Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 30 janvier 2015, n° 10/19659

  • Brevetabilité de l'invention ou validité du brevet·
  • Divulgation par le déposant ou son ayant cause·
  • Référence à une procédure judiciaire étrangère·
  • Application de la loi dans le temps·
  • Méthode de traitement thérapeutique·
  • Seconde application thérapeutique·
  • Référence à la procédure oeb·
  • Domaine technique différent·
  • État de la technique·
  • Droit communautaire

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le brevet européen opposé a pour objet de protéger une substance (le finastéride) connue pour son utilisation dans le traitement d’une maladie (l’alopécie androgène) en préconisant une posologie particulière. La revendication 1 est rédigée selon la "forme suisse". Une telle revendication portant sur l’utilisation d’une substance ou composition pour la fabrication d’un médicament pour une application thérapeutique spécifique, nouvelle et inventive n’est pas une méthode de traitement qui serait exclue du domaine de la brevetabilité conformément à l’article 52 (4) CBE 1973 devenu l’article 53 (c) CBE 2000. La nouveauté des revendications de type suisse découle de la nouveauté de la nouvelle application thérapeutique. Il ressort de la décision Kos de la Grande chambre de recours de l’OEB que les revendications thérapeutiques de posologie ne sont pas exclues de la brevetabilité au titre de l’article 54 (5) CBE 2000. Cette décision ne s’impose toutefois pas à la présente juridiction dès lors que cet article, applicable depuis la date d’entrée en vigueur de la CBE 2000, ne s’applique pas au brevet en cause. Si la brevetabilité d’une revendication de seconde indication thérapeutique reposant uniquement sur une caractéristique de posologie peut être admise même pour un brevet soumis à la CBE 1973 interprétée sous l’éclairage de la modification ultérieure de la convention et de la jurisprudence de l’OEB en résultant, celle-ci doit répondre à l’exigence de l’existence d’un enseignement technique différent, et pour ce faire doit tenir compte également des caractéristiques relatives au dosage. En l’espèce, le brevet est annulé pour défaut de nouveauté. Il n’indique pas que les doses retenues permettraient d’obtenir un résultat différent de celui obtenu par des doses différentes préconisées par un brevet antérieur du déposant. Il n’est pas démontré que le dosage revendiqué ait une influence sur l’efficacité ou la performance du traitement, ni qu’il conduit à de possibles effets secondaires différents.

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Commentaire1

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 2, 30 janv. 2015, n° 10/19659
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 10/19659
Importance : Inédit
Publication : Propriétés intellectuelles, 56, juillet 2015, p. 324-326, note de Jean-Christophe Galloux ; PIBD 2015, 1025, IIIB-265
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 27 septembre 2010, N° 07/16296
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 28 septembre 2010, 2007/16296
  • Cour de cassation, 6 décembre 2017, A/2015/19725
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EP0724444
Titre du brevet : Traitement de l'alopecie androgène par des inhibiteurs de la 5-Alpha reductase
Classification internationale des brevets : A61K ; A61P ; A61Q ; C07J
Brevets cités autres que les brevets mis en cause : EP0155096 ; EP0285382
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
Référence INPI : B20150004
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Grosses délivrées COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 30 JANVIER 2015

(n°10, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/19659

Décision déférée à la Cour : jugement du 28 septembre 2010 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3ème chambre 1ère section – RG n°07/16296

APPELANTE

Société MERCK SHARP & DOHME CORP, anciennement dénommée MERCK & CO. INC., société de droit américain, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 4]

ETATS-UNIS D’AMERIQUE

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque K 0065

Assistée de Me Laëtitia BENARD plaidant pour le Cabinet ALLEN & OVERY LLP, avocat au barreau de PARIS, toque J 022

INTIMEES

Société ACTAVIS GROUP EHF, société de droit islandais, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

Reykjkyavikurvegi 76-78

ISLANDE

Société ALFRED E. TIEFENBACHER GMBH, société de droit allemand, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [Adresse 5]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

