Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 7 décembre 2016, n° 14/13621

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Chronologie de l’affaire

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Me Aude Simorre · consultation.avocat.fr · 26 septembre 2018

Par une décision du 11 juillet 2018, n°17-12605, la Cour de Cassation précise le délai de prescription applicable à l'action du salarié contre son employeur en paiement de ses cotisations de retraite. Dans le cas jugé par la Cour de Cassation, un salarié poursuit son ancien employeur pour obtenir le paiement de ses cotisations de retraite complémentaire. Le salarié considère que l'assiette de cotisation retenue à l'époque par son employeur n'est pas la bonne. En effet, il considère que les avantages en nature qui lui étaient alloués auraient dû être pris en compte par son employeur dans …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 9, 7 déc. 2016, n° 14/13621
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/13621
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 13 novembre 2014, N° F12/05015
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 07 Décembre 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 14/13621

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 novembre 2014 par le conseil de prud’hommes de PARIS – section encadrement – RG n° F 12/05015

APPELANTE

SA X B

XXX

XXX

représentée par Me Alain MENARD, avocat au barreau de PARIS, L0301 substitué par Me Elise MIALHE, avocat au barreau de PARIS,

INTIME

Monsieur E Z

XXX

XXX

né le XXX à XXX

comparant en personne, assisté de Me Anne-sophie HETET, avocat au barreau de PARIS, P0220

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 juin 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Christine LETHIEC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseillère Greffière : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Catherine SOMMÉ, présidente et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. E Z a été engagé par la SA AGF, aux droits de laquelle se trouve la SA X B, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 octobre 1978, pour y exercer les fonctions d’inspecteur administratif. A compter du 1er juillet 1979, le salarié a été détaché en Côte d’Ivoire, en qualité de directeur administratif et financier et responsable informatique des Assurances Générales de Côte d’Ivoire, filiale des AGF.

M. E Z a démissionné le 26 décembre 1989, son préavis ayant pris fin le 31 mars 1990.

L’entreprise qui employait, au jour de la rupture, plus de dix salariés, est assujettie à la convention collective nationale AGIRC de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1967 et de la convention collective de retraite et de prévoyance du personnel des sociétés d’assurances du 5 mars 1962.

Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. E Z a saisi, le 7 mai 2012, le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande tendant à voir condamner la société X B à régulariser sa situation auprès des organismes de retraite complémentaire.

Par jugement rendu en formation de départage le 14 novembre 2014, le conseil de prud’hommes de Paris a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société X B, condamné celle-ci à régulariser la situation de M. E Z auprès des organismes de retraite ARRCO, AGIRC et L-D en leur versant le montant des cotisations assises sur l’ensemble de ses éléments de rémunération, incluant les avantages en nature, qui n’avaient pas donné lieu à cotisation pour la période courant du 1er juillet 1979 au 31 mars 1990, dit n’y avoir lieu à exécution provisoire, condamné la société X B au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné la société X B aux dépens.

Le 15 décembre 2014, la société X B a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 27 juin 2016 et soutenues oralement, la société X B demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de débouter M. E Z de l’intégralité de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 27 juin 2016 et soutenues oralement, M. E Z sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Il demande la condamnation de la société X B à effectuer un rattrapage de cotisation de retraite complémentaire sur une base de 666 540 €, et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir et, à titre subsidiaire, sa condamnation à lui verser la somme de 865 654 € à titre de dommages et intérêts au titre de ses préjudices en valeur actuelle probable. Il forme une demande reconventionnelle de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l’audience des débats.

SUR QUOI LA COUR

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription

La société X B soutient que l’action de M. E Z tendant à reprocher à l’employeur de ne pas avoir respecté certains accords ou l’auraient obligé à cotiser sur une assiette élargie a nécessairement la nature d’une action en paiement de salaire, que le délai de prescription applicable est donc celui relatif aux actions en paiement de salaire, que les cotisations contestées par M. E Z sont assistes sur les périodes de salaire du 1er juillet 1979 au 25 mars 1990, qu’en application des articles 2277 du code civil puis L. 3245-1 du code du travail, l’action se prescrivait au plus tard le 25 mars 1995, de sorte que l’action engagée par M. E Z le 7 mai 1991 est prescrite.

