Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 13 janvier 2015, n° 2013/02239

  • Dénomination sociale destinations privilege·
  • Dénomination sociale privileges voyage·
  • Nom de domaine destinations privilege·
  • Similarité des produits ou services·
  • Atteinte à la dénomination sociale·
  • Consommateur d'attention moyenne·
  • Nom de domaine privilege-voyages·
  • Atteinte au nom de domaine·
  • Similitude intellectuelle·
  • Contrefaçon de marque

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5, 13 janv. 2015, n° 13/02239
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2013/02239
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 9 janvier 2013, N° 11/05053
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 10 janvier 2013, 2011/05053
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : PRIVILEGES VOYAGES ; DESTINATIONS PRIVILEGE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 3034195 ; 3606035
Classification internationale des marques : CL39 ; CL41 ; CL42
Liste des produits ou services désignés : Hotellerie ; hébergement de voyageurs / hébergement temporaires ; services hôteliers
Référence INPI : M20150017
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 13 JANVIER 2015

Pôle 5 – Chambre 1

(n°002 /2015, 9 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 13/02239

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Janvier 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 11/05053

APPELANTE SAS PRIVILÈGES VOYAGES, Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 339 118 812 prise en la personne de ses représentants légaux […] 75008 PARIS Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SCP REGNIER – BEQUET – M, avocat au barreau de PARIS, toque L 0050 Assistée de Me Sandra M substituant Me Laurence M B, avocat au barreau de PARIS, toque E 1966

INTIMÉE SARL DESTINATIONS PRIVILÈGE Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon sous le numéro 587050378 prise en la personne de ses représentants légaux 1 place Berthe Morisot 69800 SAINT PRIEST Représentée par Me Bernard LE GOATER de la SELARL R – LE- GOATER, avocat au barreau de PARIS, toque E 1229 Assistée de Me Catherine R plaidant pour la SELARL R – LE- GOATER, avocat au barreau de PARIS, toque E 1229

COMPOSITION DE LA COUR : Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 19 novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Benjamin RAJBAUT, Président Mme Anne-Marie GABER, Conseillère Mme Nathalie AUROY, Conseillère qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Carole T

ARRÊT : • Contradictoire

• Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile • Signé par M. Benjamin RAJBAUT, Président, et par Mme Karine A, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement rendu le 10 janvier 2013 par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l’appel interjeté le 5 février 2013 par la société Privilèges voyages, Vu les dernières conclusions transmises par la société Privilèges voyages le 19 mai 2014,

Vu les dernières conclusions transmises par la société Destinations privilège, intimée et appelante incidente, le 13 mai 2014,

Vu l’ordonnance de clôture du 23 septembre 2014,

MOTIFS DE L’ARRÊT

Considérant que la société Privilèges voyages, créée le 31 octobre 1986, a une activité d’agence de voyages, dédiée à la conception et l’organisation de voyages sur mesure ;

Qu’elle est titulaire de la marque française verbale 'PRIVILEGES VOYAGES’ n°00 3 034 195, déposée le 14 juin 2000, renouvelée le 29 mars 2010, pour désigner les services d’ 'agence de tourisme ; organisation de voyages ; réservation de places de voyages ; accompagnement de voyageurs ; organisation d’excursions; transports maritimes, aériens, par chemin de fer ; affrètement ; location de véhicules, automobiles, bateaux. Réservation de places de spectacles. Réservation d’hôtels ; réservation et location de logements temporaires’ en classes 39, 41 et 42 ;

Qu’elle est également titulaire du nom de domaine 'PRIVILEGES- VOYAGES’ depuis le 4 juillet 2000 ;

Que la société Destinations privilège, ayant également une activité d’agence de voyages, est née le 1er juillet 2008 à la suite d’une cession partielle, le 31 mai 2008, du fonds de commerce de la société Consult Voyages – comprenant notamment la branche d’activité 'Destinations privilège’ – au profit de la société Velay voyages, créée en 1970, son ancienne dénomination ; qu’elle est titulaire de la marque française 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ n° 08 3 606 035, déposée le 20 octobre 2008 pour désigner des services d’agence de voyage, en particulier, les services de 'transport ; d’organisation de Voyages ; location de véhicules, de bateaux ; réservation pour les Voyages ; réservation de places de spectacles ; hébergement temporaire ;

services hôteliers ; réservation de logements temporaires ' en classes 39, 41 et 43 ;

