Cour d'appel de Paris, 16 décembre 2015, n° 15/05427

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 16 déc. 2015, n° 15/05427
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/05427
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bobigny, 20 avril 2015, N° F12/03232

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRÊT DU 16 Décembre 2015

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 15/05427

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Avril 2015 par le Conseil de prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY RG n° F 12/03232

APPELANTE

SNC EUROMASTER FRANCE

XXX

38330 MONTBONNOT SAINT-MARTIN

N° SIRET : 392 527 404 04670

représentée par Me Marie-Raphaëlle PALERMI, avocat au barreau de PARIS, toque : C648

INTIME

Monsieur D A

XXX

XXX

né le XXX à XXX

comparant en personne,

assisté de Me Lionel PARIENTE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0372

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

— Madame Marie-Antoinette COLAS, conseiller faisant fonction de président de chambre

— Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

— Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 30 juillet 2015

Greffier : Mademoiselle Marjolaine MAUBERT, lors des débats

ARRET :

— contradictoire.

— prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, conseiller faisant fonction de président de chambre et par Madame Marjolaine MAUBERT, greffier en stage de pré-affectation auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE';

M. A a été engagé par la SNC EUROMASTER FRANCE suivant contrat de travail à durée indéterminée du 4 novembre 2002, en qualité de responsable de centre de services, statut agent de maîtrise. En dernier lieu, il était responsable du centre du service du Blanc-Mesnil statut cadre expert.

La rémunération moyenne brute s’élevait à la somme de 2728,53 euros et les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des services de l’automobile.

Deux mises à pied disciplinaires ont été notifiées au salarié les 15 février et 26 mars 2012.

Postérieurement à un entretien préalable du 20 juillet 2012, la SNC EUROMASTER FRANCE a notifié à Monsieur A son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien-fondé des sanctions disciplinaires et de son licenciement, Monsieur A a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny aux fins d’obtenir des rappels de salaire et diverses indemnités.

Par jugement du 21 avril 2015, le conseil de prud’hommes de Bobigny, statuant en départage, a jugé que le licenciement prononcé était dénué de cause réelle et sérieuse, a condamné la SNC EUROMASTER FRANCE à verser à Monsieur A les sommes suivantes :

—  20'000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  5457,06 euro au titre de l’indemnité légale de licenciement,

—  8185,56 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

—  1863,31 euros au titre du rappel de salaire lien avec la mise à pied à titre conservatoire du 9 au 30 juillet 2012 outre les congés payés afférents,

—  1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud’hommes a ordonné le remboursement par la SNC EUROMASTER FRANCE à l’organisme pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié à concurrence de six mois et a débouté Monsieur A du surplus de ses demandes.

Appelante de ce jugement, la SNC EUROMASTER FRANCE demande à la cour de le confirmer en ce qu’il a rejeté les demandes d’annulation des mises à pied disciplinaire et de l’infirmer pour le surplus. Elle s’oppose en effet aux différentes demandes formulées par le salarié en lien avec la rupture du contrat de travail.

A titre reconventionnel, elle réclame une indemnité de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur A conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et réclame une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la cour d’appel.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l’audience.

MOTIFS';

Sur le licenciement';

En application des dispositions de l’article L. 1235 -1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties… si un doute subsiste, il profite au salarié.

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il incombe à l’employeur d’établir la réalité des griefs qu’il formule.

La lettre de licenciement du 27 juillet 2012 qui circonscrit le litige énonce les griefs suivants :

— les pertes considérables révélées lors des inventaires successifs':

*inventaire semestriel des stocks du centre de Blanc-Mesnil de mars 2012,

*inventaire de l’activité «'entretien auto à domicile'» du 30 mai 2012,

*inventaire des stocks du centre de Blanc-Mesnil du 21 juin 2012,

— le non-respect des procédures afférentes à la gestion des achats locaux malgré une lettre recommandée du 15 février 2012 à laquelle était joint un plan d’action administratif établi par le service audit tant sur la facturation que sur les procédures de gestion des stocks,

— le défaut de réponses aux demandes d’explication du service «'contrôle factures'» entre avril et juin 2012 concernant l’achat de produits auprès de fournisseurs nationaux, non retrouvés en stock.

