Cour d'appel de Paris, 9 janvier 2015, n° 13/12823

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 9 janv. 2015, n° 13/12823
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/12823
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 8 avril 2013, N° 12/17010

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRÊT DU 09 JANVIER 2015

(n° 2015- , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/12823

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Avril 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 12/17010

APPELANT

Monsieur J Q R Y

XXX

XXX

Représenté par Me R TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

INTIMÉE

Madame H Z épouse Y

C/o Madame A

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING-DURAND- LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de Me Anne-Lise SALMON, avocat au barreau de PARIS, toque : R233 substituant Me Coralie GAFFINEL, avocat au barreau de PARIS, toque R233

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 novembre 2014, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère, chargée d’instruire le dossier.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne VIDAL, présidente de chambre

Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Anne VIDAL, présidente de chambre et par Madame ARBOUCHE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M J Y et Mme H Z se sont mariés le XXX sous le régime de la séparation de biens à l’issue de plusieurs années de vie commune. Par ordonnance de non-conciliation en date du 21 octobre 2011 le domicile conjugal pour lequel existait un retard dans le paiement des loyers a été attribué à Mme Z. Une saisie-conservatoire a été pratiquée à la demande du bailleur le 1er mars 2012 convertie en saisie-vente le 5 juin 2012 après jugement d’expulsion en date du 12 avril 2012. L’ordonnance de non-conciliation a été frappée d’appel et dans son arrêt en date du 13 septembre 2012 la cour d’appel de Versailles a désigné Maître B notaire aux fins de procéder aux opérations de liquidation et de partage et notamment d’établir un inventaire ou recollement du mobilier dont les tableaux de l’ancien domicile conjugal, de la résidence secondaire et du domicile actuel de M Y, la cour précisant en ce qui concerne les tableaux dont la propriété est disputée entre les époux, que les éventuelles restitutions se feront à l’issue des opérations d’inventaire menées par le notaire lesquelles sont toujours en cours ainsi que la procédure de divorce.

M Y a obtenu le 25 juin 2012 une ordonnance du juge de l’exécution faisant injonction à Mme Z de lui restituer les quatre oeuvres du peintre E D, (trois lavis 64x49cm et un tableau huile sur toile 200x140cm acquis le 23 juin 1998), conservées par elle, les dix autres ayant fait l’objet de la saisie. Mme Z a fait opposition à cette ordonnance le 7 août 2012. Par jugement en date du 9 avril 2013 le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande de relevé de forclusion de M Y à l’encontre de l’ordonnance du juge de l’exécution, admis M Y à former directement sur assignation à jour fixe une demande autonome visant à faire reconnaître sa propriété sur les toiles litigieuses en l’absence d’autorité de chose jugée de l’arrêt qui, ayant seulement désigné le notaire aux fins de recollement des tableaux, ne s’est pas prononcé sur leur propriété, dit que les oeuvres saisies, (quatre huiles, deux gouaches et quatre lavis), étaient la propriété de M Y, que le tableau acheté le 23 juin 1998 était la propriété de Mme Z, débouté M Y de ses demandes portant sur les autres tableaux et Mme Z de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive.

M Y a interjeté appel de cette décision et dans ses conclusions notifiées le 24 octobre 2013 il demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a dénié sa propriété sur les quatre oeuvres du peintre D retenues par Mme Z et non remises à l’huissier à l’occasion de la saisie du 1er mars 2012, de dire qu’il est l’unique propriétaire de l’intégralité des oeuvres signées E M et plus particulièrement des quatre oeuvres retenues par Mme Z, de condamner cette dernière à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts outre une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Il soutient que l’ensemble des oeuvres de E D a été acheté par lui antérieurement au mariage des époux en décembre 1999 sous le régime de la séparation de biens et à la rédaction du contrat de mariage énumérant les biens de chaque époux, que les factures non contestées font foi de l’origine de l’achat et constituent également une présomption de propriété, ces tableaux ne figurant pas dans l’acte de mariage comme des dons de M Y à Mme Z et le tribunal ayant à tort admis contre cet acte notarié de simples preuves testimoniales, que les manoeuvres et moyens utilisés par son ex-épouse en raison de la volonté délibérée de lui nuire justifient que soit indemnisé le préjudice en résultant à hauteur de la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Dans ses conclusions notifiées le 19 septembre 2014 Mme Z demande à la cour de débouter M Y de l’ensemble de ses prétentions, de confirmer le jugement en ce qu’il a octroyé à M Y la propriété de sept des toiles saisies, (quatre huiles, une gouache et deux lavis 64x49cm), et octroyé la propriété de la grande toile à Mme Z , de l’infirmer et de dire qu’elle est propriétaire des deux petits lavis de nus 42x29,5 et de la gouache de la femme à la robe saisis et vendus aux enchères ainsi que de deux lavis de nus 64x49cm conservés par M Y , de dire que M Y a offert à Mme X, amie du couple et marraine de leur enfant, un lavis de nu 64x49cm et le condamner au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts outre une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Elle soutient que :