Qu’estimant que l’utilisation du signe 'DESTINATIONS PRIVILEGE', tant à titre de dénomination sociale, de marque ou de nom de domaine pour désigner des services d’agence et d’organisation de voyages constitue des atteintes caractérisées à sa marque antérieure 'PRIVILEGES VOYAGES’ , ainsi qu’à sa dénomination sociale et au nom de domaine 'privilege-voyages.com’ dont elle est titulaire, la société Privilèges voyages a fait établir le 13 janvier 2011 un constat d’huissier de justice, puis, par acte du 4 mars 2011, a fait assigner la société Destinations privilège devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de sa marque, concurrence déloyale et nullité de la marque française 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ ;

Considérant que, dans son jugement du 10 janvier 2013, le tribunal a : • débouté la société Privilèges voyages de l’ensemble de ses demandes, • débouté la société Destinations privilège de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive, • dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire. • condamné la société Privilèges voyages aux entiers dépens, • condamné la société Privilèges voyages à verser à la société Destinations privilège la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles ;

Considérant qu’il y a lieu de rappeler préliminairement que, selon l’article 954 du code de procédure civile, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

— sur les actes de contrefaçon :

Considérant que la société Privilèges voyages soutient, sur le fondement des articles L713-3, b), du code de la propriété intellectuelle (cpi), qu’en déposant et en faisant usage de la marque 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ n° 08 3 606 035, de la dénomination sociale 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ et du nom de domaine 'destinations-privilège.com', la société Destinations privilège a commis des actes de contrefaçon par imitation et usage de la marque 'PRIVILEGES VOYAGES’ n°00 3 034 195 en raison de l’identité ou de la similitude des produits et services couverts, des similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle des signes, et du risque de confusion qui en résulte ; qu’elle conteste l’invocation par la société intimée d’un usage antérieur du signe 'DESTINATIONS VOYAGE';

Que, sur ces points, la société Destinations privilège objecte que les services proposés sous les deux marques n’ont pas le même

processus de fabrication, ne répondent pas aux mêmes besoins, ne sont pas distribués par les mêmes circuits et ne s’adressent pas au même 'consommateur moyen', que les deux signes ne peuvent, ni visuellement, phonétiquement et intellectuellement, ni par leur usage, confondus, et que l’exploitation ancienne, constante et suivie de 'l’enseigne’ et de la marque 'DESTINATIONS PRIVILEGE', déposée pour la première fois le 11 août 1995 par la société Consult Voyage et de l’enseigne éponyme, par opposition à l’exploitation non continue de la marque 'PRIVILEGES VOYAGES’ depuis son dépôt, ne permet pas de confondre les deux signes ;

Considérant, ceci étant exposé, qu’il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article L713-3 b) du code de la propriété intellectuelle, 'sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement;

Qu’il résulte des pièces versées aux débats et il n’est au demeurant pas contesté que la société Destinations privilège a déposé le signe 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ à titre de marque le 20 octobre 2008, a changé sa dénomination sociale le 1er juillet 2008 et a acquis le 31 mai 2008 le nom de domaine éponyme qui avait été enregistré le 6 février 2004 par la société Consult Voyages, soit à des dates toutes postérieures au dépôt de la marque 'PRIVILEGES VOYAGES', opéré le 14 juin 2000;

