Cour d'appel de Paris, 16 janvier 2014, n° 12/03451

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 16 janv. 2014, n° 12/03451
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/03451
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Créteil, 8 janvier 2012, N° 10/04224

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 10AVRIL 2014

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/03451

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 janvier 2012 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL – 3e Chambre civile – RG n° 10/04224

APPELANTE

SARL RUNGIS VOYAGES

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège XXX

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque: L0044

Représentée par Me Pierre SAINT MARC GIRARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque: D941

INTIMES

Madame G B épouse Y

XXX – 77930 CELY-EN-BIERE

Monsieur C X

XXX

Représentés par Me Jean-Loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106

Représentés par Me Lucile DELACOMPTÉE, collaboratrice de Me C NOEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1535

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 janvier 2014, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport et Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère

Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Madame Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

En juin 2009, la société Rungis voyages a fait une réservation au nom de M. X et Mme B épouse Y (Mme Y) pour un séjour de leurs deux familles à l’Ile Maurice à la période de la Toussaint, pour un montant total de 36 971 euros.

M. X, Mme Y et leurs familles n’ont pas pu partir à la période envisagée. L’agence a alors fait une nouvelle réservation pour la période des vacances de A et a souscrit une assurance annulation, ce qu’elle n’avait pas fait la première fois. Par courrier électronique du 26 octobre 2009, M. X a indiqué que le budget proposé était au delà de leurs possibilités et qu’ils repoussaient ce séjour à l’année suivante.

Le 11 janvier 2010, M. X et Mme Y ont chacun versé, la somme de 23.070, 50 euros, soit un total de 46 141 euros. Ils ont par la suite demandé à la société Rungis voyages le remboursement de cette somme, puis faute d’obtenir satisfaction, ils l’ont fait assigner en paiement devant le Tribunal de grande instance de Créteil.

Par jugement du 9 janvier 2012, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Créteil a :

— condamné la société Rungis voyages à verser à Monsieur X et Madame G B épouse Y la somme à chacune de 23 070,50 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 février 2010 ;

— débouté Monsieur X et Madame G B épouse Y du surplus de leurs demandes ;

— débouté la société Rungis voyages de ses demandes ;

— dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Vu l’appel interjeté par la société Rungis voyages le 23 février 2012 contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 17 juillet 2012 par la société Rungis voyages, par lesquelles il est demandé à la cour de :

— dire l’appel interjeté par la Société Rungis voyages recevable et bien fondé ;

— réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

— condamner solidairement Monsieur C X et Madame G B, épouse Y, à restituer à la société Rungis voyages la somme de 46 141 euros qui leur a été payée par celle-ci en raison de l’exécution provisoire ordonnée par le Tribunal ;

— condamner solidairement Monsieur C X et Madame G B, épouse Y à payer à la société Rungis voyages la somme de 15 170 euros au titre du solde dû sur la facture n°76470 outre les intérêts sur cette somme à compter du 9 janvier 2012, date du jugement dont appel ;

Subsidiairement, si la Cour de céans devait estimer que Monsieur X et Madame Y n’ont donné leur accord que pour le premier voyage dont le coût était de 36 971 euros :

— condamner solidairement Monsieur C X et Madame G B, épouse Y, à verser à la société Rungis voyages la somme de 36 971 euros ;

— ordonner la capitalisation des intérêts par année entière ;

— débouter Monsieur C X et Madame G B, épouse Y, de leur appel incident et plus généralement de toutes leurs demandes dirigées contre la société Rungis voyages ;

— condamner solidairement Monsieur C X et Madame G B, épouse Y, à verser à la société Rungis voyages la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société Rungis voyages soutient que contrairement à ce qu’a retenu le jugement, il existait bien un contrat entre elle-même et M. X et Mme Y portant sur l’organisation d’un voyage à l’Ile Maurice, d’abord du 25 octobre au 4 novembre 2009, puis du 26 décembre 2009 au 5 janvier 2010. Elle fait valoir qu’il était possible, à l’époque des faits, de conclure un contrat par voie électronique.

Elle oppose que les affirmations des intimées selon lesquelles elle n’aurait eu de cesse de tenter de récupérer par tous les moyens les frais exposés pour la réservation du premier séjour à la Toussaint et qu’elle se serait fait remettre le règlement de 46 141 euros de manière dolosive, sont mensongères et non établies. À cet égard, elle précise que ce n’est qu’à titre de précaution qu’elle a souscrit un contrat d’assurance annulation pour le second voyage, parce qu’elle savait que ce dernier ne pourrait pas faire l’objet d’un nouveau report.

L’appelante soutient enfin que Monsieur X et Madame Y n’ont aucun droit à indemnisation dans la mesure où ils n’établissent pas l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre cette faute et le dommage.