— sur les quatorze oeuvres de C D revendiquées et non décrites par M Y dix tableaux ont été remis à l’huissier dans le cadre de la saisie conservatoire pour loyers impayés et vendus aux enchères le 6 juin 2014 ;

— elle est propriétaire en sus du grand tableau dont la propriété lui a été reconnue par le jugement déféré de deux lavis (64x49cm) que M Y détient abusivement ainsi que de deux lavis (42x29cm) et d’une gouache représentant une femme en robe qui ont été vendus aux enchères,

— M Y a reconnu lui-même dans une lettre de mise en demeure adressée à son épouse le 12 mars 2010 n’être propriétaire que de neuf des quatorze oeuvres qu’il revendique aujourd’hui,

— en application de l’article R 222-11 du code de procédure civile les objets revendiqués doivent être déterminés alors que M Y ne décrit pas les quatre oeuvres litigieuses non saisies,

— aucune facture n’est produite concernant le tableau vendu aux enchères représentant une femme en robe,

— le contrat de mariage rédigé par un ami de son époux est peu précis dans sa description des biens des époux,

— les deux petits lavis vendus aux enchères et deux des cinq lavis 64x49 cm étaient sa propriété comme le démontrent les attestations de Mme N-O et de Mme X versées aux débats,

— elle est également propriétaire de la gouache de la femme à la robe pour laquelle n’existe aucune facture,

— elle n’est pas en possession des quatre oeuvres non saisies, (trois lavis 64x49cm et un tableau huile sur toile 200x140cm), revendiquées par M Y qui s’est emparé de trois d’entre elles, le troisième lavis 64x49cm ayant été offert à Mme X,

— l’attitude de M Y qui diligente des procédures abusives doit être sanctionnée sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile et lui a également causé un préjudice qui sera réparé par l’octroi de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

MOTIFS DE LA DECISION :

Considérant que devant la cour Mme Z ne soulève plus l’irrecevabilité de la demande de M Y et forme un appel incident tendant également à revendiquer la propriété de certaines oeuvres de E D de sorte qu’indépendamment de la désignation de Maître B par la cour d’appel de Versailles et de la question de l’actuel détenteur des oeuvres litigieuses, étant précisé que la saisie-vente a abouti à la vente de dix oeuvres le 6 juin 2014, la cour doit dans le cadre du présent litige examiner uniquement la propriété des quatorze oeuvres de E D revendiquées par l’un ou l’autre des époux ;

que sur les dix oeuvres objet de la saisie vente du 6 juin 2014 Mme Z ne conteste pas la propriété de son époux sur deux lavis de nus 64x49 cm, une gouache 104x75cm représentant une femme en maillot de bain et quatre huiles dont trois 55x46cm et une 46x38cm ;

que demeure en litige la propriété des oeuvres suivantes de E D:

— la gouache 104x75cm représentant une femme à la robe et les deux lavis de nus 42x29,5cm saisis et vendus depuis le jugement déféré,

— les quatre oeuvres non saisies dont les parties sont en désaccord quant à leur détenteur actuel :

— une huile sur toile 200x140cm,

— trois lavis de nus 64x49 cm ;

Considérant qu’en application des dispositions de l’article 1538 du code civil tant à l’égard de son conjoint que des tiers un époux peut prouver par tous moyens sa propriété exclusive sur un bien et les présomptions de propriété résultant du contrat de mariage peuvent être combattues par tout moyen ;

que les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés appartenir indivisément à chacun pour moitié ;

Considérant, comme l’a relevé à juste titre le tribunal, que le contrat de mariage ne donne aucune description des oeuvres apportées par Mme Z puisqu’il est uniquement fait mention de divers tableaux sans autre précision ;

que la cour relève que les termes ambigus de la lettre adressée à son épouse par M Y ne permettent pas davantage de retenir comme le soutient Mme Z que ce dernier ne revendiquait alors la propriété que de neuf des quatorze oeuvres litigieuses ;

qu’en revanche les factures émanant de la galerie Zürcher et adressées à M Y en date des 29 mars 1997, 23 juin 1998, 9 juin 1999, 15 décembre 2000 et 27 juillet 2001 donnent une description des oeuvres acquises par M Y qui correspond par la mention de leur format et de la technique utilisée aux quatorze oeuvres de E D litigieuses à l’exception d’une gouache sur papier puisque seule l’acquisition d’une des deux oeuvres de ce type et de ce format est mentionnée dans la facture du 27 juillet 2001 qui ne décrit pas le sujet de cette oeuvre ; que la cour relève cependant que Mme Z ne conteste pas la propriété de M Y sur la gouache sur papier de ce format représentant une femme en maillot de bain ;