ALLEMAGNE

Représentées par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque K 111

Assistées de Me Yves BIZOLLON plaidant pour l’AARPI BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS, toque R 255

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 4 décembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente

Mme Sylvie NEROT, Conseillère

Mme Véronique RENARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Vu le jugement contradictoire du 28 septembre 2010 rendu par le tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre 1ère section),

Vu l’appel interjeté le 7 octobre 2010 par la société Merck Sharp & Dohme Corp,

Vu les dernières conclusions de la société Merck Sharp & Dohme Corp, appelante en date du 30 octobre 2014,

Vu les dernières conclusions de la société Actavis Group ehf, société de droit islandais et de la société Alfred E. Tiefenbacher Gmbh, société de droit allemand, intimées et incidemment appelantes, en date du 8 octobre 2014,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 13 novembre 2014,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

La société Merck Sharp And Dohme Corp est propriétaire du brevet européen EP n°0 724 444 désignant la France et ayant pour titre 'Traitement de l’alopécie androgène par des inhibiteurs de la 5-alpha-réductase'.

Ce brevet a été déposé le 11 octobre 1994, sous priorité de deux demandes de brevet américains des 15 octobre 1993 et 17 mars 1994, et mention de sa délivrance a été publiée au bulletin européen des Brevets le 6 août 1997. La remise de la traduction française à l’Institut National de la Propriété Industrielle a été publiée au BOPI n° 42/97 du 17 octobre 1997.

La société Merck est dûment enregistrée comme titulaire de ce brevet au Registre National des Brevets et au Registre Européens des Brevets.

Le brevet est maintenu en vigueur par le paiement régulier des annuités et a produit ses effets jusqu’au 11 octobre 2014.

Le brevet EP 0 724 444 qui comporte trois revendications a pour objet l’utilisation d’une faible dose de principe actif appelé Finastéride (17 B-(N-tert-butylcarbamoyl)-4-aza-5alpha-andros-1-ène-3-one) pour le traitement par voie orale de l’alopécie androgénique chez l’homme.

Le finastéride est commercialisé en France notamment depuis 1999 pour traiter l’alopécie androgénique sous la marque Propecia en vertu d’une autorisation de mise sur le marché du 23 décembre 1998.

La société Actavis Group, société de droit islandais est un des plus grands fabricants de médicaments génériques.

La société Alfred E. Tiefenbacher a pour activité la fourniture de principes actifs génériques et le dépôt de dossiers règlement aires pour les spécialités pharmaceutiques génériques.

Selon acte d’huissier du 22 novembre 2007, les sociétés Actavis Group (ci-après Actavis) et Alfred E. Tiefenbacher (ci-après AET) ont fait assigner la société Merck Sharp & Dohme Corp (ci-après société Merck) en nullité des trois revendications du brevet.

Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :

— prononcé la nullité des revendications 1, 2, 3 de la partie française du brevet EP 0 724 444 dont la société Merck & Co Ltd est titulaire comme étant exclues du domaine de la brevetabilité conformément aux dispositions de l’article 53 de la CBE 2000,

— ordonné la transcription du jugement une fois devenu définitif, auprès du Registre National des Brevets tenu à l’INPI à la requête de la partie la plus diligente,

— condamné la société Merck & Co à payer aux sociétés Actavis et AET la somme de 30.000 euros à chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En cause d’appel la société Merck Sharp & Dohme Corp, appelante, demande au visa de l’article 614-2 du code de la propriété intellectuelle, et des articles 53, 54, 56 et 138 de la Convention sur le Brevet Européen , essentiellement dans ses dernières écritures en date du 30 octobre 2014 de :

— infirmer le jugement en toutes ses dispositions

— statuant à nouveau,

— dire et juger valable le brevet n°EP 0 724 444,

— en conséquence,

— débouter les sociétés Actavis Group et Alfred E. Tiefenbacher Gmbh de l’ensemble de leurs demandes,

— condamner conjointement les sociétés intimées à lui payer la somme de 450.000 euros et la contre-valeur en euros au jour du paiement de la somme de 200.000 dollars par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Actavis Group ehf et Alfred E. Tiefenbacher Gmbh, intimées, s’opposent aux prétentions de la société appelante et, pour l’essentiel, demandent dans leurs dernières écritures en date du 8 octobre 2014 de :

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

— condamner la société appelante à leur verser à chacune d’elles la somme de 200.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

********

Sur la portée du brevet

Le brevet EP 0 724 444 désigne la France et a pour titre 'Traitement de l’alopécie androgène par des inhibiteurs de la 5-alpha-réductase'.