Vu les dernières conclusions signifiées le 5 juin 2012 par Mme B épouse Y et M. X, par lesquelles il est demandé à la cour de :

— confirmer partiellement le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Créteil en date du 9 janvier 2012, en ce qu’il a jugé que le contrat de voyage litigieux ne s’était pas formé et a condamné en conséquence la société Rungis voyages à payer à Monsieur X et Madame Y la somme à chacun de 23 070, 50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2010 ;

— confirmer partiellement lejugement en ce qu’il a débouté la société Rungis voyages de ses demandes reconventionnelles ;

— infirmer partiellement le jugement sur les autres demandes formulées par Monsieur X et Madame Y ;

Y ajoutant :

— condamner la société Rungis voyages à payer la somme de 4 000 euros à Madame Y et la somme de 4 000 euros à Monsieur X, à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

— condamner la société Rungis voyages à payer la somme de 3 500 euros à Madame Y et la somme de 3 500 euros à Monsieur X, au titre de l’article 700 CPC.

M. X et Mme Y soutiennent qu’il n’y a jamais eu de contrat écrit entre les parties.

Ils ajoutent que la société Rungis voyages ne saurait revendiquer l’existence d’un contrat conclu sous la forme électronique alors que la signature d’un tel contrat sous cette forme n’était pas encore autorisée par la loi à l’époque des faits. En toutes hypothèses, ils soutiennent que les conditions posées par les articles 1369-1 à 1369-11 du code civil concernant la conclusion du contrat par voie électronique ne sont pas remplies en l’espèce.

Les intimés font état de graves négligences qui auraient été commises par l’agence de voyage dans le traitement de leur dossier. À cet égard, ils affirment que la société Rungis voyages aurait manqué à son devoir de conseil et d’information et qu’elle aurait réservé les deux séjours sans leur accord.

Ils exposent que les règlements du 11 janvier 2010 ont été obtenus par la société Rungis voyages de façon dolosive en leur laissant croire que cette somme leur serait immédiatement remboursée par l’assurance annulation. Ils font remarquer que ces règlements sont intervenus alors que les dates du voyage étaient passées et qu’ils n’y avaient pas participé. Ils ajoutent qu’ils n’ont envoyé de lettre d’annulation que pour répondre à la demande de la société Rungis voyages afin qu’elle fasse jouer l’assurance.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée, ainsi qu’aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La société Rungis voyages n’a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents résultant d’une exacte analyse des éléments du dossier et d’une juste application des règles de droit applicables à l’espèce.

Sur l’existence d’un contrat

En application de l’article R211-8 du code du tourisme, dans sa version antérieure au décret n° 2009-1650 du 23 décembre 2009, le contrat conclu entre le vendeur d’une prestation de voyage et l’acheteur doit être écrit, établi en double exemplaire dont l’un est remis à l’acheteur, et signé par les deux parties. Il doit comporter un certain nombre de clauses précisées par cette disposition.

Or la société Rungis voyages ne produit aucun contrat écrit ni pour le voyage prévu au mois d’octobre, ni pour celui prévu au mois de décembre.

Elle ne saurait se prévaloir à ce sujet des modifications de ce texte apportées par le décret précité pris en application de la loi n°2009-888 du 22 juillet 2009, et dont il résulte désormais la possibilité de conclure ce type de contrat par internet, puisque ce décret précise à son article 20 que les dispositions de l’article 1er, dont font partie celles relatives à cette possibilité, ne sont applicables qu’à compter du 1er janvier 2010, soit après les faits concernés par le présent litige. Elle ne peut non plus invoquer les dispositions des articles 1341, 1347 et 1369 du code civil dont le caractère général commande qu’elles soient écartées pour faire place aux dispositions spéciales du code du tourisme. Il en est de même des dispositions de la directive 2000/31/CE du Parlement européen du 8 juin 2000 relative au commerce électronique et de l’ordonnance n° 2005/674 du 15 juin 2005, relatives à l’accomplissement de certaines formalités contractuelles par voie électronique. En tout état de cause, et quand bien même ces textes trouveraient-ils à s’appliquer, la société Rungis voyages ne démontre nullement qu’un contrat aurait été conclu par internet dès lors qu’elle ne rapporte pas la preuve qu’elle a adressé une offre de réservation dont les destinataires auraient pu vérifier le détail de leurs commandes, ni une quelconque information précontractuelle, ainsi que l’exige l’article R. 211-6 du code du Tourisme.

Par ailleurs, les divers messages et comportements invoqués par l’appelante pour justifier de l’existence d’un contrat entre elle et les intimés sont inopérants à cette démonstration dès lors que le prétendu contrat n’a pas été conclu dans les formes exigées par l’article R211-8 du code du tourisme. En outre, le fait que la société Rungis voyages ait entretenu préalablement des relations d’affaires avec la société Délifruits au sein de laquelle M. X et Mme Y sont associés, ni les paiements qu’ils ont effectués dans les conditions qui seront détaillées ci-dessous et alors qu’ils n’avaient bénéficié d’aucune prestation de voyage, ne démontrent qu’un contrat aurait existé entre les parties.