D’après les éléments communiqués, le responsable de centre service est non seulement le garant de la qualité de service à la clientèle […] mais encore doit s’agissant de la gestion et de l’administration':

— suivre et améliorer le compte de résultat,

— analyser le compte de charges avec le chef de secteur et le contrôleur de gestion,

— analyser les résultats commerciaux de l’agence en collaboration avec le responsable opérations,

— contrôler les consommations agence et les écarts,

— assurer la gestion des impayés,

— gérer les achats et les stocks,

— surveiller les achats,

— appliquer et faire appliquer la politique commerciale nationale d’achats,

— réaliser des inventaires journaliers, rechercher les écarts, passer les commandes, réaliser deux fois par an un inventaire complet,

— suivre le stock, le tenir à jour, diminuer les stocks dormants.

Sur le grief en lien avec les pertes considérables révélées lors des inventaires successifs';

Sur l’inventaire du 29 mars 2012 ;

Monsieur A soulève la prescription des faits en lien avec cet inventaire du 29 mars 2012 celui ayant été réalisé au-delà du délai de deux mois avant l’engagement de la procédure disciplinaire.

L’employeur explique avoir appris seulement lors de l’entretien préalable du 20 juillet 2012 que l’inventaire avait été effectué sans que le salarié ait respecté les procédures exigées s’agissant de la fermeture du centre au public, de la participation de Madame Y et des techniciens à l’intégralité de l’inventaire.

Il lui fait aussi grief de n’avoir pas réalisé dans le même temps l’inventaire de l’activité «'Entretien Auto à domicile'» et de n’avoir pas conservé de document afférent à cet inventaire

La SNC EUROMASTER FRANCE peut difficilement soutenir qu’elle n’a pas appris dès l’intervention de l’auditeur et de la monitrice administrative du 2 au 6 avril 2012 que l’inventaire de l’activité «'entretien auto à domicile'» n’avait pas été effectué, et que le document normalement établi lors de l’inventaire n’avait pas été conservé.

S’agissant des conditions dans lesquelles l’inventaire du 29 mars 2012 a été réalisé, l’employeur communique les témoignages de Madame Y, M. X, M. B et M. Z qui exposent, de façon convergente, qu’ils n’ont pas participé à l’inventaire du vendredi 30 mars 2012.

Outre que la force probante de ces quatre témoignages émanant de salariés engagés dans un lien de subordination à l’égard de l’employeur est limitée puisqu’il s’agissait pour eux de témoigner en défaveur de leur supérieur hiérarchique dont ils savaient qu’il faisait alors l’objet d’une mise à pied conservatoire, la cour relève d’une part que ces témoins n’évoquent pas la réalité de la présence ou l’absence du public lors de la réalisation de l’inventaire, d’autre part, qu’une question demeure sur la date à laquelle a été réalisé l’inventaire puisqu’il est fait état dans les écritures des parties du 29 mars essentiellement et que ces quatre salariés se limitent à évoquer l’absence de leur participation à cette opération, pour la seule journée du 30 mars 2012.

Dans ces conditions, la preuve d’un mensonge de la part du salarié sur le respect ou non de la procédure relative à l’inventaire du 29 mars 2012 n’est pas rapportée.

La cour relève par ailleurs que les deux personnes intervenues du 2 au 6 avril 2012 avaient relevé des anomalies pour avoir constaté que les stock étaient faux.

Compte tenu de la vigilance que l’employeur déployait depuis plusieurs semaines vis-à-vis de Monsieur A qui s’était vu notifier deux sanctions disciplinaires passant par des mises à pied au cours du premier trimestre 2012, le constat des deux personnes ayant réalisé l’audit début avril 2012 et ayant relevé que les stocks étaient faux n’a pas spécialement alerté l’employeur, ce qui rend inopérant tout reproche a posteriori sur cet inventaire.

Sur l’inventaire de l’activité «'entretien auto à domicile'» du 30 mai 2012';

Cet inventaire a été réalisé le 30 mai 2012 en présence du service audit qui a conclu « au vu des résultats, force est de constater que la gestion du stock de cet EAD est quasi-inexistante. Il est temps de réagir et de mettre les actions nécessaires en place afin que la situation ne s’aggrave pas davantage. Dans un premier temps, il est indispensable de résorber le retard de facturation au plus vite'».

Le salarié invoque lui-même les éléments sur lequel s’appuie l’employeur à savoir :

— la perte totale de marchandises (- 27 263,52 euros) portant majoritairement sur des pneumatiques,

— une absence de fiches diagnostics correspondant aux articles passés en pertes,

— des retards dans la saisie des fiches de diagnostic et dans la facturation des bons de travail devant normalement intervenir dans un délai d’un mois,

— les sorties de marchandises non justifiées par des bons de mise en transfert.

