle de la série 'X’ prévoyant une levée d’option avant le 2 avril 2011. Pendant ce délai, le producteur devait donc rechercher les financements et préparer la mise en production du programme. Il était prévu, qu’ à titre de condition essentielle et déterminante le plan de financement du programme soit finalisé au plus tard à la levée de l’option.

— un contrat de cession des droits d’adaptation et d’exploitation audiovisuelle de la série 'X’ en cas de levée d’option dans le délai,

— un contrat de supervision artistique de la bible et du pilote de la série 'X’ par la société Europacorp TV.

Par une seconde lettre-accord du même jour le 20 septembre 2010 les parties ont précisé que:

— la société Zagtoon s’est engagée à ce que le coût de production d’une saison de la série soit compris entre 6.000.000€ et 7.000.000€,

— elle s’est également engagée à agir en étroite concertation avec la société Europacorp pour toute décision affectant la rentabilité du programme,

— il était convenu que cette concertation devait permettre à cette dernière de vérifier

*l’adéquation des préfinancements obtenus par rapport au budget de production de la série et donc la faisabilité du projet ,

*la conformité de la remontée des recettes des contrats d’exploitation négociés par la société Zagtoon.

Après quatre propositions de plans de financement à propos desquelles la société Europacorp exprimait son insatisfaction ou ses réserves, la société Zagtoon par courrier recommandé du 9 mars 2011 a levé l’option, mais le 15 mars suivant la société Europacorp a considéré cette levée d’option comme de nul effet.

Par courrier du 31 mars 2011 la société Zagtoon a transmis un cinquième plan de financement, qui n’a finalement pas été approuvé par la société Europacorp.

Le 4 avril 2011, la société Zagtoon a procédé au dépôt à la Conservation du Registre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la levée de l’option et du contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle du 20 septembre 2010.

Estimant avoir valablement exercé son option le 9 mars 2011, ou à tout le moins le 4 avril 2011 lors de sa réitération la société Zagtoon a fait assigner la société Europacorp devant le Tribunal de grande instance de Paris qui par jugement du 08 février 2013 a :

— dit que la mauvaise foi de la société Europacorp invoquée par la société Zagtoon n’est pas caractérisée,

— rejeté l’intégralité des demandes de la société Zagtoon,

— dit que la société Europacorp doit recouvrer la pleine et entière disposition de ses droits d’adaptation audiovisuelle de la série cinématographique X composée des trois films X et les Minimoys, X et la Vengeance de Maltazard, X et la Guerre des deux Mondes,

— interdit à la société Zagtoon d’exploiter le matériel et les développements artistiques de ladite série, réalisés dans le cadre des contrats du 20 septembre 2010, sous astreinte de 500€ par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision,

— rejeté le surplus des demandes reconventionnelles,

— condamné la société Zagtoon à payer à la société Europacorp la somme de 6.000€ en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 13 octobre 2014, la société Zagtoon, appelante :

— sollicite l’infirmation du jugement entrepris,

— soutient qu’elle a recherché et trouvé les financements nécessaires à la prise en charge des coûts de production de la série, qu’elle a préparé la mise en production du programme avec succès, financé l’écriture de la bible du programme, payé 70.000€ à P Q et de ce fait procédé de manière régulière à son inscription au RPCA,

— prétend en revanche que la société Europacorp a toujours refusé de participer de bonne foi aux démarches, refusé de communiquer dans les délais la chaîne de droits permettant de finaliser les contrats avec les diffuseurs et financiers,

— estime en conséquence fautif le refus par la société Europacorp d’accepter sa levée d’option,

— sollicite la résiliation des contrats du 20 septembre 2010 aux torts et griefs de la société Europacorp, la condamnation de cette dernière à lui payer les sommes de :

2.873.375€ à titre de dommages et intérêts pour la réparation de son préjudice matériel,

500.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral

30.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ainsi que la publication de la présente décision dans 7 journaux ou revues à son choix et aux frais de la société Europacorp dans la limite de 10.000€ par insertion.