Ce brevet a été déposé le 11 octobre 1994, sous priorité de deux demandes de brevet américaines des 15 octobre 1993 et 17 mars 1994, et mention de sa délivrance a été publiée au bulletin européen des Brevets le 6 août 1997. La remise de la traduction française à l’Institut National de la Propriété Industrielle a été publiée au BOPI n° 42/97 du 17 octobre 1997.

L’alopécie, terme de dermatologie, désigne la chute ou la perte définitive de cheveux et/ou des poils du corps humain.

Parmi les différentes alopécies il existe l’alopécie androgénique qui concerne la diminution du volume ou de la perte complète des cheveux, notamment chez l’homme, ce phénomène très répandu s’expliquant par plusieurs raisons mais étant de façon communément admise liée à l’effet d’hormones androgènes.

Les connaissances scientifiques pour le traitement ou la prévention de l’alopécie androgénique ont permis d’établir, avant le dépôt du brevet dont s’agit que :

— l’alopécie androgénique est le résultat d’une stimulation hyper androgène due à une hormone 5-a-Di-Hydro-Testostérone (DHT),

— cette hormone 5-a-Di-Hydro-Testostérone est connue pour se former dans le corps humain par l’action d’une enzyme Testostérone-5-a-Réductase agissant sur l’hormone testostérone.

Il était connu que la lutte ou la prévention de l’alopécie androgène peut passer par l’utilisation d’un inhibiteur de la 5-A-Réductase tel que le Finastéride.

La société Merck avait d’ailleurs déposé, le 20 février 1985 un premier brevet EP 0 155 096 ayant pour objet de protéger un groupe de composés inhibiteurs de la testostérone 5-a-réductase, parmi eux, le finastéride. Ce premier brevet couvre notamment, dans sa revendication n° 5 les composés inhibiteurs dont la finastéride 'pour l’utilisation dans le traitement de l’un ou plusieurs états hyper-androgéniques tels que l’acné vulgaris, la séborrhée, l’hirsutisme féminin, l’hypertrophie bénigne de la prostate par administration orale, parentérale ou topique.'

A la suite de ce brevet, la société Merck a déposé un brevet EP 0 285 382 le 30 mars 1988, sous priorité d’un brevet US du 3 avril 1987, qui a pour objet la préconisation de l’inhibiteur finastéride pour le traitement de l’alopécie androgène.

Ces brevets mentionnent différents modes d’administration possible du finastéride (topiques ou systémiques) et envisagent des posologies particulières de 5 à 2000 mg.

Le brevet mentionne comme art antérieur pertinent :

— le brevet EP 0 155 096 (équivalent US 4 760 071) précité qui décrit le principe actif Finastéride et son utilité, en tant qu’inhibiteur de la 5-a-Réductase, pour traiter des conditions hyper androgènes,

— la spécialité Proscar qui est une forme d’administration orale de Finastéride destinée à traiter des affections hyper androgéniques.

Le brevet indique 'qu’il serait souhaitable d’administrer la posologie la plus faible possible d’un composé pharmaceutique à un patient et de conserver encore l’efficacité thérapeutique'.

Ce brevet comporte trois revendications :

Revendication 1 : utilisation de la 17 B (N-tert-butycarbamoy-1-4-aza-5a-androst-1-ène-3-one) pour la préparation d’un médicament pour l’administration orale, utilisé pour le traitement de l’alopécie androgénique sur une personne et dans laquelle la quantité d’administration est d’environ 0,05 à 1,0 mg.