Monsieur A justifie par la communication des fiches de postes «'assistants commerciaux'» et des «'techniciens entretien auto à domicile'» ainsi que par le plan d’action qui lui a été remis à la suite d’un audit que la majorité des tâches listées sur ce plan sont partagées entre lui et l’assistante commerciale en charge notamment de la facturation.

Il invoque également les vols dont a souffert le centre de Blanc-Mesnil ayant d’ailleurs abouti au licenciement pour vol d’un salarié technicien de l’activité entretien auto à domicile en juillet 2012.

Sur l’inventaire des stocks du 21 juin 2012';

L’employeur justifie que l’écart négatif d’inventaire après régularisation du stock s’élevait à -7830,24 euros.

Des écarts inexpliqués étaient constatés essentiellement sur les huiles avec une perte de 221 litres, et sur les pneumatiques avec une perte de 55 enveloppes Tourisme et sur 8 postes «'freinage'». Il en déduit que cet inventaire révèle la persistance d’un réel problème dans la gestion du stock placée sous la responsabilité du salarié qui persiste à ne pas respecter les procédures internes, en particulier en ne réalisant pas l’inventaire journalier systématique prescrit par la procédure.

Le salarié réplique qu’il devait faire face à une surcharge croissante de travail liée au manque de personnel notamment lors des congés ou absences de certains d’entre eux pour maladie. Il précise que le remplacement de son assistante les 8 et 17 février 2012 n’a pas été suffisant et que lui-même n’a pas été remplacé lors de ses propres absences.

Sur la gestion des achats locaux et nationaux';

La SNC EUROMASTER FRANCE reproche encore au salarié le non-respect de la procédure interne relative à la gestion des achats locaux et nationaux et communique l’attestation de Madame C, responsable du service audit qui rappelle les procédures à suivre, explique les irrégularités découvertes en décembre 2011 à l’origine de la sanction notifiée au salarié en février 2012 et fait état de la découverte en juin 2012 du fait que Monsieur A était toujours en retard dans le traitement des factures.

Ce témoin conclut son attestation en précisant que les pertes annuelles de stock s’élèvent à environ 630 Keuros en intégrant les vols avec effraction dans les 350 agences, que la moyenne de ces pertes par agence est de 1,8 keuros ce qui est sans commune mesure avec la seule perte constatée pour l’agence de Blanc-Mesnil.

Il ressort de l’analyse des éléments communiqués de part et d’autre et précédemment relevés qu’alors qu’aucune remarque, aucune sanction, aucun rappel à l’ordre n’a été adressé au salarié pendant les neuf premières années de la collaboration, deux mises à pied disciplinaires et un licenciement pour faute grave lui ont été notifiés en quelques cinq mois, les reproches récurrents étant liés au respect des consignes à l’occasion des inventaires, au retard pris dans l’établissement des factures et au constat des pertes importantes de matériaux dans les stocks.

Si la matérialité de certains des constats opérés et des griefs exposés par l’employeur est établie par les documents communiqués, un doute raisonnable, légitimement invoqué par les premiers juges et partagé par la cour subsiste sur le caractère sérieux des motifs invoqués pour justifier le licenciement disciplinaire prononcé. En effet, au regard d’une collaboration sérieuse et sans incident pendant plusieurs années, des sanctions disciplinaires sévères notifiées au salarié coup sur coup à un mois d’intervalle au cours du premier trimestre 2012, de la vigilance accrue de la direction et des services d’audit immanquablement connue du salarié, le constat de la persistance de certains retards ou des pertes constatées sur les stocks du fait, notamment, du non respect de la réalisation d’un inventaire journalier systématique prescrit par une procédure référencée 6F0008C, pose la question de l’imputabilité et plus spécialement de la suffisance des moyens, notamment humains mis à la disposition du salarié pour qu’il puisse assumer pleinement les missions qui lui étaient dévolues. A tout le moins, un doute subsiste sur la réalité de la réitération de négligences fautives de la part du salarié, l’employeur ayant choisi de se placer sur le terrain disciplinaire, étant rappelé que l’insuffisance professionnelle ne peut caractériser une faute disciplinaire, a fortiori grave.

Le doute devant profiter au salarié, la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse';

En l’absence d’objections de la part de l’employeur sur les condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes d’indemnités en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a accordé à M. A une indemnité de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 3000 euros sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d’appel.

La SNC EUROMASTER FRANCE qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement';

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SNC EUROMASTER FRANCE à verser à Monsieur A une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SNC EUROMASTER FRANCE de sa demande d’indemnité sur ce fondement,

CONDAMNE la SNC EUROMASTER FRANCE aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT

FONCTION DE PRÉSIDENT

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