Selon écritures signifiées le 20 octobre 2014 , la société Europacorp, intimée faisant appel incident :

— souhaite la confirmation de la décision querellée sauf en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande reconventionnelle,

— estime que la société Zagtoon n’a pas justifié de la finalisation du plan de financement de la série – condition essentielle et déterminante – avant l’expiration de l’option et donc n’a pu valablement lever l’option avant son expiration,

— considère qu’elle n’a commis aucune faute dans l’exécution de ses obligations contractuelles,

— en conséquence demande le rejet de l’intégralité des prétentions de la société Zagtoon,

— prétend qu’elle doit donc recouvrer la pleine et entière disposition de ses droits d’adaptation audiovisuelle de la série cinématographique X composée des trois films, et qu’il doit être interdit à la société Zagtoon d’exploiter le matériel et les développements artistiques de la série, réalisés dans le cadre des contrats du 20 septembre 2010, sous astreinte de 500€ par infraction constatée,

— réclame l’allocation d’une somme de 6.000€ en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

— reconventionnellement :

demande qu’il soit fait injonction à la société Zagtoon de procéder aux formalités nécessaires à la modification des inscriptions figurant sur les registres du cinéma et de l’Audiovisuel, afin que la société Zagtoon n’apparaisse plus comme titulaire des droits d’adaptation audiovisuelle de la série cinématographique 'X’ sous astreinte de 1.000€ par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt,

sollicite la condamnation de la société Zagtoon à lui payer les sommes de : *1.000.000€ à titre de dommages et intérêts pour la réparation de son préjudice matériel,

*30.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral

*30.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ainsi que la publication de la présente décision dans 7 journaux et/ou revues à son choix et aux frais de la société Zagtoon dans la limite de 15.000€ par insertion, et sous astreinte de 1.000€ par jour de retard, et l’affichage du présent arrêt sur la page d’accueil du site internet de la société Zagtoon dans un encart représentant au moins un quart de la dimension de ladite page d’accueil pendant 3 mois à compter du présent arrêt et sous astreinte de 1.000€ par jour de retard.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de la société Zagtoon :

Pour solliciter l’infirmation du jugement, la société Zagtoon estime, sur le fondement des articles 1147 et 1134 du code civil, qu’elle a pu valablement le 11 mars 2011 lever l’option sur les droits d’adaptation et d’exploitation audiovisuelle de la série 'X’ produite par la société Europacorp au regard des nombreuses diligences effectuées par elle ; elle excipe également du comportement déloyal de la société Europacorp qui n’aurait pas exécuté de bonne foi ses obligations contractuelles et considère que l’échec de l’opération est en réalité dû au refus par la société Europacorp de présenter 'la chaîne des droits d’auteur’ justifiant de la titularité de ses droits et par une volonté de construire un autre partenariat.

La société Europacorp objecte que la société Zagtoon n’a pas pu valablement lever l’option en raison de l’absence de finalisation par elle du plan de financement, à savoir la signature d’accords fermes de la part des partenaires, qui était une condition essentielle et déterminante de leurs accords; elle se prévaut de sa bonne foi.

Sur la levée de l’option :

Aux termes de la lettre du 26 mars 2010 la société Zagtoon s’est engagée pour une période de douze mois à rechercher les financements nécessaires à la mise en production effective de la série, à financer l’écriture de la bible du programme, de sorte qu’à l’issue de cette période la société Zagtoon devait avoir finaliser le plan de financement de la série, lancer la production effective de la série.

La convention d’option signée par les parties le 20 septembre 2010 reprend en son paragraphe 2 cette obligation en ces termes : 'A titre de condition essentielle et déterminante, le plan de financement du programme devra avoir été finalisé au plus tard à la levée de l’option.(…)Il est entendu que le plan de financement sera considéré comme finalisé ,dès lors que le montant cumulé des aides et subventions bénéficiant au producteur dans le cadre du programme et des contrats d’exploitation du programme sera au moins égal au devis prévisionnel de fabrication du programme'.

Par une seconde lettre du 20 septembre 2010, les parties ont encore précisé leur volonté d’agir en étroite concertation pour toute décision affectant la rentabilité du programme (établissement du budget, du plan de financement…) afin de vérifier :

— l’adéquation des préfinancements obtenus par rapport au budget de production de la série et donc la faisabilité du projet,

— la conformité de la remontée des recettes des contrats d’exploitation négociés par la société Zagtoon.

La société Zagtoon va établir quatre plans successifs de financement avant le 9 mars 2011, puis un cinquième plan de financement le 31 mars 2011.

Le premier plan de financement est basé sur une production en grande partie internationale avec un budget prévisionnel de 7.974.146€, la société Zagtoon supportant la charge d’un sous-financement de 326.000€. Le second plan de financement est axé sur une production française , au budget inchangé de 7.974.146€ et fait apparaître un sous-financement plus important à hauteur de 830.000€ supporté par la société Zagtoon.