Revendication 2 : Utilisation selon la revendication 1, dans laquelle la posologie est de 1,0 mg,

Revendication 3 : Utilisation selon la revendication 1 ou 2, dans laquelle le traitement est celui de l’alopécie hippocratique.

La revendication 1 est rédigée selon la forme couramment appelée 'forme suisse’ (utilisation d’un principe actif pour la fabrication d’un médicament destiné à soigner telle maladie.).

Sur la validité du brevet

La société Merck Sharp & Dohme fait valoir en préambule que le brevet EP 0 724 444 dont elle est titulaire a été déclaré valable par des juridictions étrangères notamment anglaise, allemande, italienne, et le tribunal de La Haye.

Sur le fondement de l’article 53 (c) de la Convention sur les Brevets Européens

L’article 53 (c) anciennement article 52 (4) CBE 1973 de la Convention des Brevets Européens indique que les brevets européens ne sont pas délivrés pour ….c) les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutiques du corps humain…, cette disposition ne s’appliquant pas aux produits, notamment aux substances ou compositions, pour la mise en oeuvre d’une de ces méthodes.

L’article 54 (4) de la dite convention anciennement article 54 (5) de la Convention des brevets européens de 1973 indique que 'les dispositions relatives à la nouveauté n’excluent pas la brevetabilité d’une substance ou composition comprise dans l’état de la technique pour la mise en oeuvre d’une méthode visée à l’article 53 (c) à condition que son utilisation pour l’une quelconque de ces méthodes ne soit pas comprise dans l’état de la technique.

Les parties s’accordent pour reconnaître que conformément aux dispositions transitoires de la Convention Européenne sur les Brevets 2000, ces articles sont applicables au brevet dont s’agit délivré le 17 octobre 1997.

L’Office Européen des Brevets a admis (décisions G1/83, G5/83 et G6/83) qu’il était possible de protéger une nouvelle indication thérapeutique spécifique d’une substance pourtant déjà connue comme médicament, à condition que cette utilisation spécifique soit nouvelle et inventive et à condition d’utiliser le 'format suisse'.

Une revendication de 'type suisse’ qui est une revendication portant sur l’utilisation d’une substance ou composition pour la fabrication d’un médicament pour une application thérapeutique spécifique, nouvelle et inventive n’est donc pas une méthode de traitement qui serait exclue du domaine de la brevetabilité conformément à l’article 52(4) CBE 1973 devenu l’article 53(c) CBE 2000.

La nouveauté des revendications de type suisse découle de la nouveauté de la nouvelle application thérapeutique.

La société Merck indique que nombre de juridictions européennes ont reconnu sans ambiguïté la brevetabilité des revendications de type suisse portant sur une seconde utilisation thérapeutique et qu’en l’espèce, le tribunal n’a pas pris en compte l’ensemble de la revendication 1 et que celle-ci ne constitue pas une méthode thérapeutique justifiant son annulation.

Elle précise que cette seconde utilisation thérapeutique dont la brevetabilité est reconnue couvre également des cas dans lesquels une substance connue est utilisée pour traiter la même maladie et que des revendications de type suisse ont été admises dans les cas où l’application thérapeutique déterminée nouvelle et inventive était une nouvelle voie d’administration d’un médicament connu pour le traitement de la même maladie.

Elle fait valoir que la brevetabilité d’une revendication de type suisse peut se distinguer de l’art antérieur par le dosage ou le mode d’administration comme cela a été jugé par la Chambre de Recours de l’OEB dans la décision de principe T 1020/03 Genentech rendue le 29 octobre 2004, décision confirmée par la décision Kos G 2/08 du 19 février 2010 de la même chambre.

Elle soutient en conséquence que les dispositions de l’article 53 (c) n’excluent pas la brevetabilité d’une invention de posologie.

Les sociétés intimées, soutiennent que l’article 52 CBE prévoit des exclusions à la brevetabilité alors que l’article 53 CBE indique les exceptions à la brevetabilité, de sorte que leurs critères d’appréciation diffèrent et l’approche globale d’appréciation pour l’application de l’article 52 ne correspond pas à l’approche par contribution pour l’application de l’article 53, le traitement appliqué à la même maladie doit être nouveau et inventif.