La société appelante soutient en second lieu que l’action de M. E Z tendant à lui reprocher de ne pas l’avoir bien informé sur les modalités de cotisation au régime de retraite complémentaire a nécessairement la nature d’une action en responsabilité contractuelle ou délictuelle, que le point de départ de l’action de l’intimé se situe à la date de la réception de la lettre que lui a adressée la société, le 26 juin 1979 l’informant que son affiliation serait faite sur la base d’appointements théoriques en francs français appelé aussi «'salaire de comparaison'», que l’action se prescrivait au plus tard le 29/30 juin 2009 en application des règles transitoires de la loi du 17 juin 2008 de sorte que l’action engagée par M. E Z le 7 mai 2012 est prescrite.

L’intimé affirme que la prescription trentenaire de l’article 2262 du code civil, en vigueur au moment des faits, est applicable à l’obligation de l’employeur de régler les cotisations découlant de l’affiliation du personnel à un régime de retraite, qu’en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 ayant substitué une prescription de cinq ans à la prescription trentenaire, le délai de 5 ans court à compter du 19 juin 2008, date de l’entrée en vigueur de la loi de 2008, et expire le 19 juin 2013, de sorte que l’action qu’il a engagée en mai 2012 n’est pas prescrite. M. E Z a fait encore valoir que le délai de prescription court à compter de la date de la prise de retraite, que la société appelante n’a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail par défaut d’information concernant la protection sociale de M. E Z en sa qualité d’expatrié faisant observer à cet égard que sa lettre de détachement du 26 septembre 1979 et son annexe ne faisaient pas référence aux conventions et textes sur la retraite applicables aux expatriés et qu’il n’a pu connaître précisément le dommage subi qu’au moment où il a pris sa retraite.

En l’espèce, l’action de M. E Z ne repose pas sur le défaut de l’employeur d’affiliation de son salarié aux différents régimes de retraite et notamment de l’AGIRC, ni sur l’absence de paiement des cotisations lui incombant au regard de la base de calcul qu’il a déclarée mais sur la contestation de l’assiette sur laquelle il a réglé les cotisations pendant la période où le salarié a travaillé en Côte d’Ivoire, soit du 1er juillet 1979 au 31 mars 1990.

Le fondement de la demande en régularisation de cotisations s’analyse en une demande en révision de l’assiette servant de base au calcul des cotisations normalement dues, lesquelles, selon le salarié, aurait dû tenir compte de la totalité de la rémunération perçue à l’étranger, y compris les avantages en nature.

La demande de M. E Z est une action qui tend à la rectification et au rétablissement de ses droits réels, se trouvant minorés au moment de la liquidation de sa retraite auprès de l’AGIRC du fait de l’employeur, en raison d’une prise en compte prétendument erronée des éléments devant entrer dans la détermination de l’assiette servant au calcul des cotisations qui étaient dues à la fois par le salarié et par l’employeur, de sorte que cette action en responsabilité entrait dans le champ de la prescription trentenaire de l’article 2262 ancien du code civil.

La loi du 17 juin 2008 a substitué l’article 2224 à l’article 2262 du code civil en réduisant à cinq ans le délai de prescription.

L’article 2222 du code civil dispose qu’en cas de réduction de la durée de la prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l’espèce, M. E Z a saisi le conseil de prud’hommes le 7 mai 2012 de sorte que son action serait susceptible d’être en partie, prescrite, en application des dispositions précitées.

Toutefois, la prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

M. E Z dont le dommage n’a pris naissance et n’est devenu certain qu’au jour de la liquidation de ses droits à retraite, soit le 1er octobre 2015, est recevable en son action.

Il y a lieu de confirmer le jugement qui a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription.

Sur la détermination de l’assiette servant de base au calcul du montant des cotisations au régime de retraite complémentaire

Le présent litige porte sur sur le préjudice financier subi par M. E Z dans le cadre du régime de retraite AGIRC pour lequel il n’a pas acquis la totalité des points du fait de l’absence de soumission à cotisation par la société X B, venant aux droits de la société AGF, sur une partie de sa rémunération.

Il s’agit de déterminer les sommes perçues par le salarié du 2 octobre 1978 au 31 mars 1990 et qui devaient entrer dans l’assiette servant de base au calcul du montant des cotisations.

L’article L 242-1 du code de la sécurité sociale stipule que, pour le calcul des cotisations assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérés comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire.

Les dispositions de cet article sont reprises par :

— la convention collective nationale AGIRC de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et notamment l’article 5';

— la convention collective de retraite et de prévoyance du personnel des Sociétés d’assurances du 5 mars 1962, et notamment l’article 6';

— le règlement du régime de retraite professionnelle Y du personnel des sociétés d’assurances du 30/06/1978.