La société Europacorp fera part de ses réserves tirées d’un risque de sous-financement substantiel et très fort et de l’absence de tout espoir de voir des recettes générées au-delà du préfinancement.

Un troisième plan de financement sera proposé le 21 février 2011 qui prévoyait pour un budget global de 8.084.760€ pour la version normale (l’autre étant la version relief) un financement de 8.080.000€, dont 2.500.000€ de France Télévision, la même somme de la société PGS en contrepartie des droits de distribution dans le monde, à l’exclusion de la première diffusion en France, 1.900.000€ de la société luxembourgeoise Fabrique d’Images contre l’attribution d’une quote part producteur de 18% et 1,04 millions d’aide du Centre National de la Cinématographie(CNC) par la subvention dite COSIP (Compte de Soutien à l’Industrie des Programmes Audiovisuels).

Mais par courrier du 1er mars 2011, la société Europacorp fera part de ses observations sur l’absence de viabilité du plan tirée du fait que le principe de la subvention accordée par le CNC-COSIP n’est pas acquis, non plus que le mandat de distribution proposé par PSG ou la proposition de la société Fabrique d’Images faite sous réserve de deux conditions d’agrément; cette dernière proposition contient en outre une cession des droits de reproduction sur tous supports alors que les droits vidéos et merchandising sont réservés à Europacorp.

Le 7 mars 2011, un quatrième plan de financement sera élaboré par la société Zagtoon, reprenant celui transmis en février mais en communiquant deux nouveaux documents , une offre rectifiée de la PGS Entertainment et une offre rectifiée de la société La Fabrique d’Images.

Après que la société Zagtoon a levé l’option par courrier recommandé du 9 mars 2011, la société Europacorp a répondu le 15 mars suivant qu’elle pourrait lever l’option sous réserve de la production des documents suivants :

— une offre ferme, rectifiée, complète et mise à jour de France Télévision, notamment sur sa participation additionnelle à hauteur de 100.000€ pour l’exploitation des droits de diffusion de la série par câble et satellite de France et sur le montant du devis prévisionnel, qui était de 9.184.349,79€ dans son offre du 6 octobre 2010,

— un document de Cofiloisirs attestant de leur accord sur le montant de 1.040.000€ correspondant au montant du COSIP estimé par la société Zagtoon et sur le montant de 2.500.000€ correspondant au minimum garantie proposé par la société PGS, Sarl au capital de 2.500€,

— deux documents écrits de PGS Entertainment et de la société La Fabrique d’Images confirmant leurs offres.

Elle ajoutait que le devis aurait du être plafonné à la somme 8.000.000€ et considérait l’option comme de nul effet.

Le 31 mars 2011 un cinquième plan de financement était transmis à la société Europacorp avec un budget prévisionnel de 7.999.760€ pour un financement de 8.000.000€, contenant pour la première fois un projet de contrat daté du 18 mars 2011 avec France Télévision Distribution à hauteur de 100.000€ pour l’exploitation des droits de diffusion de la série par câble et satellite, un mail du 31 mars 2011 de la société Cofiloisirs se disant favorable à l’étude du crédit de production de la série X dès confirmation par Europacorp de la levée de l’option, une lettre de PGS Entertainment datée du 31 mars 2011 et de la société La Fabrique d’Images confirmant que les documents transmis constituaient bien leur offre exhaustive. La société Zagtoon expliquait alors qu’il n’était pas possible d’obtenir de nouvelles offres de France Télévision au vu du bref délai.

Mais le 1er avril 2011 la société Europacorp faisait connaître son refus de levée d’option.

Il convient donc de procéder à l’ examen de chacun des postes de financement du dernier plan pour déterminer si la société Zagtoon, sur laquelle pèse la charge de la preuve de la mauvaise foi imputée à son adversaire, avait satisfait à ses obligations telles que rappelées ci-dessus au moment de la levée de l’option reportée au 31 mars 2011compte tenu de l’accord donné par la société Europacorp.

