Cour d'appel de Paris, 18 mai 2016, n° 14/12383

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 18 mai 2016, n° 14/12383
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/12383
Décision précédente : Tribunal de commerce de Meaux, 3 mars 2014, N° 2012008860

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 18 MAI 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/12383

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2014 -Tribunal de Commerce de MEAUX – RG n° 2012008860

APPELANTES

XXX

ayant son siège XXX

XXX

N° SIRET : B 3 20 734 437

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître François MEURIN de la SCP TOURAUT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MEAUX

Ayant pour avocat plaidant Maître Bertrand DURIEUX, avocat au barreau de MEAUX

XXX

ayant son siège XXX

XXX

N° SIRET : 440 048 882

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître François MEURIN de la SCP TOURAUT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MEAUX

Ayant pour avocat plaidant Maître Bertrand DURIEUX, avocat au barreau de MEAUX

INTIMÉE

SA CFTO

ayant son siège XXX

XXX

N° SIRET : B39 3 0 05 806

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Thierry DOUËB, avocat au barreau de PARIS, toque : C1272

Ayant pour avocat plaidant Maître Jennifer RAFAEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0239

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre

Madame Y Z A, Conseillère

Monsieur François THOMAS, Conseiller, rédacteur

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 2 octobre 2009, la société anonyme Centre Français des Tapis d’Orient (CFTO), spécialiste de la vente et de l’expertise de tapis d’Orient, a confié en vue d’un nettoyage à la société à responsabilité limitée Ideal Daim quatre tapis 'Ghoum en soie', dont un aux dimensions suivantes: 2,94 mètres sur 1,98 mètres, représentant des oiseaux de paradis sur les branches de vie dans le jardin d’Eden.

Au cours du nettoyage, ce dernier tapis a été gravement endommagé, en ce que plusieurs zones ont été décolorées et les bordures ont été arrachées en de multiples endroits.

Par lettre du 1er décembre 2009, la société Ideal Daim a déclaré ce sinistre à son assureur la société anonyme Mutuelles du Mans Assurances Iard, laquelle a mandaté un expert le Cabinet Cerrutti qui a estimé le coût de la remise en état du tapis à la somme de 12.000 euros.

Selon courrier du 26 janvier 2012 la société CFTO a vainement mis en demeure la société Ideal Daim de lui verser cette somme .

Contestant le plafonnement de l’indemnisation à la somme de 76,23 euros opposé par les sociétés Ideal Daim et MMA Iard (MMA), la société Centre Français des Tapis d’Orient les a fait assigner par actes d’huissier de justice des 9 et 13 novembre 2012 devant le tribunal de commerce de Meaux qui par jugement du 4 mars 2014 a :

— constaté que les conditions générales de vente annexées au ticket de nettoyage sont inopposables à la société CFTO,

— condamné in solidum les sociétés Ideal Daim et MMA Iard à payer à cette dernière les sommes de:

.12.000 euros TTC représentant des indemnités pour la réparation du tapis avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2012,

.1.000 euros à titre de dommages et intérêts,

.1.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant dernières conclusions notifiées le 25 juillet 2014, les sociétés Ideal Daim et MMA, appelantes, sollicitent:

— l’infirmation du jugement entrepris,

— le rejet de toutes les prétentions de la société CFTO,

— la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon dernières conclusions notifiées le 21 août 2014, la société CFTO, intimée, demande :

— la confirmation du jugement querellé,

— la condamnation des sociétés Ideal Daim et MMA à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive in solidum et la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au soutien de leur appel, les sociétés Ideal Daim et MMA se prévalent d’une des clauses des Conditions générales de vente figurant sur le ticket de nettoyage n° 134634 remis à la société CFTO en échange des quatre tapis à nettoyer selon laquelle ' sans déclaration de valeur inscrite sur le bon de remise en cas de perte ou de détérioration, l’indemnité maximum sera de 76,23 euros '. Elles font, en conséquence, valoir que faute pour la cliente d’avoir fait une déclaration de valeur du tapis litigieux sur le ticket que celle-ci a elle-même rempli, elles sont fondées à lui opposer, en sa qualité de professionnel, cette clause limitative d’indemnisation. Elles estiment que la société CFTO ne saurait tirer argument d’un précédent incident survenu deux années plus tôt alors qu’on ignore si dans cette affaire un ticket de nettoyage sur lequel figurait une clause limitative de responsabilité avait été établi et si la valeur du tapis y avait été mentionnée. Elles contestent que l’estimation du tapis par le Cabinet Cerrutti puisse constituer une reconnaissance de responsabilité ou une offre d’indemnisation. Elles arguent également de la licéité de la clause de plafonnement de l’indemnité entre des parties toutes deux professionnels agissant dans le cadre de leur spécialité. Enfin elles considèrent n’avoir pas commis une faute lourde au sens de l’article 1150 du code civil permettant d’écarter l’application de la clause limitative de responsabilité.