Approche par contribution, que l’on trouve, selon elles, dans l’affaire Kos soumise à la Chambre de Recours 3-3.02 de l’OEB , invoquée par la société Merck, qui formule la question de sa saisine comme suit : 'un brevet peut-il être délivré lorsque l’unique caractéristique nouvelle du traitement réside dans une posologie nouvelle'' ce qui renvoie à la notion d’art antérieur et renvoie donc à une approche par contribution.

Cependant, par définition, selon elles, la caractéristique distinctive d’une revendication de type 'suisse’ concerne une nouvelle méthode de traitement utilisant une substance connue de sorte qu’il convient d’examiner la revendication prise dans son ensemble.

Dans cette décision Kos cette juridiction a répondu comme suit :

Question 1 : Lorsqu’il est déjà connu d’utiliser un médicament pour traiter une maladie, l’article 54 (5) CBE n’exclut pas que ce médicament soit breveté pour une utilisation dans un traitement thérapeutique différent de la même maladie.

Question 2 : Il n’est pas non plus exclu qu’un brevet puisse être délivré si une posologie est l’unique caractéristique revendiquée qui n’est pas comprise dans l’état de la technique.

Question 3 : Lorsque l’objet d’une revendication est rendu nouveau uniquement par la nouvelle utilisation thérapeutique d’un médicament, une telle revendication ne peut plus avoir le format d’une revendication dite de type suisse telle qu’institue par la décision G5/83.

Ceci rappelé, il convient d’indiquer que si la présente décision doit être rendue à la lumière des enseignements de cette précédente décision, celle-ci ne s’impose pas à la présente juridiction dès lors que l’article 54 (5) CBE 2000 applicable depuis le 13 décembre 2007 ne s’applique pas au présent brevet soumis aux articles 53 (c) et (54 (4) de la CBE 2000 (anciennement article 54 (5) CBE 1973), le brevet étant déposé le 11 octobre 1994, sous priorité de deux demandes de brevet américaines des 15 octobre 1993 et 17 mars 1994, délivré le17 octobre 1997 et qu’il s’agit d’un format de revendication dit suisse.

En effet la décision Kos point 5.9 des motifs indique 'En contraste avec l’absence de toute disposition à ce sujet dans la CBE 1973, l’article 54 (5) CBE autorise désormais expressément la protection supplémentaire par brevet de substances ou de compositions déjà connues comme médicaments à condition que leur utilisation dans une méthode visée à l’article 53 (c) CBE soit spécifique et non comprise dans l’état de la technique.

Ainsi la nouvelle loi ne comporte plus le vide juridique des dispositions anciennes, vide qui avait été comblé de façon prétorienne par la Grande Chambre de Recours avec sa décision G 5/83 et la jurisprudence basée sur cette décision.'

Si de cette décision il en ressort que les revendications thérapeutiques de posologie ne sont pas exclues de la brevetabilité au titre de l’article 54(5) CBE 2000, comme le confirme l’expert judiciaire [U], cité par la société Merck, elle ne tranche pas cette question pour le passé.

Les motifs de la décision dans l’affaire Kos point 6.3 indique que 'les critères habituels de nouveauté et d’activité inventive doivent également s’appliquer en soulignant que la définition de la posologie revendiquée doit non seulement être, dans son libellé, différente de ce qui est décrit dans l’état de la technique, mais également refléter un enseignement technique différent. En outre… en se plaçant dans l’hypothèse où les modalités de posologie revendiquées ne consisteraient qu’en une simple sélection au sein de l’enseignement d’une divulgation plus large de l’état de la technique, alors la nouveauté ne pourrait être reconnue que si les critères développés dans la jurisprudence des chambres de recours s’agissant des inventions de sélection sont satisfaits.'