Dans sa lettre d’engagement du 6 octobre 2010, le groupe France Télévisions s’est engagée à acquérir certains droits de diffusion exclusifs de la série X moyennant la somme globale de 2.500.000€ hors taxes (ainsi qu’il ressort des lettres du 6 octobre 2010 et du projet de contrat du 16 mars 2011) se décomposant en :

— une somme de 2.240.000€ représentent 24,39% du plan de financement prévisionnel au titre de la diffusion hertzienne terrestre sur les antennes de France 3, la Web et Catch Up TV , augmentés d’un forfait non révisable de 160.000€

— une avance de 100.000€ en contrepartie des droits câble et satellite dont la commercialisation est confiée à FTD.

Mais ce n’est que le 31 mars 2011que la société Zagtoon a communiqué pour la premiére fois un projet de contrat précis relatif à la participation additionnelle de France Télévision Distribution à hauteur de la somme de 100.000€ au titre de l’exploitation des droits de diffusion de la série par câble et satellite pour une durée de 7 années, et ce, en contradiction avec l’offre de PSG Entertainement, qui prétendait obtenir l’intégralité de la distribution dans le monde entier à l’exclusion de la première diffusion en France.

Par ailleurs dans sa lettre du 31 mars 2011, la société Zagtoon dit avoir modifié le plan de financement pour obtenir un devis plafonné à 8.000.000€ mais n’avoir pu obtenir la réponse de France Télévision et a proposé l’ alternative suivante :

— soit leur apport financier reste le même mais l’étendue de leurs droits est modifiée,

— soit leur proposition financière est diminuée proportionnellement à la réduction effectuée sur le montant du devis, la société Zagtoon se déclarant prête les cas échéant à mettre en participation son salaire de producteur ainsi qu’une partie de ses frais généraux à hauteur d’un montant cumulé de 360.000€, avec la volonté de couvrir ce financement au plus vite en effectuant des demandes de subventions.

Il est ainsi démontré que l’offre de France Télévision n’était pas aboutie et qu’elle l’était d’autant moins qu’elle était devenue caduque 6 mois après , ainsi qu’il ressort des mail et lettre des 28 avril et 31 août 2011 émanant de France Télévision (pièces 19-A et 19-B de l’intimée), de sorte qu’il fallait repartir 'dans un process de validation et d’engagement de FTV complet sur ce projet de série’ ainsi que l’écrivait cette dernière dans un mail du 15 avril 2011.

Pour l’aide du CNC-COSIP, il convient d’observer à titre liminaire que son montant est passé de 1.850.000€ à 1.040.000€ au 3e plan de financement, suite aux observations de l’intimée, soit une différence de 810.000€ qui n’a pas reçu d’explication. Par ailleurs, il n’est pas contestable que la société Zagtoon était éligible au régime sélectif ainsi qu’elle l’indiquait elle-même le 3 février 2011, ce mécanisme organisant l’examen des projets pour avis préalable par une commission professionnelle qui se réunit chaque mois pour rendre un avis. Or la société Zagtoom ne conteste pas qu’elle n’a pas déposé un dossier pour obtenir les fonds annoncés dans le plan de financement. Le seul mail produit date du 31 mars 2011 et émane de l’organisme Cofilloisirs qui ne précise nullement la garantie du montant de l’aide qui serait accordée et fait seulement mention de’ce qu’elle est favorable à l’étude du crédit', ce qui ne constitue en rien un engagement ferme, contrairement aux assertions de l’appelante. Enfin la société Zagtoon n’est pas fondée à se prévaloir du fait qu’elle a pu bénéficier d’un compte de soutien automatique le 21 octobre 2011 soit très postérieurement à la levée de l’offre, de sorte que les développements de M. H expert mandaté par la société Zagtoon sont à cet égard inopérants, puisqu’il convient de se placer au moment de la levée de l’offre.

Après avoir présenté une offre de la société PGS Entertainment (dite par abréviation PGS) (Sarl au capital de 7.500€ créée en 2008) de 2.000.000€ dans le premier plan de financement du 27 janvier 2011, la société Zagtoon l’a retirée dans le deuxième plan du 2 février, en précisant que cette offre n’était pas escomptable (pièces 7-F et 31 de l’appelante) et préférer une offre plus sérieuse. Mais le 21 février elle l’a réintroduite dans le 3e plan pour un montant plus important de 2.500.000€ sans donner d’explications et surtout en produisant une lettre de son gérant rédigée en langue anglaise – alors que son gérant est français et qu’elle est destinée à des français – contenant la mention 'subjetc to our board approval and non binding at this stage’ traduite par 'offre soumise à l’approbation du conseil et non engageante à ce stade’ alors qu’une société à responsabilité limitée n’a pas de 'conseil'. De surcroît, cette offre contredisait les droits vidéos et merchandising appartenant à la société Europacorp et ceux du Groupe France Télévisions. A ce moment-là, la société Europacorp était donc fondée à refuser cette offre non ferme et non conforme. Le 7 mars 2011 une nouvelle lettre de cette société PGS était communiquée contenant une offre ferme mais il apparaîtra le 31 mars 2011, date à laquelle le détail de l’offre de France Télévisions sera communiquée à la société Europacorp que les offres de ces deux sociétés étaient incompatibles, ainsi qu’il a déjà été précisé plus haut.