Il est établi qu’au cours de sa période d’expatriation en Côte d’Ivoire, M. E Z bénéficiait, outre sa rémunération, d’un logement de fonction garni de mobilier, de la prise en charge par son employeur des frais relatifs à ce logement (eau, électricité, téléphone), d’un véhicule de fonction et de la prise en charge d’un billet d’avion aller-retour entre la Côte d’Ivoire et Paris, chaque année, pour chacun des quatre membres de la famille. Ces avantages correspondent à des avantages en nature au sens de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale.

La société X B fait valoir que M. E Z ne pouvait pas bénéficier de la retraite complémentaire AGIRC-ARRCO dans le cadre d’une procédure dite d’extension territoriale au sens de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et de l’accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961, à défaut de dispositions spécifiques applicables aux expatriés contenues dans la convention de retraite et de prévoyance du personnel des sociétés d’assurance du 5 mars 1967 invoquée par M. E Z, ou d’affiliation volontaire de l’intéressé par la société X B au régime de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO, de sorte que le salarié était affilié au régime local de protection sociale. Elle affirme qu’elle n’était donc pas tenue de cotiser au régime de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO et elle se prévaut des dispositions de l’article 16 de la convention AGIRC et de l’accord intervenu avec M. E Z quant au calcul des cotisations au régime de retraite complémentaire sur une assiette théorique, correspondant à un salaire perçu en France pour des fonctions similaires.

La société X B souligne avoir régulièrement informé le salarié quant à l’assiette retenue pour les cotisations au régime de retraite complémentaire dans la lettre d’expatriation du 26 juin 1979 ainsi que dans de nombreux courriers adressés pendant toute la durée de l’expatriation de sorte qu’aucune faute n’est susceptible de lui être reprochée.

L’intimé conteste cette argumentation en soutenant notamment qu’il bénéficiait d’une extension territoriale en vertu de la délibération D17 de la commission paritaire de l’AGIRC prise en application de la convention collective nationale AGIRC de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et que conformément à la délibération D5 dans sa rédaction applicable, la société X B aurait du calculer ses cotisations de retraite complémentaire sur l’intégralité des rémunérations au cours de son expatriation.

L’article 5 de la convention collective nationale AGIRC de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, relatif aux cotisations, stipule que celles-ci sont calculées sur les éléments de rémunérations entrant dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale, telle que définie à l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale.

Toutefois, l’alinéa 3 de ce même article pondère ce principe en indiquant que l’identité d’assiette avec celle retenue par le régime général de sécurité sociale ne fait pas obstacle à l’application des dispositions contenues dans des délibérations et prévoyant, dans certains cas, le calcul des cotisations retraite sur un salaire fictif, indépendamment du montant servant à calculer les cotisations de sécurité sociale.

La délibération D17 de la commission paritaire de l’AGIRC, concernant le champ d’application territoriale de la convention collective nationale AGIRC de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, définit la situation de M. E Z, salarié expatrié détaché du siège, dans les termes suivants :

« Les intéressés, quelle que soit leur nationalité (exceptée celle du pays où l’activité est exercée), liés par un contrat de travail conclu ou signé sur le territoire français avec une entreprise sise sur ce territoire et exerçant une activité relevant de la convention collective nationale du 14 mars 1947, envoyés par ladite entreprise dans tout établissement ou entreprise lui-même hors de ce territoire et au sein duquel sont accomplies des activités comprises dans le champ d’application de la convention susvisée ». La délibération D5 la commission paritaire de l’AGIRC, concernant l’assiette des cotisations pour les agents occupés hors de France, dans sa rédaction antérieure à 1996 et applicable à M. E Z stipule :

« Assiette des cotisations

Rémunérations à retenir en ce qui concerne les agents occupés hors de France :

Lorsqu’il s’agit d’agents dont l’activité s’exerce ou s’est exercée hors de France il y a, en principe, lieu de prendre en considération, pour la détermination de l’assiette des cotisations et la reconstitution des services passés, les appointements effectivement reçus convertis en francs sur la base du taux officiel de change, lors de cette perception.

Les indemnités de résidence ne doivent pas être retenues dans les appointements dont il s’agit.

Les points de retraite acquis en contrepartie de cotisations au titre des services accomplis hors de France, sont calculés à partir des sommes converties en francs et effectivement encaissées par les institutions de retraite.

Toutefois, par voie d’accord conclu conformément à l’article 16 de la convention il peut être décidé de se référer aux appointements qui seraient ou auraient été perçus en France pour des fonctions correspondantes».