Sur le dol commis par la société Rungis voyages

Le récapitulatif du séjour durant la période du 26 octobre au 4 novembre 2009, réservé par la société Rungis voyages auprès de la société Nosylis pour les familles de M. X et de Mme Y comporte la mention « aucune assurance annulation souscrite ». Il résulte par ailleurs du courrier électronique adressé le 21 décembre 2009 par l’employée de la société Rungis voyages qu’à la suite de l’annulation du 1er voyage, l’agence a payé le total du séjour et que bien que n’ayant aucun accord de M. X et que le tarif soit différent, celle-ci a néanmoins reporté le voyage au mois de décembre et fait une réservation à ce sujet. Ce message précise « J’ai du comme même confirmer car une annulation et un dossier assurances n’aurais pas étais possible. Sauf que M. X quand il a reçu le mail avec le montant, il m’a dit que ce n’était pas possible. Donc j’ai vue avec notre voyagiste et un autre report n’est pas possible l’hotel n’accepte pas. Donc à ce jour vous nous devez la somme du premier dossier et pour le 2e dossier il faut faire un dossier annulation avec l’assurance et pour cela je vous demande de bien vouloir me donner une excuse professionnel ou personnel pour le remboursement. J’ai eu plusieurs interlocuteurs sur ce dossier et entre le choix de l’annulation et de report sans avoir de date dans le temps impliqué. J’ai eu guère le choix (…) » (sic).

Il se déduit de ces termes, d’une part, qu’aucune assurance annulation n’avait été souscrite pour le premier séjour, d’autre part, que la réservation du second voyage pour la période des vacances de A a été faite avant que le tarif ne soit adressé à M. X et que lorsqu’il en a connu le montant, celui-ci a exprimé un désaccord qui s’est révélé sans effet, puisque le séjour était déjà réservé, et enfin, que ce report n’avait d’autre objectif que de permettre une annulation qui serait alors couverte par l’assurance. Or, il ressort du courrier électronique adressé le 11 mars 2010 par la société Mondial Assistance international à la société Rungis voyages que celle-ci a refusé de prendre en charge le remboursement du voyage car les motifs d’annulation n’entraient pas dans les conditions de prise en charge.

Dans ce contexte et au regard de l’ensemble des pièces produites, en se faisant verser par M. X et Mme Y chacun une somme de 23 070,50 euros au prétexte que cette somme leur serait remboursée par une assurance, alors qu’elle ne pouvait ignorer d’une part, que ce paiement ne lui était pas dû, d’autre part, que les conditions de prise en charge par l’assurance n’étaient, à tout le moins, pas réunies, la société Rungis voyages a commis une faute à leur endroit, quand bien même celle-ci ne répondrait pas à la qualification du dol, et leur doit réparation du préjudice résultant pour eux du versement de ces sommes sans en avoir eu aucune contrepartie.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a condamné la société Rungis voyages à payer à M. X et Mme Y chacun la somme de 23 070,50 euros.

Sur les dommages-intérêts pour résistance abusive demandés par M. X et Mme Y

La société Rungis voyages ne pouvait ignorer qu’elle n’avait pas respecté ses obligations dans la réservation des séjours en cause, ni dans la solution de report qu’elle avait échafaudée pour pallier l’absence de prise d’assurance. Dans ces conditions, sa résistance à rembourser à ses clients les sommes qu’elle s’était fait remettre par eux de façon indue constitue une faute de résistance abusive accentuée par l’appel interjeté contre un jugement pourtant clairement motivé. Le jugement doit être réformé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts de M. X et Mme Y à ce titre et le préjudice subi de ce fait par eux sera chiffré, compte tenu des éléments figurant au dossier, à la somme de 1 500 euros chacun.

Sur les frais irrépétibles

Il est justifié au regard de l’ensemble de ce qui précède de ne pas laisser à la charge de M. X et Mme Y les frais non compris dans les dépens qu’ils ont été contraints d’exposer pour faire valoir leurs droits. En conséquence, la société Rungis voyages doit être condamnée à leur verser à chacun la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement attaqué sauf en ce qu’il a débouté M. X et Mme Y du surplus de leurs demandes ;

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la société Rungis voyages à verser à M. X et Mme Y chacun la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

CONDAMNE la société Rungis voyages à verser à M. X et Mme Y chacun la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute demande autre, plus ample ou contraire des parties ;

CONDAMNE la société Rungis voyages aux dépens d’appel qui seront recouvrés dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile ;

Le Greffier La Présidente

E.DAMAREY C.PERRIN

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