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que si la brevetabilité d’une revendication de seconde indication thérapeutique reposant uniquement sur une caractéristique de posologie peut-être admise même pour un brevet soumis à la CBE 1973 interprétée sous l’éclairage de la modification ultérieure de la convention et de la jurisprudence en résultant, celle -ci doit répondre à l’exigence de l’existence d’un enseignement technique différent, et pour ce faire de tenir compte, comme le soutient la société Merck, également des caractéristiques relatives au dosage.

Il convient sur ce dernier point d’examiner les antériorités soumises à la cour : la demande de brevet EP 0 285 382 de la société Merck et un article de madame [E].

La société Merck soutient que la nouveauté de l’utilisation de la Finastéride réside dans son faible dosage tout en garantissant l’efficacité du traitement pour améliorer l’alopécie androgénique.

Le brevet indique dans son préambule que dans le traitement de l’alopécie androgénique il serait souhaitable d’administrer la plus faible posologie possible d’un composé pharmaceutique à un patient tout en maintenant l’efficacité thérapeutique et que les déposants ont découvert de manière surprenante et inattendue qu’une faible dose journalière de finastéride est particulièrement utile dans le traitement de l’alopécie androgène.

Concernant le brevet EP 0 285 382 déposé le 30 mars 1988 revendiquant une priorité US du 3 avril 1987 qui a été publié le 5 octobre 1988 et délivré en avril 1994, il a pour objet 'le traitement d’alopécie androgénique avec 17B-N-monosubstitué-carbamoyl-4-aza-5a-androst-1-en-3-ones'.

Il divulgue l’utilisation du finastéride pour le traitement de l’alopécie androgène .

En effet le document (page 9 lignes 6 à 11) indique 'par conséquent, la présente invention se rapporte particulièrement à l’utilisation des composés de la présente invention pour traiter les conditions hyper androgène de l’alopécie androgène, notamment de la calvitie hippocratique, par administration en topique et par administration systémique'.

L’administration en topique étant une application locale sur la peau notamment et l’administration systémique étant notamment une application par voie orale comme cela est mentionné dans sa description page 9 ligne 12 relative plus particulièrement à l’atrophie bénigne de la prostate 'Les compositions contenant les composés de la présente invention comme substance active à utiliser dans le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate peuvent être administrées… par voie orale.' page 9 lignes 19-26 : 'les compositions sont de préférence présentées sous forme de comprimés sécables'. Si la description développe le traitement de l’alopécie androgène de préférence par administration en topique, la voie orale est cependant enseignée comme mentionnée ci-dessus.

Il est indiqué que les compositions pharmaceutiques topiques qui contiennent les composés de l’invention renferment ordinairement environ 0,1% à 15%, de préférence 0,1% à 5% et mieux encore environ 0,18% à 2% du composé actif.

La revendication 5 de ce brevet relative à l’utilisation de finastéride pour fabriquer un médicament utile pour arrêter et inverser l’alopécie androgène, ne se limite pas à un mode d’administration donné.

Cette antériorité indique dans sa description que la dose à administrer est à titre d’exemple, concernant l’atrophie bénigne de la prostate, de 5 à 2000, de préférence de 5 à 200 et en particulier de 5, 10, 25 50, 100, 150, 250 et 500 mg de Finastéride et ne précise pas le dosage revendiqué dans le brevet.

La revendication 1 du brevet Merck indique une dose d’environ 0,05 à 1,0 mg et ce brevet précise comme mentionné si dessus 'qu’il serait souhaitable d’administrer la posologie la plus faible possible d’un composé pharmaceutique à un patient et de conserver encore l’efficacité thérapeutique'.

Cependant ce brevet n’indique pas que les doses retenues permettraient d’obtenir un résultat différent du résultat obtenu par des doses différentes préconisées par le brevet antérieur. Les essais rapportés dans le texte du brevet indiquent que le dosage de 0,2 et 1 mg/ jour pendant 6 semaines est 'utile dans le traitement de l’alopécie’ mais rien n’indique que les résultats techniques sont différents de ceux obtenus par le brevet antérieur. Il n’est pas démontré que le dosage revendiqué ait une influence sur l’efficacité ou la performance du traitement.