L’article 16 de la convention AGIRC, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que: « les accords intervenant dans les entreprises pour l’application des mesures prévues par la présente convention, s’ils sont conclus entre l’employeur et la majorité des participants en activité concernés par ladite mesure comportent, pour l’ensemble des bénéficiaires visés auxdits accords et dans tous les cas, le même caractère obligatoire que celui prévu à l’article R. 731-8 du Code de la Sécurité sociale».

En l’espèce, la société X B se prévaut de cet article 16 pour justifier de l’accord intervenu entre les parties, matérialisé dans la lettre de détachement du 26 juin 1979, indiquant :

«' a) Retraite professionnelle (UCREPPSA)

Etant détaché du siège social vous restez régi par la convention collective parisienne des cadres et de ce fait vous demeurez affilié au régime de retraite et de prévoyance du personnel des sociétés d’assurances ( UCREPPSA).

Cette affiliation est faite sur la base d’appointements théoriques en francs constants, qui sont ajustés au début de chaque année pour tenir compte notamment de l’évolution des salaires dans la profession en France et qui prennent en considération les divers aspects de la situation de l’intéressé( rang hiérarchique, ancienneté, niveau de responsabilité, etc) .

Ces appointements théoriques en francs français sont exclusivement destinés à servir de base au régime de retraite et de prévoyance '».

Par courriers des 5 août 1985, 26 septembre 1986, 20 octobre 1987, 11 octobre 1988, 28 mars 1989, l’employeur a informé M. E Z de l’assiette retenue pour les cotisations au régime complémentaire.

Cependant, la société X B, venant aux droits des AGF, ne démontre pas avoir conclu un accord avec «' la majorité des participants en activité concernés» au sens de l’article 16 de la convention AGIRC, soit les salariés expatriés, de sorte que l’accord individuel entre l’employeur et son salarié ne peut déroger aux dispositions plus favorables de la convention collective AGIRC.

Par ailleurs, le statut de M. E Z est également réglementé par les conventions spécifiques au personnel des sociétés d’assurances.

C’est ainsi que la convention de retraite et de prévoyance du personnel des sociétés d’assurances du 5 mars 1962 définit son champ d’application territorial, en son article 3, dans les termes suivants :

« le présent règlement s’applique obligatoirement à l’ensemble des salariés des entreprises, organisations ou syndicats visés à l’article 2 exerçant leurs activités professionnelles en France métropolitaine ou dont le contrat de travail a été signé ou conclu sur le territoire de celle-ci dès lors que ce personnel a accompli une période de services continus et effectifs chez un même employeur de douze mois s’agissant des producteurs salariés de base et échelons intermédiaires, ou de trois mois s’agissant des autres catégories de salariés ».

L’article 6 de cette convention, relatif à l’assiette de cotisation à retenir, précise que : «pour chaque membre du personnel, le traitement pris en considération est le salaire réel total de l’intéressé tel qu’il résulte de la réglementation et des usages en vigueur’ ».

Dès lors que l’article 8 de la convention du 5 mars 1962 stipule également que «chaque employeur est tenu d’affilier aux différents régimes prévus à l’article 4 (Unirs-ARRCO, AGIRC, Y), le personnel répondant aux conditions stipulées par chacun d’eux. », la société X B ne peut affirmer que ces dispositions ne s’appliquent pas à la situation d’expatriation de M. E Z dont le contrat de travail a été signé en France et qui, détaché dans une filiale en Côte d’Ivoire, a travaillé de manière permanente et pour les besoins exclusifs de la société X B, pendant plus de dix ans.

De plus le règlement du régime de retraite professionnelle Y du personnel des sociétés d’assurances du 30/06/1978, constituant l’annexe 1 de la convention de 1962, dispose, notamment, au Titre IV « Modalités d’application et de calcul du Régime de Retraite supplémentaire des salariés de l’assurance prévu dans la Convention de Retraite et de Prévoyance du personnel des Sociétés d’assurances du 5 mars 1962 »:

«' Article 3 ' Personnel Bénéficiaire

Le régime de retraite professionnel s’applique obligatoirement à compter du 1er jour de travail chez l’employeur au personnel de tous grades : Employé, Agent de Maîtrise, Cadre, Inspecteur du Cadre, Personnel de Direction'.exerçant une activité dans la France métropolitaine ou dont le contrat a été signé ou conclu sur le territoire de celle-ci'

Article 5- Traitement de base

Le traitement servant de base à la détermination d’une part des cotisations prévues à l’article 6c) et, d’autre part de la retraite, est le salaire réel total constitué de l’ensemble des éléments de rémunération servant au calcul de la taxe sur les salaires,

une fois opérés les abattements éventuels pour frais professionnels, selon les règles applicables en matière fiscale. …'».