Si comme l’affirme M. H expert mandaté dans son rapport la société PGS était un excellent partenaire, il appartenait à l’appelante de donner à l’intimée tous éléments lui permettant d’apprécier le sérieux de cette offre, avant la levée de l’option. De même si comme le soutient aujourd’hui la société Zagtoon ces offres étaient conciliables, il lui incombait de les consigner par écrit avant la levée de l’option ; il était indispensable qu’apparaisse clairement le fait que la société PSG ne pouvait disposer des droits télévisuels en France sur la série pendant 7 ans.

Par ailleurs la Cour ne peut retenir les attestations nouvelles en cause d’appel versées par la société Zagtoon de professionnels de l’industrie de la production audiovisuelle et cinématographique, dès lors qu’elles sont contraires à la loi du contrat signé en connaissance de cause par des parties expérimentées. Ainsi Mme I ne peut s’étonner que les démarches de recherche de financement aient été menées par la seule société Zagtoon, s’agissant d’un contrat de cession et non d’un contrat de coproduction (articles 1.2 du contrat d’option et 4.1 du contrat de cession des droits d’adaptation) .M D et Mme I relatent que la pratique courante dans ce domaine est de s’engager par mail ou un deal mémo ce qui conduit les producteurs à entrer en production sans avoir signé les contrats en bonne et due forme, ce qui est contraire aux conventions au cas d’espèce. En outre ,la société Europacorp n’a pas exigé la signature de contrats mais d’engagements fermes, peu important la forme qu’ils revêtaient. L’attestation de M. Z en procès actuellement avec la société Europacorp est sujette à caution de même que celle de M. D dont la société a géré la conclusion du contrat initial entre les deux sociétés. Enfin l’attestation de Mme T-U selon laquelle le refus de la société Europacorp de signer l’accord est du à l’arrivée du nouveau directeur général M. B (en remplacement de M. E )qui a remis en question les nombreux projets de son prédécesseur n 'est pas corroboré par la chronologie des faits puisque M .B arrivé en juillet 2010 a poursuivi pendant trois mois les échanges entre les deux sociétés et que ceux-ci ne se sont altérés qu’en mars 2011.

L’ensemble des éléments précités apportent la preuve d’un manque de rigueur de la société Zagtoon au regard de ses obligations contractuelles sur la faisabilité du projet ; la circonstance d’avoir présenté cinq plans de financement successifs, suite aux observations de la société Europacorp, tend à démontrer de plus fort que les objections de cette dernière étaient pertinentes. Il s’ensuit que le refus par la société Europacorp d’accepter la levée de l’option n’était pas fautif, dans la mesure où le plan de financement n’était pas entièrement finalisé au 31 mars 2010 au sens du contrat, qui l’avait érigé en condition essentielle et déterminante.

Sur l’obligation de bonne foi :

La société Zagtoon estime que la société Europacorp a violé son obligation d’exécuter la convention de bonne foi en application de l’article 1134 du Code civil. Elle soutient qu’elle a réclamé en vain à sa cocontractante de novembre 2010 à mars 2011 la chaîne des droits d’auteur (page 10 de ses conclusions), qui lui était indispensable pour obtenir des engagements fermes de la part des partenaires pressentis et qui est un préalable à la conclusion de tout contrat définitif d’exploitation. Elle invoque également l’existence d’un litige judiciaire entre la société Europacorp et les auteurs initiaux des trois volets d’X, raison pour laquelle cette dernière aurait refusé de lever l’option.

Le contrat d’option signé par les parties fait mention de ce que 'Europacorp détient les droits portant sur la série cinématographique X’ ainsi que les’droits dits dérivés’ de la Série cinématographique en ce compris les droits de spin-off télévisuels'.