En réplique, la société CFTO revendique, sur le fondement de l’article 1134 du code civil, l’inopposabilité à son égard de la clause limitative d’indemnité figurant sur un ticket au bas duquel elle n’a pas apposé sa signature ; elle ajoute qu’un même différend les a déjà opposées en décembre 2007 sans que l’appelante invoque cette clause, à laquelle elle avait en conséquence au moins implicitement renoncé. Elle soutient également que la clause litigieuse n’était pas connue d’elle pour être imprimée en caractères minuscules. Elle fait encore valoir que cette clause n’est pas licite dans la mesure où elle aboutit à une indemnisation dérisoire de 76,23 euros, hors de proportion avec le montant des dommages subi pour un tapis d’une valeur de 40.000 euros. Enfin, elle considère que la faute lourde commise par la société Ideal Daim permet d’écarter en tout état de cause la clause limitative de responsabilité en application de l’article 1150 du code civil ; à cet effet elle fait grief à cette dernière d’avoir commis un grave manquement à l’occasion du nettoyage du tapis d’exception, entièrement en soie naturelle qu’elle lui avait remis, en ne mettant pas en oeuvre un traitement approprié et en n’ayant pas attiré son attention sur les risques de cette opération, alors qu’une obligation de moyen renforcée pèse sur elle, en sa qualité de professionnel de la restauration et de l’entretien du tapis.

Si sur le haut du ticket n° 134634 versé aux débats figure la mention suivante en caractères majuscules 'TOUT ARTICLE CONFIE COMPORTE OBLIGATOIREMENT L’ACCEPTATION SANS RESERVE DES CONDITIONS GENERALES DE VENTE', ainsi que s’en prévalent les appelantes, il importe de relever que la société CFTO n’a pas porté sa signature et la date au bas du ticket, à l’emplacement prévu à cet effet, de sorte que la clause limitative selon laquelle ' sans déclaration de valeur inscrite sur le bon de remise en cas de perte ou de détérioration , l’indemnité maximum sera de 76,23 euros figurant dans ces Conditions générales ne saurait être considérée comme connue et acceptée par la cocontractante au moment de la conclusion du contrat. De surcroît, l’examen de ce ticket (qui émane nécessairement de la société Ideal Daim et dont aucun élément ne permet de croire qu’il aurait pu être rempli par la cliente, comme le soutiennent les appelantes) fait apparaître que cette clause litigieuse n’est pas suffisamment apparente en ce qu’elle est imprimée en caractères typographiques minuscules et non contrastés, ne permettant donc pas d’attirer l’attention de la cliente. A juste titre les premiers juges ont par conséquent retenu que les conditions générales de vente étaient inopposables à la société CFTO.

Il ne peut être tiré argument du précédent litige ayant opposé les parties en faveur de l’une ou de l’autre, dans la mesure où les conditions dans lesquelles l’indemnité de 10.055 euros a été accordée à l’intimée ne sont pas connues.