Considérant que la société Destinations privilège n’est pas fondée à se prévaloir d’une prétendue antériorité de sa marque, dès lors que l’enregistrement de la marque éponyme opéré le 11 août 1995 par la société Consult Voyage n’a pas été renouvelé, de sorte que les droits sur cette marque, éteints dix ans plus tard, n’ont pu lui être transmis ; que l’exploitation ancienne, constante et suivie du signe pour illustrer ses brochures à destination des agences de voyage ne lui fait bénéficier d’aucune protection et n’est pas de nature à suppléer l’absence de titre ; qu’elle ne l’invoque d’ailleurs, comme la prétendue absence d’exploitation continue de sa marque par la société Privilèges voyages – dont elle ne demande pas la déchéance -, qu’au titre de l’absence de risque de confusion ;

Considérant que l’appréciation du risque de confusion nécessite de tenir compte de l’interdépendance des facteurs prévus par l’article L713-3 b) susvisé ; qu’en effet un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré de similitude élevé entre les produits ou les services désignés (et inversement) ;

Qu’il convient de se placer, non du point de vue de la clientèle visée par les sociétés, comme le soutient la société Destinations privilège , mais du point de vue du public concerné par les services couverts par la marque invoquée, soit en l’occurrence, s’agissant de services liés

aux voyages, au tourisme à l’hôtellerie, du consommateur grand public d’attention moyenne, et n’ayant pas en même temps les deux signes sous les yeux et à l’oreille ;

* sur la similitude des produits et services :

Considérant qu’au regard du principe de spécialité qui gouverne le droit des marques, cette similitude doit être appréciée au regard des services désignés à l’enregistrement de la marque Privilèges voyages, tels que précités, de sorte que l’argumentation de la société Destinations privilège tenant à l’absence de similitude des services 'proposés sous les marques'en conflit et à la différence d’activité des deux sociétés est ici inopérante ;

Considérant qu’afin de déterminer si les produits et/ou services sont similaires, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services ; que ces facteurs incluent en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire ;

Considérant que parmi les services désignés à l’enregistrement de la marque 'DESTINATIONS PRIVILEGE', également pré-cités, les services de ' transport ; d’organisation de voyages, la réservation pour les voyages, la location de véhicules, de bateaux, la réservation pour les voyages, la réservation de places de spectacles et la réservation de logements temporaires', sont identiques et les autres ( 'hébergement temporaire , services hôteliers) sont fortement similaires, dès lors qu’ils se rapportent également à l’hôtellerie et à l’hébergement des voyageurs ; que les services commercialisés par la société Destinations privilège, consistant en des voyages 'packagés’ à destination des agences de voyage, sont, pour les mêmes motifs, similaires aux services désignés à l’enregistrement de la marque Privilèges voyages ;

* sur la similitude des signes :

Considérant que l’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants ;

Considérant que, visuellement, les signes présentent une même construction sur la base de deux termes d’au moins trois syllabes, donc assez longue, incluant le même mot 'PRIVILEGE(S)' – le singulier ou le pluriel employé n’attirant pas spécialement l’œil -, ce qui génère, nonobstant un mot d’attaque différent, un risque d’association entre eux ;

Que cette construction a une incidence sur le plan auditif, puisqu’elle induit dans les deux cas la prononciation du mot 'PRIVILEGE(S)', ce qui, dans une expression constituées d’un autre mot distinct induit nécessairement au plan sonore, nonobstant l’inversion de l’ordre de ces mots, une association entre les signes ;

Que conceptuellement, les signes associent pareillement deux noms communs, l’un d’entre eux étant, dans chacun des deux signes, un terme descriptif dans le domaine des services considérés ('VOYAGES', 'DESTINATIONS'), l’autre – le même ('PRIVILEGE(S)', la présence du 'S’ étant sans incidence) – étant évocateur d’un avantage qui, s’il reste relativement banal dans ce domaine, ne lui est pas exclusivement réservé et présente seul un caractère distinctif ; qu’il sera en conséquence facilement retenu comme tel, ce qui génère un risque de confusion ;

Qu’il en résulte une impression d’ensemble commune entre les signes à raison de la prépondérance du terme 'PRIVILEGE(S)' qui apparaît dominant, de sorte que leur similitude doit être retenue ; * sur le risque de confusion :