Les pièces 27 à 34 de l’intimée constituées par une série de contrats d’auteur scenariste, de contrats d’auteur réalisateur, de contrats d’auteur entre, d’une part, la société Europacorp et d’autre part, Celine et Patrice C, L M, N O, J Z, R S pour les 3 volumes de la trilogie X et les Minimoys établissent que les droits d’adaptation télévisuelle de l’oeuvre 'X’ dans une série ont été cédés à la société Europacorp, de sorte qu’aucun doute ne peut subsister sur la validité de la chaîne des droits.

Le litige judiciaire engagé par quatre auteurs de l’oeuvre ayant abouti à l’ordonnance du 3 avril 2012 est bien postérieur au 9 mars 2011 et ne porte que sur les droits de merchandising du film, de sorte qu’il ne pouvait avoir aucune incidence sur la levée d’option en cause dans le présent litige. Il en est de même de l’assignation de MM. Z, S, A, O à l’encontre de la société Europacorp, M. et Mme C, M. F et M. P Q dès lors qu’elle n’a été délivrée qu’au 27 juin 2013.

Par ailleurs et surtout il ne ressort d’aucune des pièces de la société Zagtoon qu’elle ait réclamé cette chaîne des droits avant le 1er avril 2011 donc après sa levée d’option ; de même la société France Télévision n’a souhaité la remise de la chaîne des droits que le 15 avril 2011, de sorte que l’argument selon lequel le défaut de la remise de la chaîne des droits était un obstacle à la levée de l’option est dénué de sérieux.

Il s’ensuit que la mauvaise foi imputée par la société Zagtoon à la société Europacorp n’est pas démontrée. La décision des premiers juges sera confirmée et aucune des demandes indemnitaires ou de publication de l’appelante ne sauraient être accueillies.

Sur la demande reconventionnelle de la société Europacorp :

Compte tenu de la solution donnée ci-dessus celle-ci doit recouvrer la pleine et entière disposition de ses droits d’adaptation audiovisuelle de la série cinématographique X composée des trois films 'X et les Minimoys', 'X et le vengeance de Maltazard’ et 'X et la Guerre des Deux mondes’ dans les termes fixés au dispositif du présent arrêt.

La société Europacorp réclame une somme de 30.000€ pour la réparation de son préjudice moral en soutenant que le comportement de la société Zagtoon vise à la décribiliser à l’égard de ses partenaires sur le projet mais aussi dans le milieu professionnel de la production audiovisuelle.

Mais la pièce produite au soutien de cette demande date du 13 avril 2011. Par ailleurs la société Europacorp a fait valoir dans la presse son droit de réponse de sorte qu’elle ne démontre pas le préjudice allégué. Ce chef de demande ne saurait prospérer.

Elle souhaite également une somme de 1.000.000€de dommages et intérêts pour la réparation de son préjudice matériel tiré du déficit de financement de la série en raison du comportement de la société Zagtoon.

Mais il convient de relever que la société Europacorp ne justifie nullement du refus des chaînes hertziennes historiques d’investir dans ce projet de série d’animation ; en outre elle a déjà conclu un accord avec le groupe Lagardère en vue d’exploiter la franchise X et les Minimoys sous format animation à la télévision (pièce 50 de la société Zagtoon).

La société Zagtoon a d’ores et déjà dépensé les sommes de 150.000 € et 70.000€ en coûts de production qui sont définitivement perdus pour elle. L’aléa de la vie des affaires doit s’appliquer aux deux parties, de sorte que ce chef de demande ne saurait être accueilli.

La société Europacorp ne justifie pas de raison particulière pour que soit ordonnée la publication du présent arrêt ou l’affichage de la présente décision sur la page d’accueil du site internet de la société Zagtoon, ce chef de demande ne saurait donc prospérer.

L’équité commande d’allouer à la société Europacorp une indemnité supplémentaire de 10.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement,

Confirme le jugement du 8 février 2013 en toutes ses dispositions,

Y Ajoutant,

Donne injonction à la société Zagtoon de procéder aux formalités nécessaires à la modification des inscriptions figurant sur les registres du cinéma et de l’audiovisuel afin qu’elle n’apparaisse plus comme titulaire des droits d’adaptation audiovisuelle de la série cinématographique 'X’ sous astreinte de 100€ par jour de retard commençant à courir dans les deux mois de la signification du présent arrêt

Condamne la société Zagtoon à verser à la société Europacorp une indemnité de 10.000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Zagtoon aux dépens d’appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, 12 décembre 2014, n° 13/04344