La note introductive de la convention de retraite et de prévoyance du personnel des sociétés d’assurances du 5 mars 1962 rédigée par la Fédération Française des Sociétés d’assurance indique, également en page 9 :

«'Traitement de base : Le traitement à retenir comprend, en principe, les mêmes éléments que ceux qui concourent à déterminer la rémunération servant de base au calcul des cotisations d’assurances sociales….

Le traitement de base ainsi défini est identique à celui qui sert de base à la déclaration des traitements et salaires fourni chaque année, par l’employeur, à l’Administration des Contributions Directes en vue de l’établissement des impôts sur le revenu, une fois opérés les abattements éventuels pour frais professionnels. Il ne peut lui être inférieur dans tous les cas".

Ces dispositions sont confirmées par l’article 7 de l’accord du 5 mars 1962, portant règlement du régime professionnel de prévoyance du personnel des sociétés d’assurances, et qui définit l’assiette de cotisation dans les termes suivants :

« l’assiette des cotisations est le salaire réel total constitué de l’ensemble des éléments de rémunération servant au calcul des cotisations de Sécurité Sociale » .

Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’en l’absence d’accord conclu entre la société X B, venant aux droits des AGF et de la majorité des salariés expatriés, M. E Z est fondé à se prévaloir cumulativement, des dispositions des conventions collectives des 14 mars 1947 et 5 mars 1962 et que les clauses de son contrat d’expatriation qui dérogent à ces conventions collectives et notamment à son statut propre aux salariés de l’assurance, lui sont inopposables.

C’est donc bien l’intégralité des rémunérations qui devait être prise en compte dans l’assiette des cotisations du salarié, comme prévu dans les conventions collectives.

Sur la demande principale en régularisation de la situation du salarié

M. E Z sollicite la confirmation du jugement qui a condamné la société X B à régulariser sa situation auprès des organismes de retraite ARRCO, AGIRC et L-D, en leur versant le montant des cotisations assises sur l’ensemble de ses éléments de rémunération, incluant les avantages en nature qui n’avaient pas donné lieu à cotisations pour la période courant du 1er juillet 1979 au 31 mars 1990. Il demande que cette condamnation soit assortie d’une astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir.

Il a été précédemment retenu que l’employeur était tenu de cotiser au régime de retraite complémentaire sur la base des éléments de rémunérations entrant dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale, définie à l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale et incluant les avantages en nature.

M. E Z qui s’est vu priver de la possibilité d’acquérir des points de retraite, justifie avoir subi une inégalité de traitement avec des salariés de même niveau de responsabilité restés en France qui, en droit, auraient vu leurs cotisations calculées sur l’assiette définie à l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale et incluant, notamment, les avantages en nature.

Alors même qu’il a été précédemment retenu que l’employeur avait l’obligation de cotiser au régime de retraite complémentaire AGIRC en tenant compte de l’intégralité de la rémunération versée à son salarié, la société X B ne justifie pas cette différence de traitement à l’égard de ce salarié expatrié par un motif légitime ou nécessaire.

Le rapport final du 31 août 2015, établi à la requête du salarié, par M. I J K, actuaire certifié IAF, tient compte précisément des rémunérations versées à M. E Z, des différents avantages en nature dont il a bénéficié au cours de sa période d’expatriation ainsi que des salaires de référence cotisés en France. Il mentionne une retraite annuelle totale manquante de 20 707.75 €, en précisant que le salarié a fait le plein des droits de sécurité sociale et ARRCO mais qu’il n’a pas comblé la totalité de ses droits au titre des tranches AGIRC, la retraite manquante sur la tranche B de l’AGIRC devant être servie sans abattement tandis que celle de la tranche C devant subir un abattement pour anticipation de 9%, du fait du départ de l’intéressé à 63 ans et 5 mois.

Dans son rapport, l’actuaire décrit la méthodologie utilisée et les calculs réalisés. Il précise que «'les éléments des différents avantages en nature étant exprimés en valeur 2011, il convient de procéder à une déflation pour les rendre comparables aux éléments de salaire versé localement qui sont, eux, exprimés en francs de l’époque de versement'». Il retient «'la chronique des valeurs historiques moyennes annuelles du point AGIRC'» reflétant «'l’évolution du pouvoir d’achat des retraites ».