Considérant qu’il résulte globalement de ce qui précède un risque d’association entre les signes en présence dans l’esprit du public, qui ne peut qu’être conforté par l’identité ou la similarité des produits en cause ; qu’en effet, la proximité de la construction des deux signes, tirant leur caractère distinctif du même terme 'PRIVILEGE(S)', est de nature à laisser penser au consommateur d’attention moyenne, pour des produits identiques et similaires, que la marque 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ pourrait être une déclinaison de la marque antérieure 'PRIVILEGES VOYAGES', ou que les produits pourraient avoir une origine commune ou provenir d’entreprises économiquement liées ;

Considérant que la société Privilèges voyages n’invoque pas une renommée particulière de sa marque susceptible de lui faire bénéficier d’une protection plus étendue ; qu’en revanche, la société Destinations privilège remet en cause le degré de connaissance que pouvait en avoir le public au moment où les actes prétendument contrefaisants ont commencé, soit à tout le moins au moment du réenregistrement de la marque 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ en 2008, notamment parce que la société appelante, qui a changé de dénomination sociale entre 2003 et 2010 inclus pour s’appeler 'PRIVILEGE UNIVERS VOYAGES', ne serait pas en mesure de justifier de l’exploitation de sa marque entre 2000 et 2010 – son site internet , malgré l’enregistrement du nom de domaine le 4 juillet 2000, n’ayant en outre été créé et activé que le 1er juillet 2009, alors qu’elle même n’a pas cessé d’éditer ses catalogues 'Destinations privilège’ à l’intention des agences de voyage et de développer son marché ;

Considérant que les pièces produites par la société Privilèges voyages
- essentiellement les dates de création de la société, du site internet, des catalogues et brochures – concernent en effet essentiellement la période antérieure et postérieure ; que, cependant, même en l’absence d’élément permettant d’évaluer la perception que pouvait avoir le public de sa marque en 2008, celle-ci présente en elle-même un caractère de distinctivité suffisant pour que l’interdépendance des facteurs pré-analysés induise ce risque de confusion ;

Qu’il s’ensuit qu’en déposant, d’une part, la marque 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ n° 08 3 606 035 pour des produits et services identiques ou similaires à la marque revendiquée et en faisant usage, d’autre part, de cette marque, de la dénomination sociale 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ et du nom de domaine 'destinations-privilège.com’ pour commercialiser des produits et services identiques ou similaires à la marque revendiquée, la société Destinations privilège a commis des actes de contrefaçon par imitation et par usage de la marque 'PRIVILEGES VOYAGES’ n°00 3 034 195 imitée ; que le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a débouté la société Privilèges voyages de sa demande à ce titre ;

— sur les actes de concurrence déloyale :

Considérant que la société Privilèges voyages soutient qu’en changeant sa dénomination sociale le 1er juillet 2008 et en déposant sa marque le 20 octobre 2008 dans l’unique but de bénéficier de sa notoriété, de même qu’en choisissant un nom de domaine très similaire à sa dénomination sociale, la société Destinations privilège a usurpé cette dernière ; qu’elle invoque la confusion créée dans l’esprit du public par la similitude entre les signes, renforcée par l’utilisation de la couleur bleu, la similitude des brochures publicitaires et le slogan 'VOYAGEZ PRIVILEGE’ utilisé par la société intimée sur les sites des agences de voyage Velay et Tureia ;

Considérant que la société Destinations privilège répond qu’il ne peut lui être reproché une usurpation fautive de dénomination sociale, dès lors qu’aux moments où elle a changé sa dénomination sociale, déposé sa marque et où le nom de domaine 'destinations- privilege.com’ a été enregistré (soit le 6 février 2004, date à laquelle la marque 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ déposée par la société Consult voyage en 1995 était en outre encore protégée), la société appelante ne s’appelait pas Privilèges voyages ; qu’elle observe que son propre site internet www.destinations-privilege.com se présente de manière très différente du site de la société Privilèges voyages, que les sites sur lesquels la société appelante a focalisé son attention ne lui appartiennent pas et qu’au demeurant la couleur bleue n’a rien d’original lorsqu’elle est utilisée pour présenter des offres de voyages ;