Il n’est pas plus démontré que le dosage revendiqué dans le brevet Merck conduit à de possibles effets secondaires différents de ceux résultant des dosages de l’antériorité alors qu’au contraire le docteur [Z] expert désigné dans une instance en Italie, dans son rapport communiqué par la société Merck indique (page 1189) que les effets secondaires sont les mêmes dans les groupes ayant reçu 5mg et 1mg de finastéride ce qui est corroboré par la notice de 1992 du médicament Proscar qui mentionne que les effets secondaires sont similaires dans le cas d’une dose de 1mg et d’une dose de 5 mg sur une période de traitement de 12 mois. La notice du médicament Propecia dont le dosage est à 1 mg ne permet pas d’établir un effet technique différent, les possibles effets secondaires identiques évoqués dans les deux notices qui diffèrent dans leur fréquence en regard du dosage, n’établissent pas l’existence d’un effet technique différent.

D’ailleurs l’écart entre 1 mg dans le brevet Merck et 5 mg dans l’antériorité n’est pas très éloignée.

Le professeur [B] expert désigné dans une instance judiciaire en Allemagne indique dans son rapport déposé le 27 juin 2011 et communiqué par la société Merck 'en général, il n’y a aucun doute pour l’homme du métier que la croissance des cheveux pouvait s’améliorer jusqu’à un certain degré en cas d’alopécie androgénique grâce à des doses orales de finastéride élevées (5 mg ou plus) et se contredit lorsque sur demande de la société Merck il indique 'les hommes du métier s’accordaient sur le fait que le finastéride n’avait aucune chance d’être un jour autorisé comme médicament pour le traitement de l’alopécie androgénique', alors que la société Merck commercialisait depuis plusieurs années le médicament Proscar dosé à 5mg et que cette opinion est contredite par le Docteur [V] [H] dont l’avis argumenté est communiqué par les sociétés Actavis.

La société Merck ne peut prétendre présentement que le problème technique à résoudre serait d’identifier un composé dont le mode d’administration présenterait les meilleurs garanties en termes de sécurité (faible dosage) tout en garantissant son efficacité, alors qu’à aucun moment le brevet mentionne que des doses plus élevées de Finastéride posaient problème en terme de sécurité pour les patients et qu’il y avait à résoudre ces difficultés;

Les conclusions contraires du docteur [Z] désigné comme expert judiciaire dans le cadre d’une procédure en Italie, et du docteur [U] dans leurs rapports, examinés à titre de renseignements, ne sont pas de nature à établir une quelconque nouveauté de cette revendication.

D’autre part, l’utilisation du Finastéride par voie orale était déjà connue et utilisée par la société Merck qui commercialisait déjà son médicament Proscar, mais avec un dosage de 5 mg.

Les sociétés Activis opposent également un article de madame [E] intitulé 'Développement clinique du finastéride, un inhibiteur de la 5-Alpha-réductase’ publié au cours de l’année 1990 avant la date de priorité du brevet du 15 octobre 1993.

Madame [W] [E], membre du laboratoire de recherche de la société Merck est co-inventeur du brevet.

La société Merck conteste que ce document qui porte essentiellement sur l’étude du Finastéride dans le traitement de l’hyperplasie de la prostate antériorise la revendication 1 du brevet dans tous ses éléments. Elle conteste que l’on puisse combiner l’exposé général de ce document avec sa divulgation spécifique.

Il est notamment expliqué dans cet article 'les essais cliniques menés chez l’homme avec le finastéride ont démontré que l’inhibition de l’activité de la 5 a-réductase entraîne une diminution marquée des taux de DHT…..Les données regroupées suggèrent que le finastéride peut être utile dans le traitement de plusieurs affections véhiculées par androgène y compris l’hypertrophie bénigne de la prostate et le cancer de la prostate…..A partir de ces observations, une hypothèse a été émise selon laquelle chacune des hormones androgéniques T et DHT est à l’origine de processus physiologiques spécifiques distincts. Par exemple…, tandis que la croissance de la glande prostatique et la calvitie androgénique sont des processus essentiellement contrôlés par la DHT. La spécificité de ces deux enzymes peut permettre le traitement efficace de plusieurs problèmes dus à la DHT comme …., la calvitie.