Dans la déclaration à son assureur du 1er décembre 2009, la société Ideal Daim a reconnu sa faute dans le traitement du tapis qui lui avait été confié, fortement endommagé ; le cabinet d’expertise Cerrutti a aussi constaté dans son rapport du 29 juin 2010 que plusieurs zones du tapis ont été décolorées et que les bordures ont été arrachées en de multiples endroits. La société Ideal Daim n’a contesté ni en première instance ni en appel ce manquement à son obligation de moyen renforcée conformément aux dispositions de l’article 1147 du code civil. Ainsi, il est acquis qu’elle n’a pas pris en sa qualité de prestataire les précautions élémentaires pour le nettoyage d’un tapis qu’elle savait d’exception, puisqu’il était en soie et provenait de la ville de Ghoum en Iran ainsi qu’il résulte des mentions (soie et Ghoum) figurant sur le ticket de nettoyage. En sa qualité de 'Spécialiste de nettoyage, Réparation de peaux et tapis’ ainsi qu’elle se présente sur son papier commercial, elle ne pouvait ignorer la qualité remarquable du tapis remis, les tapis en soie en provenance de la ville de Ghoum étant réputés mondialement pour les techniques employées, les motifs représentés, les couleurs et les matériaux utilisés, de sorte qu’elle devait apporter au nettoyage du tapis des soins particulièrement méticuleux et avertir sa cliente si cette opération présentait des risques ; elle ne saurait sérieusement prétendre pour s’exonérer de toute responsabilité que la société CFTO est également un professionnel de la même spécialité, car dans cette hypothèse, cette dernière n’aurait eu aucune raison de lui confier cette mission, l’activité d’import, export, vente de tapis ancien, contemporain d’Orient ne pouvant être assimilée à une activité de nettoyage et de réparation.

La clause litigieuse ayant été déclarée inopposable à la société CFTO, il n’est pas utile d’examiner les autres moyens soulevés tiré de l’absence de licéité de la clause de plafonnement de l’ indemnité contractuelle ou de la faute lourde visée à l’article 1150 du code civil.

En toute hypothèse, il peut être néanmoins relevé, à l’instar des premiers juges, que l’indemnité proposée de 76, 23 euros est dérisoire au regard de la valeur du tapis de 40.000 euros , non contestée par les appelantes, donc plus de 500 fois inférieure à la valeur estimée, de sorte que cette clause limitative de responsabilité équivaudrait en réalité à une clause de non responsabilité déguisée non admise.

Les sociétés appelantes critiquent également le montant de l’indemnisation réclamée par la société intimée de 12.000 euros TTC représentant la valeur de réparation du tapis sinistré, en estimant qu’elle n’a pas subi de préjudice, dans la mesure où elle est devenue propriétaire de ce tapis racheté à ses propres clients M. et Mme X pour la somme de 15.000 euros et où le prix des réparations pour le remettre en état s’élève à la somme de 12.000 euros selon l’expert, le bureau Cerrutti, soit au total 27.000 euros, somme qui reste inférieure à sa valeur actuelle d’environ 40.000 euros.

La société intimée objecte qu’elle a été contrainte de vendre à perte un autre tapis Tabriz aux époux X en leur accordant un avoir de 15.000 euros sur un tapis estimé à la somme de 22.600 euros pour ne pas voir sa crédibilité et son professionnalisme entachés par la seule faute de la société Ideal Daim.

L’expert des sociétés appelantes le Cabinet Cerrutti a estimé, sans contradiction des parties, le coût de la réparation du tapis endommagé par la seule faute de la société Ideal Daim à la somme de 12.000 euros HT, qu’à juste titre les premiers juges ont alloué à la société intimée, sans prendre en compte le geste commercial fait par cette dernière à l’égard de ses propres clients. Ils ont également accordé à la société intimée une somme de 1.000 euros qui réparera la préjudice constitué par l’absence d’indemnisation pendant cinq années. Le jugement mérite donc confirmation de ces chefs.

En revanche, la demande supplémentaire en dommages et intérêts pour procédure abusive de 5.000 euros formée par la société CFTO ne saurait prospérer, une action non fondée ne suffisant pas à caractériser l’abus du droit d’ester en justice.

Enfin, l’équité commande d’allouer à la société CFTO une indemnité complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant contradictoirement

CONFIRME le jugement rendu le 4 mars 2014 par le tribunal de commerce de Meaux en toutes ses dispositions, hormis pour la solidarité allouée sur la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens,

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

CONDAMNE les sociétés Ideal Daim et MMA IARD à verser à la société CFTO pour les frais irrépétibles de première instance une indemnité de 1.000 euros, pour les frais irrépétibles d’appel une somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE le surplus des demandes,

CONDAMNE les sociétés Ideal Daim et MMA IARD aux dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

Vincent BRÉANT Françoise COCCHIELLO

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Textes cités dans la décision

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Cour d'appel de Paris, 18 mai 2016, n° 14/12383