Considérant que la dénomination sociale 'Privilèges voyages’ remonte à la création de la société, en 1986 ; que, certes, la société a temporairement changé de dénomination sociale entre le 6 janvier 2003 et le 27 décembre 2010, pour s’appeler 'Privilèges univers voyage', mais elle a conservé les termes de sa dénomination initiale, et spécialement l’élément présentant un caractère distinctif dominant, 'Privilèges’ ; qu’il résulte en outre de deux articles de presse spécialisée datant de 2008 et 2009, produits par la société intimée, relatifs au nouveau président directeur général de la société, que celle-ci continuait, de fait, pendant cette période, à être appelée et connue sous la dénomination de 'Privilèges voyages’ ; que c’est donc en pleine connaissance de cause que la société intimée a décidé d’adopter le 1er juillet 2008 la dénomination sociale 'Destinations privilège', de conserver le nom de domaine éponyme créé en 2004 par la société Consult Voyages et de faire usage de sa marque déposée le 20 octobre 2008, soit postérieurement à l’adoption et l’usage par la société appelante de la dénomination sociale 'Privilèges voyages’ ; que s’il n’apparaît pas qu’elle ait agi dans l’unique but de bénéficier de la notoriété de la société Privilèges Voyages, mais également dans celui de réactiver la marque 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ dont le réenregistrement avait été omis, il n’en reste pas moins qu’elle a ainsi méconnu les droits antérieurs de la société appelante sur sa dénomination sociale ; que ces actes sont de nature à générer dans l’esprit de la clientèle un risque de confusion sur l’origine des produits et à la détourner des services offerts par la société Privilèges voyages ;

Qu’en effet, il y a lieu d’observer que la différence de clientèle ciblée par les deux sociétés, le consommateur final aisé pour la société Privilèges voyages, les agences de voyage destinataires de voyages 'packagés’ moyenne gamme pour la société Destinations privilège, n’écarte pas le risque de confusion, dès lors qu’elle n’est pas absolue ; qu’en effet, les deux offrent des prestations accessibles par internet (une recherche sur le moteur de recherche Google à partir du mot clé ' Privilèges voyages’ faisant également apparaître des liens renvoyant à des sites internet proposant des prestations 'Destinations privilège') ; que d’ailleurs la société appelante produit deux attestations en ce sens de deux clients dont la portée n’est pas sérieusement remise en cause par la société intimée ; que le risque de confusion est donc suffisamment établi, sans qu’il soit besoin d’y ajouter l’utilisation de la couleur bleue, fréquente dans le domaine du tourisme ou encore l’utilisation du slogan 'VOYAGEZ PRIVILEGE’ sur d’autres sites, qui ne peut être imputée avec certitude à la société intimée ;

Qu’il s’ensuit qu’en faisant usage de la marque 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ n° 08 3 606 035, de la dénomination sociale 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ et du nom de domaine 'destinations- privilège.com', la société Destinations privilège a porté atteinte à la dénomination sociale de la société Privilèges voyages, constitutive d’actes de concurrence déloyale à son égard ; que le jugement doit

donc être infirmé en ce qu’il a débouté la société Privilèges voyages de sa demande à ce titre ;

— sur les mesures de réparation :

Considérant que la société Privilèges voyages est bien fondée à solliciter que soit prononcée, sur le fondement des articles L711-4, a) et L714-3 du cpi la nullité de la marque DESTINATIONS PRIVILEGE n°083606035 comme portant atteinte à la marque antérieure PRIVILEGES VOYAGE n°00 3 034 195 ; qu’il y a lieu de l’ordonner ;