M. I J K justifie le calcul de la «'valeur probable'» (VP) du préjudice du salarié de la façon suivante :

«'Le montant des différents éléments déflatés permet de déterminer le nombre de points à la retraite AGIRC qui auraient été attribués à M. Z, si les cotisations assises sur ces rémunérations avaient été payées. La méthode de calcul est celle retenue par la réglementation AGIRC pour la détermination des droits à retraite sur les tranches B et C de la rémunération. Il est bien sûr tenu compte des salaires soumis à cotisation en France (salaire de référence) pour déterminer ce manque de droits.

Le montant de la retraite complémentaire correspondant à ces droits non cotisés et reconstitués sert de base au calcul du capital constitutif d’une rente viagère réversible à hauteur de 60 % au conjoint survivant.

Le calcul permet de déterminer le montant du capital nécessaire pour garantir jusqu’au décès du bénéficiaire et de son conjoint une rente revalorisée au montant de la retraite qu’aurait servie l’AGIRC.

Les paramètres techniques de calcul de ce capital constitutif sont les suivants :

La table de mortalité retenue est la table TG05F ( table prospective par générations),

Les années de naissance de M. Z (1952) et de Madame (1968) sont intégrées dans le calcul actuariel ainsi que le taux de réversion en vigueur,

Le taux technique est de 1.75% correspondant au taux réglementaire en vigueur au moment du calcul (60% de la moyenne es taux des emprunts TEC 10 des 6 derniers mois),

Le taux de revalorisation future des rentes servies pour compenser l’inflation est fixé à 2% par an .

Ces paramètres conduisent à des valeurs de la VAP en fonction de l’âge présentées dans le tableau ci-dessous :

XXX

XXX

L’âge de départ normal de M. Z est fixé à 60 ans et 9 mois, conformément à la réglementation actuelle, la valeur de la VAP à appliquer pour déterminer le préjudice de M. Z est obtenue par interpolation linéaire entre les deux VAP indiquées ci-dessus.

La VAP retenue est donc égale à 46.173300».

L’appelante qui conteste le calcul effectué par l’actuaire n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause la méthodologie adoptée qui est identique à celle des contrats d’assurance-vie et de rentes viagères.

La cour estime qu’en l’état des explication et des pièces fournies, notamment le rapport de M. I J K non utilement remis en cause, elle dispose des éléments d’appréciation nécessaires pour fixer à 666 540 € la somme devant servir de base au rattrapage par l’employeur des cotisations de retraite complémentaire.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société X B à régulariser la situation de M. E Z au titre des cotisations versées au régime complémentaire de retraite AGIRC, et dont l’assiette inclut l’ensemble des éléments de rémunération dont les avantages en nature qui n’avaient pas donné lieu à cotisations pour la période allant du 1er juillet 1979 au 31 mars 1990, en infirmant la décision quant à la régularisation de la situation du salarié auprès des organismes de retraite complémentaire ARRCO et Y D, l’intéressé ayant été rempli de ses droits.

Ajoutant au jugement entrepris il convient de préciser que cette régularisation des cotisations devra être effectuée sur la base d’une somme de 666 540 € avec effet rétroactif à la date de chaque cotisation éludée pour la période susvisée.

Compte tenu de la résistance de l’employeur à procéder à toute régularisation de la situation de son salarié et afin de garantir l’exécution du présent arrêt, il y a lieu de fixer une astreinte de 150 € par jour de retard, passé le délai de six mois suivant la notification de la présente décision.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société X B qui succombe supportera la charge des dépens d’appel, en versant à l’intimé une indemnité de 3 500 € au titre des frais irrépétibles exposés, en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement en ce qu’il a condamné la SA X B, venant aux droits de la SA AGF, à régulariser la situation de M. E Z auprès des organismes de retraite complémentaire ARRCO et Y D ;

DÉBOUTE’M. E Z de ce chef de demande;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription, condamné la SA X B, venant aux droits de la SA AGF, à régulariser la situation de M. E Z auprès de l’organisme de retraite complémentaire AGIRC, condamné la SA X B au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Y ajoutant,

DIT que la SA X B, venant aux droits de la SA AGF, devra effectuer ce rattrapage de cotisations de retraites complémentaire AGIRC,sur la base de la somme de 666 540 €, et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard, passé le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt ;

CONDAMNE la SA X B, venant aux droits de la SA AGF, à verser à M. E Z une indemnité de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la SA X B, venant aux droits de la SA AGF, aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 7 décembre 2016, n° 14/13621