que la description des oeuvres litigieuses figurant sur les dites factures est également reprise en ce qui concerne les dix oeuvres saisies dans le bordereau de la vente aux enchères du 6 juin 2014 établie par Maître Olivier DOUTREBENTE, commissaire-priseur ;

qu’à l’exception de la gouache de la femme à la robe dont la propriété est revendiquée par Mme Z et pour laquelle il n’existe pas de facture d’achat, il convient de dire que les dites factures corroborées pour les oeuvres saisies par le bordereau de vente permettent de retenir la propriété de M Y sur les oeuvres suivantes de C D par lui revendiquées soit:

XXX, quatre huiles dont trois 55x46cm et une 46x38cm, une huile sur toile 200x140cm, la gouache sur papier 104x75cm représentant une femme en maillot de bain ;

que pour apporter la preuve que son époux lui a fait don de l’huile sur toile 200x140cm, de deux lavis de nus 64x49 cm et des deux lavis de nus 42x29,5cm, Mme Z verse aux débats deux attestations de Mme G et de Mme N-O qui concordent sur l’existence d’un cadeau de M Y à Mme Z le 9 juillet 1998, jour de ses 31 ans, d’une oeuvre de E D dont la description identique dans les deux témoignages permet de considérer qu’il s’agit du grand tableau huile sur toile 200x140 cm acquis par M Y quelques jours plus tôt le 23 juin 1998 ;

que ces éléments permettent de confirmer le jugement qui a attribué la propriété de cette oeuvre à Mme Z au regard des éléments établissant la remise de ce tableau à titre de don manuel par M Y à son épouse ;

qu’en ce qui concerne les deux petits lavis de nus 42x29,5cm, objet de la facture n°9729 du 29 mars 1997, Mme Z établit également le don manuel de ces oeuvres par M Y en produisant le témoignage de Mme N-O qui mentionne précisément le don de ces deux petits dessins de nus par M Y à son épouse ;

qu’en revanche Mme Z ne démontre pas lesquels des cinq lavis de nus 64x49 cm décrits dans la facture n° 98 172 du 23 juin 1998 établissant l’acquisition de ces tableaux par M Y sont devenus sa propriété comme elle le revendique pour deux d’entre eux, le troisième étant présenté comme un cadeau fait à Mme X ;

qu’en effet l’imprécision de la description de ces nus figurant dans les attestations versées aux débats ne permet pas d’établir que les deux nus non saisis et revendiqués par Mme Z sont ceux que lui aurait offerts son époux alors même que le témoignage de Mme N-O mentionne que M Y, s’il envisageait de faire don de deux d’entre eux à son épouse, prévoyait également d’en conserver deux autres pour lui ; que ces tableaux faisaient en outre l’objet d’un accrochage dans un cadre commun pour quatre d’entre eux et qu’enfin Mme X se trouve en possession du dernier de ces nus de format 64x49cm qu’elle atteste lui avoir été offert par M Y ;

qu’il convient en conséquence de dire que M Y est propriétaire des oeuvres de E D ci-dessus décrites à l’exception du tableau 200x140cm et des deux petits lavis de nus 42x29,5cm ;

qu’aucun document n’établissant la propriété exclusive de l’un des époux sur la gouache de la femme à la robe, il convient en application des dispositions de l’article 1538 du code civil susvisé de dire que ce tableau appartient indivisément aux deux époux pour moitié et de débouter les parties du surplus de leurs demandes ;

Considérant en effet que dans le contexte conflictuel du divorce des deux parties il ne peut être invoqué par Mme Z ou par M Y une quelconque volonté de nuire particulière à la présente procédure de sorte que les parties seront déboutées de leurs demandes respectives en dommages-intérêts, le caractère abusif de la dite procédure n’étant pas démontré ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision contradictoire :

— Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté M Y de sa demande relative à trois des cinq lavis de format 64x49cm et en ce qu’il a attribué la propriété des deux lavis saisis de format 42x29,5cm et de la gouache représentant la femme à la robe à M Y ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

— Dit que les cinq lavis de nus de format 64x49cm étaient la propriété de M Y jusqu’à la vente sur saisie en date du 6 juin 2014 ;

— Dit que les deux lavis de nus de format 42x29,5cm étaient la propriété de Mme Z jusqu’à la vente sur saisie en date du 6 juin 2014;

— Dit que la gouache sur papier de format 104x75cm représentant une femme à la robe appartenait jusqu’à la vente sur saisie en date du 6 juin 2014 indivisément à M Y et à Mme Z pour moitié à chacun ;

Y ajoutant,

— Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

— Fait masse des dépens qui seront partagés par moitié entre les deux parties .

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

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