Sous le titre 'Essais Cliniques’ elle précise 'Au cours de ces trois dernières années, l’objectif du programme clinique des laboratoires de recherche Merck était de démontrer l’activité biochimique, l’innocuité, la tolérance et l’efficacité du Finastéride, un inhibiteur de 5 a-réductase, actif, par voie orale…..Dans les études cliniques de phase 1, il a été démontré qu’une dose orale unique de finastéride diminuait considérablement les taux plasmatiques de DHT chez les sujets masculins, démontrant ainsi la puissance et l’efficacité biochimique du Finastéride. En fait, une dose orale unique aussi faible que 0,5mg a entraîné une diminution de 65 % de la DHT plasmatique, laquelle a persisté pendant 5 à 7 jours.'

Elle détaille les essais cliniques en précisant que 'dans un essai en aveugle, les résultats de l’étude à forte dose ont montré une diminution importante de la DHT à toutes les doses ….et les résultats de l’étude à faible dose ont également montré une diminution importante de la DHT à toutes les doses (0,04, 0,12, 0, 2 et 1,0 mg) les patients prenant 1,0 mg et 0,2 mg de finastéride par jour avaient des valeurs initiales plus faibles de diminution maximales de la DHT. Les taux de DHT ont retrouvé leur valeur initiale dans les 14 jours.'

Elle précise 'les résultats de l’étude à dose faible ont à nouveau montré une réduction significative de la DHT à toutes les doses..'

Il ressort de ces documents que l’administration par voie orale du finastéride, a un effet thérapeutique sur notamment l’alopécie

Le dernier document divulgue l’utilisation de la Finastéride pour la préparation d’un médicament à absorption orale , utile pour le traitement de l’alopécie androgénique, la dose du principe actif finastéride pouvant varier de 0,04 à 1mg.

Or, le brevet Merck qui ne précise en rien l’enseignement technique résultant de l’administration du posologie plus faible porte sur :

— l’utilisation de Finastère pour la préparation d’un médicament à absorption orale,

— utile pour le traitement de l’alopécie androgénique,

— la dose du principe actif finastéride pouvant varier de 0,05 à 1mg.

Avec ce document [E] l’ensemble des enseignements du brevet Merck sont déjà divulgués alors que ce brevet ne comporte pas par ailleurs un enseignement technique différent, spécifique, de celui de l’antériorité EP 0 285 382, de sorte que la revendication 1 du brevet EP 0 724 444 est dépourvue de nouveauté.

Revendication 2 : Utilisation selon la revendication 1, dans laquelle la posologie est de 1,0 mg,

Cette revendication est donc également dépourvue de nouveauté, le document [E] divulguant ce dosage combinée à la revendication 1 dépourvue d’effet technique nouveau.

Revendication 3 : Utilisation selon la revendication 1 ou 2, dans laquelle le traitement est celui de l’alopécie hippocratique. Le document EP 0 285 382 vise également la calvitie de type hippocratique et détruit la nouveauté de cette revendication combinée avec les deux autres revendications nulles.

Il convient en conséquence, par substitution de motifs de confirmer le jugement qui a annulé les revendications 1, 2 et 3 du brevet EP n°O 724 444 désignant la France dont est titulaire la société Merck Sharp & Dohme Corp et des mesures subséquentes.

Sur les autres demandes

L’équité commande d’allouer à chacune des sociétés intimées la somme de 150.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société appelante.

Les dépens resteront à la charge de la société appelante qui succombe et qui seront recouvrés par la SCP Grappotte Benetreau, avocats à la cour, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette l’ensemble des demandes de la société appelante,

En conséquence,

Confirme par substitution de motifs le jugement déféré,

Condamne la société appelante à payer à chacune des sociétés intimées la somme de 150.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société appelante en tous les dépens qui seront recouvrés par la SCP Grappotte-Benetreau, avocats à la cour, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 30 janvier 2015, n° 10/19659