Qu’elle demande en outre l’octroi de 60 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon et de 35 000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale, sans autre précision ; qu’elle ne justifie toutefois d’aucun préjudice économique, si ce n’est un préjudice moral découlant de l’utilisation de l’imitation de sa marque pour la vente de services de voyages organisés moyenne gamme, alors qu’elle propose des voyages à la carte très haut de gamme, ce qui entraîne une dévalorisation de sa marque, et celui résultant de la confusion entretenue avec la dénomination sociale de la société appelante, de nature à dévaloriser son image ; que ces préjudices seront suffisamment réparés par l’octroi d’une somme de 5 000 € au titre des actes de contrefaçon et d’une somme de 3 000 € au titre des actes de concurrence déloyale, sommes au paiement de laquelle il convient de condamner la société Destinations privilège ;

Considérant qu’il convient également, accueillant les demandes de la société Privilèges en ce sens, d’interdire à la société Destinations privilège de reproduire et faire usage sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit directement ou indirectement, par personne interposée, de la dénomination 'DESTINATIONS PRIVILEGE', et ce, sous astreinte provisoire pendant une durée de trois mois de 1 000 € par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision, la liquidation de l’astreinte restant de la compétence du juge de l’exécution, d’ordonner la modification de la dénomination sociale de la société Destinations privilège au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon, dans les trois mois qui suivent la signification de l’arrêt à intervenir et ce, sous la même astreinte provisoire, d’ordonner la radiation du nom de domaine www.destinations-privileges.com et les liens qui lui sont associés et ce, sous la même astreinte ; qu’en revanche, il n’y a pas lieu d’accueillir la demande de publication, qui n’apparaît pas s’imposer en la cause ;

— sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive :

Considérant que la plupart des demandes de la société Privilèges voyages ayant été reconnues comme bien fondées, l’action engagée et poursuivie par elle ne saurait être qualifiée d’abusive ; qu’il convient

de confirmer le jugement qui a débouté la société Destinations privilège de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;

Considérant que pour le même motif, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Privilèges voyages à payer à la société Destinations privilège une somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens et de statuer de nouveau de ces chefs dans les termes prévus au dispositif ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a débouté la société Destinations privilège de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive,

Le confirme de ce dernier chef,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit qu’en déposant et en faisant usage de la marque 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ n° 08 3 606 035, de la dénomination sociale 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ et du nom de domaine 'destinations- privilège.com', la société Destinations privilège a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque 'PRIVILEGES VOYAGES’ n°00 3 034 195 et usage de cette marque imitée,

Dit qu’en faisant usage de la marque 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ n° 08 3 606 035, de la dénomination sociale 'DESTINATIONS PRIVILEGE’ et du nom de domaine 'destinations-privilège.com', la société Destinations privilège a, en portant atteinte à la dénomination sociale de la société Privilèges voyages, commis des actes de concurrence déloyale à son égard,

Prononce la nullité de la marque DESTINATIONS PRIVILEGE n°083606035,

Condamne la société Destinations privilège à payer à la société Privilèges voyages la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice subi du fait des actes de contrefaçon et la somme de 3 000 € en réparation de son préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

Ordonne la transmission par le greffe du présent arrêt à l’Institut national de la propriété industrielle, aux fins de transcription sur le Registre national des marques, dès qu’il sera devenu définitif,

Interdit à la société Destinations privilège de reproduire et faire usage sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit directement ou indirectement, par personne interposée, de la dénomination 'DESTINATIONS PRIVILEGE', et ce, sous astreinte

provisoire pendant une durée de trois mois de 1 000 € par infraction constater à compter de la signification de la présente décision,

Ordonne la modification de la dénomination sociale de la société Destinations privilège au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon, dans les trois mois qui suivent la signification du présent arrêt et ce, sous astreinte provisoire pendant une durée de trois mois de 1 000 € par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision,

Ordonne la radiation du nom de domaine www.destinations-privileges.com et les liens

qui lui sont associés et ce, sous astreinte provisoire pendant une durée de trois mois de 1 000 € par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision,

Dit que la liquidation de l’astreinte reste de la compétence du juge de l’exécution,

Rejette la demande de publication,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Destinations privilège et la condamne à payer à la société Privilèges voyages la somme de 8 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Condamne la société Destinations privilège aux entiers dépens de première instance et d’appel.

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